mercredi 29 juin 2011

Aborder le vin autrement


Si vous lisez ce blogue avec régularité, vous le savez déjà, je bois surtout des vins du Chili, mais je lis et m'intéresse au monde du vin dans son ensemble. Avec ce que j'ai pu lire ces derniers temps sur divers blogues et forums, disons que je ne suis pas prêt de devenir un buveur plus traditionnel. De manière générale j'ai pu constater un écœurement avec l'annonce des prix des bordeaux primeurs 2010. Certains encaissaient les hausses depuis longtemps sans trop broncher, mais là il semble que pour plusieurs ce soit la goutte qui fasse déborder le vase. Ce que je trouve dommage toutefois, c'est de voir certains amateurs contempler l'idée d'arrêter de s'intéresser au vin à cause de l'inaccessibilité croissante des vins prestigieux. C'est à se demander si ce qui compte le plus c'est le nom sur l'étiquette, et tout ce qui vient avec, plutôt que le vin lui-même. Depuis que je m'intéresse au vin, j'ai toujours été sceptique face à la hiérarchisation à la française et à son aspect définitif. Je ne dis pas qu'il n'y a pas des terroirs plus propices que d'autres à produire des vins de haute qualité, mais ce système est érigé de telle façon qu'il semble affirmer une vérité absolue et permanente. Le problème, c'est que plusieurs croient qu'il s'agit d'une vérité absolue et permanente. Le résultat de la glorification de ce qui se situe au haut de cette pyramide, c'est une dévalorisation de ce qui est plus bas, ou hors de cet édifice immuable. Certains en viennent à penser que pour être un réel amateur, il faut pouvoir accéder au haut de cette pyramide. Sans cela point de salut. Bien sûr, dans un monde idéal il serait intéressant de pouvoir accéder facilement à ces vins, ne serait-ce que pour constater que même si ça peut être très bon, le vin de grande qualité existe aussi ailleurs. Ceci sans compter que le plaisir que le vin peut offrir est multiforme. Il y a beaucoup de très bons vins dans le monde qui sont totalement hors de la pyramide hiérarchique officielle, ou hors de celle parallèle des vins médiatiques à grosses notes. C'est vers ces vins qu'il faut se tourner.

Bien sûr, il est plus difficile de trouver des vins dont presque personne ne parle. Il faut aussi renoncer au pouvoir de l'étiquette, ce qui implique qu'il faut juger par soi-même. En fait, une des conditions de base pour sortir du schéma traditionnel, c'est d'être convaincu qu'il y a autre chose de très bon ailleurs. Si l'amateur qui avait mis son bonheur vinique dans les mains des hiérarchies que je viens d'évoquer, pouvait avec autant de conviction penser que son bonheur peut-être ailleurs. Le pas le plus important serait franchi, car il ne faut pas oublier que l'aspect mental est primordial dans l'appréciation du vin. Votre conviction de départ aura une influence déterminante sur votre appréciation des choses. La dégustation à l'aveugle le démontre très bien. Bien sûr, la conviction n'est pas quelque choses de volontaire et les préjugés sont tenaces. Si on a cru en quelque chose pendant de nombreuses années, qu'on s'y est investi à fond, il n'y a pas d'interrupteur pour renverser les choses. Si, par exemple, vous êtes convaincu que la quintessence de l'assemblage bordelais ne peut s'obtenir que dans sa région d'origine, car c'est de là que ça vient, alors il sera très difficile de vous faire acheter un assemblage de ce type venant de Hawkes Bay, du Languedoc, de Maule, de Mendoza ou de Margaret River. Surtout que ces vins auront leurs particularités, surtout en jeunesse. Si au contraire vous êtes convaincu que Bordeaux n'a pas le monopole de la qualité, et que vous êtes ouvert à apprivoiser les particularités venant avec des terroirs différents, alors là l'histoire change. Bordeaux restera Bordeaux, une référence incontournable à laquelle il fera toujours bon de revenir, mais l'horizon lui se sera passablement élargi.

Bien sûr, je vous entend déjà vous dire que je peux bien parler d'horizons élargis, moi qui se concentre fortement sur le Chili, et vous avez bien raison. Tout ce que je peux dire pour ma défense, c'est qu'au Chili je ne suis pas frustré par les prix. En fait, je demeure convaincu que le Chili est le meilleur pays au monde en terme de RQP, que la variété y est grandissante et que c'est actuellement le pays le plus intéressant à suivre à cause de son évolution rapide. Ceci dit, je suis le premier à reconnaître que mon champ d'action est très limité et que c'est loin d'être l'idéal pour un véritable amateur. Toutefois, il ne faut pas confondre champ d'action et champ d'intérêt. D'ailleurs, je devrais participer plus souvent à des dégustations organisées comprenant des vins d'origines variées. C'est une bonne façon de goûter à beaucoup de choses différentes, et une bonne façon aussi de goûter à certains de ces vins faisant partie de ces pyramides de moins en moins accessibles. Je l'ai fait plusieurs fois dans le passé, et pour moi ça avait l'effet de renforcer mes convictions, tout en balisant le terrain. Comme quoi une fois que quelqu'un est convaincu de quelque chose, il est difficile de lui faire changer d'idée. D'ailleurs, la base du problème demeure les idées que l'on inculque aux gens qui commencent à s'intéresser au vin. On nous rabat toujours les oreilles avec les mêmes lieux communs. Encore hier je suis tombé sur un bel exemple de ce discours convenu qui contribue à convaincre l'amateur qu'il n'y qu'une voie vers le bonheur en matière de vin. C'est un article du site Cyberpresse (voir le lien) où l'on demande à la sommelière Jessica Harnois quels vins des parents devraient mettre de côté aujourd'hui pour fêter les 20 ans de leur enfant. Les réponses de Mme Harnois sont d'un conformisme déplorable. Elle y ressort la hiérarchie traditionnelle avec ses vins aux prix exorbitants. Ce n'est qu'un exemple, bien sûr, mais pour moi il est représentatif de la culture dominante dans le monde du vin. Aucune originalité, aucune audace, toujours la même vision sclérosée des choses, déconnectée de la réalité économique de la vaste majorité des amateurs. Sans compter que ça contribue à légitimer quelque chose qui ne devrait plus l'être. Il y a plein de vins de prix abordables et de très belle qualité qui peuvent être achetés aujourd'hui et qui seront excellents pour le vingtième anniversaire de votre rejeton. Le vin c'est tellement plus que tous ces produits de luxe aux prix gonflés qui n'ont de sens justement que dans une logique de luxe. C'est dommage de constater qu'une partie du patrimoine vinicole mondial est maintenant passé dans cette catégorie, mais le vin à échelle humaine et de grande qualité existe encore. Il me semble que si on aime vraiment le vin on devrait le favoriser et oublier les produits de luxe, même si de l'excellent vin en est souvent l'ingrédient de base.




lundi 27 juin 2011

PINOT NOIR, LAS BRISAS, 2009, LEYDA, VINA LEYDA




Vina Leyda est un producteur exemplaire dans le paysage vinicole chilien actuel. Un producteur indépendant qui a été un des pionniers du mouvement vers la côte au Chili, puis qui fut racheté plus tard par le géant Vina San Pedro. Ce qui est intéressant toutefois, c'est que malgré ce rachat par un gros joueur de l'industrie, Vina Leyda continue de fonctionner comme une unité autonome. San Pedro a d'ailleurs fait la même chose avec un autre excellent petit producteur, Vina Tabali. Ainsi, ces deux producteurs peuvent continuer leur démarche axée sur un terroir particulier, et en même temps ils ont accès à la masse critique d'un gros joueur comme San Pedro. Tabali est déjà un de mes producteurs chiliens favoris, offrant des vins distinctifs et de RQP imbattables. Pour ce qui est de Vina Leyda, les deux blancs côtiers de ce producteur que j'ai pu me procurer dans le passé m'ont favorablement impressionné (voir liens). Ce Pinot Noir est donc ma première expérience avec ce producteur pour un rouge de la région de Leyda. Ce vin provient du vignoble « Las Brisas » planté en 1998 sur une pente orientée au sud-ouest, ce qui réduit l'exposition au soleil et augmente celle aux vents frais du Pacifique. Les rendements sont faibles à environ 30 hl/ha. Une macération à froid de six jours a lieu, avec 30% de raisins entiers, suivi de la fermentation avec levures sélectionnées. Le vin est élevé pendant 10 mois en barriques de chêne français de second usage. Le titre alcoolique est de 14%.

La robe est de teinte rubis et passablement translucide. Le nez est simplement superbe combinant les arômes de cerises et de fraises à de belles notes épicées évoquant la muscade la cannelle et la réglisse. Comme toujours il est difficile de rendre en mots des impressions olfactives, mais une chose est sûre, dès le premier abord, je me suis dit que ce nez faisait très Pinot, mais le Pinot comme je l'aime, avec des arômes francs et nets de qualité supérieure. Le bonheur se poursuit en bouche où l'attaque est vive et déploie un fruit rouge frais et intense amalgamé à d'agréables notes épicées. Le milieu de bouche étonne par sa matière à la fois bien concentrée et légère. Ce vin compact montre une belle fluidité et coule sans effort avec toujours ces saveurs intenses qui irradient. En finale, le mariage entre les caractères fruité et épicé gagne un cran dans l'harmonie et l'intensité, sur une persistance de fort calibre.

Sur ce blogue je ne parle que des vins que j'ai aimé, ou qui selon moi présentent un certain intérêt. Alors je sais que certains lecteurs doivent se dire que j'aime tous les vins, surtout chiliens, que je goûte, sans discernement. Rassurez-vous. Ce n'est pas le cas. Toutefois, avec la bonne connaissance que j'ai de ce pays, je ne choisi pas mes vins au hasard et cela m'aide à minimiser les déceptions. Et quand un vin me déçoit, je n'ai pas l'envie de prendre du temps pour écrire une note de dégustation à son sujet. J'explique tout ça pour faire comprendre le processus qui me fait paraître comme étant toujours positif. Ce qui m'a donné l'envie de cette clarification, c'est que ce Pinot Noir de Vina Leyda m'a vraiment charmé, voire enthousiasmé, et qu'encore une fois mon constat est très positif. Donc, encore une fois j'aurai l'air de jouer le même air. C'est vrai. Difficile d'y échapper. Mais au-delà de la découverte d'un bon vin, ce qui m'enthousiasme c'est quand un vin arrive à symboliser le progrès réalisé avec un cépage encore mal établi. C'est ce que ce Pinot de Vina Leyda arrive à faire selon moi. Du moins, c'est ce qu'il m'a inspiré. J'ai été séduit par son équilibre alliant intensité, fraicheur et fidélité au cépage. C'est un vin prêt à boire, qui coule sans effort, léger dans le sens positif du terme. Un vin où on a pas tenté de trop en faire, de trop en mettre, dans l'unique but d'impressionner, et à la fin, cette retenue qui impressionne. Ce Las Brisas est un autre de ces vins issus de la nouvelle mentalité terroir qui émerge actuellement au Chili . Je reviendrai d'ailleurs bientôt sur ce courant, sur cette nouvelle vague qui conçoit le vin et son élaboration autrement.




jeudi 23 juin 2011

CHARDONNAY, QUILLAY, 2009, BIO BIO, VERANDA




Le Chardonnay, Oda, 2007, de Veranda est un des meilleurs vins chiliens de ce cépage qu'il m'ait été donné de déguster. D'ailleurs, quelques bouteilles oubliées sont encore disponibles sur les tablettes de la SAQ. Cette fois, j'y vais avec la cuvée Quillay Single Vineyard, qui représente l'entrée de gamme de ce producteur. Ce vin est signé Pascal Marchand, c'est le cas de le dire, sa signature étant apposée au bas de l'étiquette. Un autre Québécois aux accointances bourguignonnes, Patrick Piuze qui produit du vin à Chablis, agit comme consultant pour Veranda. Malheureusement, je n'ai pu trouver aucun détail concernant l'élaboration de ce vin qui titre à 14% d'alcool.

La robe est de teinte or pâle. Le nez est plutôt discret, mais on peut quand même y percevoir de frais arômes de pomme et de poire, auxquels s'ajoutent un peu de pêche et de beurre, ainsi que de très légères notes de noix et de caramel. En bouche, le vin est beaucoup plus démonstratif, avec des saveurs intenses qui reflètent bien l'olfactif. L'acidité marque le profil de se vin, ce qui lui donne de la droiture et contribue à l'intensité des saveurs. Le milieu de bouche confirme cette droiture déjà évoquée, en plus de révéler un bon niveau de concentration axé sur la densité de la matière. Quelques degrés Celcius de plus permettent toutefois d'apprécier le vin avec plus de volume et un peu de gras. La finale est harmonieuse, avec une touche d'amertume qui se pointe et une bonne longueur.

Avec ses nouveaux terroirs frais, le Chili est en train de développer un style de Chardonnay qui était totalement absent de son répertoire il n'y a pas si longtemps. C'est-à-dire des vins très frais, à l'acidité presque tranchante qui ne sont pas sans évoquer en bouche, au niveau tactile, les vins de Sauvignon Blanc. L'identité du cépage demeure présente toutefois, au niveau des arômes et des saveurs, mais avec moins de maturité du fruit et moins de volume. L'apport boisé dans ces vins est aussi beaucoup plus discret. En fait, le Chardonnay, avec cette versatilité stylistique, me fait penser à ce que la Syrah peut donner en rouge. Des cépages pouvant donner de bons résultats sous un large intervalle de climats, mais où les différences de style liées au terroir peuvent être très marquées. Il s'agit sans contredit d'un ajout des plus positifs dans l'arsenal chilien. Surtout lorsqu'on tient en compte que ces vin proviennent tous de très jeunes vignes. Ce n'est donc qu'un début. Pour qui voudrait découvrir ce style, et comme ce vin de Veranda n'est pas disponible à la SAQ, je recommanderais deux autres vins qui cadrent avec ce type de profil et dont j'ai déjà parler sur ce blogue, soit le Chardonnay, 20 Barrels, 2007, Casablanca, Cono Sur, ou le Chardonnay, Malvilla, 2008, San Antonio, Vina Chocalan.

mercredi 22 juin 2011

SYRAH, WINEMAKER'S SELECTION, 2009, CASABLANCA, EMILIANA




Une autre Syrah chilienne de climat frais, et un autre vin de Emiliana, leader chilien de la culture biologique et biodynamique. Ce vin est issu du vignoble « La Quebrada », « Le Ruisseau » en français, situé dans la vallée de Casablanca. Il s'agit en fait d'un assemblage qui contient aussi 7% de Merlot et 5% de Viognier, qui a été élevé un an en barriques de chêne d'âge indéterminé (80% françcais et 20% américain). Le vin titre à 14.8% d'alcool et ne contient que 18 mg/L de soufre libre. Avec un tel titre alcoolique, on peut se demander si ce vin provient vraiment d'un climat frais, mais il faut comprendre que la rareté des précipitations dans cette région permet de laisser murir le raisin très longtemps avant la vendange. Certains producteurs peuvent attendre jusqu'à la fin de mai pour cueillir, ce qui est l'équivalent de la fin novembre dans l'hémisphère nord.

La robe est d'une teinte violacée opaque et très intense. Le est d'intensité modérée et exhale de doux arômes de fruits rouges (cerise) et de fruits noirs, auxquels s'ajoute un peu de poivre noir et de feuilles de laurier, un soupçon de vanille, ainsi qu'un léger trait mentholé. Une trace de fumée est aussi présente dans ce nez juvénile où fruité et caractère épicé forment un heureux mariage. En bouche, l'équilibre est surprenant pour un vin si jeune, rien n'accroche, c'est velouté et généreux, avec du fruit doucement épicé à revendre. À ce stade précoce, le vin est juteux et très intense, et montre en milieu de bouche un fort niveau de concentration et un bon volume. Le vin remplit la bouche et les saveurs s'éclatent avec toujours ces tanins de velours et un léger trait d'amertume chocolatée qui fait son apparition. La finale garde le cap de l'équilibre et de l'intensité, sur une bonne longueur et des rémanences de chocolat noir à la toute fin.

Je pensais ce vin trop jeune, et c'est simplement ma curiosité qui m'a poussé à en ouvrir une bouteille. Pour être jeune, il est jeune, mais c'est un de ces cas où prime jeunesse et plaisir coexistent, si tant est que l'on soit réceptif à ce genre de profil. C'est un vin modéré au nez, mais bien démonstratif en bouche, mais qui heureusement ne tombe pas dans l'outrance et dont l'aspect boisé est retenu. Ce qui fait que l'ensemble demeure sous contrôle avec du fruit épicé intense sur une trame soyeuse. J'ai trouvé que ce vin se situait entre deux chaises en terme de style. Il n'a pas la fraîcheur d'arôme d'une Syrah comme celle de Falernia, dont je traitais la semaine dernière, mais en même temps on ne tombe pas dans le profil Shiraz de climat vraiment chaud. Toujours est-il que quelqu'un qui achèterais ce vin en s'attendant un style « climat frais » pourrait être déçu. Mais en terme de qualité ce vin donne entière satisfaction, surtout si on tient compte de son prix de 18.95$. Beau vin avec un bon potentiel de garde, qui en plus a la vertu d'être biologique.




*

mardi 14 juin 2011

SYRAH, RESERVA, 2007, ELQUI, VINA FALERNIA




Vina Falernia, un producteur à propos duquel j'ai lu beaucoup de très belles choses. J'avais donc très hâte de pouvoir enfin goûter un de ses vins. Surtout cette Syrah qui s'est attirée son lot d'éloges ces dernières années, en particulier de la part de la presse britannique. C'est pour ce type de vin que mon intérêt pour le Chili se maintient depuis quelques années. Ce pays permet actuellement de découvrir des vins de pionniers issus de nouvelles régions jusque là inexploitées ou mal exploitées. C'est le cas de la vallée de Elqui, située à la frontière du désert de l'Atacama, au nord du pays. La vigne pousse dans cette région depuis longtemps, mais les Moscatel, Torontel et Pedro Ximenez servaient uniquement, jusqu'à récemment, à la production de pisco. Finalement, en 1998, Aldo Olivier, un producteur de pisco d'origine italienne a décidé de se lancer dans la production de vin sous les conseils de Giorgio Flessati, son cousin et oenologue du Trentin en Italie. Celui-ci lors d'une visite en 1995 avait vu le potentiel de la vallée de Elqui ce qui a mené au développement du projet trois ans plus tard. Pour ce qui est de cette Syrah, Reserva, les raisins la composant proviennent principalement du vignoble Titon, situé à 350 m d'altitude et à 18km de l'océan. C'est un lieu frais et assez humide, marqué par de fréquents brouillards matinaux, où les températures atteignent un maximum de 25ºC le jour et baissent jusqu'à 10ºC la nuit. Une partie minoritaire des fruits provient du vignoble Huanta, situé totalement à l'opposé, à l'extrémité est de la vallée, à une altitude de 2000 m dans le contrefort des Andes. C'est un lieu vraiment spectaculaire (voir lien). Une proportion de 60% du vin a été élevé pendant 6 mois en barriques de chêne d'âge et d'origine indéterminées. Le vin titre à 14% d'alcool et je l'ai dégusté sur une période de deux jours.

La robe est foncée et opaque. Le nez est très expressif à l'ouverture, puis se calme par la suite, demeurant quand même de bonne intensité. Le profil aromatique évoque clairement la Syrah de climat frais, avec des arômes de fruits rouges et noirs, de poivre noir, de fumée, de violette, d'épices douces et d'herbes séchées. Ce nez est vraiment un régal et je ne peux m'empêcher d'y revenir très fréquemment. Un nez vraiment séduisant de par la nature, la fraîcheur et la qualité de ses arômes. La bouche suit et procure elle aussi beaucoup de plaisir, avec des saveurs fraîches et intenses qui reflètent bien ce qui était perçu au nez. L'acidité du vin contribue à l'éclat des saveurs et procure un bon tonus à cet ensemble élancé et compact. En milieu de bouche, on note une concentration de fort calibre, avec une matière bien dense, sur une bonne base d'amertume et une texture tannique raffinée. La finale est intense et très longue avec l'amertume chocolatée qui gagne en importance et les tanins qui montrent juste un peu de mordant.


Après tout ce que j'avais lu sur ce producteur, mes attentes étaient élevées, même si on parle ici d'un vin de prix très abordable. Et bien le moins que je puisse dire c'est qu'elles ont été comblées. Pour le prix payé de 15.95$, la qualité de ce vin est simplement renversante. C'est un jeune vin avec beaucoup de caractère, à l'acidité élevée, et qui est très intense en ce moment. Le profil aromatique évoque immanquablement une expression propre du Rhône nord. Je suis vraiment curieux de voir comment ce vin va pouvoir évoluer. Je pense qu'il possède un potentiel énorme. Le genre de vin qui pourrait en mystifier plusieurs en pure aveugle dans 10 à 15 ans. Bien sûr il s'agit d'un pari en ce moment, mais pour moi il s'agit d'un risque calculé. Un risque que je n'ai pas du tout peur de prendre. Ceux qui ont goûté et aimé la Syrah, 2007, Elqui de Chono devrait aimer ce vin, car son profil aromatique est très similaire. Toutefois, le Falernia est moins prêt à boire. Il est plus concentré, plus intense, plus puissant, avec aussi plus d'amertume. Un vin qui a encore besoin de temps pour trouver son équilibre optimal, même s'il est déjà très bon quand on a le goût d'un vin vibrant de jeunesse.

http://www.youtube.com/watch?v=fSFfiVYGxSo

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/04/syrah-chono-reserva-2007-elqui-geo.html

samedi 11 juin 2011

Le pouvoir de l'étiquette et des préjugés


Le site CyberPresse a initié une série de reportages vidéo portant sur la dégustation à l'aveugle d'un vin choisi par un professionnel. Jusqu'à maintenant, j'ai été impressionné par Guénael Revel qui a identifié un Pinot Noir suisse. Bravo! D'un autre côté, la dégustation du Cabernet Sauvignon, Legado, 2008, Maipo, De Martino par le sommelier Mathieu Guillemette, m'a rappelé avec acuité pourquoi il est si difficile pour les vins chiliens d'être reconnus à leur juste valeur au Québec chez les professionnels du vin. Il était intéressant de voir M. Guillemette aller, pas de mention de végétal ou de plan de tomate de sa part, tiens donc! La beauté de l'aveugle! Une présence de bois pas parfaitement intégré dans un vin si jeune est juste normale. Combien de rouges de cet âge, élevés en barriques, sont des modèles d'équilibre? Mais le clou c'est la réaction du sommelier lors de dévoilement de la bouteille, le pauvre, il faut voir son air penaud. Il est tellement mal à l'aise de ne pas avoir détesté le vin qu'il se sent obligé d'ajouter à la toute fin, dans une tentative de sauver sa crédibilité, qu'il n'est pas un fan!!! Pourtant un vrai professionnel connaissant les rouges chiliens de ce genre aurait dû ajouter que ce 2008 était encore bien jeune et que 5 à 10 ans supplémentaires en bouteille avaient de bonnes chances de donner un beau vin fondu et équilibré. Désespérant...


*

jeudi 9 juin 2011

Vin en bouteille microbiologiquement actif et goût de bouchon: Un lien est-il possible?

À la suite de la discussion initiée sur le forum Fouduvin à propos des problèmes de bouchons, ce qui m’a amené à écrire un petit article sur le sujet sur ce blogue. J’ai continué à lire différents textes à ce propos. Cette mise à jour de mes connaissances sur le sujet, combinée à certaines de mes expériences personnelles à propos des vins dits bouchonnés, m’ont amené à me demander si les experts de la question n’étaient pas passés à côté d’un mécanisme possible pour expliquer une partie du problème des vins bouchonnés. Ce que je vais soumettre ici n’est rien d’autre qu’une hypothèse basée sur mes lectures et mon expérience empirique et n’a évidemment pas la prétention d’être un résultat scientifique.

Ce qui me lisent ici avec régularité le savent, je ne suis pas un buveur de vins très chers. Toutefois, au cours des dernières années, j’ai participé à de nombreuses dégustations de groupe où, contrairement à mes habitudes, je dégustais des vins d’une catégorie de prix passablement plus élevée. Je n’ai pas compilé de statistiques sur la question, mais il est clair dans mon esprit que le taux de vins bouchonnés dans ces dégustations était passablement plus élevé que ce que je rencontre dans ma consommation personnelle de vins de prix plus modestes. Cela m’a toujours étonné, car en principe, qui dit vins plus chers suppose que la qualité des bouchons devrait suivre. En parallèle, j’avais aussi noté le même phénomène pour les arômes phénolés associés à une contamination aux levures Brettanomyces. Donc, les vins plus haut de gamme semblaient présenter un taux de défectuosité pas mal plus élevé que les vins moins chers qui sont mon ordinaire. Dans le cas des arômes “brettés”, l’explication du phénomène m’apparaissait assez simple et relevait de conditions qui permettaient l’activité des levures Brettanomyces, tant en cours d’élaboration du vin, qu’une fois celui-ci mis en bouteille (taux de sulfites, filtration, etc..). Toutefois, ces conditions valables pour les “bretts” ne semblaient pas avoir de lien avec le problème de goûts de bouchon.

Suite à mes lectures récentes sur le problème des vins bouchonnés, j’en suis venu à émettre l’hypothèse que l’instabilité microbiologique pourrait aussi être en cause dans certains cas de vins bouchonnés. Je m’explique. D’abord, il est important de comprendre que le précurseur du 2,4,6-trichloroanisole (TCA), est principalement le 2,4,6-trichlorophénol (TCP). Or le TCP est une molécule hautement toxique, mais pratiquement inodore (1). Ce qui veut dire qu’un vin peut être contaminé par des traces de TCP mais celles-ci seront imperceptibles, même pour le nez le plus sensible. Toutefois, si seulement une partie de ce TCP était transformé en TCA, le même vin serait alors facilement déclaré bouchonné. La conversion de TCP en TCA est une réaction de détoxification qui peut être effectuée par plusieurs type de microorganismes, en particulier des champignons microscopiques (moisissures) (1), (2). Une autre chose que j’ai apprise et qui m’a beaucoup étonné, c’est que le liège est un capteur de TCA (2). Si on expose un bouchon de liège propre à un vin contaminé au TCA, la plupart du TCA en solution dans le vin sera absorbé par le liège. Donc, le liège agirait comme un concentrateur de TCA. Dans ces circonstances, il semble logique de penser qu’une des façons pouvant expliquer ce qu’on appelle le bouchonnage, serait par la présence simultanée dans une bouteille de TCP et d’un microorganisme pouvant convertir celui-ci en TCA. Le bouchon lui capterait une bonne partie du TCA ainsi formé, ce qui lui donnerait sa forte odeur de TCA et expliquerait pourquoi on le tient pour unique coupable du phénomène, au point de parler de vin bouchonné. Je le répète, ce n’est là qu’une hypothèse, et même si elle était juste, ce ne serait qu’une des façons pouvant mener à la contamination du vin au TCA.

Une chose est sûre, les sources potentielles pouvant mener à la contamination du vin par le TCP avant l’embouteillage sont multiples (1), (2). Dans ces circonstances, les vins plus chers, généralement élaborés en prenant plus de risques microbiologiques, semblent plus exposés à la conversion du TCP en TCA. Pour en revenir à mon expérience personnelle, je me dis que la plupart des vins de prix abordables que je bois sont suffisamment sulfités et filtrés. J’ignore s’ils sont généralement stériles, mais mon expérience m’a montré que les cas de bouchonnage sont très rares pour ce type de vins. Alors que dans les vins plus chers, où plusieurs aiment bien laisser faire la nature le plus possible, ça me semble le contraire. Dans le cas des levures Brettanomyces cette philosophie du laisser-aller explique la prévalence plus élevée du problème. Il me semble qu’il y a une possibilité qu’un phénomène semblable puisse expliquer pourquoi le taux de vins bouchonnés est plus élevé chez les vins plus chers. De plus, mon hypothèse semble cadrer avec le caractère apparemment aléatoire du bouchonnage. L’exemple des levures Brettanomyces le montre bien, toutes les bouteilles ne sont pas nécessairement touchées, car la contamination microbiologique des bouteilles par le vin à l’embouteillage est variable. On peut aussi imaginer des cas où le TCP proviendrait du vin, et la contamination microbiologique du bouchon. Aussi, j’ai déjà vu des bouchons provenant de bouteilles bouchonnées où on pouvait clairement voir des colonies de microorganismes ayant poussé sur des lenticelles présentes à la surface du miroir. Ce type de phénomène à la surface du bouchon était pour moi une preuve assez claire qu’une activité microbiologique avait eu lieu dans la bouteille.

Encore une fois, avec ce texte je ne prétend pas annoncer une grande découverte scientifique. Ce n’est qu’une hypothèse personnelle basée sur la littérature et sur mon expérience. Je suis peut-être passé à côté d’un élément qui invaliderait facilement mon hypothèse. Si c’est le cas, je serais heureux de l’apprendre. Aussi, je ne prétend pas que tous les cas de contamination du vin au TCA collent à mon hypothèse. C’est un problème complexe aux causes multiples. Mais la conversion en bouteille des phénols chlorés par des microorganismes qui peuvent y vivre me semble une option à considérer.


 (1)  Evaluation of Enology

(2)   Causes and origins of wine contamination with haloanisoles


mardi 31 mai 2011

CHARDONNAY, 20 BARRELS, 2007, CASABLANCA, VINA CONO SUR


Deuxième vin consécutif dont j'ai déjà traité auparavant sur lequel je reviens (voir le lien). Je suppose que c'est un des premiers signes montrant que ce blogue dure un peu. Ce 20 Barrels fut seulement le troisième vin à avoir fait l'objet d'un commentaire de ma part au tout début de ce blogue en septembre 2009. Si j'en reparle aujourd'hui, c'est que j'en ai ouvert une deuxième bouteille, et si j'en ai ouvert une deuxième bouteille, c'est que ce vin vient d'arriver à ma grande surprise sur les tablettes de la SAQ. Et pour une surprise, c'en est une belle. Il est intéressant de voir la SAQ offrir un Chardonnay chilien de haut niveau qui a déjà un peu de temps de fait en bouteille, et le prix auquel il est offert (22.15$) est vraiment formidable. La bouteille que j'ai ouverte ce week-end m'a confirmé la très belle qualité de ce vin de climat frais. Celui-ci porte l'appellation vallée de Casablanca, mais il provient du vignoble le plus frais de la région car celui-ci est situé à l'extrême ouest de la vallée, à seulement 8 km de la côte du Pacifique. À ce stade de son évolution, le vin se présente avec une structure et une fraîcheur rappelant un vin de Sauvignon Blanc, mais avec une palette d'arômes et de saveurs propres au Chardonnay de climat vraiment frais. Il m'a fait un peu penser au Chardonnay, Malvilla, 2008, Leyda, de Vina Chocalan, sauf que ce 20 Barrels est plus dense et plus concentré. Il faut dire qu'il provient de vignes plus âgées, plantées en 1998. Il sera possible d'acheter ce vin dans 10 jours pour moins de 20$. L'aubaine n'en sera alors que plus formidable. J'ai écrit la semaine passée que Cono Sur était globalement le meilleur producteur de vins blancs du Chili. Cette cuvée de Chardonnay de fort calibre, au prix imbattable, aide à comprendre pourquoi.

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2009/09/chardonnay-20-barrels-2007-casablanca.html

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2009/12/chardonnay-malvilla-2008-san-antonio.html


*

dimanche 29 mai 2011

CABERNET SAUVIGNON, CASTILLO DE MOLINA, 2003, CURICO, VINA SAN PEDRO



J’ai parlé de ce vin il y a un an sur ce blogue (voir le lien). Si j’y reviens aujourd’hui, c’est que j’en ai ouvert une autre bouteille qui dépasse facilement celle ouverte l’an passé, que j’avais par ailleurs bien aimée. Je n’aurais jamais osé amener ce vin, que j’ai payé 13.50$, à une dégustation à l’aveugle du genre “Cabernets du monde”, et pourtant, en y goûtant je me dis qu’il aurait pu en jeter plusieurs par terre.

La robe grenat est légèrement translucide. À l’ouverture, le nez montre de superbes arômes de fruits rouges, ainsi que d’intenses notes de café que je rencontre rarement dans des Cabs chiliens, mais que j’ai fréquemment croisées dans de bons bordeaux. Avec le temps, l’aspect café s’est graduellement atténué pour mieux laisser paraître le reste de la palette aromatique comprenant de subtils arômes de cassis, d’épices douces, de bois de cèdre, de poivron vert et de chocolat noir. Un nez complexe d’une qualité renversante et bien fidèle au cépage dont il est issu. Le ravissement se poursuit en bouche, où le vin se montre sous un jour des plus charmeurs. C’est suave et équilibré, avec des saveurs dont l’intensité est relevée par une bonne acidité, le tout soutenu par ce qu’il faut d’amertume. Le milieu de bouche surprend par sa concentration et montre un bon volume sur des tanins veloutés. La finale est intense et longue, avec l’amertume de chocolat noir qui gagne en importance à la toute fin.

J’avais bien aimé la bouteille précédente de ce vin bue il y a un an, mais celle-ci m’est apparue sensiblement supérieure. Il est difficile de comparer des perceptions espacées par autant de temps. Donc, peut-être que ma préférence peut s’expliquer par une disposition plus favorable de ma part aujourd’hui. Toujours est-il que cette bouteille m’est apparue comme moins évoluée, et avec plus de chair que la précédente. La bouteille dégustée il y a un an m’était apparue comme ayant livré ce que j’en attendais, alors que dans ce cas-ci, ce que j’ai trouvé a dépassé mes attentes. Je n’avais pas l’impression d’avoir affaire a un bon petit vin bien choisi ayant bien évolué, mais plutôt d’être face à un vin d’une catégorie supérieure. Je sais que je tape inlassablement sur le même clou, mais les Cabs chiliens de type Reserva (15-25$) sont à mon avis les meilleurs RQP qui soient pour la moyenne garde. Il faut les acheter jeunes et avoir la patience de les garder 5 à 15 ans. Vous n’impressionnerez peut-être jamais personne avec l’étiquette, mais si c’est le contenu de la bouteille qui vous intéresse, il n’y a pas de meilleur RQP. Et puis pour déculotter les amateurs d’étiquettes, il y a toujours le service à l’aveugle, ou s’il y a un petit fond de malice en vous, le service sous une étiquette plus prestigieuse. Toutefois, à regarder de près l’état de l'étiquette de cette bouteille, même le producteur ne semblait pas trop y croire, ou bien peut-être pensait-il que personne ne prendrait la peine de garder un vin de ce prix...

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/05/cabernet-sauvignon-castillo-de-molina.html


*

lundi 23 mai 2011

SYRAH, RESERVA, 2008, LIMARI, VINA TABALI



L’amateur de vin est généralement amateur de découvertes, à un point où on peut se demander si son but premier est de boire du vin qu’il aime vraiment, ou bien de gonfler le plus possible son bagage d’expériences. Le vin que l’on ne connaît pas encore, mais à propos duquel on a lu, semble toujours plus attirant que la valeur sûre qui était pourtant une de nos découvertes il n’y a pas si longtemps. En ce qui me concerne, cette Syrah, Reserva, 2008 de Tabali est un bon exemple de ce phénomène. Je me souviens d’avoir découvert ce producteur et la nouvelle région de Limari par le biais du millésime 2002 de ce vin. Puis j’ai acheté tous les millésimes suivants jusqu’au 2007. Toutefois, cette année, malgré trois arrivages distincts du 2008 à la SAQ, je n’avais pas encore acheté ce vin malgré que les stocks du troisième arrivage soient presque complètement écoulés. Finalement, ce week-end, en allant acheter quelques bouteilles du Viognier de Cono Sur, j’ai aperçu ce vin et j’ai décidé d’en acheter trois bouteilles, un peu à reculons. Pas parce que je doutais de sa qualité, non, simplement parce que pour moi il n’y avait plus d’effet de nouveauté. Il faut dire aussi que j’ai plusieurs bouteilles des millésimes précédents au cellier. N’empêche, ma réaction face à ce vin m’a bien montré que je suis atteint du syndrome de la nouveauté qui touche beaucoup d’amateurs. Mon intérêt pour le vin tomberait si mon but se limitait à bien boire. Une partie importante de l’intérêt particulier que je porte au vin repose sur l’aspect découverte. Et comme je m’intéresse plus particulièrement au Chili, c’est l’aspect pionnier et innovateur qui pique le plus ma curiosité. Par exemple, pour rester sur le cas de Tabali. Ce producteur vient de lancer une nouvelle gamme de vins issus d’un vignoble appelé Talinay. Ce vignoble aux sols calcaires est situé beaucoup plus près de la côte que les vignobles plus anciens de Tabali. Le climat y est donc encore plus frais et les premiers vins qui en sont issus sont paraît-il d’un calibre étonnant et très prometteurs. Si ces vins étaient disponibles au Québec, il est clair que j’aurais été le premier à vouloir en acheter, pour le vin bien sûr, mais surtout car l’aspect découverte intéressante aurait été présent. Ceci dit, offrir avec constance un style et un niveau de qualité est une chose très importante pour un producteur qui cherche à établir sa réputation chez le consommateur moyen qui recherche d’abord et avant tout un vin qu’il aimera. C’est là une chose que Tabali a réussi à faire avec cette cuvée de base de Syrah. Je doute fort que le millésime 2008 ne poursuive pas sur cette lancée, mais voyons quand même de quoi il en retourne.

La robe est sombre et opaque. Le nez montre que malgré sa courte existence, cette cuvée a déjà une signature stylistique qui lui est propre. Ça sent la Syrah de Tabali, et ça sent bon. Il est bien sûr impossible de faire partager cette impression de typicité avec des mots. Si je vous dit que ça sent les fruits rouges et noirs, le poivre noir, la violette, la fumée, les herbes aromatiques et le chocolat noir. Vous me direz que je ne fais qu’aligner des descripteurs classiques des vins de ce cépage, et vous aurez raison. Eh oui, ce vin est typique de son cépage, mais la signature dont je parle se trouve dans les proportions et les nuances aromatiques, et dans une spécificité que je n’arrive pas à nommer. Ce qui fait que pour moi ce vin est à la fois clairement Syrah et clairement Tabali. Cette impression se poursuit en bouche où l’on retrouve un vin de corps moyen au bel équilibre, déployant une palette de saveurs intenses mariant admirablement l’aspect fruité et le côté épicé. La structure du vin est assez compacte, la concentration est de bon niveau et la trame tannique est délicate et soyeuse. C’est un vin goûteux qui évite les excès et qui coule facilement. La finale est à la hauteur, harmonieuse et intense, avec une longueur surprenante aux relents de chocolat noir.

Ceux qui me lisent avec régularité sur ce blogue connaissent mon amour pour les bons Cabernets chiliens de type Reserva. La mention Reserva au Chili n’a rien de contraignant, mais malgré tout, par la force des choses je dirais, elle réfère à un certain type de vin. Des vins qui ne manquent de rien, mais qui savent éviter les excès. Concentrés mais pas trop, juste assez extraits et sachant généralement éviter l’écueil du boisé trop appuyé. Des vins de compromis entre les impératifs économiques et le nécessaire souci qualitatif. Mais pour moi qui à force d’expériences est de plus en plus convaincu qu’en matière de vin, plus n’égale pas toujours mieux. Ces vins de profils modérés offrent le double avantage de mieux correspondre à mes goûts, tout en présentant un prix des plus avantageux. Ceci dit, même pour ce type de vin, selon les préférences, il faut souvent que jeunesse se passe. N’empêche que ça représente à mon sens une catégorie de vins très attrayante, même si on la regarde souvent de haut à cause de ses prix très abordables, voire top abordables pour certains. Ce type de vins génèrent souvent un effet Veblen inversé... Toujours est-il que si j’y suis allé de ce long préambule, c’est pour en venir à dire que ce vin de Tabali est l’équivalent pour moi, en terme de Syrah, de ce que sont depuis longtemps les bons Cabernets chiliens de type Reserva. Des vins abordables en jeunesse, mais avec un bon potentiel pour la moyenne garde. Des vins plus faciles à boire que les grosses bombes ambitieuses et souvent très coûteuses, et qu’il ne sera pas nécessaire de garder 30 ans sans savoir si finesse et équilibre pourront un jour être réunis. Dans le cas de cette Syrah, le vin n’est pas encore totalement sur la finesse, mais l’équilibre lui est déjà là. Ce vin, malgré mon préjugé favorable à son égard, a tout de même su me surprendre par son niveau qualitatif d’ensemble. C’est vraiment très bon, surtout si on a envie d’un vin sur un généreux profil de jeunesse. Désolé d’en rendre compte si tardivement, le troisième arrivage de celui-ci à la SAQ étant presque complètement écoulé. Ça m’apprendra à ignorer les valeurs sûres.

http://www.wineanorak.com/wineblog/videos/video-another-remarkable-chilean-vineyard-tabalis-talinay-in-limari




*

dimanche 22 mai 2011

Vin bouchonné: Pas toujours facile de s’y retrouver

J’ai lu avec intérêt un fil de discussion sur le forum Fouduvin où l’on traite de vin bouchonné et de la difficulté de retourner des bouteilles coûteuses, jugées défectueuses, à notre monopole provincial. Je comprend qu’il doit être très frustrant de se faire regarder comme un fraudeur potentiel lorsqu’on retourne une bouteille qu’on juge défectueuse en toute bonne foi. Surtout que mon expérience de dégustation en groupe m’a montré que la sensibilité au 2,4,6-trichloroanisole (TCA) est très variable chez les individus. J’ai même rencontré des amateurs qui m’ont avoué ne jamais avoir rencontrer de vins bouchonnés. Par respect je ne leur ai pas dit, mais pour moi c’était une preuve que ces individus étaient insensibles à cette molécule. Ce qui fait que lorsque je retourne une bouteille bouchonnée, je me demande toujours quelle est la sensibilité du préposé qui est supposé valider le défaut allégué du vin. Je me souviens avoir rapporté un jour un vin bouchonné, et la conseillère de la SAQ m’avait dit avant de vérifier le contenu de la bouteille qu’elle était très sensible au TCA. Après avoir bien humer le vin, elle m'a rétorqué que celui-ci n’est pas bouchonné, mais plutôt “bretté” et que cela n’était pas un défaut!!! J’ai gardé mon calme en me contentant de lui redire que je considérais le vin comme défectueux. Comme la bouteille était un Cabernet chilien d’à peine 18$, je suppose qu’elle a considéré qu’il ne valait pas la peine d’argumenter plus longtemps, et a décidé de m’échanger le vin. Toutefois, si la bouteille avait été un bordeaux de bon prix. J’aurais probablement eu droit au test de laboratoire moi aussi. Je n’aurais pas aimé me faire dire que j’avais tort par une analyse de laboratoire, et pourtant je suis chimiste de profession. Car on le sait, bien, l’analyse de laboratoire c’est l’argument massue, l’argument inattaquable, mais pourtant...

Si on me servait l’argument de l’analyse chimique pour me dire que j’ai tort dans une pareille réclamation. J’aimerais bien que ça aille plus loin que de me dire que c’était négatif. J’aimerais avoir des détails. Justement, j’aimerais bien savoir si la SAQ teste les vins seulement pour le TCA, ou bien pour l’ensemble des haloanisoles (bromoanisoles, dichloroanisole, tetrachloroanisole, pentachloroanisole). Aussi, le seuil de détection des chloroanisoles peut être influencé par la présence et la concentration d’autres molécules phénolées dans le vin, comme les chlorophénols et le guaïacol. Selon la littérature, le TCA est considéré comme un défaut à partir de 2 ng/L. Pourtant, les seuils de détections des dégustateurs les plus sensibles peuvent être aussi bas que 0.03 ng/L. Dans ce contexte, il serait aussi intéressant de savoir quelle est la limite de détection des analyses de la SAQ, et quelle est la concentration de TCA qu’elle considère comme un défaut. Selon moi, il y a clairement là beaucoup de place à l’arbitraire, malgré l’apparente incontestabilité de l’analyse de laboratoire. Ceci dit, ça demeure une situation difficile, car la fraude existe sûrement en cette matière, et il y a probablement des clients qui rapportent de bonne foi des vins, en pensant qu’ils sont bouchonnés, alors que ce n’est pas le cas en réalité. Ce qui me semble le plus frustrant, c’est le flou qui entoure le processus d’évaluation des demandes de retour. Une bonne partie de l’issue se joue sur le contact humain avec l’employé qui accueille la plainte. Ajoutez à cela tous les autres défauts possibles du vin, défauts qui pour certains sont au contraire des qualités... On comprend facilement pourquoi retourner une bouteille d’un certain prix n’est pas toujours simple. Extrait intéressant pour finir d'un des deux documents dont je joins le lien

"Recently, Soleas and colleagues (2002) have analyzed more than 2.400 different wines from several countries. The study consisted on tasting the wines by a panel of experts which could detect 2,4,6-TCA at a concentration of 2 ng/L or higher. The conclusions of this study were the next:

I).- The 6.1% of the wines tasted were considered to be affected by cork taint. 

II):- A second analysis of the tainted wines by Gas Chromatography-Mass Spectrometry (GC-MS) showed that only 51% (74) of the wines had 2,4,6-TCA levels higher than 2 ng/L. Therefore, the 49% of the wines initially defined as cork tainted suffered contamination by other unidentified compounds different from 2,4,6-TCA, and probably this taint could not be attributed to the cork stopper."

http://www.scientificsocieties.org/jib/papers/2009/G-2009-0409-599.pdf

http://www.apcor.pt/userfiles/File/Causes%20and%20origins%20of%20wine%20contamination%20%20by%20haloanisoles.pdf

http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=2&t=18340


 
*

samedi 21 mai 2011

VIOGNIER, VISION, BLOC GREFFÉ, 2009, COLCHAGUA, VINA CONO SUR



Le Viognier est en train de remplacer le Chardonnay et le Sauvignon Blanc dans la vallée centrale chilienne. Ces derniers ont désormais migré vers les nouvelles régions plus fraîches, laissant le champ libre au Viognier qui s’adapte mieux aux températures chaudes. Cette cuvée Vision de Cono Sur provient du vignoble Santa Elisa situé dans la vallée de Colchagua. Les raisins ont été vendangés manuellement en avril. 20% du vin a été élevé en barriques de chêne pendant huit mois, le reste demeurant en inox jusqu’à l’assemblage final. Le vin titre à 14% d’alcool, pour un vif pH de 3.05, et 6.8 grammes par litre de sucres résiduels.

La robe est d’une belle teinte dorée. Le nez est agréable et se déploie sur un mélange particulier d’arômes évoquant la mangue, l’orange et l’ananas, ainsi qu’un léger côté d’herbes séchées que je n’arrive pas à nommer avec précision. De légères notes florales et épicées viennent compléter l’ensemble avec subtilité. En bouche, la qualité offerte est tout simplement renversante. C’est équilibré, avec le gras et l’acidité qui sont très bien dosés et qui procurent une sensation tactile des plus plaisantes. À cette solide base s’ajoute une expression des saveurs intense, un niveau de concentration clairement supérieur, et une persistance de très fort calibre. Je n’ai pas perçu de douceur indue provenant des sucres résiduels, probablement à cause de la bonne dose d’acidité que possède le vin.

Le Viognier n’est pas le cépage le plus consensuel, mais cette cuvée Vision de Cono Sur me semble une belle façon d’apprivoiser les vertus de ce cépage. C'est un vin vraiment impressionnant, éclatant et expressif, concentré et long. Au prix demandé (19$), il s’agit à mon sens d’une aubaine formidable. Sous une étiquette plus prestigieuse celui-ci pourrait facilement se vendre 50$ et personne ne trouverait à redire. Les vins blancs d’une telle qualité sous la barre des 20$ sont une denrée rare. Je vante souvent le potentiel de garde des rouges chiliens, mais jamais celui des blancs. La raison est simple, la qualité des blancs de ce pays il y a une dizaine d’années ne m’avait pas donné l’idée d’en mettre de côté pour l’expérience. Toutefois, les blancs chiliens depuis quelques années sont en forte progression, si bien que j’ai commencé à garder quelques bouteilles de ceux que je goûte et qui me semblent les plus inspirants. Ce Viognier de Cono Sur fait assurément partie de cette catégorie. Résultat de l'expérience dans quelques années...


*

samedi 14 mai 2011

CABERNET SAUVIGNON, SINGLE VINEYARD, 2008, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ



Après le Carmenère de la même gamme et du même millésime dont j’ai traité il y a un peu plus d’un an (voir lien), voilà que je remet ça avec le Cabernet Sauvignon. Le vignoble unique d’où le vin est issu est le vignoble Max II situé au coeur de la vallée de l’Aconcagua. Ce Cabernet Sauvignon, malgré son nom, est en fait un assemblage qui contient 12 % de Cabernet Franc. Celui-ci a été élevé pendant 12 mois en barriques de chêne français (83%) et américain (17%), dont le tiers étaient neuves.

La robe est bien foncée et d’une opacité totale. Le nez montre une intensité sous contrôle qui permet de bien apprécier un bel ensemble aromatique avec les fruits rouges et noirs qui dominent, complétés par des notes d’épices douces comme la vanille, de bois de cèdre, de menthol, de pâtisserie et de torréfaction. Un nez très typique des Cabs élaborés par Errazuriz dans cette région. La bouche est suave d’entrée, souple et ample, avec un beau mariage alliant en douceur fruité intense et notes finement épicées, supportés par un trait d’amertume. Le milieu de bouche permet de constater le très bel équilibre de ce très jeune vin, ainsi que son très bon niveau de concentration. La structure est assez compacte, avec une bonne acidité, alors que la texture tannique est soyeuse. La finale voit l’intensité des saveurs gagner encore un cran, avant de décliner harmonieusement pendant un long moment.

Si vous aimez le Cabernet Sauvignon de la gamme Max Reserva de Errazuriz, et bien cette cuvée Single Vineyard est dans un style très similaire, mais avec plus de tout. À 19.95$, ce vin est vendu seulement 1.35$ de plus que le Max Reserva, mais la différence de qualité est plus grande que la différence de prix. Comme le Max Reserva est déjà un très bel achat à son prix, il est clair que ce Single Vineyard représente un fort RQP. C’est un vin qui selon mes préférences est encore bien trop jeune, même s’il peut donner du plaisir dès maintenant. Toutefois, il possède un très bon potentiel pour une garde de 10 à 20 ans. Les Cabernets de Errazuriz ont un potentiel que leurs prix modiques ne laisse pas soupçonner. Un Cab, Estate, 1999, et un Cab, Reserva, 1996, de ce producteur me l’ont rappelé cet hiver lors d’une dégustation à l’aveugle. Parfois à force de rechercher la nouveauté on en vient à oublier les classiques.

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/05/carmenere-single-vineyard-2008.html

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2011/03/degustation-hemisphere-sud.html

*

mardi 10 mai 2011

SAUVIGNON BLANC, NATURA, 2009, CASABLANCA, EMILIANA



J’ai parlé à quelques reprises de ce producteur sur ce blogue. Il s’agit du pionnier chilien en matière de vins biologiques et biodynamiques. Les deux premiers vins certifiés biodynamiques au Chili par DEMETER, les cuvées Ge et Coyam, trônent au somment de la gamme offerte par Emiliana. Pour sa part cette cuvée de Sauvignon Blanc Natura est certifiée biologique IMO Suisse et ne contient que 21 mg/litre de souffre libre.

La robe est de teinte jaune pâle aux légers reflets verdâtres. Le nez est très typique du cépage avec des arômes de citron et de zeste de pamplemousse, amalgamés à des notes végétales d’herbe coupée et de poivron vert. Un léger aspect de roche mouillée vient compléter cet ensemble relativement simple, mais franc et de belle qualité. En bouche, le vin est marqué par une bonne dose d’acidité qui apporte de la tension à un fruité citronné intense. En milieu de bouche, l’aspect végétal ressort avec plus d’acuité pour former un heureux mélange avec le fruit acidulé. La matière est assez dense, avec quand même du volume et un bon niveau de concentration. Le vin a de la présence et remplit bien la bouche. La finale montre un sursaut d’intensité citronnée et surprend par sa longueur.

Voici un bel exemple permettant de comprendre pourquoi le Chili est maintenant une force dans le domaine des vins de Sauvignon Blanc. Avec son profil frais et vif axé sur le citron, et sans présence végétale trop importante. Ce vin correspond à l’idée que je me fais de l’expression de ce cépage dans la vallée de Casablanca. Au prix payé de 15.95$, il est très compétitif parmi les meilleurs exemples chiliens dans cette gamme de prix, et représente évidement une réelle aubaine dans le contexte de l’offre mondiale de vins de ce cépage. En terminant, à chaque fois que je déguste un vin bio, je tente d’y percevoir quelque chose de distinctif, une saveur clairement bio, mais en vain. À l’aveugle, jamais je n’aurais pu identifier ce vin comme bio, ou comme un vin montrant une faible concentration de sulfites. Ceci dit, il est très bon et je suis un partisan des vertus écologiques de l’approche biologique. Le risque d’ingérer des résidus de pesticides est aussi moindre. Mais en terme de qualité dans le verre, l’aspect bio ne me semble pas déterminant.


*

dimanche 8 mai 2011

La table est-elle vraiment l'endroit où le vin est à son mieux?

Je décide de m’attaquer à ce sujet sensible qui me turlupine depuis longtemps, mais que j’avais toujours évité, tellement ma vision des choses à son propos va à l’encontre de ce qui est généralement accepté dans le monde du vin. D’entrée je dois dire que comme bien des Québécois je ne viens pas d’une famille où le vin était chose courante à table. Je n’ai donc pas intégré cette habitude de manière culturelle, et lorsque j’ai commencé à m’intéressé de manière plus assidue au vin et à ses plaisirs possibles, la consommation de celui-ci à table ne s’est pas imposée naturellement. Comme à peu près tout le monde, j’ai commencé à boire du vin lors de repas entre amis. Mais alors mon intérêt pour ce liquide était inexistant. Toutefois, lorsque j’ai commencé à acheter des bouteilles pour moi-même, pour me familiariser avec le vin, pour commencer un certain apprentissage. J’ai vite réalisé que ce n’est pas en mangeant que je pouvais vraiment le mieux apprécier ce liquide multiforme. Dès le départ j’ai trouvé que déguster en mangeant altérait mes perceptions face au vin, même lors d’accords très réussis entre celui-ci et le plat avec lequel je le dégustais. Ce qui fait que la dégustation en mangeant est pour moi plus une pratique sociale, où au mieux je juxtapose deux plaisirs, que l’aboutissement ultime dans l’appréciation du vin. Lorsque je déguste en mangeant, j’ai tendance à séparer autant que possible les deux activités, sauf lors d’accords vraiment très réussis, et même là, je serai curieux de voir ce que le vin donne par lui-même. D’ailleurs, avez-vous remarqué qu’on dit rarement “déguster du vin en mangeant”, mais qu’on parle plutôt de “boire du vin en mangeant”.

Ce que je tente d’exprimer par ce texte n’est pas qu’il est ridicule de boire du vin en mangeant. Non. Ce qui m’embête, c’est l’idée voulant que le lieu suprême de l’appréciation du vin soit la table. Pour moi, ce n’est pas l’endroit idéal pour goûter et humer toutes les subtilités que les bons vins peuvent offrir. Je ne dis donc pas que le vin n’a pas sa place à table, mais il me semble que ce n’est pas l’endroit pour apprécier pleinement un vin fin. Le nez peut souvent y être masqué par l’odeur des plats servis, et en bouche, le palais est immanquablement altéré par la nourriture. Ceci dit, j’admet volontiers qu’il y a des cas où certains vins mariés à certains plats peuvent y gagner, et il peut y avoir une réelle valeur ajoutée lors de mariages vin-mets particulièrement réussis. Je conçois même que c’est un art de réaliser avec succès de tels mariages. Mais comme le vin est une boisson qui se présente souvent sous un aspect difficile à prévoir avec précision, même le mieux intentionné des sommeliers pourra se tromper assez fréquemment, alors imaginez le simple amateur. Je suppose que cette difficulté explique le succès des livres traitant des accords entre mets et vins.

Je n’ai pas la prétention de détenir la vérité en la matière, mais de manière générale, il me semble que plus un vin est fin et subtil, et moins je voudrais le consommer avec toutes les interférences potentielles qu’implique un repas. Je pense que c’est souvent la panoplie de plaisirs potentiels et l’effet rassasiant qu’offre une bonne table, et le lieu de partage qu'elle représente, qui font que plusieurs y voient le lieu idéal pour l’ouverture des meilleures bouteilles. Moi je pense qu’il ne faut pas tout confondre. Un bon repas en bonne compagnie et avec du bon vin au surplus est une expérience qui peut apporter beaucoup de satisfaction sur plusieurs plans. Le repas est le lieu de partage par excellence, on s’y rassasie le corps, mais aussi souvent l’âme et parfois au surplus l’intellect. C’est donc un lieu social généralement positif dans lequel l’alcool pris avec modération cadre très bien. Dans ces circonstances de quasi communion, il est normal de se dire que le meilleur devrait s’y trouver, parce que c’est là qu’il pourra y être le mieux apprécié du point de vue psychologique. Mais il me semble que ça ne permet pas de dire que les bouteilles qui y sont bues le plus rapidement sont nécessairement les meilleures possibles. De bons vins simples et bien faits peuvent généralement très bien faire l’affaire.

Mon argument n’est pas de dire qu’il faudrait cesser de boire du vin à table. D’un point de vue physiologique et social, ainsi que du point de vue de la santé, ça reste encore le meilleur endroit pour en boire. Le domaine des accords entre mets et vins est aussi un sujet très intéressant. Mais du point de vue de l’appréciation la plus juste possible d’un vin et du plaisir objectif que celui-ci peut donner, la dégustation à part me semble celle qui devrait être privilégiée. Personnellement, je sais qu’idéalement je voudrais déguster mes meilleurs vins pour eux-mêmes dans un cadre de dégustation, en ayant le temps de m’y attarder et de les suivre dans le temps.


*

vendredi 6 mai 2011

CABERNET SAUVIGNON, ETIQUETA NEGRA, 2005, MAIPO, VINA TARAPACA



En 2006 Vina Tarapaca a entrepris un sérieux virage en embauchant Ed Flaherty à titre d’oenologue en chef. J’ai eu la chance de discuter avec cet ancien winemaker d'Errazuriz en 2009, lors de la dégustation annuelle de Vins du Chili tenue à Montréal, et il me disait alors qu’il avait rompu avec le style traditionnel de Tarapaca qui tentait de faire du bordeaux au Chili. Selon lui ça ne marchait pas, et il entendait recentrer l'approche de la maison vers un style plus axé sur la maturité. Je ne sais pas ce que le virage entrepris par M. Flaherty a donné, n’ayant depuis goûté qu’un seul vin élaboré sous sa gouverne. Mais quand j’ai eu l’occasion il y a deux ans d’acheter la top cuvée de Cabernet de la maison, élaborée avant son arrivée, et donc dans l'ancien style, je n’ai pas hésité. C’est vrai que ces vins de la vieille école n’étaient pas mes favoris en jeunesse, mais mon expérience m’a montré qu’ils se transformaient pour le mieux après quelques années de garde. Après environ cinq années passées en bouteille, j’ai décidé d’ouvrir la première de mes six bouteilles de cet Etiqueta Negra, pour voir où en était rendu ce vin et voir si la qualité globale était au rendez-vous. Je n’ai pas trouvé de détails sur l’élaboration de cette cuvée en 2005, si ce n’est ce qui est est écrit sur la bouteille, soit que le vin a été élevé 12 mois en barriques françaises du fabricant Séguin-Moreau et qu'il titre à 14.5% d’alcool.

La robe est très sombre et toujours parfaitement opaque. Le nez est typique de l’idée que j’ai des Cabs de cette maison, avec des arômes de cassis, de cerise, de bois de cèdre, de menthol, d’épices douces, auxquels s’ajoutent une pointe de terre humide et de feuilles mortes laissant entrevoir les premiers légers signes d’évolution. En bouche, l’attaque est solide avec une matière assez compacte, une bonne acidité et une palette de saveurs qui reflète bien le complexe profil révélé au plan olfactif. Le léger côté évolué se marie admirablement au fruité et aux diverses notes épicées. Le milieu de bouche permet de bien apprécié ce style vieille école bien dense où il n’y a pas d’enflure et de douceur indues, et où le niveau de concentration est parfaitement ajusté pour servir le style recherché. Il n’y a donc pas de lourdeur ni d’excès dans ce vin qui va à l’essentiel sur une trame tannique à la fois serrée et raffinée. La finale conclue en beauté, en gardant le cap, sur un sursaut d’intensité et une persistance de bon niveau.

Ce vin ne m’a pas déçu. Il m’a donné ce que j’en attendais, c’est-à-dire un Cabernet exhibant un style à la bordelaise taillé dans une étoffe de Maipo. À partir de maintenant, l’aspect Maipo de son profil va aller en s’atténuant, et dans 10 ans il passera à l’aveugle pour bordeaux de bon niveau. Je sais que je me répète. Je sais que le Chili n’est pas synonyme de prestige et de glamour, mais je ne saurais trop recommander, encore une fois, de mettre ce type de vin chilien de côté pour la moyenne garde. Je ne compte plus les expériences à l’aveugle où les dégustateurs ont été favorablement surpris par des vins de ce genre de 10 à 15 ans d’âge. Dans ces circonstances les comparaisons avec des bordeaux beaucoup plus chers étaient immanquables. Oubliez les onéreux wannabes chiliens qui cherchent les gros scores des revues américaines et qu’il faudra garder 30 ans pour espérer trouver quelque chose ressemblant à un alliage d’équilibre et de finesse. Cette cuvée Étiquette Noire est l’exemple même du claret chilien qui se révèle au mieux après seulement une dizaine d’années de garde. Vous pouvez donc acheter ce type de vin à des prix très modiques, sans trop craindre d’être mort avant que le vin ne puisse se livrer avec grâce. Bien sûr en terme de style chacun peut avoir ses préférences, et on peut en aimer une variété, mais si ce à quoi je réfère est un des styles que vous affectionnez prenez une chance. Je dis prenez une chance, car pour goûter un vin de ce genre avec 10 ans au compteur il faut l’acheter soi-même. Le Chili commet la grossière erreur de ne commercialiser ce type de vin qu’en prime jeunesse. Se privant ainsi de rendre facilement abordable une de ses forces méconnues. Il faut donc faire un acte de foi et acheter quand ça passe et avoir la patience de garder ces bouteilles n’ayant pas coûté cher. C’est toujours plus facile de sortir du cellier le vin à 17$ que la grosse bouteille onéreuse.


*

dimanche 1 mai 2011

Pascal Marchand, Bio Bio et le Pinot


Si j'étais né 20 ans plus tard, mon nom aurait très bien pu être Claude Marchand-Vaillancourt, car ma mère était une Marchand. Heureusement, j'ai évité la mode des noms de famille composés et les moqueries sur le fait de courir vaillamment en marchant... Toujours est-il que chaque fois que je tombe sur un texte portant sur le bourguignon d'origine québécoise Pascal Marchand, mon attention est attirée. Je me dis qu'il s'agit peut-être d'un parent éloigné ayant traversé l'Atlantique dans l'autre sens. Quand ce même Marchand relate son expérience chilienne avec le Pinot Noir dans la prometteuse et fraîche vallée de Bio Bio, alors là ma curiosité est doublement sollicitée.

En ce superbe dimanche j'ai décidé d'ouvrir une bouteille de Pinot Noir, Oda, Veranda, 2007, histoire de voir où en est rendu ce vin, car le millésime 2009 fera son apparition dans le courant du mois de mai sur les tablettes de la SAQ. Je voulais donc vérifier si mon enthousiasme initial lors de l'achat de ce vin était toujours justifié. Il l'est. Le vin est vraiment superbe et a très bien évolué. Le nez est fascinant et a développé un caractère me rappelant le ruisseau à truite, avec un mélange d'odeur de forêt, d'arbustes et de roche humide. Cet aspect particulier est entremêlé à des notes de fruits rouges, plus particulièrement la cerise. En bouche c'est tout aussi agréable, avec le fruit qui prend plus de place dans un ensemble très bien équilibré. Ce vin provient de vignoble Miraflores dont la plantation à haute densité a commencé en 2005 sur les pentes surplombant la rivière Bureo dans la vallée de Bio Bio. Cette cuvée est le premier millésime produit et la qualité est simplement renversante quand on pense au très jeune âge des vignes et à la connaissance du lieu qui reste à parfaire. J'ai vraiment hâte de goûter à la version 2009 de ce vin.

Je savais déjà que Pascal Marchand était le consultant de Corpora pour l'élaboration de la gamme Veranda. Toutefois, en savourant ce vin, j'ai fait quelques recherches qui m'ont amené sur le blogue de M. Marchand pour y découvrir deux textes récents et très intéressants de celui-ci sur son expérience avec le Pinot Noir dans Bio Bio. On peut y découvrir un homme de vin reconnu, venant d'une région réputée, qui débarque au Chili avec certains préjugés, mais qui a l'ouverture d'esprit et l'humilité de passer par dessus ces préjugés. L'histoire de l'élaboration de la cuvée Millerandage est très intéressante, alors que M. Marchand a eu la perspicacité de reconnaître le potentiel qualitatif du clone chilien de Pinot Noir « Valdivieso ». Je joins les liens vers les deux textes de M. Marchand sur son cheminement et sa découverte de Bio Bio et sur sa contribution à la création de quelque chose de nouveau. C'est vraiment très intéressant. Ça vous donnera sûrement le goût d'essayer le millésime 2009 du Pinot Noir Oda de Veranda. Je continue actuellement ma bouteille de 2007, et c'est vraiment très bon.







*

mardi 26 avril 2011

SYRAH, PANGEA, 2006, APALTA, COLCHAGUA, VINA VENTISQUERO


Ce vin est la cuvée haut de gamme de Ventisquero pour laquelle on a engagé comme consultant l’ex-winemaker du Grange de Penfolds, John Duval. Je ne doute pas de la contribution positive qu’a pu apporter M. Duval à l’élaboration de ce vin, mais l’embauche de ce type de conseiller renommé est aussi une façon d’apporter une certaine crédibilité à une maison émergente comme Ventisquero. Ceci dit, l’homme réellement en charge de ce vin est l’oenologue chilien Felipe Tosso. Le vin provient d’un vignoble au sol granitique et argileux situé sur les pentes de l’amphithéâtre d’Apalta dans la vallée de Colchagua. La vendange manuelle a eu lieu entre le 10 et le 20 avril pour un rendement limité à un kilo de raisin par plant de vigne. Malgré que le Grange soit élevé en chêne américain, M. Duval lui préfère le chêne français, si bien que c’est ce qui a été choisi pour ce Pangea. Le vin a été élevé en barriques, dont 60% étaient neuves, pour une période de 20 mois. Le vin titre à 14.5% d’alcool pour un pH de 3.70. La note de dégustation qui suit reflète mes impressions deux jours après l’ouverture de la bouteille.

La robe est sombre et opaque. Le nez a évolué au cours de la dégustation. Les arômes de fruits noirs et rouges (bleuets, cerises) de belle qualité représentent la constante olfactive, complétée de manière variable par des notes florales et doucement épicées, ainsi par une touche de bacon assez intense à un certain moment et qui s’est atténuée par la suite. En bouche, l’attaque est à la fois ample et dense. Il est clair que l’on a affaire à un jeune vin avec beaucoup de matière. Les saveurs fruitées éclatantes dominent la palette gustative, complétées par un aspect boisé/épicé bien dosé, où il est difficile de distinguer clairement ce qui vient du bois et ce qui vient du cépage. En milieu de bouche on peut jauger le haut niveau de concentration du vin, qui heureusement évite l’écueil de la lourdeur et de la surextraction. En ce sens, bien que la présence tannique soit affirmée, elle demeure souple et ne donne pas l’impression d’être excessive. La finale est marquée au sceau de l’intensité, avec le caractère épicé qui gagne en importance sur une longueur de haut calibre.

Pour un retour au vin, après un mois de disette, je n’avais à l’évidence pas choisi la meilleure bouteille. Je ne sais pas si c’était le vin où mon palais, ou bien une combinaison des deux, mais la journée de l’ouverture, le vin n’est pas apparu sous un jour très agréable. Il me semblait tout d’un bloc et quelque peu agressif pour le palais. Si bien que je n’ai bu que le tiers de la bouteille cette journée là, le surlendemain toutefois, après avoir gardé le reste dans une bouteille de 500 ml pleine, le vin s’est présenté de façon beaucoup plus harmonieuse. Ça demeurait un vin trop jeune, par rapport à ce que je préfère, mais il était alors possible d’en tirer du plaisir, et surtout de comprendre pourquoi le producteur entrevoit un potentiel de garde de 15 à 20 ans pour celui-ci. C’est clairement un vin ambitieux, construit pour une bonne garde, même si les amateurs de sensations fortes pourront y trouver un certain plaisir dès maintenant après une longue aération. J’ai réussi à mettre la main sur ce vin pour 40$, mais le prix régulier en importation privée au Québec est de 60$. Je n’achète pas de vins au-dessus de 50$ pour ma propre consommation, et celui-ci ne m’inciterait pas à faire exception à ma règle. Ceci dit, il se compare sûrement à bien des vins de ce prix et même plus chers. À titre d’exemple, pour avoir déjà goûté la cuvée Folly de Vina Montes, une Syrah vendue 80$ et venant elle aussi des pentes d’Apalta, j’ai trouvé que la niveau qualitatif et le style de ce Pangea étaient similaires. Comme quoi en matière de vin, la notion d’aubaine est relative. Finalement, pour qui voudrait découvrir la maison Ventisquero sans attendre 10 ans, je conseillerais plutôt la cuvée Vertice, disponible à la SAQ et qui m’est apparue plus approchable. J’ai déjà commenté ce vin sur ce blogue il y a quelques mois. Les gammes Grey (25$) et Queulat (18$) de ce producteur offrent d’excellents vins. Certains de ces vins sont disponibles au Québec en I.P. chez Univin

*

vendredi 22 avril 2011

Un mois sans vin

Vous avez sûrement remarqué que c’est plutôt tranquille ici depuis un mois, surtout en ce qui a trait aux notes de dégustation. La raison est simple. J’ai décidé il y a un mois de prendre une pause complète pour voir ma réaction et évaluer ma relation face au vin et à sa consommation très régulière. On dit souvent que trop c’est comme pas assez, et dans mon cas j’avais l’impression de trop boire et j’avais aussi l’impression d’avoir perdu une certaine fraîcheur dans le regard face au vin. Je voulais donc voir si premièrement je pouvais facilement me passer de ce liquide. La réponse est clairement positive. Autant j’aime le vin, autant je pourrais arrêter d’en boire à tout jamais si je le décidais. Pour moi ce fut un constat très rassurant, même si je n’ai jamais craint l’alcoolisme. Je déteste la sensation d’ivresse et j’ai toujours modulé ma consommation de vin en conséquence. Je ne me suis donc jamais saoulé au vin. Non. Ma crainte était d’avoir une certaine dépendance psychologique, de ressentir une sensation de vide si je n’ouvrais pas de bouteille. J’ai eu beaucoup plus de facilité à résister à l’envie que je ne le croyais, et avec le temps c’était de plus en plus facile. Par cet arrêt de consommation, je voulais aussi voir si cela n’aurait pas un impact positif sur ma forme physique générale. Je n’ai pas constaté de bénéfices clairs quant à mon bien-être physique, si ce n’est que les calories en moins permettent un contrôle plus facile du poids. Pour le reste, je ne me sens pas mieux qu’avant. Ceci dit, je suis conscient qu’un mois c’est quand même relativement court comme période d’abstinence pour pouvoir noter des changements positifs.

Finalement, j’en suis venu à la conclusion que c’est la passion du vin qui me poussait à boire, et non pas le vin lui-même. Je veux dire par là que c’est l’intérêt je portais à la chose qui faisait que je buvais autant. Dans cet état d’esprit on veut découvrir de nouvelles choses, expérimenter, comparer. Si je devais boire le même vin à chaque jour, il est clair que mon intérêt diminuerait tout comme ma consommation. Comme quoi l’intérêt n’est pas dans l’alcool ou dans le vin pour le vin, mais bien dans la diversité des expériences et des apprentissages qu’il peut procurer. On en vient à boire pour en connaître toujours plus, plutôt que simplement pour le plaisir. Le syndrôme de l'expert, du spécialiste, ou de l'amateur gonflable nous guette et il faut se rappeler qu'en matière de vin l'ego n'est jamais loin et que ça peut jouer de vilains tours. Dans ces conditions, le vin ne devient plus l'intérêt premier et c'est notre niveau de connaissance par rapport à celui-ci qui prend le dessus et qu'on cherche à nourir, bien plus face aux autres que pour nous-même.

Aujourd’hui je vais donc ouvrir ma première bouteille depuis un mois. Je ne sais pas encore ce que je vais choisir, mais j’ai bien hâte de voir ma réaction. J’ai hâte de voir si le vin me semblera moins familier. Une chose est sûre pour moi après cette pause, c’est que je boirai dorénavant du vin en sachant que c’est parce que je le décide vraiment, et j’ai l’intention de le décider moins souvent. En matière de vin, comme dans bien des choses, l’équilibre est un élément primordial. À trop boire, même par pure passion, on en vient à perdre de la perspective face au vin et face à notre relation avec celui-ci. Plus que jamais, je suis convaincu qu’en matière de vin, plus ne veut pas dire mieux.


*

samedi 16 avril 2011

Pour amateurs de hors piste


Bill Zacharkiw de The Gazette revient de l'Afrique du Sud et y va cette semaine d'un article intéressant sur le dilemme des pays du Nouveau-Monde face aux distinctions régionales qui les caractérisent (voir le lien). Trop souvent on parle de ces pays comme d'entités homogènes, alors que de plus en plus la notion de terroir s'implante dans le développement des vignobles de ces pays. Le mouvement vers des terroirs plus frais est généralisé, et de plus en plus, les producteurs de ces pays ayant de hautes visées qualitatives tiennent compte des caractéristiques du lieu pour choisir les cépages à planter. Il est révolu le temps où l'on plantait du Cabernet Sauvignon et du Chardonnay au même endroit. Cela se reflète dans la montée en qualité des vins produits, mais la connaissance des diverses régions de ces pays demeure très limitée chez l'amateur moyen. L'attrait de la dénomination par cépage demeure très fort. Pour les producteurs, il est pratiquement incontournable d'inscrire de façon claire sur l'étiquette le cépage utilisé pour les vins monocépages. La seule exception à cette règle concerne les assemblages rouges où de plus en plus les cépages se retrouvent sur la contre-étiquette et dans certains cas ne sont pas mentionnés du tout. La plupart du temps, il s'agit de vins haut de gamme où le prix et l'image de qualité supérieure sont les arguments principaux pour attirer l'acheteur. Pour le reste, le client veut encore se référer au cépage, car la plupart du temps il n'a aucune idée de ce qui peut distinguer une région particulière. C'est pourquoi ces pays sont encore loin du jour où ils pourront imiter les européens en se contentant d'apposer sur l'étiquette un nom d'appellation.

De toute façon, dans le système européen, la plupart des amateurs sérieux connaissent les cépages impliqués dans une appellation, et ce qui compte vraiment c'est l'identité du producteur et la confiance que l'on porte à celui-ci. Comme je le mentionnais dans un texte récent sur le rapport qualité/prix. Ce qui compte c'est de connaître ce que l'on achète et pourquoi on l'achète. S'intéresser aux vins du Nouveau-Monde en augmentant les chances d'y trouver son compte est plus exigeant, de manière générale, que de s'intéresser aux vins européens. Le terrain est moins balisé ce qui demande plus d'efforts de la part de l'acheteur potentiel qui veut maximiser ses chances de faire de bons choix. Malheureusement, l'information pertinente est souvent limitée, ce qui implique que l'expérience personnelle est souvent nécessaire pour avoir une réelle compréhension des choses. Toutefois, même l'exercice d'expérimentation est difficile, car le choix de vins disponibles est souvent très limité. Néanmoins, l'aspect découverte apporte à mon sens une valeur ajoutée à l'expérience. Le jugement personnel de l'amateur est plus sollicité car c'est un monde moins codifié qui est en évolution constante. Un monde moins fréquenté, et donc moins régenté, où la valeur supposée des choses est moins définie. Un monde pour l'amateur de vin qui préfère le hors piste aux sentiers battus.

http://www.montrealgazette.com/life/food-wine/more+about+place+than+grape/4627099/story.html


*

jeudi 14 avril 2011

Le ciment haut de gamme


Le monde du vin en est un rempli de préjugés et d’ignorance... Pour moi jusqu’à tout récemment, cuve en ciment rimait avec producteur bas de gamme qui n’avait pas les moyens de se payer des cuves en inox. La lecture de l’article de Peter Richards, référencé dans mon message précédant, où il parlait de l’arrivée au Chili des cuves de ciment en forme d’oeuf a piqué ma curiosité. Ça m’a poussé à faire des recherches sur le sujet pour me rendre compte que depuis quelques années les cuves de ciment sont la nouvelles choses à la mode chez les producteurs haut de gamme. Les cuves en forme d’oeuf sont plus populaires chez les adeptes de la biodynamie, mais plusieurs autres formes existent. Il semble que l’avantage du ciment, de par sa porosité, soit de permettre d’élaborer des vins sans apport boisé mais qui bénéficient des vertus d’une oxygénation lente similaire à ce que permet la barrique de chêne. L’inertie thermique est une autre qualité attrayante de ce matériau. L’utilisation du ciment n’exclut pas l’usage de la barrique de chêne. Pour la plupart, le ciment semble être un outil de plus permettant d’obtenir de meilleurs vins. Le nombre de domaines haut de gamme utilisant ou expérimentant ce type de cuve est impressionnant. Voici les noms que j’ai rencontré au fil de mes lectures, mais il y en a sûrement plus:

Petrus, Cheval Blanc, Pontet Canet, Harlan, Viader, Sine Qua Non, Chapoutier, Méo-Canuzet, Quintessa, Screaming Eagle, Rudd, Cayuse, Antyial, Matetic, Undurraga, Grgich, Araujo, Pax, Continuum, Caymus, Lafite-Rothschild, Domaine de la Romannée Conti, Clos de Vougeot, Pingus.

Bien sûr, on ne parle pas de cuves de ciment quelconque. Le leader dans la production de ce type de cuve est la société française Nomblot. Je joins le lien vers leur site internet. On y référence de très nombreux articles de presse sur le sujet pour qui veut en connaître plus sur ces cuves alliant matériau ancien et technologie moderne de fabrication.

http://www.cuves-a-vin.com/extraits-presse.html


*

vendredi 8 avril 2011

Qualité et Prix: l'exemple chilien


Le Chili est un des pays où le lien entre concentration, boisé, extraction et prix est le plus direct. Comme ce pays vinicole n'est pas à la mode dans le petit monde des amateurs et des critiques, et comme il ne peut pas non plus jouer la carte du prestige, c'est un des pays où les prix sont fixés le plus directement selon les critères évoqués plus haut. Les top cuvées très chères de ce pays suivent presque toutes le modèle du plus c'est mieux. Le reste de la gamme des producteurs est souvent décliné selon le même principe. Les prix baissent en même temps que la concentration et l'apport boisé. C'est un peu normal, la concentration élevée s'obtient par de faibles rendements au vignoble, et l'usage de bois neuf de qualité coûte cher. Toutefois, comme je l'évoquais dans mon texte précédant, pour qui veut des vins pour consommation à court et moyen terme, ces grosses cuvées sont de très mauvais achats. Les vins moins chers sont souvent plus faciles à boire et reflètent mieux leur cépage(s) et leur lieu d'origine.

Ce constat sur les vins du Chili peut sembler négatif, mais pour moi il ne l'est pas. Pour bien boire, peu importe l'origine des vins, il faut connaître ce qu'on achète et agir en conséquence. Personnellement, je suis rendu à un point avec les vins chiliens où j'achète certains vins que je connais bien sans en ouvrir une seule bouteille en prime jeunesse. Ils passent directement au cellier en attente du moment propice pour les ouvrir. Ceci dit, j'ouvre encore des bouteilles que je sais trop jeunes, mais la plupart du temps c'est pour satisfaire ma soif de découverte, pour apprendre à connaître des producteurs et des cuvées qui jusque là m'étaient inconnus.

Donc, pour tirer le meilleur parti d'un pays ou d'une région vinicole il faut bien la connaître pour s'y adapter au mieux. Ça aide à éviter les déceptions et à porter de mauvais jugements. Mais pour continuer sur le cas que je connais le mieux, celui du Chili. Il est intéressant de constater que les mentalités changent. Que certains producteurs tentent de sortir du moule évoqué plus haut, après l'avoir expérimenté. C'est le cas de De Martino et de son maître à penser, l'oenologue en chef Marcelo Retamal. Celui-ci est un des leaders de sa profession au Chili, le genre de personnalité qui de par son influence peut initier de nouveaux courants. Je suis tomber sur un article récent du spécialiste britannique de la scène vinicole chilienne, Peter Richards, et dans cet article Retamal y décrit son parcours. Un parcours qui l'a amené, après avoir tout essayé, à privilégier dorénavant dans ses vins des qualités comme la buvabilité, la complexité et la typicité. Des qualités qui selon lui sont plus fréquentes dans les vins moins chers à cause d'un usage plus modéré du bois de chêne. Il a d'ailleurs récemment renoncé aux barriques de chêne pour passer aux foudres de 5000 litres. Les vignobles de DeMartino étaient déjà passés au biologique en 1998, mais dorénavant même les fruits achetés de producteurs indépendants devront l'être, et ceux-ci seront aussi cueillis plus tôt pour limiter les taux d'alcool. Ce sera aussi la fin de la micro-oxygénation, des levures sélectionnées et des enzymes ajoutées, qui selon Retamal sont des éléments uniformisants. L'article de Peter Richards donne aussi d'autres exemples d'oenologues au Chili qui introduisent des techniques nouvelles dans l'élaboration de leur vins. Des techniques allant à l'encontre du bois de chêne, comme les réservoirs de ciment en forme d'œuf, ou bien des réservoirs en verre pour l'élaboration de vins de Chardonnay.

Il y aura sûrement une courbe d'apprentissage comportant des déceptions avec toutes ces nouvelles techniques et cette volonté de faire les choses différemment. Toutefois, pour moi, il est clair que la diversité des approches est une chose positive, même si l'idée de bannir le bois neuf et les levures sélectionnées pour les vins de garde me semble extrême. Mais d'un autre côté, il est rafraîchissant de voir que la qualité du vin puisse être définie autrement que par l'axiome voulant que plus égale nécessairement mieux.

http://winchesterwineschool.com/winds-of-change-in-chilean-wine/


samedi 2 avril 2011

Qualité et Prix

Marc-André Gagnon de Vin Québec relatait hier sur son site un article de Matt Kramer publié dans l’édition d’avril du Wine Spectator, où celui-ci dit que l’idée voulant qu’en matière de vin on obtienne ce pour quoi on a payé est un mythe, et qu’au dessus de 20$ c’est bien souvent une question de marketing de la part du producteur et de convoitise de la part de l’acheteur. Ce n’est pas moi qui va contredire M. Kramer. Comme le montre bien mes écrits sur ce blogue, le rapport qualité/prix est pour moi une obsession en matière de vin. Je suis convaincu qu’il est possible de très bien boire à une fraction du prix. Pour ce faire, il faut prendre le temps de bien choisir ses vins. Ce qui passe par l’expérimentation personnelle. Il faut aussi éviter de se laisser influencer par le prestige de l’étiquette et les grosses notes sur 100. Finalement, il faut se rappeler que le prix de plusieurs vins est gonflé pour tenter de leur donner de la crédibilité en jouant sur l’effet Veblen. Un élément important pour qui veut bien boire à bon prix est d’avoir un état d’esprit allant à l’encontre de ce fameux effet Veblen. Au lieu de penser que si c’est cher c’est forcément bon ou meilleur. Il faut être convaincu que même si c’est de prix abordable, la qualité peut quand même être au rendez-vous. La disposition mentale est très importante dans l’appréciation du vin. L’idée n’est pas de se convaincre qu’un vin ordinaire est nécessairement excellent juste parce que son prix est modéré. Non. Il faut tenter de demeurer le plus objectif possible, mais en étant convaincu qu’un vin bien choisi peut allier prix abordable et haute qualité.

Un autre aspect important repose sur les éléments qui déterminent la qualité d’un vin. Quels sont-ils? Pour moi ces critères ont évolués au fil du temps et plus j’avance au niveau de l’expérience et plus je trouve que l’importance donnée à la concentration, à l’extraction, au boisé et à la longueur est démesurée. Je ne nie pas que ces éléments puissent être importants pour des vins destinés à une longue garde. Toutefois, dans des vins jeunes ces éléments vont trop souvent à l’encontre de la buvabilité. Ces vins très concentrés, très boisés et très longs arrivent souvent à se fondre harmonieusement après une longue garde, gagnant ainsi en buvabilité, mais la réalité c’est que la plupart seront ouverts bien trop tôt. Qu’on le veuille ou non, les amateurs qui gardent du vin sont encore une faible minorité, et pourtant on achète à forts prix des vins nécessitant un temps en bouteille qu’on ne pourra pas leur donner.

Je ne dis pas qu’il est impossible de trouver du plaisir dans des vins jeunes et très concentrés, mais pour moi c’est un plaisir particulier que je préfère à petites doses. Quand j’ai vraiment envie de boire du vin, je préfère ceux de profils modérés, qui coulent facilement en jouant la carte de l’équilibre et de la qualité aromatique. Les vins jeunes montrant ces qualités sont souvent sous-évalués, car ils offrent un plaisir immédiat. Le plaisir immédiat est souvent mal vu dans le petit monde du vin, où les vrais bons vins sont ceux avec un potentiel de garde, mais qu’on aura la plupart du temps pas la patience d’attendre. On oublie trop souvent que garder du vin demande cette difficile patience et représente aussi un coût supplémentaire important. En ce sens, dénicher des perles de prix abordables pour la garde représente un autre avantage qui vient accentuer l’écart de RQP par rapport aux vins de prix élevés.

Au final ce qui compte c’est d’expérimenter, de découvrir ce qu’on aime de la manière la plus indépendante possible. Oubliez les étiquettes, le prestige, les notes, les prix élevés et tentez de juger par vous-même, pour vous-même. C’est un cliché de le dire, c’en est moins un de le faire.

http://www.vinquebec.com/node/8333



*