vendredi 6 mai 2011
CABERNET SAUVIGNON, ETIQUETA NEGRA, 2005, MAIPO, VINA TARAPACA
En 2006 Vina Tarapaca a entrepris un sérieux virage en embauchant Ed Flaherty à titre d’oenologue en chef. J’ai eu la chance de discuter avec cet ancien winemaker d'Errazuriz en 2009, lors de la dégustation annuelle de Vins du Chili tenue à Montréal, et il me disait alors qu’il avait rompu avec le style traditionnel de Tarapaca qui tentait de faire du bordeaux au Chili. Selon lui ça ne marchait pas, et il entendait recentrer l'approche de la maison vers un style plus axé sur la maturité. Je ne sais pas ce que le virage entrepris par M. Flaherty a donné, n’ayant depuis goûté qu’un seul vin élaboré sous sa gouverne. Mais quand j’ai eu l’occasion il y a deux ans d’acheter la top cuvée de Cabernet de la maison, élaborée avant son arrivée, et donc dans l'ancien style, je n’ai pas hésité. C’est vrai que ces vins de la vieille école n’étaient pas mes favoris en jeunesse, mais mon expérience m’a montré qu’ils se transformaient pour le mieux après quelques années de garde. Après environ cinq années passées en bouteille, j’ai décidé d’ouvrir la première de mes six bouteilles de cet Etiqueta Negra, pour voir où en était rendu ce vin et voir si la qualité globale était au rendez-vous. Je n’ai pas trouvé de détails sur l’élaboration de cette cuvée en 2005, si ce n’est ce qui est est écrit sur la bouteille, soit que le vin a été élevé 12 mois en barriques françaises du fabricant Séguin-Moreau et qu'il titre à 14.5% d’alcool.
La robe est très sombre et toujours parfaitement opaque. Le nez est typique de l’idée que j’ai des Cabs de cette maison, avec des arômes de cassis, de cerise, de bois de cèdre, de menthol, d’épices douces, auxquels s’ajoutent une pointe de terre humide et de feuilles mortes laissant entrevoir les premiers légers signes d’évolution. En bouche, l’attaque est solide avec une matière assez compacte, une bonne acidité et une palette de saveurs qui reflète bien le complexe profil révélé au plan olfactif. Le léger côté évolué se marie admirablement au fruité et aux diverses notes épicées. Le milieu de bouche permet de bien apprécié ce style vieille école bien dense où il n’y a pas d’enflure et de douceur indues, et où le niveau de concentration est parfaitement ajusté pour servir le style recherché. Il n’y a donc pas de lourdeur ni d’excès dans ce vin qui va à l’essentiel sur une trame tannique à la fois serrée et raffinée. La finale conclue en beauté, en gardant le cap, sur un sursaut d’intensité et une persistance de bon niveau.
Ce vin ne m’a pas déçu. Il m’a donné ce que j’en attendais, c’est-à-dire un Cabernet exhibant un style à la bordelaise taillé dans une étoffe de Maipo. À partir de maintenant, l’aspect Maipo de son profil va aller en s’atténuant, et dans 10 ans il passera à l’aveugle pour bordeaux de bon niveau. Je sais que je me répète. Je sais que le Chili n’est pas synonyme de prestige et de glamour, mais je ne saurais trop recommander, encore une fois, de mettre ce type de vin chilien de côté pour la moyenne garde. Je ne compte plus les expériences à l’aveugle où les dégustateurs ont été favorablement surpris par des vins de ce genre de 10 à 15 ans d’âge. Dans ces circonstances les comparaisons avec des bordeaux beaucoup plus chers étaient immanquables. Oubliez les onéreux wannabes chiliens qui cherchent les gros scores des revues américaines et qu’il faudra garder 30 ans pour espérer trouver quelque chose ressemblant à un alliage d’équilibre et de finesse. Cette cuvée Étiquette Noire est l’exemple même du claret chilien qui se révèle au mieux après seulement une dizaine d’années de garde. Vous pouvez donc acheter ce type de vin à des prix très modiques, sans trop craindre d’être mort avant que le vin ne puisse se livrer avec grâce. Bien sûr en terme de style chacun peut avoir ses préférences, et on peut en aimer une variété, mais si ce à quoi je réfère est un des styles que vous affectionnez prenez une chance. Je dis prenez une chance, car pour goûter un vin de ce genre avec 10 ans au compteur il faut l’acheter soi-même. Le Chili commet la grossière erreur de ne commercialiser ce type de vin qu’en prime jeunesse. Se privant ainsi de rendre facilement abordable une de ses forces méconnues. Il faut donc faire un acte de foi et acheter quand ça passe et avoir la patience de garder ces bouteilles n’ayant pas coûté cher. C’est toujours plus facile de sortir du cellier le vin à 17$ que la grosse bouteille onéreuse.
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Penses-tu goûter au 2009 de ce vin question de voir s'il y a une différence dans le style qui a changé ?
RépondreSupprimerPatrick
Patrick, pour y goûter il faudrait que je puisse le trouver. Où as-tu vu du Etiqueta Negra, 2009 en vente?
RépondreSupprimerConfusion de ma part, c'est le Gran Reserva qui est disponible à la SAQ...
RépondreSupprimerPatrick
Retour aujourd'hui sur la deuxième moitié de ce vin qui a été gardée deux jours dans une bouteille de 375 ml pleine. Et bien le charme ne se dément pas, même que le vin m'apparaît encore meilleur, mieux intégré et n'ayant rien perdu au plan aromatique. Voilà qui ajoute à ma confiance quant à son potentiel de garde.
RépondreSupprimerPresque cinq ans plus tard, une deuxième bouteille de ce vin. Ne semble pas avoir beaucoup bougé par rapport à la note de dégustation publiée ci-haut. Très beau Cab chilien avec un accent bordelais. Je ne serai pas pressé d'ouvrir les quatre bouteilles restantes, même si c'est actuellement délicieux.
RépondreSupprimerClaude