À la suite de la discussion initiée sur le forum Fouduvin à propos des problèmes de bouchons, ce qui m’a amené à écrire un petit article sur le sujet sur ce blogue. J’ai continué à lire différents textes à ce propos. Cette mise à jour de mes connaissances sur le sujet, combinée à certaines de mes expériences personnelles à propos des vins dits bouchonnés, m’ont amené à me demander si les experts de la question n’étaient pas passés à côté d’un mécanisme possible pour expliquer une partie du problème des vins bouchonnés. Ce que je vais soumettre ici n’est rien d’autre qu’une hypothèse basée sur mes lectures et mon expérience empirique et n’a évidemment pas la prétention d’être un résultat scientifique.
Ce qui me lisent ici avec régularité le savent, je ne suis pas un buveur de vins très chers. Toutefois, au cours des dernières années, j’ai participé à de nombreuses dégustations de groupe où, contrairement à mes habitudes, je dégustais des vins d’une catégorie de prix passablement plus élevée. Je n’ai pas compilé de statistiques sur la question, mais il est clair dans mon esprit que le taux de vins bouchonnés dans ces dégustations était passablement plus élevé que ce que je rencontre dans ma consommation personnelle de vins de prix plus modestes. Cela m’a toujours étonné, car en principe, qui dit vins plus chers suppose que la qualité des bouchons devrait suivre. En parallèle, j’avais aussi noté le même phénomène pour les arômes phénolés associés à une contamination aux levures Brettanomyces. Donc, les vins plus haut de gamme semblaient présenter un taux de défectuosité pas mal plus élevé que les vins moins chers qui sont mon ordinaire. Dans le cas des arômes “brettés”, l’explication du phénomène m’apparaissait assez simple et relevait de conditions qui permettaient l’activité des levures Brettanomyces, tant en cours d’élaboration du vin, qu’une fois celui-ci mis en bouteille (taux de sulfites, filtration, etc..). Toutefois, ces conditions valables pour les “bretts” ne semblaient pas avoir de lien avec le problème de goûts de bouchon.
Suite à mes lectures récentes sur le problème des vins bouchonnés, j’en suis venu à émettre l’hypothèse que l’instabilité microbiologique pourrait aussi être en cause dans certains cas de vins bouchonnés. Je m’explique. D’abord, il est important de comprendre que le précurseur du 2,4,6-trichloroanisole (TCA), est principalement le 2,4,6-trichlorophénol (TCP). Or le TCP est une molécule hautement toxique, mais pratiquement inodore (1). Ce qui veut dire qu’un vin peut être contaminé par des traces de TCP mais celles-ci seront imperceptibles, même pour le nez le plus sensible. Toutefois, si seulement une partie de ce TCP était transformé en TCA, le même vin serait alors facilement déclaré bouchonné. La conversion de TCP en TCA est une réaction de détoxification qui peut être effectuée par plusieurs type de microorganismes, en particulier des champignons microscopiques (moisissures) (1), (2). Une autre chose que j’ai apprise et qui m’a beaucoup étonné, c’est que le liège est un capteur de TCA (2). Si on expose un bouchon de liège propre à un vin contaminé au TCA, la plupart du TCA en solution dans le vin sera absorbé par le liège. Donc, le liège agirait comme un concentrateur de TCA. Dans ces circonstances, il semble logique de penser qu’une des façons pouvant expliquer ce qu’on appelle le bouchonnage, serait par la présence simultanée dans une bouteille de TCP et d’un microorganisme pouvant convertir celui-ci en TCA. Le bouchon lui capterait une bonne partie du TCA ainsi formé, ce qui lui donnerait sa forte odeur de TCA et expliquerait pourquoi on le tient pour unique coupable du phénomène, au point de parler de vin bouchonné. Je le répète, ce n’est là qu’une hypothèse, et même si elle était juste, ce ne serait qu’une des façons pouvant mener à la contamination du vin au TCA.
Une chose est sûre, les sources potentielles pouvant mener à la contamination du vin par le TCP avant l’embouteillage sont multiples (1), (2). Dans ces circonstances, les vins plus chers, généralement élaborés en prenant plus de risques microbiologiques, semblent plus exposés à la conversion du TCP en TCA. Pour en revenir à mon expérience personnelle, je me dis que la plupart des vins de prix abordables que je bois sont suffisamment sulfités et filtrés. J’ignore s’ils sont généralement stériles, mais mon expérience m’a montré que les cas de bouchonnage sont très rares pour ce type de vins. Alors que dans les vins plus chers, où plusieurs aiment bien laisser faire la nature le plus possible, ça me semble le contraire. Dans le cas des levures Brettanomyces cette philosophie du laisser-aller explique la prévalence plus élevée du problème. Il me semble qu’il y a une possibilité qu’un phénomène semblable puisse expliquer pourquoi le taux de vins bouchonnés est plus élevé chez les vins plus chers. De plus, mon hypothèse semble cadrer avec le caractère apparemment aléatoire du bouchonnage. L’exemple des levures Brettanomyces le montre bien, toutes les bouteilles ne sont pas nécessairement touchées, car la contamination microbiologique des bouteilles par le vin à l’embouteillage est variable. On peut aussi imaginer des cas où le TCP proviendrait du vin, et la contamination microbiologique du bouchon. Aussi, j’ai déjà vu des bouchons provenant de bouteilles bouchonnées où on pouvait clairement voir des colonies de microorganismes ayant poussé sur des lenticelles présentes à la surface du miroir. Ce type de phénomène à la surface du bouchon était pour moi une preuve assez claire qu’une activité microbiologique avait eu lieu dans la bouteille.
Encore une fois, avec ce texte je ne prétend pas annoncer une grande découverte scientifique. Ce n’est qu’une hypothèse personnelle basée sur la littérature et sur mon expérience. Je suis peut-être passé à côté d’un élément qui invaliderait facilement mon hypothèse. Si c’est le cas, je serais heureux de l’apprendre. Aussi, je ne prétend pas que tous les cas de contamination du vin au TCA collent à mon hypothèse. C’est un problème complexe aux causes multiples. Mais la conversion en bouteille des phénols chlorés par des microorganismes qui peuvent y vivre me semble une option à considérer.
(1) Evaluation of Enology
(2) Causes and origins of wine contamination with haloanisoles
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