lundi 28 février 2011
PINOT NOIR, 20 BARRELS, 2008, CASABLANCA, VINA CONO SUR
Voici le deuxième vin de mon petit spécial Pinots chiliens. Vina Cono Sur, une filiale de Concha y Toro, a été un pionnier au Chili dans la culture de ce cépage, mais malheureusement, pendant longtemps sur des terroirs totalement inapropriés, comme la chaude vallée Colchagua où sont situés le siège social et les chais de vinification de la maison. En ce sens, le parcours de ce producteur est le reflet de celui de l’industrie vinicole chilienne dans son ensemble qui a pris du temps à réaliser l’importance d’un bon couplage cépage-terroir pour l’obtention de vins de qualité. Et dans le cas du Pinot Noir, ce mariage est d’autant plus important, le cépage étant sensible à l’excès de chaleur. Cono Sur produit beaucoup de vins de Pinot Noir bas de gamme dont les fruits viennent encore de la chaude vallée centrale. C’est un des plus grands producteurs de vins de ce cépage au monde en terme de volume. Heureusement, les cuvées supérieures de la maison, comme ce 20 Barrels et la cuvée phare de la maison, appelée “Occio”, proviennent de vignobles plantés dans la fraîche vallée de Casablanca. Les raisins pour ce vin viennent à 80% du vignoble El Triangulo appartenant à Concha y Toro qui y produit son Sauvignon Blanc de la gamme Terrunyo et sa top cuvée de Chardonnay, appelée Amelia.
La robe est d’une belle teinte rubis passablement translucide. Le nez est volubile et exprime des arômes variés de fruits rouges typiques du cépage, auxquels s’intègrent de fines notes d’herbes aromatiques et d’épices douces, ainsi qu’un léger aspect terreux et une subtile touche florale. Beau nez de Pinot montrant une bonne complexité, et où le fruit tient le premier rôle, avec un aspect boisé très discret. En bouche, on retrouve un vin équilibré, souple et tendu comme la corde d’un arc, propulsant un fruité doux et intense. La qualité de la matière est palpable en milieu de bouche, avec ce mélange de concentration et de légèreté qui fait la marque des bons vins de ce cépage. La texture est lisse et satinée ce qui contribue au charme de l’ensemble. La finale garde la cap, avec toujours ce fruit acidulé intense agrémenté de fines notes épicées se déployant sur une très bonne longueur.
Avec ce vin, on a clairement affaire à un Pinot de grande qualité, avec une belle matière concentrée, une fine texture et une très bonne persistance. Il est toutefois à noter que c’est un autre rouge chilien de climat frais dans lequel l’acidité joue un rôle prépondérant qui marque le style du vin, en donnant au fruité un aspect très vif. Personnellement, j’apprécie cet aspect, mais il pourrait ne pas plaire à tous. Toutefois, comme le vin est encore très jeune, je suis convaincu que ce caractère s’adoucira avec quelques années de garde pour lui permettre de se montrer sous un aspect plus fondu et abordable. Le producteur dit de ce vin qu’il est issu de fruits du Nouveau-Monde vinifiés selon la tradition bourguignonne. Je crois que cette affirmation résume bien l’impression qui se dégage de celui-ci. Il m’est apparu très typique du cépage, et par certains aspects il rappelle la Bourgogne, mais d’un autre côté, la nature un peu douce du fruit, surtout dans sa prime jeunesse actuelle, indique bien son origine Nouveau-Monde. Bien sûr, les puristes pourraient n’y voir que l’aspect Nouveau-Monde, mais moi je pense vraiment que c’est un vin au style hybride qui tient des deux mondes. Je pense aussi que c’est un vin qui sera apprivoisé par plus de temps en bouteille, même s’il s’agit déjà d’une expérience intéressante pour qui n’est pas intégriste dans ses préférences stylistiques. Ce vin a été choisi en janvier 2010 comme gagnant dans la catégorie Pinot Noir par un jury canadien, lors des “Wines of Chile Awards”, jury qui comptait dans ses rangs les québécois Bill Zacharkiw et Nick Hamilton. Les résultats de ce type de concours sont toujours un peu aléatoires, même avec de très bons dégustateurs, mais un an plus tard, en dégustant ce vin, je me disais que nos experts n’avaient assurément pas fait un mauvais choix. On dit souvent que l’échelle RQP pour le Pinot Noir est différente, qu’il faut débourser plus pour obtenir le même niveau de qualité. En ce sens, pour les 28$ demandés par la SAQ, ce vin représente à mon avis un très bon RQP.
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samedi 26 février 2011
La levure génétiquement modifiée canadienne
Un sujet qui a fait parler cette semaine sur la petite planète-vin, alors qu’on apprenait qu’une levure OGM canadienne, appelée ML-01, tentait de percer le marché européen, alors qu’elle est déjà autorisée aux États-Unis depuis 2003, et depuis 2006 au Canada. Ma première réaction à la lecture de cette nouvelle a été de me dire que ça ne servait à rien de se rendre jusqu’à l’utilisation d’une levure OGM, car il existe déjà une solution naturelle si on veut éviter le risque des amines biogènes, soit la co-inoculation avec levures et bactéries lactiques sélectionnées. Bien sûr, certains sont même contre l’usage de micro-organismes sélectionnés, mais là on tombe carrément dans l’idéologie. Ceux qui rejettent cette approche de sélection devraient s’assurer de ne pas boire de vins issus de clones de cépages ou de vignes greffées sur des portes greffes sélectionnés.
Qu’on le veuille ou non, l’élaboration du vin est basée sur la maîtrise d’organismes vivants par l’homme, que ce soit au vignoble ou au chai. Le bon vigneron ne laissera pas ses vignes pousser au gré de la nature. La plantation même d’un vignoble est le premier acte de contrôle humain. Ensuite, on parle de conduite de la vigne. Ce qui évoque clairement le contrôle humain sur la croissance de celle-ci. Alors il faut arrêter de percevoir le vin comme un produit naturel. Le vin est issu du génie humain par le contrôle de matériel végétal et microbiologique. Le vin est en quelque sorte la première manifestation de ce qu’on appelle aujourd’hui la biotechnologie. Ceci dit, ça ne veut pas dire que tout devrait être permis lors de son élaboration. Il y a selon moi des limites à ne pas franchir, et l’utilisation de levures OGM en est clairement une. Pas parce que le vin issu de l’usage d’une telle levure pourrait être dangereux. Non, simplement parce modifier le vivant n’est pas un acte anodin, surtout quand ce n’est pas nécessaire.
Ce ne sont donc pas les propriétés de cette levure qui m’embêtent. La modification de celle-ci est mineure. On lui a juste ajouté un gène codant pour l’expression d’une enzyme permettant de dégrader l’acide malique en acide lactique. Il n’y aura pas de poison produit par cette levure à cause de cela, et de l’autre côté, il est bien possible que la bio-synthèse de produits dangereux soit évitée par son usage. Mais encore une fois, il existe des alternatives naturelles atteignant le même but. Alors pourquoi modifier des organismes vivants si cela n’est pas absolument nécessaire? Dans ce contexte, mon opposition aux OGM va bien au-delà de cette simple levure et relève plutôt d’un sage principe de précaution. D’un autre côté, il est clair que l’action des bactéries lactiques post-FA a pour effet d’augmenter la concentration de plusieurs molécules, dont certaines comme les amines biogènes sont non désirables, autant pour des question de santé que pour des questions organoleptiques. Avez-vous vraiment le goût d’avoir de la cadavérine et de la putrescine dans votre verre de vin? Juste les noms vous donnent une idée de l’arôme. Bien sûr, pour ce qui est de l’impact aromatique ou de la toxicité, tout est une question de concentration. Sinon le contenu d’un verre de vin pourrait être comparé à un magasin de chimie, tellement le vin contient de produits toxiques si ingérés à fortes doses. Il est donc très facile de faire de la démagogie en nommant des molécules simplement présentes dans le vin, mais à de très faibles concentrations. Il faut donc faire attention à la façon dont on présente les choses. Pour moi, il est clair que l’opposition aux OGM devrait être motivée par un souci de protection des écosystèmes à long terme, bien plus que pour des raisons de sécurité alimentaire à court terme. En cette matière, la nature laissée à elle-même est à mon sens plus dangereuse que la fameuse levure ML-01.
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Qu’on le veuille ou non, l’élaboration du vin est basée sur la maîtrise d’organismes vivants par l’homme, que ce soit au vignoble ou au chai. Le bon vigneron ne laissera pas ses vignes pousser au gré de la nature. La plantation même d’un vignoble est le premier acte de contrôle humain. Ensuite, on parle de conduite de la vigne. Ce qui évoque clairement le contrôle humain sur la croissance de celle-ci. Alors il faut arrêter de percevoir le vin comme un produit naturel. Le vin est issu du génie humain par le contrôle de matériel végétal et microbiologique. Le vin est en quelque sorte la première manifestation de ce qu’on appelle aujourd’hui la biotechnologie. Ceci dit, ça ne veut pas dire que tout devrait être permis lors de son élaboration. Il y a selon moi des limites à ne pas franchir, et l’utilisation de levures OGM en est clairement une. Pas parce que le vin issu de l’usage d’une telle levure pourrait être dangereux. Non, simplement parce modifier le vivant n’est pas un acte anodin, surtout quand ce n’est pas nécessaire.
Ce ne sont donc pas les propriétés de cette levure qui m’embêtent. La modification de celle-ci est mineure. On lui a juste ajouté un gène codant pour l’expression d’une enzyme permettant de dégrader l’acide malique en acide lactique. Il n’y aura pas de poison produit par cette levure à cause de cela, et de l’autre côté, il est bien possible que la bio-synthèse de produits dangereux soit évitée par son usage. Mais encore une fois, il existe des alternatives naturelles atteignant le même but. Alors pourquoi modifier des organismes vivants si cela n’est pas absolument nécessaire? Dans ce contexte, mon opposition aux OGM va bien au-delà de cette simple levure et relève plutôt d’un sage principe de précaution. D’un autre côté, il est clair que l’action des bactéries lactiques post-FA a pour effet d’augmenter la concentration de plusieurs molécules, dont certaines comme les amines biogènes sont non désirables, autant pour des question de santé que pour des questions organoleptiques. Avez-vous vraiment le goût d’avoir de la cadavérine et de la putrescine dans votre verre de vin? Juste les noms vous donnent une idée de l’arôme. Bien sûr, pour ce qui est de l’impact aromatique ou de la toxicité, tout est une question de concentration. Sinon le contenu d’un verre de vin pourrait être comparé à un magasin de chimie, tellement le vin contient de produits toxiques si ingérés à fortes doses. Il est donc très facile de faire de la démagogie en nommant des molécules simplement présentes dans le vin, mais à de très faibles concentrations. Il faut donc faire attention à la façon dont on présente les choses. Pour moi, il est clair que l’opposition aux OGM devrait être motivée par un souci de protection des écosystèmes à long terme, bien plus que pour des raisons de sécurité alimentaire à court terme. En cette matière, la nature laissée à elle-même est à mon sens plus dangereuse que la fameuse levure ML-01.
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vendredi 25 février 2011
PINOT NOIR, TOBIANO, 2008, CASABLANCA, KINGSTON FAMILY VINEYARD
L’offre de bons vins chiliens, lentement mais sûrement, va en s’améliorant à la SAQ et en importation privée. Des vins de nouvelles régions et de cépages différents sont maintenant disponibles. Le Chili ne se résume plus aux vins de cépages bordelais issus de la vallée centrale. Ainsi donc, j’entame avec ce Tobiano de Kingnston Family un petit spécial sur le Pinot Noir chilien. Un cépage particulier, difficile à maîtriser, qu’un nombre croissant de producteurs chiliens installés sur des terroirs frais tentent d’apprivoiser. Pour ce faire on engage parfois des consultants étrangers, comme le californien Byron Kosuge dans le cas de Kingston, ou bien des bourguignons comme Pascal Marchand chez Veranda, ou bien Martin Prieur chez Cono Sur. Ceci sans compter les spécialistes étrangers du Pinot qui se lancent directement, comme Nicolas Potel, ou bien Kevin Harvey de Rhys Vineyards, ou encore Louis-Michel Ligier Belair qui tous développent actuellement de nouveaux projet dans la fraîche vallée de Bio Bio. Bien sûr, le Pinot Noir est un cépage qui est encore très loin d’avoir atteint son plein potentiel au Chili, mais de plus en plus de vins intéressants, souvent issus de très jeunes vignes, font leur apparition à chaque année sur le marché. Selon ce que j’ai pu goûté jusqu’à maintenant, j’ai confiance que le Pinot Noir pourra suivre les traces déjà remarquables de la Syrah au Chili. Toutefois, le processus sera plus lent, car le Pinot n’a pas la versatilité de la Syrah. La courbe d’apprentissage sera moins marquée, mais pourrait atteindre le même niveau de qualité, à terme. Donc, pour entamer cette petite revue, je commence avec un deuxième vin de Kingston Family. Deuxième parce qu’il suit sur ce blogue la superbe Syrah, Bayo Oscuro, du même producteur, et deuxième car c’est le rang qu’il occupe dans la hiérarchie des Pinots de Kingston Family derrière la top cuvée appelée Alazan.
La robe est d’une jolie teinte rubis assez translucide. Le nez est très discret à l’ouverture, et gagne un peu en expressivité quelques heures plus tard. À ce moment on peut y distinguer des arômes de fruits rouges, particulièrement la fraise, auxquels s’entremêlent des notes épicées rappelant un peu la cannelle, ainsi qu’un aspect terreux particulier. Heureusement, la bouche se montre plus volubile, et ce dès le départ, bien qu’elle gagne quelque peu en harmonie avec les heures d’exposition à l’air. Ce qui frappe dès le départ avec ce vin c’est la présence soyeuse et lisse, qui avec le gras sous-jacent, donne presqu’une impression d’onctuosité à l’ensemble. De manière un peu paradoxale, cet aspect tactile aguichant sert de support pour révéler un vin beaucoup plus sérieux au niveau des saveurs. Celles-ci reflètent bien les arômes perçus au nez, mais en terme gustatif, malgré une bonne intensité, il se dégage une impression de quasi austérité. Je dis quasi, car austérité est un mot trop fort, mais disons qu’on est loin du Pinot Noir du Nouveau-Monde au profil doux et très exubérant. Ce Tobiano est à la fois caressant et réservé. La combinaison de ces deux caractères procure un effet de contraste intéressant qui demande à être apprivoisé au fil de la dégustation. La finale poursuit dans l’effet de contraste que je viens d’évoquer, offrant du même coup une bonne persistance des saveurs.
Ce Pinot Noir a laissé un peu perplexe le dégustateur que je suis. Un vin comme assis entre deux chaises, qui s’offre et se refuse un peu dans le même mouvement. Un vin ambivalent qui m’est apparu à la fois sensuel et cérébral. Quand même, si je dois porter un verdict, je ne peux que reconnaître la qualité d’ensemble, et laisser la porte ouverte pour le futur, chose qu’on refuse trop souvent à des vins de ce prix et de cette origine. Dans son état actuel, à 27.40$, le vin n’est pas une grande aubaine, compte tenu de son origine. Il existe des Pinots chiliens de qualité similaire offert à un meilleur prix. Toutefois, dans le contexte de l’offre mondiale en vins de Pinot Noir, ce vin me semble tout à fait compétitif. C’est un vin à essayer si on veut mieux connaître ce que j’appelle le Nouveau-Chili. C’est aussi une façon de se familiariser avec un producteur élite comme Kingston Family. Aussi, je pense qu’il y a de bonne chance pour que ce vin se présente mieux après deux ou trois ans de garde. J’avais vécu cette expérience avec le Pinot Noir, Oda, 2005, Bio Bio de Veranda. J’avais obtenu deux bouteilles de ce vin par le courrier vinicole. La première m’avait laissé un peu sur ma soif, même si la qualité était évidente, alors que la deuxième, ouverte deux ans plus tard, ne laissait pas de doute et faisait regretter que ce soit la dernière. Je vais donner cette chance à ce très jeune Tobiano.
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mardi 22 février 2011
DONA BERNARDA, 2002, COLCHAGUA, LUIS FELIPE EDWARDS
Je poursuis mon léger coup de sonde dans mes réserves de rouges chiliens ayant maintenant quelques années de garde dans le corps. Je reste dans la vallée de Colchagua, mais cette fois avec un vin d’assemblage de Cabernet Sauvignon (65%), Petit Verdot (30%) et Cabernet Franc (5%)
La robe ne montre aucune trace d’évolution, sombre et impénétrable. Le nez emboîte le pas du refus des signes de l’âge, en exhibant de doux arômes de fruits noirs intenses et profonds, amalgamés à des notes de réglisse et de pâtisserie, complétés par une touche d’herbes aromatique et un très léger caractère de poivron rouge. La bouche est elle aussi marqué au sceau de la jouvence, avec une attaque vigoureuse qui déploie un fruité riche et vif, bien supporté par une solide base d’amertume, et auquel s’entremêlent des notes doucement épicées. Aucune saveur du profil gustatif ne peut être associée à un signe d’évolution. Le vin se montre sous un jour de jeunesse apparemment inoxydable. Cela se confirme en milieu de bouche où la matière fruitée est dense et intense, avec un fort niveau de concentration et un volume contenu. La présence tannique est solide, avec un léger grain qui apporte un aspect de virilité qui contraste avec la relative douceur du fruit. La finale est très intense, tout d’un bloc et manquant pour le moment d’harmonie, mais montre une longueur franchement impressionnante.
Ce vin donne raison à tous ceux qui pensent que le vin chilien ne peut pas vieillir! Car c’est bien ce que ce vin démontre à ce stade, soit un refus apparent de vieillir, tellement son profil de jeunesse semble inaltéré. En ce sens, le vin m’est apparu encore très fougueux et assez loin d’un équilibre idéal, toutefois, j’ai été impressionné par sa concentration et sa très bonne persistance en bouche. J’ai relu mes notes de dégustation de 2006 sur ce vin, et celui-ci m’est apparu pas mal plus sauvage et viril qu’alors, avec un profil un peu baroque. Un vin impressionnant en un sens, à cause de l’intensité, de la concentration et de la persistance en finale, mais manquant pour le moment de fini. Il faut dire qu’au mieux on voit les rouges chiliens de bon niveau, comme des vins de moyenne garde. Toutefois, depuis une dizaine d’années, les cuvées plus ambitieuses se sont multipliées. Il y aura sûrement des succès et des déceptions parmi ces vins. Mais à goûter un vin comme ce Dona Bernarda, il me semble que la fenêtre de garde de ces vins sera beaucoup plus étendue et que parler de 25 ans n’aura dans bien des cas rien de farfelu. Il me semble que ce Dona Bernarda a ce qu’il faut pour bien évoluer jusque vers les 2025. Non! Je ne suis pas Jay Miller!!!! Quoi qu’il en soit, il m’en reste trois bouteilles et je n’ouvrirai pas la prochaine avant de nombreuses années. Le millésime 2007 est actuellement offert à la SAQ. Je n'ai pas encore goûté le vin, mais le producteur a amélioré le contraste de l'étiquette, ce qui donne à la fameuse Dona Bernarda un air moins fantomatique.
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samedi 19 février 2011
MERLOT, CUVÉE ALEXANDRE, 2001, APALTA COLCHAGUA, CASA LAPOSTOLLE
La garde du vin comporte plusieurs plaisirs distincts. Le premier étant le moment de sélectionner et d’acheter des vins dans ce but précis. Le vin ainsi choisi devient alors un peu le nôtre, surtout pour des vins sans grande réputation à cet égard. Ce type de choix sortant un peu des sentiers battus implique une certaine dose de confiance, confiance dans le vin bien sûr, mais surtout, confiance en soi en tant qu’amateur. Ainsi donc, plusieurs années plus tard, lorsqu’on décide enfin d’ouvrir un de nos poulains, il y a une légère fébrilité. On se demande si on aura eu tort ou raison, si notre confiance d’alors était justifiée, ou si au fond ce n’était là que de la prétention de notre part. Bien sûr, cette évaluation de soi-même comme sélectionneur ne se joue pas sur une seule bouteille, car on sait que certains de nos choix étaient plus audacieux avec certains vins. Des vins que l’on a décidé de garder simplement pour l’expérience, en se croisant un peu les doigts. Ce faisant, on sait donc d’avance que certains de nos choix vont nous décevoir. Mais quand même, à chaque bouteille qu’on ouvre on espère quand même avoir bien misé. On espère aussi que notre patience aura été récompensée. Quand tel est le cas, le plaisir est double, avec, bien sûr, le plaisir sensuel du vin lui-même, auquel s’ajoute un léger sentiment de réussite. Comme chaque amateur le moindrement sérieux le sait, l’ego est omniprésent dans le domaine du vin. Tellement que parfois c’est à se demander si le vin ne sert pas d’abord à flatter celui-ci, avant de flatter le palais.
Personnellement, je suis très loin d’avoir une cave complète et à maturité. Celle-ci est très orientée sur les rouges sud-américains, et je commence à avoir un certain choix dans le vins de cépages bordelais ayant environ 10 ans d’âge. C’est d’ailleurs en partie ce qui a motivé ma participation récente à une dégustation de bordeaux réputés du millésime 2000. Je voulais renouveler mes repères face à des vins de référence en la matière, d’un âge similaire. L’Amérique du Sud n’est pas Bordeaux, bien sûr, mais pour ne pas rompre totalement le fil, j’ai décidé d’ouvrir un Merlot chilien élaboré sous les conseils de Michel Rolland. Compte tenu de la différence d’hémisphères, ce vin du millésime 2001 n’est que six mois plus jeune par rapport à ses contreparties bordelaises du réputé millésime 2000.
La robe est d’une teinte grenat encore bien soutenue qui ne se laisse que très faiblement traverser par la lumière. Le nez ne montre pas d’arômes tertiaires, mais plutôt un profil que je qualifierais de secondaire où on retrouve des arômes fruités et boisés/épicés encore bien vigoureux, mais dont le caractère a été altéré par le temps passé en bouteille. À cela s’ajoute un léger aspect terreux, ainsi que de fines notes évoquant les feuilles de laurier et une pointe de torréfaction. La bouche pour sa part est d’un très bel équilibre, ample et souple, mais avec ce qu’il faut d’acidité pour maintenir un bon tonus. Les saveurs sont généreuses et intenses, reflétant bien ce qui était perçu au nez, et supportées par bonne base d’amertume. Le vin a beaucoup de présence en milieu de bouche, et révèle toute la richesse de sa matière. La trame tannique est encore bien présente, mais de texture veloutée. Pour conclure, les saveurs se fondent sur un sursaut d’intensité et persistent un bon moment avant de s’éteindre sur des rémanences de chocolat noir.
Ce vin n’est plus jeune, mais il ne montre pas encore de réels signes de vieillesse. On pourrait dire qu’il est actuellement dans la force de l’âge, à la fois vigoureux et affiné par le temps. Le millésime 1997 de ce vin était sorti gagnant d’une confrontation à l’aveugle Bordeaux-Chili à laquelle j’avais participé il y a quelques années. Je n’ai donc pas beaucoup de mérite à avoir mis des bouteilles de ce 2001 de côté. J’avais déjà de bons indices sur l’excellent potentiel de garde de ce vin. Heureusement, cette bouteille confirme la qualité de cette cuvée qui avec l’âge perd de sa typicité chilienne pour se recentrer sur un profil général proche de ce que donne des Bordeaux du même âge. La seule chose qui m’embête avec ce vin, est que son prix au Canada (35$) est environ deux fois plus élevé qu’aux États-Unis. Ce qui est excessif si on compare avec d’autres cuvées chilienne de ce niveau. Ceci dit, quand je goûte ce qu’il donne après sept ans de garde, il est clair que même à 35$ ça demeure un superbe achat. C’est juste que le Chili peut offrir encore mieux en terme de RQP pour ce niveau de qualité. C’est dire comment ce pays peut offrir de la valeur à l’amateur, et dix ans plus tard, le Chili est à mon sens encore plus une destination de choix pour qui veut se partir une cave remplie de vins de prix abordables, ou pour qui veut donner de la profondeur, sans se ruiner, à une cave plus variée et prestigieuse.
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vendredi 18 février 2011
Bordeaux, la hiérarchie, Michel Rolland et l’oenologie moderne... (Part II)
C'est très drôle ces temps-ci de lire ici et là sur la toile les échanges enflammés et les accusations à peine voilées de fraude contre la Grand Jury Européen et particulièrement sa dégustation de GCC du millésime 2005 ayant eu comme gagnant et commanditaire le Château Lascombes.
Ce résultat n'est pas le plus surprenant livré par le GJE, dans ce cas, seulement les 1er et 2ième s'affrontaient, et malgré tout certains rechignent. D'habitude on nous sert l'excuse facile du Merlot, mais cette fois ce ne sont que des rives gauche. Comme porte de sortie on n'a trouvé rien de mieux que de remettre en doute la probité du GJE. C'est incroyable jusqu'où certains peuvent aller pour protéger l'intégrité d'une hiérarchie obsolète. Le GJE n'est pas parfait, et ce genre de dégustations comparatives à l'aveugle amenera toujours son lot de surprises. Il semble si difficile de reconnaître l'imprécision et la variabilité des sens olfactif et gustatif. De plus, aujourd'hui à Bordeaux, quand on y met les moyens sur de bons terroirs, on fait du bon vin. Néanmoins, ce pauvre Rolland sert encore de bouc-émissaire facile pour une clique d'idéologues ne voulant pas reconnaître l'évidence. À ce niveau, en l'absence des étiquettes, il n'y a plus de hiérarchie qui tienne. Ce classement figé dans le temps n'est aujourd'hui rien d'autre qu'un très utile outil de marketing. Un outil génial inventé un peu par inadvertance il y a maintenant plus de 155 ans. Si des gens veulent payer la forte prime au prestige demandée par les 1er GCC, tant mieux pour eux. Ils obtiendront ce qu'ils cherchent, du prestige d'abord et du bon vin ensuite.
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Ce résultat n'est pas le plus surprenant livré par le GJE, dans ce cas, seulement les 1er et 2ième s'affrontaient, et malgré tout certains rechignent. D'habitude on nous sert l'excuse facile du Merlot, mais cette fois ce ne sont que des rives gauche. Comme porte de sortie on n'a trouvé rien de mieux que de remettre en doute la probité du GJE. C'est incroyable jusqu'où certains peuvent aller pour protéger l'intégrité d'une hiérarchie obsolète. Le GJE n'est pas parfait, et ce genre de dégustations comparatives à l'aveugle amenera toujours son lot de surprises. Il semble si difficile de reconnaître l'imprécision et la variabilité des sens olfactif et gustatif. De plus, aujourd'hui à Bordeaux, quand on y met les moyens sur de bons terroirs, on fait du bon vin. Néanmoins, ce pauvre Rolland sert encore de bouc-émissaire facile pour une clique d'idéologues ne voulant pas reconnaître l'évidence. À ce niveau, en l'absence des étiquettes, il n'y a plus de hiérarchie qui tienne. Ce classement figé dans le temps n'est aujourd'hui rien d'autre qu'un très utile outil de marketing. Un outil génial inventé un peu par inadvertance il y a maintenant plus de 155 ans. Si des gens veulent payer la forte prime au prestige demandée par les 1er GCC, tant mieux pour eux. Ils obtiendront ce qu'ils cherchent, du prestige d'abord et du bon vin ensuite.
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mercredi 16 février 2011
SAQ et promo vins 90+ de James Suckling
J’ai reçu un courriel de la SAQ cette semaine pour annoncer une promotion où l’ancien critique du Wine Spectator est en vedette. Malgré que les deux seuls vins chiliens, parmi un lot de 55 vins offerts, soient cotés parmi les meilleurs RQP de la sélection de M. Suckling. Je trouve regrettable de voir la SAQ se lancer dans ce genre de promo, car cela donne de la crédibilité au système de notation précis sur 100, alors que ce système n’est pas crédible. Aussi, cela donne de la légitimité au phénomène du gourou qui pourrait du haut de sa science infuse dire à l’ensemble des consommateurs ce qui est bon à l’aide d’un simple chiffre dépassant la limite arbitraire de 89 sur une échelle floue. J’aimerais savoir ce qui distingue un vin coté 90 d’un vin récoltant un vulgaire 89. Cette promo laisse à penser au consommateur québécois que ce système de catégorisation précis des vins est valide, alors que dans la réalité il n’en est rien. Ce qui m’inquiète le plus dans ce type d’exercice, c’est que la SAQ en viennent de plus en plus à n’offrir que des vins bien cotés par les gourous du genre de M. Suckling. Surtout pour des vins de pays moins renommés où la note compense souvent pour le manque de prestige de l’étiquette. Il serait très déplorable que d’excellents vins n’ayant pas reçu la fameuse note de 90+, par un pseudo-omniscient quelconque, ne puissent trouver pour cette raison le chemin des tablettes de la SAQ, et que l’on développe chez les consommateurs plus crédules ou moins avisés, l’idée que ces vins sans cotes reluisantes n’en valent nécéssairement pas la peine. Si tel était le cas, on passerait à côté de nombreux vins de grande qualité et éminemment dignes d’intérêt.
http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=29&t=17601
http://www.montrealgazette.com/life/food-wine/promotion+misses+home+grown+expertise/4341143/story.html
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http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=29&t=17601
http://www.montrealgazette.com/life/food-wine/promotion+misses+home+grown+expertise/4341143/story.html
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mardi 15 février 2011
CABERNET SAUVIGNON, LAS MERCEDES, RESERVA ESPECIAL, 2007, MAULE, VINA J. BOUCHON
On pourrait comparer la vallée de Maule au Chili à la région du Languedoc en France. C’est une région où on a longtemps fait pisser la vigne pour produire du vin de table bas de gamme. Les deux régions partagent un cépage commun, le Carignan, qui a longtemps eu très mauvaise réputation, mais qu’on redécouvre aujourd’hui et dont on tire des vins originaux d’une qualité étonnante. Les deux régions se situent au bas de l’échelle du prestige dans leurs pays respectifs, l’échelle chilienne étant beaucoup plus restreinte à cet égard. Néanmoins, cette situation fait de Maule une des régions à privilégier pour qui recherche originalité et qualité à bon prix. Les deux points distinctifs principaux de cette région sont le vaste patrimoine de très vieilles vignes, et le fait qu’une partie de la vallée reçoit suffisamment de précipitations pour éviter le recours à l’irrigation. Vina J. Bouchon est un autre producteur chilien ayant des connexions avec la France. L’ancêtre de la famille a immigré du bordelais vers le Chili à la fin de 19 ième siècle à cause de la crise du phylloxéra, et l’oenologue conseil de la maison est un autre immigré français d’origine bordelaise, Patrick Vallette, dont la famille était jadis propriétaire du Château Pavie. M. Valette est aujourd’hui un consultant renommé au Chili. Il travaille, entre autres, pour le Clos Quebrada de Macul dans Maipo et Neyen de Apalta dans Colchagua. Pour ce qui est de cette cuvée spéciale Las Mercedes, il s’agit d’un vin issu à 100% du cépage Cabernet Sauvignon récolté manuellement dans deux vignobles distincts. Le vin est élevé pendant un an en barriques de chêne français de premier et deuxième usage. Il titre à 14% d’alcool pour un pH de 3.59 et 2.43 g/L de sucres résiduels.
La robe exhibe une couleur foncée très intense et pratiquement opaque. Le nez montre un heureux mélange d’arômes de fruits noirs, de terre humide, de café et d’herbes aromatiques, complétés par un brin d’épices douces et de légères notes florales. Beau nez complexe et au profil particulier qui le distingue de ses contreparties du nord de la vallée centrale. On sent dans ce vin de Cabernet un terroir différent, même si le cépage est le même. En bouche, l’attaque est bien ferme et le vin tendu par une acidité vivifiante qui donne du nerf à l’ensemble, tout en rehaussant l’intensité des saveurs fruitées. En milieu de bouche, le vin est à la fois compact et concentré. Les saveurs semblent focalisées, alliant un très beau fruit noir à une amertume marquée de chocolat noir. Ces différents aspects, combinés à une texture tannique fine et resserrée, donnent au vin un caractère passablement sérieux. La finale est percutante, avec les saveurs qui gagnent encore en intensité, et une persistance de très bon niveau.
Pour aimer ce vin, il faut apprécier les rouges avec une bonne dose d’acidité. C’est une caractéristique assez rare chez les vins rouges de la vallée centrale chilienne. Il faut dire que dans ce cas-ci, on se situe proche de l’extrémité côtière sud-ouest de cette vaste vallée. Une zone avec de la pluie plus fréquente où les conditions de culture sont assez différentes, avec très peu ou pas du tout d’irrigation, et cela transparaît dans les caractéristiques structurelle et aromatique du vin. En ce sens, ce Las Mercedes me semble un réel vin de terroir. Mais le plus important, c’est que c’est un très bon vin. Compte tenu de sa qualité, il est difficile de croire qu’il se vend pour seulement 15$. Selon moi, ce vin rivalise avec de bons exemples de Cabernets chiliens vendus entre 20$ et 25$, et je vous passe les comparaisons avec des régions plus réputées du reste du monde. Si on ajoute à cela son caractère distinctif comme une valeur supplémentaire, il est clair qu’il s’agit d’une aubaine. Une preuve de plus que le Chili peut maintenant créer de la diversité avec des vins d’un même cépage, en se basant sur sa variété de terroirs différents. La Syrah est le meilleur exemple à cet égard, avec des styles bien différenciés selon les terroirs. Le Cabernet Sauvignon n’est pas aussi versatile à cause qu’il s’accommode plus mal des terroirs plus frais. Mais dans ce cas-ci, on semble être avec succès autour de la limite inférieur où maturité du fruit et fraîcheur se conjuguent avec bonheur. Probablement que l’absence ou le très faible niveau d’irrigation a aussi un rôle à jouer dans le caractère distinctif du vin. Le vin phare de la maison, la cuvée Mingre disponible en I.P. au Québec (36$), a obtenu le titre de meilleur assemblage rouge lors des derniers “Wines of Chile Awards” devant des vins de cette catégorie bien plus réputés et beaucoup plus chers, tels Clos Apalta de Casa Lapostolle ou encore Triple C de Santa Rita.
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vendredi 11 février 2011
RIESLING, VISION, 2010, BIO BIO, VINA CONO SUR
L’histoire de ce vin est intéressante, et par plusieurs aspects indicative de la mentalité de ce que j’appelle l’ancien Chili. Une mentalité qui a longtemps ralenti la progression de ce pays vers des vins de haut niveau qualitatif. Ce vin est issu du vignoble Quitralman planté en 1986 par la famille Guilisasti, actionnaire principal du géant Concha y Toro, près de la ville de Mulchen sur les rives de la rivière Bio Bio, dans une des régions les plus méridionales et fraîches du Chili. Ces vignes de Riesling avaient alors été plantées dans le but d’en tirer de hauts rendements pour produire du vin mousseux. Ce n’est qu’en 2002, que Adolfo Huratado, oenologue en chef chez Cono Sur, une filiale de Concha y Toro, a décidé de réaliser le plein potentiel de ces vignes pour produire du vin tranquille de haute qualité. Pour ce faire il a coupé les rendements des deux tiers, de 75 hl/ha pour les ramener à 25 hl/ha. Cela a permis dès le départ de produire des vins d’une qualité étonnante. Depuis, l’expérience aidant, Hurtado a raffiné son approche. Ce qui permet d’être optimiste pour cette cuvée 2009. Le vin est issu de raisins vendangés manuellement et élaboré entièrement en inox. Le style est demi-sec avec 9.8 grammes par litre de sucres résiduels, pour un vif pH de 3.12 et un titre alcoolique de 13.4%.
La robe est de teinte jaune aux légers reflets verdâtres. Le nez est d’intensité modérée et dégage des arômes fruités de lime et de poire, complétés par des notes florales et miellées et par quelque chose rappelant les aiguilles de conifère. Un nez bien agréable, typique du cépage, avec une belle qualité d’arômes, même s’il n’est pas le plus complexe. En bouche, d’entrée la richesse de la matière donne à penser qu’on a affaire à un vin beaucoup plus cher. C’est équilibré, alliant acidité vive, douceur, gras et intensité des saveurs. L’aspect gustatif est un juste reflet de ce qui était perçu du côté olfactif. Le milieu de bouche permet de s’étonner encore de la qualité de la matière et de son fort niveau de concentration. Le vin a du volume et remplit bien la bouche, avec une acidité qui est toujours bien présente pour maintenir l’équilibre, en apportant ce qu’il faut de tension à l’ensemble, ce qui permet d'éviter toute impression de lourdeur, même lorsque le vin se réchauffe dans le verre. La finale ne déçoit pas sous le signe de l’harmonie et de la longueur avec une très légère pointe d'amertume.
J’ai fait du Chili mon pays vinicole de prédilection d’abord et avant tout pour les vins de très forts RQP qu’on peut facilement y trouver quand on sait choisir. Et bien malgré cela, sur cet aspect, ce pays arrive encore à me surprendre. Ce Riesling de Cono Sur est carrément renversant de qualité pour le prix qu’on en demande. Il s’agit sans l’ombre d’un doute d’un candidat de premier ordre au titre de meilleur vin blanc de 15$ au monde. En dégustant ce vin, je comprenais parfaitement pourquoi la revue Decanter a décerné au millésime 2009 de ce vin le titre de meilleur Riesling sous la barre des 10 livres. Je comprenais aussi pourquoi un chroniqueur crédible comme Tim Atkins classait le Riesling, Reserva, 2010, d'une gamme inférieure, parmi les meilleurs blancs qu’il avait goûtés lors de son récent voyage dans ce pays. Bien sûr, pour aimer ce vin il faut aimer le Riesling, et il faut l’aimer avec un peu de sucres résiduels. Mais dans le cas de ce vin l’acidité vive du vin contribue à garder cet aspect légèrement sucré sous contrôle. Mais au-delà des préférences stylistiques possibles, la qualité du vin est manifeste. Ce vin pourrait facilement se vendre pour le double du prix s’il était embouteillé sous une étiquette plus prestigieuse. Je sais que je suis redondant avec ce genre d’affirmation, mais j’en suis totalement convaincu et c’est pourquoi le Chili représente un pays vinicole si spécial à mes yeux, ou à mes papilles devrais-je dire. Une façon de bien boire à une fraction du prix pour peu qu’on soit prêt à laisser l’aspect prestige de côté. C’est vrai, le mot Chili sur une étiquette n’est pas prestigieux. Dans le cas de ce Riesling, la majorité des acheteurs potentiels n’auront aucune idée de ce qu’est la région de Bio Bio. Mais le contenu de la bouteille est à mon sens au-dessus de ces considérations. Le vin parle pour lui-même en autant qu’on lui prête une oreille neutre et attentive. En terminant la bouteille de cet excellent vin, une chose m’apparaît clairement, c’est que ce pays possède un potentiel incroyable de qualité et de diversité, et qu’il est sur la voie rapide vers le statut de grand pays vinicole. Ce vin issu d’un vignoble anachronique porte bien son nom, et permet de voir où le Chili pourra être dans 10 ans, pour peu qu’on lui en donne la chance en achetant de telles aubaines aujourd’hui. Le potentiel pour le vin blanc de haute qualité est énorme au Chili, car les terroirs frais aux sols variés sont là. Ce potentiel ne fait que commencé à se révéler, toutefois pour que ce potentiel se réalise pleinement, le marché devra suivre. Ce vin n'est malheureusement pas offert à la SAQ, mais on y offre le Viognier de la même gamme qui vaut aussi le détour. J'en parlerai bientôt sur ce blogue.
2010 Cono Sur Reserva Riesling, Bio Bio
There’s a lot of fuss (some of it justified) about the Pinot Noirs from this large Chilean winery, but its cool climate Rieslings are just as exciting in my view. This is just off dry and tastes like a cross between Rieslings from Alsace and Austria, with a hint of bitter “phenolics” and lemon and lime fruit.
91 points
http://blog.timatkin.com/towards-a-new-chile-part-two/
http://www.decanter.com/dwwa/2010/dwwa_search.php?qsearch=aiaw
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mardi 8 février 2011
MALBEC, ESTATE, 2008, CALCHAQUI, BODEGA COLOMÉ
Petit retour vers un pays que j’ai quelque peu délaissé au cours des deux dernières années. La raison pour laquelle je m’intéresse moins aux vins de ce pays, c’est qu’en général, malgré une qualité certaine, je trouve qu’ils manquent d’identité. La production argentine est trop centrée sur Mendoza, le Malbec et le Torrontès. Un peu comme si le Chili se résumait à Maipo, Carmenère et Sauvignon Blanc. Je sais que ce que j’évoque est une caricature, mais il reste que la diversité de l’offre argentine, tant au niveau des cépages que de l’origine est trop concentrée. Un peu comme ses vins qui font rarement dans la dentelle. Ceci dit, si vous êtes intéressés par des vins qui ont une identité, une origine particulière, et qui en plus cadrent avec la courant que j’appelle le “vin idéologique”. Ce Malbec de Bodegas Colomé semble le candidat tout trouvé. Il est issu pour 20% de raisins venant de vignes de 60 à 150 ans d’âge, cultivées selon les préceptes de la biodynamie dans les vignobles les plus élevés du monde, plantés à des altitudes variant de 5,500 à 8,500 pieds. Personnellement, malgré que ce soit un autre Malbec argentin, c’est ce profil particulier qui m’a donné l’envie de l’essayer. Toutefois, il y a un problème pour les mondovinistes de ce monde qui auraient pu être attirés par ce vin. C’est que voyez-vous, le propriétaire des lieux est le milliardaire suisse Donald Hess qui possède aussi The Hess Collection, Sequana et Artezin en Californie, Brancaia en Toscane, Peter Lehman en Australie et Glen Carlou en Afrique du Sud. Nous somme donc loin du vin d’artisan local, mais plutôt proche d’un vin mondialisé. Un vin intégrant des principes en apparence opposés pour les idéologues de la bouteille. Ceci dit, est-il pour autant moins bon ou moins intéressant pour autant? Pardonnez-moi d’être politiquement incorrect, mais j’aurais tendance à croire qu’il a des chances d’être meilleur. Il est clair que M. Hess avec toutes ses propriétés possède une masse critique et le savoir-faire qui vient avec et que ce savoir-faire peut se transmettre. Pour preuve, l’oenologue en chef chez Colomé est Randle Johnson qui travaille aussi pour Artezin et The Hess Collection en Californie. Mais au-delà du savoir-faire, il y a l’intention. La devise des vins Hess Family est; “Terroir Wines Crafted On 4 Continents”. Finalement, la question est de savoir si un tel producteur mondialisé peut refléter le terroir dans les vins qu’il produit? Le terroir de Calchaqui est si unique, que les points de références sont quasi inexistants pour répondre à cette question. À tout le moins, voyons voir si le vin est bon.
La robe est de teinte sombre aux reflets violacés. Le nez est étonnamment mesuré, et dégage avec justesse des arômes de bleuets et de mûres, auxquels s’ajoutent des notes florales rappelant la lavande, de la muscade, ainsi qu’un léger aspect torréfié. Complexité limitée à ce stade, mais qualité et plaisir indéniables. En bouche, l’attaque est pleine et juteuse, avec une bonne acidité et un doux fruité éclatant, mâtiné de notes boisées bien dosées. L’ensemble est à la fois ferme et souple, soutenu par un trait d’amertume. Le milieu de bouche réitère la bonne présence du vin, sans que celui-ci ne semble pour autant s’imposer. La trame tannique est veloutée, sans aspérités aucunes. Un vin consistant qui glisse sans efforts vers une finale qui confirme, sous le signe de l’intensité, sur une persistance de bon niveau.
On peut bien aimer les principes plus que le vin, mais quand on s’en tient au vin dans le verre et qu’au surplus on a décidé de ne pas bouder son plaisir inutilement. On ne peut qu’être ravi par ce Malbec de Colomé. C’est un vin de très belle qualité, qui a tout pour plaire. Le vin est généreux mais équilibré, les 15% d’alcool passent sans problèmes, et sa jeunesse n’est pas un obstacle puisqu’il se livre déjà sous un jour très séduisant. C’est pour moi un vin du Nouveau-Monde dans le meilleur sens du terme, et offert à un prix très raisonnable (25$), compte tenu de son niveau qualitatif. Il m’est aussi apparu très fidèle à l’idée que je me fais de ce cépage en territoire argentin. L’origine argentine m’est donc apparue limpide. Toutefois, je n’y ai pas noté de particularité pouvant le démarquer clairement d’un Malbec de Mendoza du même niveau et du même style. Peut-être que dans une dégustation comparative directe, un caractère particulier pourrait se révéler plus facilement. Une chose est sûre toutefois, c’est un beau vin et un bon achat.
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jeudi 3 février 2011
SYRAH, BAYO OSCURO, 2007, CASABLANCA, KINGSTON FAMILY VINEYARDS
L’histoire de la famille Kingston au Chili est fascinante. Elle remonte au début du vingtième siècle alors que le premier des Kingston, venu du Michigan, s’y est rendu à la recherche de cuivre et d’or. Les rêves miniers ne se sont pas réalisés, mais plusieurs générations de la famille ont été élevées sur la ferme familiale de 7,500 hectares située dans la région de Casablanca. Malgré ce fait, le lien américain n’a jamais été rompu et ils ont pu préserver leur langue et leur culture, plusieurs membres de la famille ayant complété leur éducation dans de grandes universités américaines. C’est en 1994 qu’a germé l’idée de planter un vignoble sur les terres de la ferme familiale et il a fallu attendre le millésime 2003 pour voir embouteillés les premiers vins du domaine élaborés sous la gouverne du “winemaker” californien et partenaire du projet Byron Kosuge, un spécialiste du Pinot Noir. Il faut dire qu’une faible partie des récoltes est vinifiée par Kingston, le gros de la production de raisins est vendue. En 2006, les vins de Kingston ont été produits pour la première fois dans les installations nouvellement construites du domaine. Cette Syrah, Bayo Oscuro, représente le haut de gamme de la maison et seulement 245 caisses ont été produites. Les vignes du domaine sont plantées franches de pied et Byron Kosuge dit qu’avec ce 2007 il a tenté de réduire l’extraction car les millésimes précédents lui semblaient trop concentrés. Il a aussi prolongé de trois mois l’élevage en barriques pour le porter à 15 mois, dans le but de faire évoluer le vin un peu plus rapidement pour le rendre plus approchable en prime jeunesse. Le vin n’est pas filtré ni collé et titre à 14.5% d’alcool.
La robe est sombre bien que très légèrement translucide. Le nez est superbe et typique des bons vins de ce cépage issus de climats frais. Les similarités avec le Rhône nord sont évidentes. La palette olfactive déploie de beaux arômes de fruits rouges et noirs et de poivre noir, auxquels s’ajoutent des notes florales et d’épices douces un peu exotiques. Un léger aspect boisé vient compléter cet ensemble séduisant. En bouche, le vin montre un très bel équilibre, alliant structure ferme, acidité bien dosée et fine texture tannique. Il affiche un spectre de saveurs très intenses d’une superbe qualité, soutenues par une amertume bien calibrée. Le milieu de bouche révèle une jeune Syrah sérieuse, droite et vive, avec une matière dense et concentrée évitant toute lourdeur. Pour conclure, les saveurs gagnent un cran en intensité sur une très bonne allonge aux relents amers de chocolat noir.
À mon avis, et selon ce que j’ai pu goûter à date venant du Chili. Ce Bayo Oscuro est à compter parmi les meilleures rouges de ce pays. Ce vin offre une Syrah à la fois fraîche et sérieuse, concentrée et équilibrée. Bien sûr, le vin ne fait que débuter sa vie, mais celui-ci est déjà très agréable et la matière est là pour laisser entrevoir une évolution harmonieuse sur de nombreuses années. Je grogne souvent contre l’offre très perfectible de vins chiliens de la SAQ, mais cette fois-ci je dis félicitations. C’est avec des vins comme celui-ci que le Chili vinicole arrivera à convaincre ceux qui doutent ou ignorent son potentiel. Si plus d’amateurs goûtent à un vin chilien de cette qualité et de ce style, plus grande sera la demande pour ce type de vins et plus ce pays pourra poursuivre sa progression rapide. De plus, au prix demandé de 35$, compte tenu du haut niveau qualitatif et du style offert. Je considère ce vin comme une véritable aubaine. Il y a peu d’endroits dans le monde qui peuvent produire des vins de Syrah de ce style, encore moins à ce prix. Ici, on est vraiment du côté Syrah des choses. Pour mes lecteurs auxquels j’ai fait goûter la Syrah, Chono, 2007 de la vallée de Elqui, un vin auquel certains ont trouvé des airs de Côte-Rôtie, et bien cette cuvée Bayo Oscuro est dans un style très similaire au plan aromatique, sauf que le vin est plus dense et concentré, avec un apport boisé plus important, même si loin d’être excessif. Si vous avez le goût de découvrir un vin élite du Chili offert à un prix plus que raisonnable. Je ne saurais trop vous recommander d’essayer ce très beau jeune vin. Il y de bonnes chances pour qu’ensuite vous y reveniez.
http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=15&t=17575&hilit=bayo
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lundi 31 janvier 2011
Chardonnay: Ignorer la Bourgogne pour y aller avec l'Australie
Les mots du titre ne sont pas les miens, mais les premiers mots d'un autre article de Decanter vantant les mérites du Chardo australien issu de régions fraîches. Cette fois, cet enthousiasme pour l'élite des Chardonnays australiens ne vient pas d'un seul homme, Andrew Jefford, comme je l'avais relaté sur ce blogue il y a quelques mois (voir lien), mais d'un panel d'experts réuni par Decanter.
Bien sûr mon titre est provocateur, et je ne pense pas que d'ignorer une région soit une bonne idée, surtout quand il s'agit de la référence en la matière. D'un autre côté, il est clair que le virage vers les climats plus frais entrepris par plusieurs pays de Nouveau-Monde n'est pas reconnu à sa juste valeur. On continue d'y aller de clichés à propos des vins de ces pays, comme si tout y était encore homogène. Malheureusement, ici au Québec, quand on parle des meilleurs vins de Chardonnay australiens, on parle de quelque chose que l'on connaît très peu. La SAQ n'offre que quatre vins de Chardonnay australiens au-dessus de la barre des 31$, alors qu'au dessus de ce prix on y retrouve 235 bourgognes blancs. Comme on peut le voir, la région qui est ignorée ici, c'est l'Australie. D'ailleurs, en lisant l'article de Decanter, on constate dans les propos d'un propriétaire de restaurant combien il est difficile de changer les perceptions. Les producteurs du Nouveau-Monde soucieux de la qualité, qui passe par le choix d’un terroir approprié, sont fortement pénalisés par les généralistions négatives. En France on décortique le territoire en micro-appellations, dont plusieurs sont très reconnues, alors que dans le Nouveau-Monde, la plupart des amateurs ne peuvent distinguer les régions plus fraîches des région plus chaudes. On se contente souvent de parler de vins australiens, chiliens, sud-africains, etc... Il faut donc de la volonté dans ces contrées pour y aller des efforts nécessaires pour se distinguer. Pour viser la meilleure qualité possible en investissant ce qui est nécessaire pour y arriver. Vous me direz que s'il y avait moins de Yellow Tail et autres Fuzion qui prennent le devant de la scène, l'image des vins de ces pays serait meilleure. Sûrement, mais le vin de masse bon marché est produit dans tous les pays vinicoles. Ce n'est pas une raison pour tout amalgamer.
Je continue de penser que pour s'ouvrir aux bons vins de ces pays, il faut une bonne disposition d'esprit préalable. Il faut les aborder positivement. Sinon ils ne seront appréciés à leur vraie valeur que comme surprises dans des dégustations à l'aveugle. Mais bien sûr, pour découvrir le meilleur visage que peuvent offrir les vins de ces pays, il faut y avoir accès. Malheureusement, l'offre n'est pas bonne au Québec parce que la demande n'est pas forte. Mais comment créer une demande pour quelque chose qui est très peu disponible et méconnu? C'est l'oeuf ou la poule, et on revient toujours au même problême de base de promotion. Qui au Québec pourrait se faire le promoteur de ces vins sur la place publique? Quel expert en la matière, possèdant la crédibilité nécessaire, pourrait jouer ce rôle? Pour le moment je ne vois personne, et c’est bien dommage.
http://www.decanter.com/news/wine-news/514019/chardonnay-choose-australia-decanter-readers-urged
http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/10/lexemple-britannique.html
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Bien sûr mon titre est provocateur, et je ne pense pas que d'ignorer une région soit une bonne idée, surtout quand il s'agit de la référence en la matière. D'un autre côté, il est clair que le virage vers les climats plus frais entrepris par plusieurs pays de Nouveau-Monde n'est pas reconnu à sa juste valeur. On continue d'y aller de clichés à propos des vins de ces pays, comme si tout y était encore homogène. Malheureusement, ici au Québec, quand on parle des meilleurs vins de Chardonnay australiens, on parle de quelque chose que l'on connaît très peu. La SAQ n'offre que quatre vins de Chardonnay australiens au-dessus de la barre des 31$, alors qu'au dessus de ce prix on y retrouve 235 bourgognes blancs. Comme on peut le voir, la région qui est ignorée ici, c'est l'Australie. D'ailleurs, en lisant l'article de Decanter, on constate dans les propos d'un propriétaire de restaurant combien il est difficile de changer les perceptions. Les producteurs du Nouveau-Monde soucieux de la qualité, qui passe par le choix d’un terroir approprié, sont fortement pénalisés par les généralistions négatives. En France on décortique le territoire en micro-appellations, dont plusieurs sont très reconnues, alors que dans le Nouveau-Monde, la plupart des amateurs ne peuvent distinguer les régions plus fraîches des région plus chaudes. On se contente souvent de parler de vins australiens, chiliens, sud-africains, etc... Il faut donc de la volonté dans ces contrées pour y aller des efforts nécessaires pour se distinguer. Pour viser la meilleure qualité possible en investissant ce qui est nécessaire pour y arriver. Vous me direz que s'il y avait moins de Yellow Tail et autres Fuzion qui prennent le devant de la scène, l'image des vins de ces pays serait meilleure. Sûrement, mais le vin de masse bon marché est produit dans tous les pays vinicoles. Ce n'est pas une raison pour tout amalgamer.
Je continue de penser que pour s'ouvrir aux bons vins de ces pays, il faut une bonne disposition d'esprit préalable. Il faut les aborder positivement. Sinon ils ne seront appréciés à leur vraie valeur que comme surprises dans des dégustations à l'aveugle. Mais bien sûr, pour découvrir le meilleur visage que peuvent offrir les vins de ces pays, il faut y avoir accès. Malheureusement, l'offre n'est pas bonne au Québec parce que la demande n'est pas forte. Mais comment créer une demande pour quelque chose qui est très peu disponible et méconnu? C'est l'oeuf ou la poule, et on revient toujours au même problême de base de promotion. Qui au Québec pourrait se faire le promoteur de ces vins sur la place publique? Quel expert en la matière, possèdant la crédibilité nécessaire, pourrait jouer ce rôle? Pour le moment je ne vois personne, et c’est bien dommage.
http://www.decanter.com/news/wine-news/514019/chardonnay-choose-australia-decanter-readers-urged
http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/10/lexemple-britannique.html
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samedi 29 janvier 2011
Bordeaux, la hiérarchie, Michel Rolland et l’oenologie moderne...
Je lisais aujourd’hui un article du magazine français Le Point à propos d’une autre de ces dégustations comparatives de vins de Bordeaux organisées par le Grand Jury européen. Cette fois on se limitait aux premiers et deuxièmes grands crus classés du millésime 2005, et encore une fois certains trouvent des excuses. On explique les résultats par le Merlot, l’oenologie moderne et bien sûr, le sempiternel bouc-émissaire des bien-pensants de la bouteille, Michel Rolland. Après m’être pas mal intéressé à ce type de dégustation à mes débuts comme amateur un peu plus sérieux, je portais moins d’attention à ce genre de résultats ces dernières années. Toutefois, la dégustation de bordeaux, 2000, à laquelle j’ai participé la semaine passé, m’a amené à y prêter plus d’attention cette fois-ci. Lors de cette dégustation, un des sujets de discussion entre les participants portait sur la difficulté qu’il y a à reconnaître les caractéristiques du Merlot dans des vins servis à l’aveugle. C’est un cépage élusif qui pour moi demeure une énigme. C’est aussi un cépage qui a le dos large pour expliquer les résultats surprenants obtenus lors des dégustation à l’aveugle, ou même en semi-aveugle. Lors de la dégustation la semaine passée, mon vin favori a été le Saint-Emilion, Château La Gaffelière, et pourtant, avant le dévoilement des étiquettes, j’étais convaincu d’avoir choisi comme premier le vin le plus sérieux du lot, un vin avec un profil rive gauche bien typé. Si plusieurs, dont moi-même avaient bien identifié le Château Latour à Pomerol, comme provenant de la rive droite, en autant que je me souvienne, personne n’a fait cette prédiction avant le dévoilement pour le Gaffelière. Je ne suis pas le dégustateur le plus expérimenté avec ce type de vin, mais ce n’est pas la première fois où je suis témoin de choses semblables lors de dégustations comparatives où l’on ignore l’identité exacte des vins. Ce qui me porte à penser que le pauvre Merlot est souvent le coupable de service lors de ces circonstances. Le vilain a qui on attribue la faute de briser l’ordre établi. L’autre excuse courante est bien entendu l’âge des vins dégustés. Dans l’exemple du GJE on nous rabat les oreilles que les 1GCC, 2005, sont bien trop jeunes, comme si les seconds ne l’étaient pas eux aussi. Tous ces vins sont des vins très ambitieux, mais malgré cela on nous sert encore cette excuse commode. J’ai vraiment de la difficulté avec l’idée de cette hiérarchie immuable aux vertus presque magiques. Dans notre cas la semaine passée on dégustait des vins du millésime 2000, et là aussi l’excuse de l’âge des vins est revenue pour défendre Cos d’Estournel. Cela, même si les vins avaient cinq ans de plus que ceux du GJE.
L’autre élément qui revient souvent pour expliquer les incongruités de résultats lors de ce type de dégustations, c’est que les vins finissant avec surprise dans le haut du classement sont des vins fabriqués grâce à l’aide de l’oenologie moderne, avec comme tête de turc principale le consultant Michel Rolland. Autant je ne suis pas vraiment convaincu par les vins du Nouveau-Monde de celui-ci que j’ai pu goûter. Des vins qui à mon sens ont souvent trop de tout. Autant je trouve qu’à Bordeaux sa manière de faire donne de bons résultats. Comme si dans les climats souvent chauds du Nouveau-Monde, son obsession de la maturité donnait souvent des vins trop lourds, alors qu’à Bordeaux, où la maturité est moins facile à obtenir, l’équilibre pouvait être conservé car il est plus difficile de dépasser les limites. Bien sûr, on pourra m’objecter que certains dégustateurs n’aiment pas les vins issus de raisins vendangés à pleine maturité, et préfèrent les vins plus légers avec des touches de verdure. C’est bien possible, et parfaitement respectable, mais la réalité est que la majorité des dégustateurs préfèrent la maturité aux notes végétales vertes, comme celles de poivron vert qu’on retrouve souvent dans un vin comme le Sociando Mallet. Par exemple, vendredi soir passé, un seul dégustateur sur huit a bien coté le Sociando, 2000, qui se démarquait du lot par cet aspect de poivron vert. Ceci dit, ce n’était pas un mauvais vin pour autant, mais la réalité c’est qu’une grande majorité de dégustateurs préféreront l’absence de ce type d’arômes en mode comparatif. Pour ce qui est de l’oenologie moderne qui expliquerait la bonne performance en jeunesse de certains vins, pour moi c’est une pure bêtise. Un des reflets du courant que j’aime bien appeler le “vin idéologique”. J’avais d’ailleurs choisi d’apporter une bouteille du Château Kirwan, pour voir comment allait paraître ce vin souvent décrié comme une victime du modernisme qui afflige maintenant Bordeaux. La réalité c’est que Kirwan s’en est très bien tiré, et qu’il avait toutes les allures d’un très bon bordeau classique issu d’un bon millésime. Il n’y avait là aucune trace du Pomerol de la rive gauche suggéré par le patriarche britannique Micheal Broadbent dans le film Mondovino. Un film qui pour moi illustre bien le courant du vin idéologique. Ce courant où l’on boit des idées toutes faites, correspondants à certaines valeurs, au lieu de goûter les vins pour ce qu’il sont vraiment. Une chose est sûre, si les vins de Bordeaux étaient moins chers et que j’en devenais un amateur assidu. Mes achats se feraient hors de cette hiérarchie établie il y a trop longtemps. Ceci dit, je comprends les bordelais de le conserver, car celle-ci a été et demeure un formidable outil pour établir l’image de marque de la région. Mais en même temps, elle a transformé beaucoup de ses meilleurs vins en produits de luxe à la valeur codifiée d’avance.
http://www.lepoint.fr/vin/margaux-ou-morgon-21-01-2011-130867_46.php
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L’autre élément qui revient souvent pour expliquer les incongruités de résultats lors de ce type de dégustations, c’est que les vins finissant avec surprise dans le haut du classement sont des vins fabriqués grâce à l’aide de l’oenologie moderne, avec comme tête de turc principale le consultant Michel Rolland. Autant je ne suis pas vraiment convaincu par les vins du Nouveau-Monde de celui-ci que j’ai pu goûter. Des vins qui à mon sens ont souvent trop de tout. Autant je trouve qu’à Bordeaux sa manière de faire donne de bons résultats. Comme si dans les climats souvent chauds du Nouveau-Monde, son obsession de la maturité donnait souvent des vins trop lourds, alors qu’à Bordeaux, où la maturité est moins facile à obtenir, l’équilibre pouvait être conservé car il est plus difficile de dépasser les limites. Bien sûr, on pourra m’objecter que certains dégustateurs n’aiment pas les vins issus de raisins vendangés à pleine maturité, et préfèrent les vins plus légers avec des touches de verdure. C’est bien possible, et parfaitement respectable, mais la réalité est que la majorité des dégustateurs préfèrent la maturité aux notes végétales vertes, comme celles de poivron vert qu’on retrouve souvent dans un vin comme le Sociando Mallet. Par exemple, vendredi soir passé, un seul dégustateur sur huit a bien coté le Sociando, 2000, qui se démarquait du lot par cet aspect de poivron vert. Ceci dit, ce n’était pas un mauvais vin pour autant, mais la réalité c’est qu’une grande majorité de dégustateurs préféreront l’absence de ce type d’arômes en mode comparatif. Pour ce qui est de l’oenologie moderne qui expliquerait la bonne performance en jeunesse de certains vins, pour moi c’est une pure bêtise. Un des reflets du courant que j’aime bien appeler le “vin idéologique”. J’avais d’ailleurs choisi d’apporter une bouteille du Château Kirwan, pour voir comment allait paraître ce vin souvent décrié comme une victime du modernisme qui afflige maintenant Bordeaux. La réalité c’est que Kirwan s’en est très bien tiré, et qu’il avait toutes les allures d’un très bon bordeau classique issu d’un bon millésime. Il n’y avait là aucune trace du Pomerol de la rive gauche suggéré par le patriarche britannique Micheal Broadbent dans le film Mondovino. Un film qui pour moi illustre bien le courant du vin idéologique. Ce courant où l’on boit des idées toutes faites, correspondants à certaines valeurs, au lieu de goûter les vins pour ce qu’il sont vraiment. Une chose est sûre, si les vins de Bordeaux étaient moins chers et que j’en devenais un amateur assidu. Mes achats se feraient hors de cette hiérarchie établie il y a trop longtemps. Ceci dit, je comprends les bordelais de le conserver, car celle-ci a été et demeure un formidable outil pour établir l’image de marque de la région. Mais en même temps, elle a transformé beaucoup de ses meilleurs vins en produits de luxe à la valeur codifiée d’avance.
http://www.lepoint.fr/vin/margaux-ou-morgon-21-01-2011-130867_46.php
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jeudi 27 janvier 2011
SHIRAZ, BLUEPRINT, 2008, STELLENBOSCH, DE TRAFFORD WINES
De Trafford Wines est une “boutique winery” sud-africaine qui ne produit que 3500 caisses de vin par année. Après plusieurs années de tests à très petite échelle, le vignoble principal a été planté en 1994 et 1995 après une sélection minutieuse des porte-greffes et des clones les mieux adaptés aux sols et au microclimat du mont Fleur qui surplombe la région de Stellenbosch. Les raisins entrant dans cette cuvée sont en majorité issus du vignoble Keermont, où les vignes ont 10 ans d’âge, le tout complété par des raisins de vignes de trois ans d’âge, d’un clone différent, plantées dans deux autres vignoble. Finalement, et de manière surprenante, 8% de Petit Verdot complète l’assemblage de ce Shiraz. L’élaboration du vin inclut la vendange manuelle, l’égrappage, et la fermentation en cuves ouvertes à l’aide de levures indigènes. Le moût est ensuite pressé, puis le jus est transféré en barriques de chêne français (20% neuves), où a lieu une fermentation malolactique, suivie d’un élevage de 21 mois. Le vin est embouteillé sans collage ni filtration et avec un usage modéré de sulfites. Il titre à 15.15% d’alcool, pour un pH de 3.76.
La robe est très foncée, avec de légers reflets violacés. Le nez exhibe un agréable profil aromatique montrant un mélange de fruits rouges et noirs de très belle qualité, bien complété par des notes florales et un aspect doucement épicé. La bouche se déploie sur une attaque pleine, à la fois ferme et ample, qui déploie des saveurs fruitées/épicées savamment mariées et bien supportées par une juste dose d’amertume. Le milieu de bouche confirme la qualité de la matière, le vin montre une bonne concentration de saveurs, sans lourdeur, tout en conservant un profil sérieux, sans être austère. La trame tannique est tissée bien serré, mais montre quand même de la finesse. La finale maintient le bon niveau, avec des notes de chocolat noir qui gagnent du terrain, le tout sur une bonne persistance.
J’ai bien apprécié ce vin qui est d’une qualité irréprochable pour le prix demandé (32$). Il s’agit de mon cinquième vin de Shiraz sud-africaine dans la dernière année, et il me semble commencer à reconnaître un style général. Un profil particulier qui n’a rien à voir avec le style classique français du Rhône nord, ou bien avec l’archétype du Shiraz australien, ou encore avec les différents styles chiliens que je connais bien. Ce cépage semble pouvoir donner des vins de profils assez sérieux en Afrique du Sud, même si je regrette un peu de ne pas y retrouver les aspects classique de la Syrah de climat frais. Peut-être le climat n’est-il justement pas assez frais pour pouvoir obtenir ce type de profil. Le 15% d’alcool de ce vin est peut-être un indice révélateur en ce sens, même si dans le cas de ce Blueprint, cet élément est très bien intégré et ne nuit pas à l’équilibre du vin. Bien entendu, celui-ci est encore très jeune, et quelques années de garde pourraient lui être bénéfique, même s’il est déjà agréable à boire.
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dimanche 23 janvier 2011
Sortir de mes sentiers battus
Sortir de mon ordinaire, de ce que je connais bien, c’est ce que j’ai fait vendredi soir passé. Moi le buveur un peu obsédé par le fameux rapport qualité/prix, l’amateur de vins chiliens, je me retrouvais à participer à une dégustation de bordeaux 2000 de bonne réputation. Il y avait longtemps que j’avais participé à un tel exercice. C’est donc avec un regard frais que je me proposais d’aborder ces vins. Le thème de la soirée me plaisait, car nous avions affaire avec des vins d’un âge qui m’est familier, d’un millésime réputé, et qui, de réputation du moins, font partie de l’élite de la région. Moi qui, depuis un certain temps déjà, navigue à vue sur mon esquif chilien. Je me disais que cette dégustation pourrait renouveler mes points de repère. M’aider à remettre en contexte mes impressions lorsque je déguste des vins de cépages bordelais.
Je pense avoir atteint le but que je visais, tout en ayant le plaisir de partager en personne avec des passionnés. Mon premier constat, sans surprise aucune, c’est que j’aime le bon vin français. D’ailleurs, en goûtant ces vins, je me disais que le mépris que cette région s’attire auprès de certains amateurs idéologiques n’avait rien à voir avec le vin lui-même. Ces vilains gros domaines capitalistes, où règne apparemment l’oenologie moderne, savent quand même faire du bon vin. Du vin avec de la classe et une identité bordelaise évidente, surtout au stade actuel d’évolution de ces vins du millésime 2000. D’ailleurs, le podium de la soirée comprenait les deux seuls rive droite de la sélection, ainsi que mon offrande, le Château Kirwan, déjà qualifié de Pomerol de la rive gauche, élaboré alors sous les conseils du vilain Michel Rolland... Mondovino démonté, et qui a dit que les Québécois avaient un palais européen classique? Pour ma part ces résultats me rassurent plus qu’autre chose. Personnellement, c’est Cos d’Estournel que j’ai pris pour un vin de la rive droite. Insaisissable Merlot... Voici d’ailleurs mon ordre de préférence pour les vins de cette soirée:
1- Château La Gaffelière, Saint-Emilion
2- Château Haut-Bages Libéral, Pauillac
3- Château Kirwan, Margaux
4- Château Brane Cantenac, Margaux
5- Château Latour à Pomerol, Pomerol
6- Château Cos d’Estournel, Saint-Estèphe
7- Château Lagrange, Saint-Julien
8- Château Sociando-Mallet, Haut-Médoc
Les six premiers vins étaient très proches en terme de qualité, donc difficiles à départager. Aussi, j’ai trouvé que les vins, de manière générale, étaient à un beau moment de leur évolution, mais celle-ci est très loin d’être terminée. Les amateurs de notes tertiaires peuvent laisser dormir leurs bouteilles encore longtemps. Comme vous pouvez le voir, j’ai apprécié ma soirée et la majorité des vins, même si dans ce type d’exercice, la notion de RQP qui me préoccupe tant était évacuée. Cette dégustation n’a pas changé mes convictions en la matière. D’ailleurs, je pense que ce type de vins se situe hors d’une démarche RQP, et que la plupart de ceux qui s’y intéressent en sont conscients. Les grands crus classés de Bordeaux sont la plupart du temps des vins de très belle qualité, mais en même temps, ce sont des produits de luxe. Bien sûr cela est déplorable pour l’amateur pas très fortuné, mais c’est la réalité. Je lisais d’ailleurs un texte intéressant de Jancis Robinson cette semaine qui abordait ce sujet (voir lien). Mme Robinson fait partie de ces critiques britanniques au palais européen, et pourtant, elle dit que l’écart entre le meilleur de la France et le meilleur d’ailleurs, en particulier du Nouveau-Monde, continue de s’amoindrir. Toutefois, selon elle, cela ne menace en rien l’élite du vin français, car celle-ci véhicule une image de marque recherchée, et que ce faisant, les vins français prestigieux ne sont pas en compétition directe avec le reste de l’offre mondiale. Je suis parfaitement en accord avec elle. Pour moi, la France et ses meilleurs vins sont une référence qu’il est périodiquement agréable de visiter. Agréable pour la qualité incontestable des vins, mais agréable aussi parce que cela me confirme la validité de ma démarche. Sortir de mes sentiers battus, donc... pour mieux y revenir.
http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=21&t=17409
http://www.ft.com/cms/s/2/c3acd786-1df0-11e0-badd-00144feab49a.html#axzz1Ba2swhkE
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Je pense avoir atteint le but que je visais, tout en ayant le plaisir de partager en personne avec des passionnés. Mon premier constat, sans surprise aucune, c’est que j’aime le bon vin français. D’ailleurs, en goûtant ces vins, je me disais que le mépris que cette région s’attire auprès de certains amateurs idéologiques n’avait rien à voir avec le vin lui-même. Ces vilains gros domaines capitalistes, où règne apparemment l’oenologie moderne, savent quand même faire du bon vin. Du vin avec de la classe et une identité bordelaise évidente, surtout au stade actuel d’évolution de ces vins du millésime 2000. D’ailleurs, le podium de la soirée comprenait les deux seuls rive droite de la sélection, ainsi que mon offrande, le Château Kirwan, déjà qualifié de Pomerol de la rive gauche, élaboré alors sous les conseils du vilain Michel Rolland... Mondovino démonté, et qui a dit que les Québécois avaient un palais européen classique? Pour ma part ces résultats me rassurent plus qu’autre chose. Personnellement, c’est Cos d’Estournel que j’ai pris pour un vin de la rive droite. Insaisissable Merlot... Voici d’ailleurs mon ordre de préférence pour les vins de cette soirée:
1- Château La Gaffelière, Saint-Emilion
2- Château Haut-Bages Libéral, Pauillac
3- Château Kirwan, Margaux
4- Château Brane Cantenac, Margaux
5- Château Latour à Pomerol, Pomerol
6- Château Cos d’Estournel, Saint-Estèphe
7- Château Lagrange, Saint-Julien
8- Château Sociando-Mallet, Haut-Médoc
Les six premiers vins étaient très proches en terme de qualité, donc difficiles à départager. Aussi, j’ai trouvé que les vins, de manière générale, étaient à un beau moment de leur évolution, mais celle-ci est très loin d’être terminée. Les amateurs de notes tertiaires peuvent laisser dormir leurs bouteilles encore longtemps. Comme vous pouvez le voir, j’ai apprécié ma soirée et la majorité des vins, même si dans ce type d’exercice, la notion de RQP qui me préoccupe tant était évacuée. Cette dégustation n’a pas changé mes convictions en la matière. D’ailleurs, je pense que ce type de vins se situe hors d’une démarche RQP, et que la plupart de ceux qui s’y intéressent en sont conscients. Les grands crus classés de Bordeaux sont la plupart du temps des vins de très belle qualité, mais en même temps, ce sont des produits de luxe. Bien sûr cela est déplorable pour l’amateur pas très fortuné, mais c’est la réalité. Je lisais d’ailleurs un texte intéressant de Jancis Robinson cette semaine qui abordait ce sujet (voir lien). Mme Robinson fait partie de ces critiques britanniques au palais européen, et pourtant, elle dit que l’écart entre le meilleur de la France et le meilleur d’ailleurs, en particulier du Nouveau-Monde, continue de s’amoindrir. Toutefois, selon elle, cela ne menace en rien l’élite du vin français, car celle-ci véhicule une image de marque recherchée, et que ce faisant, les vins français prestigieux ne sont pas en compétition directe avec le reste de l’offre mondiale. Je suis parfaitement en accord avec elle. Pour moi, la France et ses meilleurs vins sont une référence qu’il est périodiquement agréable de visiter. Agréable pour la qualité incontestable des vins, mais agréable aussi parce que cela me confirme la validité de ma démarche. Sortir de mes sentiers battus, donc... pour mieux y revenir.
http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=21&t=17409
http://www.ft.com/cms/s/2/c3acd786-1df0-11e0-badd-00144feab49a.html#axzz1Ba2swhkE
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jeudi 13 janvier 2011
MALBEC, 2002, MENDOZA, CATENA
Je suis toujours sceptique quand j’entends des amateurs raconter qu’il ont passé un vin en carafe une couple d’heures, et que cela a permis à celui-ci de se transformer en profondeur. Personnellement, j’utilise rarement la carafe, mais je bois fréquemment des bouteilles sur de longues périodes durant la même journée. Dans ces circonstances, il m’arrive assez souvent de noter une certaine transformation entre le premier et le dernier verre. Dans des cas beaucoup plus rares, la transformation me semble vraiment marquée, mais à chaque fois je m’interroge à savoir si ce n’est pas ma perception du vin qui a changé dans le temps. Ceci dit, je suis convaincu que l’aération transforme le vin avec le temps, mais ordinairement ça prend pas mal plus qu’une heure ou deux pour que l’effet soit clairement notable. Ceci sans compter que la dite transformation n’est pas toujours positive.
Mes cas les plus spectaculaires de transformations positives sont survenus lorsque j’ai gardé des vins en demi-bouteilles pleines pendant quelques jours. Dans certains cas, comme dans le cas de ce Malbec, 2002, de Catena, la différence a vraiment été spectaculaire. Ce vin, la journée de l’ouverture, a été une totale déception. Il était sans vie, avec très peu de fruit, marqué par les notes tertiaires de feuilles mortes et avec une forte amertume en bouche. L’aération d’environ huit heures ce jour-là, avant le transvidage en demi-bouteille, n’a rien changé. Le profil peu invitant du vin était stable. Trois jours plus tard, j’ouvre la demi-bouteille bien remplie dans laquelle j’avais transvidé ce qui restait du contenu original. Le vin s’est alors présenté sous un jour totalement différent. L’équilibre était finalement au rendez-vous, avec un beau fruité rouge de cerises, une amertume modérée, des notes doucement épicées, et juste un peu de caractère évolué évoquant les feuilles mortes. En fait, il s’est présenté sous le jour que j’espérais au départ, celui que je connais et qui justifie pour moi la garde des rouges de Catena de ce niveau.
L’évolution du vin en bouteille est vraiment quelque chose d’intrigant et de difficilement prévisible avec précision. Cela est en totale contradiction avec la mode actuelle des notes, où les experts promettent de nous dire avec précision le niveau qualitatif d’un vin. C’est normal, l’amateur moyen est en quête de vérité. Il ne veut rien savoir de l’adage voulant qu’il n’y ait pas de grands vins, mais que de grandes bouteilles. Pourtant, la réalité est pire encore pour les vins de garde, car il y a des bouteilles qui ne seront grandes qu’à certains moments de leur existence, ou lorsque traitées d’une certaine façon avant le service. Le problème avec cette situation, c’est qu’il est très difficile de connaître le moment et les conditions idéales de service à l’avance. Si j’avais servi ce Malbec de Catena à quelques convives lors d’un repas. Le vin aurait été bu en trente minutes, et le constat aurait été celui d’un vin décevant ouvert trop tard. Un vin inapte à la garde. D’un autre côté, on ne peut pas ouvrir des bouteilles trois jours à l’avance en pensant que c’est qu’il faut toujours faire pour goûter le vin sous son meilleur jour. Avec un vin d’une vingtaine de dollars comme ce Catena, c’est de l’expérience intéressante acquise à peu de frais. Mais j’imagine la frustration potentielle pour l’amateur de fioles renommées et très coûteuses. À moins que dans ces cas-là le pouvoir de l’étiquette arrive quand même à bien faire paraître le vin...
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lundi 10 janvier 2011
La spécificité canadienne en matière de commerce du vin
J’ai déjà écrit sur ce blogue à propos de la difficulté pour un pays comme le Chili de promouvoir ses vins dans un pays comme le Canada où règnent les monopoles provinciaux d’état en matière de commerce du vin. À ce sujet, je suis tombé récemment sur une information intéressante qui reflète bien le caractère distinct du Canada en la matière. L’organisme “Vins du Chili” a annoncé la composition du panel de juges pour l’édition 2011 des “Wines of Chile Awards” qui aura lieu cette semaine à Santiago. Depuis le début de cet événement, qui en sera à sa huitième édition, l’industrie vinicole chilienne invite des critiques et chroniqueurs vin à juger la qualité d’une large sélection de vins à moins de 25$. Lors des six premières années, il y a eu alternance entre des panels britanniques et américains. Ce qui est logique, puisqu’il s’agit des deux plus gros marchés d’exportation pour le pays. Aussi, la presse vinicole de langue anglaise, que ça plaise ou non, demeure la plus influente à l’échelle mondiale. L’an passé, probablement pour faire changement, le panel de critiques invité était canadien. Il faut croire que les chiliens n’ont pas été très satisfaits des résultats commerciaux sur notre marché, puisque cette année le panel est composé de critiques américains (3), britanniques (2), suédois (1), japonais (1), brésilien (1), coréen (1), chinois (1) et chilien (1). Pas de canadiens? Rassurez-vous. Le Canada sera représenté sur le panel de juges, mais pas par des critiques reconnus, mais bien par des représentants de nos deux plus grands monopoles provinciaux: François Primeau responsable des communications à la SAQ et Shari Mogk-Edwards vice-présidente “merchandising” à la LCBO.
Donc, le seul pays qui ne sera pas représenté par un “winewriter” est la Canada, même si la Suède est aussi régie par un monopole étatique en matière de boissons alcoolisées. Selon moi, cette décision en dit beaucoup sur la particularité du marché canadien. Ici, ce qui compte pour espérer progresser dans le marché ce n’est pas de convaincre les journalistes, les sommeliers ou autres experts en la matière qui écrivent dans les médias et pourraient influencer les consommateurs. Non. Au Canada, il faut avoir de l’influence au coeur même des monopoles. J’espère donc que nos représentants commerciaux seront favorablement impressionnés par leur voyage et par les vins qu’ils goûteront, et que cela pourra se traduire par une amélioration de l’offre de vins chiliens dans leur province respective.
http://www.winesofchile.org/news-press/events/awoca-8-meet-our-judges/
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Donc, le seul pays qui ne sera pas représenté par un “winewriter” est la Canada, même si la Suède est aussi régie par un monopole étatique en matière de boissons alcoolisées. Selon moi, cette décision en dit beaucoup sur la particularité du marché canadien. Ici, ce qui compte pour espérer progresser dans le marché ce n’est pas de convaincre les journalistes, les sommeliers ou autres experts en la matière qui écrivent dans les médias et pourraient influencer les consommateurs. Non. Au Canada, il faut avoir de l’influence au coeur même des monopoles. J’espère donc que nos représentants commerciaux seront favorablement impressionnés par leur voyage et par les vins qu’ils goûteront, et que cela pourra se traduire par une amélioration de l’offre de vins chiliens dans leur province respective.
http://www.winesofchile.org/news-press/events/awoca-8-meet-our-judges/
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jeudi 6 janvier 2011
SAUVIGNON BLANC, RESERVA, 2008, CASABLANCA, VINA CASAS DEL BOSQUE
Casas del Bosque est une “boutique winery” qui a été fondée en 1993 par un fils d’immigrant italien, Juan Cunero Solari, qui a fait fortune dans la vente au détail. Celui-ci a choisi de s’installer dans la région de Casablanca non pas à cause qu’il était un précurseur qui avait reconnu les qualités de ce terroir frais, mais bien à cause de la proximité de l’endroit par rapport à la capitale Santiago. L’idée de base était d’y avoir sa maison de campagne. Comme quoi dans la vie, pour certaines décisions, il vaut parfois mieux être chanceux que bon. Car chanceux M. Cuneo Solari l’a été, puisqu’en plus de choisir la région de Casablanca, il s’est installé dans sa partie ouest, la plus proche de l’océan et la plus fraîche. Si les débuts relèvent un peu de la chance, il a vite réalisé ce qu’il avait entre les mains et a pris de bonnes décisions par la suite pour en exploiter le potentiel. Ce qui fait qu’aujourd’hui, Casas del Bosque est reconnu comme un des meilleurs producteurs de Casablanca, en particulier pour ses vins de Sauvignon Blanc. Cette cuvée Reserva est le cheval de bataille de la maison. C’est le vin qui a fait sa réputation grâce à un RQP exceptionnel. À chaque millésime, la composition du vin change, bien sûr le vin demeure un 100% Sauvignon Blanc, mais on change les proportions de différents clones du cépage, ainsi que la nature des sols sur lesquels ils ont été cultivés. Pour ce 2008, la moitié de l’assemblage provenait du clone 1, 40% du clone 242 et 10% du clone 107. Le vin est élaboré totalement en inox et élevé sur lies pendant trois mois. Il titre à 13.3% d’alcool, pour un pH de 3.25 et est bien sec avec 2.07g/L de sucres résiduels.
La robe est de teinte jaune pâle aux reflets verdâtres. Le nez s’exprime avec modération sur des arômes dominants de citron, complétés par un léger aspect végétal et une subtile touche florale. C’est en bouche que le vin montre tout son éclat avec une attaque vive et un fruité citrique intense. Le côté végétal est vraiment mineur dans le profil gustatif de ce vin totalement axé sur le fruité intense et l’acidité tranchante. Le milieu de bouche permet d’apprécier le très bon niveau de concentration, avec une profondeur des plus surprenantes pour un vin de ce prix. Si je savais vraiment détecter ce qu’on appelle le caractère minéral dans un vin, je pense que je crierais à la fameuse “minéralité” dans ce cas-ci, mais comme ce concept flou m’échappe encore, je m’abstiendrai. Une chose est sûre toutefois, les acides organiques naturels de ce vin lui donnent un caractère qui me fait penser que c’est ce que plusieurs qualifient de minéral, même si du point de vue chimique il n’en est rien. Trêve de digression, simplement pour dire que la finale complète à merveille ce superbe vin, gardant le cap et montrant une belle persistance.
Ceux qui suivent ce blogue depuis sa création se souviendront peut-être qu’un Sauvignon Blanc de Casablanca a été à l’origine de sa création, soit le Alto Vuelo, 2008, de William Cole Vineyards. J’avais alors osé comparer ce vin de 15$ à un Sancerre de belle qualité, et bien 16 mois plus tard, avec ce Casas del Bosque, Reserva, du même millésime et de prix comparables, j’ai eu la même impression. Les deux vins partagent un terroir similaire situé à l’ouest dans la partie la plus fraîche de la vallée de Casablanca, et leurs profils gustatifs axés sur un fort caractère citronné se ressemblent. Depuis les débuts de ce blogue, j’ai parlé pas mal de Sauvignon Blanc. Pour ceux qui ont suivi mes divers commentaires sur le sujet, je dirais que ce Casas del Bosque est axé sur le côté terpène citronné, et non pas sur l’aspect thiolé de pamplemousse, fruit de la passion, buis, feuille de tomate, cassis. Le côté pyrazine d’herbe coupée, de poivron vert ou de d’asperge est aussi très faible. Cette partie très fraîche de Casablanca semble vraiment donner un style distinctif, même si les choix de culture et de vinification jouent assurément un rôle dans le résultat final. Pour apprécier ce vin, il ne faut pas avoir peur de l’acidité. Il montre vraiment un style épuré que j’apprécie. C’est mon premier contact avec un vin de cette maison, et maintenant je comprends pourquoi elle a si bonne réputation. Pour environ 15$, ce vin est un superbe RQP. Un vin qui pourrait se vendre facilement le double s’il venait de la Loire. Je ne tente pas d’”agacer” qui que ce soit par ce commentaire. Je ne fais qu’exprimer ce que je pense sincèrement. L'inventaire de ce vin est maintenant très bas à la SAQ. Désolé d'en rendre compte un peu trop tard. J'espère que le 2009 suivra sur les tablettes. J'aimerais aussi goûter les vins de Syrah de ce producteur qui selon mes lectures sont aussi de très belle qualité, ceci sans compter les deux cuvées supérieures de Sauvignon Blanc du producteur (Gran Reserva et Pequenas Produccion). Casas del Bosque: un nom à retenir.
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lundi 3 janvier 2011
GEWURZTRAMINER, VENDANGES TARDIVES, 2008, CURICO, VINA MONTES
Ce vin est issu de raisins atteints à 70% par le botrytis, vendangés à la mi-juin à partir de vignes dont le rendement était maintenu au faible niveau de 25 hl/ha. Ces vignes sont situées dans la vallée de Curico, juste au sud de Colchagua, où Vina Montes possède ses vignobles. Pendant son élaboration, le vin ne voit que l’inox, ce qui est un peu surprenant quand on connaît le penchant boisé des rouges de la maison. Les liquoreux chiliens sont assez rares, et ceux qui se rendent au Canada encore plus. Je suis donc curieux de goûter celui-ci.
Le robe est d’une belle teinte dorée. Le nez est de bonne intensité et exprime des arômes d’orange, de pêche, de botrytis, de miel, le tout complété par de fines notes florales. Très beau nez montrant une belle qualité d’arômes. En bouche, le vin se montre souple et ample d’entrée, avec un bel équilibre entre l’acidité et le gras. Les saveurs sont nettement de qualité supérieure et irradient le palais d’une onde de plaisir intense. En milieu de bouche, le plaisir demeure le maître-mot, et on peut noter le bon niveau de concentration du vin. La finale est harmonieuse, à la fois longue et soyeuse.
Voilà un beau vin! Équilibré et intense, avec une belle matière et une certaine complexité. Manque un peu de profondeur pour être vraiment complet, mais une longue période d’oxygénation lui a fait le plus grand bien à cet égard. Ce qui me porte à croire qu’il possède un très bon potentiel d’évolution où il pourrait aussi gagner en complexité. J’aimerais déguster ce vin à l’aveugle, en compagnie d’une série de liquoreux de niveau intermédiaire, pour voir comment il s’en tirerait. Une chose est sûre toutefois, un vin de ce genre montre encore une fois tout le potentiel de diversité et de qualité du Chili. J’ai payé celui-ci 16.95$ pour une demi-bouteille. À ce prix, c’est certainement un bon achat. Bien sûr, le RQP n’est pas aussi bon que dans le cas du Concha y Toro offert à la SAQ, et qu’on peut facilement se procurer à seulement 11.20$ lors d’une promo 10%. Mais le Montes me semble être un cran au-dessus en terme de qualité, même si cela aussi mériterait d’être valider par une comparaison directe. Micheal Schachner du magazine américain “Wine Enthusiast” dit de ce vin qu’il s’agit du meilleur vin de dessert chilien. C’est peut-être vrai, mais j’aimerais bien goûter des vins comme le “El Noble” de Vina Villard, ou la cuvée de vendanges tardives de Vina Morandé. Ces deux vins de Casablanca sont issus de raisins de Sauvignon Blanc botrytisés. Pour compléter, j’aimerais bien goûter le nouveau Torontel, Erasmo, de Vina La Reserva de Caliboro. Ce vin, inspiré du Vino Santo italien, est élaboré par des toscans à partir de vignes de 60 ans d’âge non irriguées qui avaient été oubliées quelque part dans la vaste vallée de Maule. La Reserva de Caliboro est le projet chilien du comte Francesco Marone Cinzano, propriétaire en Tosacane du domaine Col d’Orcia. Le premier millésime de ce vin particulier ne date que de 2006, mais déjà, certains y voient le meilleur vin liquoreux chilien. Celui-ci est élaboré en suspendant pendant trois mois pour séchage des grappes de vendanges tardives, avant le pressage et la fermentation en barriques (voir le lien et la photo). Le potentiel pour ce type de vins issus de vieilles vignes de Torontel, un cépage s’apparentant au Muscat, semble immense dans la vallée de Maule. Le vin liquoreux est donc une autre facette à suivre de la diversification qualitative chilienne en cours.
http://www.mosto.cl/2010/07/15/oro-para-un-oro-del-maule/
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jeudi 30 décembre 2010
PINOT NOIR, RESERVA ESPECIAL, 2008, LIMARI, VINA TABALI
Un autre vin de la vallée de Limari. Cette fois le Pinot Noir d’un producteur qu’on connaît ici au Québec pour son Chardonnay de la même gamme, et pour sa Syrah Reserva. Ce Pinot provient de trois parcelles sélectionnées d’un vignoble aux sols calcaires situé à 29 km de l’océan Pacifique. Dans un message précédant, je joignais un lien vers un vidéo montrant le nouveau vignoble Talinay de Vina Tabali. Celui-ci est plus frais car situé à seulement 12 km de la côte du Pacifique. Les premiers résultats en Pinot issus de ce vignoble seraient des plus prometteurs selon l’expert britannique en vins chiliens Peter Richards. Pour revenir au Reserva Especial dont il est question ici. Le vin a été élevé pendant 12 mois en barriques de chêne français. Il titre à 13.5% d’alcool pour un pH de 3.51 et 3.1 g/L de sucres résiduels.
La robe est d’une belle teinte rubis passablement translucide. Le nez est bien calibré et dégage de jolis arômes de fraise et de cerise, complétés par une touche épicée évoquant la muscade et la cannelle, ainsi que par une légère touche torréfiée. Assez simple comme nez, mais propre, et fidèle à l’idée que je me fais de ce cépage dans une bonne version Nouveau-Monde. En bouche, l’attaque est équilibrée, avec une bonne souplesse et de l’amplitude. Les saveurs sont franches et intenses, mais sans excès, ce qui donne un vin facile à boire. Le milieu de bouche montre une bonne concentration, sur une texture tannique raffinée. La finale est fondue et persistante avec des notes épicées qui ressortent à la toute fin.
C’est le troisième millésime de ce vin que j’essaie, et ma persévérance est finalement récompensée. Les millésimes 2006 et 2007 de ce vin ne m’avaient pas convaincus. Les vins n’étaient pas mauvais, mais n’avaient rien pour séduire non plus. Ce 2008 marque donc un clair pas en avant. Une preuve que les producteurs chiliens sont toujours en processus d’apprentissage avec ce cépage exigeant. Avec ce vin on obtient un Pinot de profil Nouveau-Monde, dans le meilleur sens du terme. Selon mon expérience, c’est un vin qui peut se comparer à de bons exemples de Californie ou de Nouvelle-Zélande dans l’intervalle de prix 30-40$. Donc, pour les 19.95$ payés, il s’agit d’un excellent RQP. Selon mes lectures, le 2009 serait encore meilleur. C’est donc une histoire à suivre.
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mardi 28 décembre 2010
Le bon goût peut-il être subjectif?
Je suis tombé sur un petit texte intéressant aujourd’hui sur le blogue de Jaimie Goode (voir lien), à propos du caractère subjectif ou objectif de la dégustation de vin. Quand on débute dans le monde du vin, le conseil donné par à peu près tous les experts est de faire confiance à son goût. Qu’il n’y a pas de vérité absolue en matière de vin. Que notre palais est le seul qui compte vraiment. Mais au fur et à mesure que l’on progresse dans le domaine, on se rend bien compte que ce discours est d’une grande hypocrisie. Les amateurs passionnés autant que les critiques renommés ne croient pas un instant à ce concept de goût personnel. Au contraire, ils adhèrent à des canons esthétiques traditionnels, à ce que de manière générale on appelle le bon goût, et que personnellement j’aime bien appeler le “vrai goût”. Car hors de ce “vrai goût” il n’y a pas de crédibilité possible. Bien sûr, à l’intérieur de ce goût légitime, chacun pourra avoir ses préférences, mais pour conserver sa crédibilité, il vaudra mieux ne pas rejeter certaines choses. Vous n’aimez pas les vins qui sentent l’écurie, le poulailler, la sueur, le crottin de cheval et autres odeurs ordinairement désobligeantes, lorsque rencontrées ailleurs que dans un verre de vin? Ne le dite pas trop fort. C’est que vous n’avez pas encore apprivoisé une partie du “vrai goût”. Même chose pour les vins blancs tirant sur l’oxydation, ce n’est pas un défaut, non. Ça fait partie du style du producteur.
Donc, la prochaine fois que vous lirez un expert qui dira qu’il faut découvrir son palais, et que celui-ci ne peut pas se tromper. N’en croyez rien. En matière de vin, il y a des goûts acceptables et reconnus par les gens sérieux et expérimentés. Des goûts qu’il faut apprivoiser si on veut être pris au sérieux comme amateur, et il y a les goûts déviants, comme aimer les vins rouges sur la douceur. Je lisais mes amis de FDV cette semaine à propos d’un vin rouge californien très populaire à la SAQ, et apparemment d’une douceur intolérable. La condescendance de plusieurs illustrait bien mon propos sur l’existence d’un “vrai goût” (voir lien). D’ailleurs, l’utilisation courante au Québec du terme “guidoune” (fille facile, prostituée) pour décrire ce type de vin est assez révélateur. Notre vieux fond catholique ressort alors, avec le goût respectable d’un côté, qu’on pourrait associer à l’épouse légitime, et le goût pervers et inacceptable de l’autre, associé à l’image de la fille de joie.
On entend souvent dire que la dégustation est un processus qui inclut une part d’apprentissage. C’est vrai. Il est aussi vrai que l’on peut développer des goûts à l’usage. Mais il est aussi vrai, je pense, que l’apprentissage inclut souvent un processus de correction, où l’on enseigne ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Cela n’a rien à voir avec les sensations réelles et leur appréciation. Dans ces conditions, on ne développe pas le goût, mais plutôt l’idée de ce qu’il devrait être.
http://www.wineanorak.com/wineblog/uncategorized/so-is-wine-tasting-subjective-or-objective
http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=2&t=17187
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Donc, la prochaine fois que vous lirez un expert qui dira qu’il faut découvrir son palais, et que celui-ci ne peut pas se tromper. N’en croyez rien. En matière de vin, il y a des goûts acceptables et reconnus par les gens sérieux et expérimentés. Des goûts qu’il faut apprivoiser si on veut être pris au sérieux comme amateur, et il y a les goûts déviants, comme aimer les vins rouges sur la douceur. Je lisais mes amis de FDV cette semaine à propos d’un vin rouge californien très populaire à la SAQ, et apparemment d’une douceur intolérable. La condescendance de plusieurs illustrait bien mon propos sur l’existence d’un “vrai goût” (voir lien). D’ailleurs, l’utilisation courante au Québec du terme “guidoune” (fille facile, prostituée) pour décrire ce type de vin est assez révélateur. Notre vieux fond catholique ressort alors, avec le goût respectable d’un côté, qu’on pourrait associer à l’épouse légitime, et le goût pervers et inacceptable de l’autre, associé à l’image de la fille de joie.
On entend souvent dire que la dégustation est un processus qui inclut une part d’apprentissage. C’est vrai. Il est aussi vrai que l’on peut développer des goûts à l’usage. Mais il est aussi vrai, je pense, que l’apprentissage inclut souvent un processus de correction, où l’on enseigne ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Cela n’a rien à voir avec les sensations réelles et leur appréciation. Dans ces conditions, on ne développe pas le goût, mais plutôt l’idée de ce qu’il devrait être.
http://www.wineanorak.com/wineblog/uncategorized/so-is-wine-tasting-subjective-or-objective
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samedi 25 décembre 2010
NINQUÉN, 2002, COLCHAGUA, VINA MONTGRAS
Je profite de ce message pour souhaiter un Joyeux Noël à tous. Merci de me suivre. Après avoir goûté la très jeune cuvée 2007 de ce vin, à dominante Syrah. J’ai eu envie d’ouvrir une bouteille de la cuvée 2002 pour voir comment ce vin évolue après cinq ans de garde. Ce 2002 est à forte dominante de Cabernet Sauvignon, complété par un faible 5% de Malbec. La Syrah ne faisait alors pas partie de l’assemblage et n’est apparue dans celui-ci qu’avec le millésime 2006. Ce Ninquén, 2002 a été produit à partir de vignes qui n’avaient que cinq ans d’âge à l’époque, et comme pour les versions subséquentes, l’élevage en barriques est ambitieux, avec 18 mois passés en barriques neuves de chêne français. J’ai décidé d’ouvrir cette bouteille pour voir comment s’intègre le boisé dans ce vin avec le temps.
La robe est toujours assez foncée, même si légèrement translucide. Le nez est simplement superbe, d’une juste intensité, et exhale d’envoûtants parfums de fruits noirs et rouges (cerises), d’épices douces exquises, de bois de cèdre et d’encens, complétés par un soupçon de terre humide et une très légère touche chocolatée. L’apport boisé est encore présent, mais heureusement, le temps a commencé à faire son oeuvre. Le type de nez auquel on revient sans cesse et qui vaut le coup presqu’à lui seul. La bouche est toute en délicatesse, caressante, avec une trame tannique veloutée qui sert d’écrin à des saveurs de grande qualité reflétant fidèlement le profil olfactif. Le milieu de bouche permet de constater que le vin a encore beaucoup de matière et que c’est l’équilibre des divers composants de celle-ci qui procure la sensation de raffinement qui se dégage de l’ensemble. Le vin est un pur délice qui remplit bien la bouche, et qui coule sans efforts. La finale poursuit en droite ligne, sous le signe de l’harmonie, avec des saveurs qui se fondent à merveille et persistent un très long moment sur de fines rémanences de chocolat noir.
L’année s’achève. Une année au cours de laquelle j’ai eu la chance de goûter plusieurs très bons vins. Mais ce Ninquén, 2002, fait assurément partie des quelques meilleurs. Ces cinq années de garde ont su l’assagir et lui donner cet équilibre si particulier que seul le temps passé en bouteille peut donner. Ce n’est pas un vin au profil très évolué. Il est juste au début de son processus de transformation. Mais ces quelques années passées à l'ombre transparaissent déjà dans ce qu’il donne. J’accumule présentement les bouteilles de cuvées chiliennes supérieures toujours offertes à des prix abordables, et un vin comme ce Ninquén me réconforte dans ma conviction de faire la bonne chose. Ce vin peut rivaliser avec des Cabernets de classe mondiale vendus bien plus chers. En fait, il est tellement bon, que j’en viens à penser qu’il est regrettable qu’il n’existe désormais plus sous cette forme presque purement Cabernet. La Syrah donne de si bon résultats au Chili, que je n’ai pas de doute que la nouvelle mouture, qui a pris le relais avec le millésime 2006, sera aussi de haut niveau après quelques années passées en bouteille. Mais quand même, la qualité de ce vin aurait justifié qu’il survive dans sa forme Cabernet, car à mon avis il aurait pu rivaliser avec les meilleurs du pays. Il faut se rappeler, comme je le mentionne en introduction, que ce vin est issu de vignes qui n’avaient que cinq ans d’âge. L’autre constat que je tire de la dégustation de ce vin, c’est que des vins chiliens peuvent être élaborés avec un usage ambitieux du bois de chêne. Il faut juste les boire quand c’est le temps. Si on aime le boisé de jeunesse très appuyé, pas nécessaire d’attendre, mais j’ai l’impression que pour une majorité de dégustateurs, la garde de ce type de vins est essentielle pour en tirer le plein potentiel. Le problème de cette cuvée Ninquén, c’est qu’on associe souvent chez les amateurs garde et prix élevé. Au prix d’aubaine demandé pour ce vin (26$), combien d'acheteurs auront le réflexe de le mettre à l’ombre pour au moins cinq ans? Vous connaissez la réponse à cette question aussi bien que moi. Ceci sans compter la grande majorité d’acheteurs qui ne gardent jamais de bouteilles. Ils achètent et consomment dans les jours qui suivent. Cela nous ramène à un des problèmes non résolus du Chili, soit celui de la mise en marché trop hâtive de vins qui mériteraient mieux qu’une ouverture nettement trop précoce. Ce problème n’est pas l’apanage des producteurs chiliens, ailleurs aussi on met beaucoup de vins en marché bien trop tôt. Mais comme les vins chiliens ne sont pas encore reconnus à leur juste valeur pour la garde, et qu’ils se vendent généralement à des prix d'aubaine, le phénomène d’ouverture prématurée est sûrement massif. C’est bien dommage. Pour ma part, il me reste trois autres fioles de ce délicieux nectar. Il serait tentant de les ouvrir dans l'année qui vient, tellement le vin est bon. Mais je vais me montrer patient et continuer d'enrichir mon expérience dans la garde de ces bijoux négilgés.
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vendredi 24 décembre 2010
L'Angleterre: Le tremplin du Chili vers la reconnaissance
Dernièrement sur ce blogue je me suis montré optimiste sur le futur du Chili vinicole. J'ai vraiment l'impression que ce pays est à un tournant de son histoire en la matière, et que ce moment charnière de son évolution se joue en Angleterre. Les Chiliens investissent beaucoup dans ce pays très ouvert en matière de vin, et où plusieurs voix différentes forgent l'opinion. La stratégie est à mon sens brillante car ce pays a beaucoup d'influence dans le monde du vin. C'est un carrefour où les vins du monde se rencontrent, dans un pays qui a une tradition de consommation de vins étrangers. Donc, percer sur ce marché, c'est percer sur un terrain relativement neutre, mais qui est en mesure d'établir des comparaisons. Si le Chili change de statut sur ce marché, il y aura propagation du phénomène. La première cible qui est visée pour conquérir ce marché ouvert est bien sûr la presse. Les producteurs chiliens investissent beaucoup pour faire venir au pays des journalistes britanniques influents, avec pour but de leurs montrer les derniers développements qui ont lieu dans le pays.
J'ai relaté ici dernièrement les commentaires très positifs de "winewriters" britanniques. Et bien une autre voix s'ajoute, celle de Tim Atkins, un "Master of Wine" qui collabore à de nombreuses publications britanniques, dont la revue Decanter. Il revient lui aussi d'un voyage au Chili, et ses commentaires sont des plus positifs sur l'évolution du pays, même s'il prétend que le pays n'a pour le moment atteint que 30% de son vrai potentiel. Nul besoin de dire qu'il entrevoit l'avenir de ce pays avec enthousiasme. D'ailleurs, un des textes de M. Atkins s'intitule "Vers un nouveau Chili". Pour ma part, il y a déjà quelques années que je parle du "Nouveau Chili". Faut croire que j'étais en avance sur mon temps. Même aujourd'hui, surtout ici au Québec, j'ai l'impression d'être un prophète qui prêche dans le désert!!! J'ai écrit ici récemment que le Chili était en train de se transformer en un grand pays vinicole. Plus je lis sur le sujet, et surtout, plus je goûte les nouveaux vins de ce pays, du moins ceux que j'arrive à trouver, et bien, plus je suis convaincu de la justesse de ma prédiction.
http://blog.timatkin.com/
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J'ai relaté ici dernièrement les commentaires très positifs de "winewriters" britanniques. Et bien une autre voix s'ajoute, celle de Tim Atkins, un "Master of Wine" qui collabore à de nombreuses publications britanniques, dont la revue Decanter. Il revient lui aussi d'un voyage au Chili, et ses commentaires sont des plus positifs sur l'évolution du pays, même s'il prétend que le pays n'a pour le moment atteint que 30% de son vrai potentiel. Nul besoin de dire qu'il entrevoit l'avenir de ce pays avec enthousiasme. D'ailleurs, un des textes de M. Atkins s'intitule "Vers un nouveau Chili". Pour ma part, il y a déjà quelques années que je parle du "Nouveau Chili". Faut croire que j'étais en avance sur mon temps. Même aujourd'hui, surtout ici au Québec, j'ai l'impression d'être un prophète qui prêche dans le désert!!! J'ai écrit ici récemment que le Chili était en train de se transformer en un grand pays vinicole. Plus je lis sur le sujet, et surtout, plus je goûte les nouveaux vins de ce pays, du moins ceux que j'arrive à trouver, et bien, plus je suis convaincu de la justesse de ma prédiction.
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mercredi 22 décembre 2010
CHARDONNAY, MEDALLA REAL, 2008, LIMARI, VINA SANTA RITA
Pour rester dans le thème du message précédant. Après le Tabali, Reserva Especial, et le Marques de Casa Concha, j’ai pu mettre la patte sur un troisième Chardonnay, 2008, de la région de Limari. Comme dans le cas du Marques de Casa qui était auparavant originaire de Maipo, Santa Rita a aussi fait migrer sa production pour cette cuvée, dans ce cas de Casablanca vers Limari. Cette région semble vraiment être tenue en haute estime pour la production de vins de ce cépage. En fait, dans le cas de ce Medalla Real, 85% des raisins entrant dans sa composition proviennent de Limari, le reste venant de Leyda, une autre nouvelle région fraîche du Chili. Le vin a été fermenté et élevé sur lies en barriques de chêne français (20% neuves) pendant huit mois. Il titre à 14.5% d’alcool, pour un pH de 3.30, et est bien sec avec 1.77g/L de sucres résiduels.
La robe montre une teinte légèrement dorée. Le nez est discret, mais on peut quand même y percevoir des arômes de citron, de pêche, d’orange, et de noix, complétés par une légère touche beurrée. En bouche, l’attaque est équilibrée, avec une bonne amplitude et une texture légèrement onctueuse. Contrairement à la retenue olfactive, les saveurs s’expriment avec vigueur et intensité. Le vin est d’une bonne densité, mais évite de tomber dans l’excès. Cela lui permet de montrer une certaine élégance généreuse. Le milieu de bouche montre un bon niveau de concentration sur un volume bien ajusté. La finale est harmonieuse, avec une bonne persistance des saveurs sur de très légers relents d’amertume.
Ce troisième Chardonnay de Limari en assez peu de temps semble me confirmer une certaine “typicité” propre à la région, avec des profils se rapprochant plus de l’expression bourguignonne du cépage. C’est moins tropical, plus élégant, et on ne retrouve pas les arômes de maïs en grains qui sont assez fréquents dans les vins de ce cépage issus de Casablanca. Pour ce qui est de la fameuse “minéralité” qu’on dit propre aux vins de cette région. Ça demeure une notion vague et difficilement saisissable pour moi. Un espèce de qualificatif que personne ne comprend exactement de la même façon. D’ailleurs, je serais curieux de voir les résultats en pure aveugle d’une dégustation où les participants devraient juger les vins seulement sur l’aspect possiblement minéral de ceux-ci. Je pense que les résultats pointeraient dans toutes les directions. Pour en revenir à ce Medalla Real, minéral ou pas, il s’agit d’un beau vin offrant un RQP avantageux au prix demandé (17.95$).
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