mardi 15 février 2011

CABERNET SAUVIGNON, LAS MERCEDES, RESERVA ESPECIAL, 2007, MAULE, VINA J. BOUCHON




On pourrait comparer la vallée de Maule au Chili à la région du Languedoc en France. C’est une région où on a longtemps fait pisser la vigne pour produire du vin de table bas de gamme. Les deux régions partagent un cépage commun, le Carignan, qui a longtemps eu très mauvaise réputation, mais qu’on redécouvre aujourd’hui et dont on tire des vins originaux d’une qualité étonnante. Les deux régions se situent au bas de l’échelle du prestige dans leurs pays respectifs, l’échelle chilienne étant beaucoup plus restreinte à cet égard. Néanmoins, cette situation fait de Maule une des régions à privilégier pour qui recherche originalité et qualité à bon prix. Les deux points distinctifs principaux de cette région sont le vaste patrimoine de très vieilles vignes, et le fait qu’une partie de la vallée reçoit suffisamment de précipitations pour éviter le recours à l’irrigation. Vina J. Bouchon est un autre producteur chilien ayant des connexions avec la France. L’ancêtre de la famille a immigré du bordelais vers le Chili à la fin de 19 ième siècle à cause de la crise du phylloxéra, et l’oenologue conseil de la maison est un autre immigré français d’origine bordelaise, Patrick Vallette, dont la famille était jadis propriétaire du Château Pavie. M. Valette est aujourd’hui un consultant renommé au Chili. Il travaille, entre autres, pour le Clos Quebrada de Macul dans Maipo et Neyen de Apalta dans Colchagua. Pour ce qui est de cette cuvée spéciale Las Mercedes, il s’agit d’un vin issu à 100% du cépage Cabernet Sauvignon récolté manuellement dans deux vignobles distincts. Le vin est élevé pendant un an en barriques de chêne français de premier et deuxième usage. Il titre à 14% d’alcool pour un pH de 3.59 et 2.43 g/L de sucres résiduels.

La robe exhibe une couleur foncée très intense et pratiquement opaque. Le nez montre un heureux mélange d’arômes de fruits noirs, de terre humide, de café et d’herbes aromatiques, complétés par un brin d’épices douces et de légères notes florales. Beau nez complexe et au profil particulier qui le distingue de ses contreparties du nord de la vallée centrale. On sent dans ce vin de Cabernet un terroir différent, même si le cépage est le même. En bouche, l’attaque est bien ferme et le vin tendu par une acidité vivifiante qui donne du nerf à l’ensemble, tout en rehaussant l’intensité des saveurs fruitées. En milieu de bouche, le vin est à la fois compact et concentré. Les saveurs semblent focalisées, alliant un très beau fruit noir à une amertume marquée de chocolat noir. Ces différents aspects, combinés à une texture tannique fine et resserrée, donnent au vin un caractère passablement sérieux. La finale est percutante, avec les saveurs qui gagnent encore en intensité, et une persistance de très bon niveau.

Pour aimer ce vin, il faut apprécier les rouges avec une bonne dose d’acidité. C’est une caractéristique assez rare chez les vins rouges de la vallée centrale chilienne. Il faut dire que dans ce cas-ci, on se situe proche de l’extrémité côtière sud-ouest de cette vaste vallée. Une zone avec de la pluie plus fréquente où les conditions de culture sont assez différentes, avec très peu ou pas du tout d’irrigation, et cela transparaît dans les caractéristiques structurelle et aromatique du vin. En ce sens, ce Las Mercedes me semble un réel vin de terroir. Mais le plus important, c’est que c’est un très bon vin. Compte tenu de sa qualité, il est difficile de croire qu’il se vend pour seulement 15$. Selon moi, ce vin rivalise avec de bons exemples de Cabernets chiliens vendus entre 20$ et 25$, et je vous passe les comparaisons avec des régions plus réputées du reste du monde. Si on ajoute à cela son caractère distinctif comme une valeur supplémentaire, il est clair qu’il s’agit d’une aubaine. Une preuve de plus que le Chili peut maintenant créer de la diversité avec des vins d’un même cépage, en se basant sur sa variété de terroirs différents. La Syrah est le meilleur exemple à cet égard, avec des styles bien différenciés selon les terroirs. Le Cabernet Sauvignon n’est pas aussi versatile à cause qu’il s’accommode plus mal des terroirs plus frais. Mais dans ce cas-ci, on semble être avec succès autour de la limite inférieur où maturité du fruit et fraîcheur se conjuguent avec bonheur. Probablement que l’absence ou le très faible niveau d’irrigation a aussi un rôle à jouer dans le caractère distinctif du vin. Le vin phare de la maison, la cuvée Mingre disponible en I.P. au Québec (36$), a obtenu le titre de meilleur assemblage rouge lors des derniers “Wines of Chile Awards” devant des vins de cette catégorie bien plus réputés et beaucoup plus chers, tels Clos Apalta de Casa Lapostolle ou encore Triple C de Santa Rita.


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2 commentaires:

  1. Claude, as-tu des commentaires sur la cuvée Triple C de Santa Rita ?

    Ce vin sera disponible par le truchement d'une opération Cellier de la SAQ en mars, m'a-t-on dit.

    J'aimais particulièrement la cuvée Casa Real de Santa Rita, mais la SAQ n'en importe malheureusement plus.

    Merci, toujours un plaisir de te lire

    Auxey-Duresses

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  2. Salut Franz,

    J'ai goûté ce vin une fois je pense, il y a quelques années, dans une dégustation comparative. Je n'en ai pas gardé de souvenir clair. Tout ce que je sais, c'est que le Triple C est majoritairement composé de Cabernet Franc, complété surtout par du Cabernet Sauvignon et un peu de Carmenère venant de Apalta dans Colchagua. Les deux Cabernets viennent du même vignoble de Alto Jahuel d'où vient le Cabernet Sauvignon servant à élaborer le Casa Real. Toutefois, selon mon expérience, le Cabernet Franc au Chili, parce qu'il atteint une pleine maturité, donne des vins très puissants. Aussi, les deux vins ont chacun un winemaker différent. En fait une winemaker pour le Casa Real, Cecilia Torres, et pour le Triple C c'est Andres Ilabaca. Celui qui élabore la Cabernet, Medalla Real. Ça joue peut-être aussi sur le style des vins. Voilà.

    Claude

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