samedi 29 janvier 2011

Bordeaux, la hiérarchie, Michel Rolland et l’oenologie moderne...

Je lisais aujourd’hui un article du magazine français Le Point à propos d’une autre de ces dégustations comparatives de vins de Bordeaux organisées par le Grand Jury européen. Cette fois on se limitait aux premiers et deuxièmes grands crus classés du millésime 2005, et encore une fois certains trouvent des excuses. On explique les résultats par le Merlot, l’oenologie moderne et bien sûr, le sempiternel bouc-émissaire des bien-pensants de la bouteille, Michel Rolland. Après m’être pas mal intéressé à ce type de dégustation à mes débuts comme amateur un peu plus sérieux, je portais moins d’attention à ce genre de résultats ces dernières années. Toutefois, la dégustation de bordeaux, 2000, à laquelle j’ai participé la semaine passé, m’a amené à y prêter plus d’attention cette fois-ci. Lors de cette dégustation, un des sujets de discussion entre les participants portait sur la difficulté qu’il y a à reconnaître les caractéristiques du Merlot dans des vins servis à l’aveugle. C’est un cépage élusif qui pour moi demeure une énigme. C’est aussi un cépage qui a le dos large pour expliquer les résultats surprenants obtenus lors des dégustation à l’aveugle, ou même en semi-aveugle. Lors de la dégustation la semaine passée, mon vin favori a été le Saint-Emilion, Château La Gaffelière, et pourtant, avant le dévoilement des étiquettes, j’étais convaincu d’avoir choisi comme premier le vin le plus sérieux du lot, un vin avec un profil rive gauche bien typé. Si plusieurs, dont moi-même avaient bien identifié le Château Latour à Pomerol, comme provenant de la rive droite, en autant que je me souvienne, personne n’a fait cette prédiction avant le dévoilement pour le Gaffelière. Je ne suis pas le dégustateur le plus expérimenté avec ce type de vin, mais ce n’est pas la première fois où je suis témoin de choses semblables lors de dégustations comparatives où l’on ignore l’identité exacte des vins. Ce qui me porte à penser que le pauvre Merlot est souvent le coupable de service lors de ces circonstances. Le vilain a qui on attribue la faute de briser l’ordre établi. L’autre excuse courante est bien entendu l’âge des vins dégustés. Dans l’exemple du GJE on nous rabat les oreilles que les 1GCC, 2005, sont bien trop jeunes, comme si les seconds ne l’étaient pas eux aussi. Tous ces vins sont des vins très ambitieux, mais malgré cela on nous sert encore cette excuse commode. J’ai vraiment de la difficulté avec l’idée de cette hiérarchie immuable aux vertus presque magiques. Dans notre cas la semaine passée on dégustait des vins du millésime 2000, et là aussi l’excuse de l’âge des vins est revenue pour défendre Cos d’Estournel. Cela, même si les vins avaient cinq ans de plus que ceux du GJE.

L’autre élément qui revient souvent pour expliquer les incongruités de résultats lors de ce type de dégustations, c’est que les vins finissant avec surprise dans le haut du classement sont des vins fabriqués grâce à l’aide de l’oenologie moderne, avec comme tête de turc principale le consultant Michel Rolland. Autant je ne suis pas vraiment convaincu par les vins du Nouveau-Monde de celui-ci que j’ai pu goûter. Des vins qui à mon sens ont souvent trop de tout. Autant je trouve qu’à Bordeaux sa manière de faire donne de bons résultats. Comme si dans les climats souvent chauds du Nouveau-Monde, son obsession de la maturité donnait souvent des vins trop lourds, alors qu’à Bordeaux, où la maturité est moins facile à obtenir, l’équilibre pouvait être conservé car il est plus difficile de dépasser les limites. Bien sûr, on pourra m’objecter que certains dégustateurs n’aiment pas les vins issus de raisins vendangés à pleine maturité, et préfèrent les vins plus légers avec des touches de verdure. C’est bien possible, et parfaitement respectable, mais la réalité est que la majorité des dégustateurs préfèrent la maturité aux notes végétales vertes, comme celles de poivron vert qu’on retrouve souvent dans un vin comme le Sociando Mallet. Par exemple, vendredi soir passé, un seul dégustateur sur huit a bien coté le Sociando, 2000, qui se démarquait du lot par cet aspect de poivron vert. Ceci dit, ce n’était pas un mauvais vin pour autant, mais la réalité c’est qu’une grande majorité de dégustateurs préféreront l’absence de ce type d’arômes en mode comparatif. Pour ce qui est de l’oenologie moderne qui expliquerait la bonne performance en jeunesse de certains vins, pour moi c’est une pure bêtise. Un des reflets du courant que j’aime bien appeler le “vin idéologique”. J’avais d’ailleurs choisi d’apporter une bouteille du Château Kirwan, pour voir comment allait paraître ce vin souvent décrié comme une victime du modernisme qui afflige maintenant Bordeaux. La réalité c’est que Kirwan s’en est très bien tiré, et qu’il avait toutes les allures d’un très bon bordeau classique issu d’un bon millésime. Il n’y avait là aucune trace du Pomerol de la rive gauche suggéré par le patriarche britannique Micheal Broadbent dans le film Mondovino. Un film qui pour moi illustre bien le courant du vin idéologique. Ce courant où l’on boit des idées toutes faites, correspondants à certaines valeurs, au lieu de goûter les vins pour ce qu’il sont vraiment. Une chose est sûre, si les vins de Bordeaux étaient moins chers et que j’en devenais un amateur assidu. Mes achats se feraient hors de cette hiérarchie établie il y a trop longtemps. Ceci dit, je comprends les bordelais de le conserver, car celle-ci a été et demeure un formidable outil pour établir l’image de marque de la région. Mais en même temps, elle a transformé beaucoup de ses meilleurs vins en produits de luxe à la valeur codifiée d’avance.

http://www.lepoint.fr/vin/margaux-ou-morgon-21-01-2011-130867_46.php


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3 commentaires:

  1. Je serais bien curieux d'essayer des millésimes récents du Château Kirwan, surtout que j'en ai quelques uns en cave. Le plus intéressant serait de comparer les styles avec le 2007 qui vient d'arriver sur les tablettes et qui a été vinifié par Philippe Delfaut, anciennement de Château Palmer et qui a remplacé Michel Rolland justement...

    Histoire à suivre !

    Patrick

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  2. Salut Patrick,

    J'avais apporté le 2005 lors d'une dégustation semblable il y a quelques années. Le Kirwan alors fini premier. Je joins le lien relatant cette soirée.

    Claude


    http://www.fouduvin.ca/viewtopic.php?f=44&t=9687&p=111889&hilit=kirwan+kirwan+2005#p111889


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  3. Claude, je me souviens du CR de cette dégustation et ton appréciation envers Kirwan. Malheureusement, je n'avais pas été assez vite pour en acheter à cette époque.

    Bien hâte de goûter les millésimes en cave par contre (98-00-01-06)

    Patrick

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