samedi 19 février 2011

MERLOT, CUVÉE ALEXANDRE, 2001, APALTA COLCHAGUA, CASA LAPOSTOLLE



La garde du vin comporte plusieurs plaisirs distincts. Le premier étant le moment de sélectionner et d’acheter des vins dans ce but précis. Le vin ainsi choisi devient alors un peu le nôtre, surtout pour des vins sans grande réputation à cet égard. Ce type de choix sortant un peu des sentiers battus implique une certaine dose de confiance, confiance dans le vin bien sûr, mais surtout, confiance en soi en tant qu’amateur. Ainsi donc, plusieurs années plus tard, lorsqu’on décide enfin d’ouvrir un de nos poulains, il y a une légère fébrilité. On se demande si on aura eu tort ou raison, si notre confiance d’alors était justifiée, ou si au fond ce n’était là que de la prétention de notre part. Bien sûr, cette évaluation de soi-même comme sélectionneur ne se joue pas sur une seule bouteille, car on sait que certains de nos choix étaient plus audacieux avec certains vins. Des vins que l’on a décidé de garder simplement pour l’expérience, en se croisant un peu les doigts. Ce faisant, on sait donc d’avance que certains de nos choix vont nous décevoir. Mais quand même, à chaque bouteille qu’on ouvre on espère quand même avoir bien misé. On espère aussi que notre patience aura été récompensée. Quand tel est le cas, le plaisir est double, avec, bien sûr, le plaisir sensuel du vin lui-même, auquel s’ajoute un léger sentiment de réussite. Comme chaque amateur le moindrement sérieux le sait, l’ego est omniprésent dans le domaine du vin. Tellement que parfois c’est à se demander si le vin ne sert pas d’abord à flatter celui-ci, avant de flatter le palais.

Personnellement, je suis très loin d’avoir une cave complète et à maturité. Celle-ci est très orientée sur les rouges sud-américains, et je commence à avoir un certain choix dans le vins de cépages bordelais ayant environ 10 ans d’âge. C’est d’ailleurs en partie ce qui a motivé ma participation récente à une dégustation de bordeaux réputés du millésime 2000. Je voulais renouveler mes repères face à des vins de référence en la matière, d’un âge similaire. L’Amérique du Sud n’est pas Bordeaux, bien sûr, mais pour ne pas rompre totalement le fil, j’ai décidé d’ouvrir un Merlot chilien élaboré sous les conseils de Michel Rolland. Compte tenu de la différence d’hémisphères, ce vin du millésime 2001 n’est que six mois plus jeune par rapport à ses contreparties bordelaises du réputé millésime 2000.

La robe est d’une teinte grenat encore bien soutenue qui ne se laisse que très faiblement traverser par la lumière. Le nez ne montre pas d’arômes tertiaires, mais plutôt un profil que je qualifierais de secondaire où on retrouve des arômes fruités et boisés/épicés encore bien vigoureux, mais dont le caractère a été altéré par le temps passé en bouteille. À cela s’ajoute un léger aspect terreux, ainsi que de fines notes évoquant les feuilles de laurier et une pointe de torréfaction. La bouche pour sa part est d’un très bel équilibre, ample et souple, mais avec ce qu’il faut d’acidité pour maintenir un bon tonus. Les saveurs sont généreuses et intenses, reflétant bien ce qui était perçu au nez, et supportées par bonne base d’amertume. Le vin a beaucoup de présence en milieu de bouche, et révèle toute la richesse de sa matière. La trame tannique est encore bien présente, mais de texture veloutée. Pour conclure, les saveurs se fondent sur un sursaut d’intensité et persistent un bon moment avant de s’éteindre sur des rémanences de chocolat noir.

Ce vin n’est plus jeune, mais il ne montre pas encore de réels signes de vieillesse. On pourrait dire qu’il est actuellement dans la force de l’âge, à la fois vigoureux et affiné par le temps. Le millésime 1997 de ce vin était sorti gagnant d’une confrontation à l’aveugle Bordeaux-Chili à laquelle j’avais participé il y a quelques années. Je n’ai donc pas beaucoup de mérite à avoir mis des bouteilles de ce 2001 de côté. J’avais déjà de bons indices sur l’excellent potentiel de garde de ce vin. Heureusement, cette bouteille confirme la qualité de cette cuvée qui avec l’âge perd de sa typicité chilienne pour se recentrer sur un profil général proche de ce que donne des Bordeaux du même âge. La seule chose qui m’embête avec ce vin, est que son prix au Canada (35$) est environ deux fois plus élevé qu’aux États-Unis. Ce qui est excessif si on compare avec d’autres cuvées chilienne de ce niveau. Ceci dit, quand je goûte ce qu’il donne après sept ans de garde, il est clair que même à 35$ ça demeure un superbe achat. C’est juste que le Chili peut offrir encore mieux en terme de RQP pour ce niveau de qualité. C’est dire comment ce pays peut offrir de la valeur à l’amateur, et dix ans plus tard, le Chili est à mon sens encore plus une destination de choix pour qui veut se partir une cave remplie de vins de prix abordables, ou pour qui veut donner de la profondeur, sans se ruiner, à une cave plus variée et prestigieuse.


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5 commentaires:

  1. Salut Claude,

    J'ai accumulé pas mal de vins Chilin dans ma cave depuis le millésime 96, pas beaucoup gande cuvée, la plupart entre 17 et 35 dollars.

    A date, jamais déçu de ce que j'ai dégusté, la plupart était très bon. Ce qui me surprend le plus c'est le peu d'évolution dans ces bouteilles qui avait pour la plupart autour de 10 ans d'âge. Comme si elles avaient encore plusieurs années devant elles...

    Paul

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  2. Salut Paul,

    Je ne suis pas étonné de tes commentaires car ça correspond à ma propre expérience. C'est d'ailleurs pourquoi ma cave est remplie de ces vins. J'ai ouvert il y a quelques jours un Dona Bernarda, 2002 de Luis Felipe Edwards qui m'a impressionné par sa jeunesse. Il montrait à peine quelques légers signes d'évolution. C'est un vin qui a encore au moins 15 autres années d'évolution devant lui. Le plus intéressant c'est que ces vins ne font pas que tenir. Ils se tranforment et évoluent vers quelque chose de différent avec les années. Je ne compte plus le nombre de dégustations à l'aveugle auxquelles j'ai participé où des dégustateurs expérimentés ont pris des rouges chiliens d'une dizaine d'années pour de bons, voire de très bons bordeaux. En plus des vins de cépages bordelais, le Chili offre maintenant des Syrahs de superbe qualité qui vont déculotter les plus sceptiques dans une dizaine d'année, à l'aveugle. Et tout ça, bien sûr, à une fraction du prix des vins de régions réputées.

    Claude

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  3. Drôle de coincidence, j'ai ouvert un Dona bernarda 2001 pendant les fêtes. Tous les invités ont trouvé ce vin vraiment excellent.
    Presque pas d'évolution. Saveur sur le fruit d'un belle qualité dans en essemble harmonieux et superbement intégré. Un de mes coup de coeur en 2010.

    Paul

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  4. En prime jeunesse, le Dona Bernarda, 2001 était meilleur que le 2002 dont je parle ci-haut. Ce 2001 était d'ailleurs sorti premier lors d'une dégustation à l'aveugle "wildcard" et pris par certains dégustateurs pour un bordeau de bon niveau. Il me reste aussi trois bouteilles de ce nectar pour exercer ma patience.

    Claude

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  5. Cinq ans plus tard, presque jour pour jour, j'ouvre ma dernière bouteille de ce vin. Celui-ci est encore dans la force de l'âge et la description que j'en faisait ci-haut s'applique encore. Un beau vin mi-évolué montrant un juste équilibre entre le fruité, le doucement épicé et le terreux. Passerait facilement pour un bon bordeaux à l'aveugle.

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