jeudi 13 janvier 2011
MALBEC, 2002, MENDOZA, CATENA
Je suis toujours sceptique quand j’entends des amateurs raconter qu’il ont passé un vin en carafe une couple d’heures, et que cela a permis à celui-ci de se transformer en profondeur. Personnellement, j’utilise rarement la carafe, mais je bois fréquemment des bouteilles sur de longues périodes durant la même journée. Dans ces circonstances, il m’arrive assez souvent de noter une certaine transformation entre le premier et le dernier verre. Dans des cas beaucoup plus rares, la transformation me semble vraiment marquée, mais à chaque fois je m’interroge à savoir si ce n’est pas ma perception du vin qui a changé dans le temps. Ceci dit, je suis convaincu que l’aération transforme le vin avec le temps, mais ordinairement ça prend pas mal plus qu’une heure ou deux pour que l’effet soit clairement notable. Ceci sans compter que la dite transformation n’est pas toujours positive.
Mes cas les plus spectaculaires de transformations positives sont survenus lorsque j’ai gardé des vins en demi-bouteilles pleines pendant quelques jours. Dans certains cas, comme dans le cas de ce Malbec, 2002, de Catena, la différence a vraiment été spectaculaire. Ce vin, la journée de l’ouverture, a été une totale déception. Il était sans vie, avec très peu de fruit, marqué par les notes tertiaires de feuilles mortes et avec une forte amertume en bouche. L’aération d’environ huit heures ce jour-là, avant le transvidage en demi-bouteille, n’a rien changé. Le profil peu invitant du vin était stable. Trois jours plus tard, j’ouvre la demi-bouteille bien remplie dans laquelle j’avais transvidé ce qui restait du contenu original. Le vin s’est alors présenté sous un jour totalement différent. L’équilibre était finalement au rendez-vous, avec un beau fruité rouge de cerises, une amertume modérée, des notes doucement épicées, et juste un peu de caractère évolué évoquant les feuilles mortes. En fait, il s’est présenté sous le jour que j’espérais au départ, celui que je connais et qui justifie pour moi la garde des rouges de Catena de ce niveau.
L’évolution du vin en bouteille est vraiment quelque chose d’intrigant et de difficilement prévisible avec précision. Cela est en totale contradiction avec la mode actuelle des notes, où les experts promettent de nous dire avec précision le niveau qualitatif d’un vin. C’est normal, l’amateur moyen est en quête de vérité. Il ne veut rien savoir de l’adage voulant qu’il n’y ait pas de grands vins, mais que de grandes bouteilles. Pourtant, la réalité est pire encore pour les vins de garde, car il y a des bouteilles qui ne seront grandes qu’à certains moments de leur existence, ou lorsque traitées d’une certaine façon avant le service. Le problème avec cette situation, c’est qu’il est très difficile de connaître le moment et les conditions idéales de service à l’avance. Si j’avais servi ce Malbec de Catena à quelques convives lors d’un repas. Le vin aurait été bu en trente minutes, et le constat aurait été celui d’un vin décevant ouvert trop tard. Un vin inapte à la garde. D’un autre côté, on ne peut pas ouvrir des bouteilles trois jours à l’avance en pensant que c’est qu’il faut toujours faire pour goûter le vin sous son meilleur jour. Avec un vin d’une vingtaine de dollars comme ce Catena, c’est de l’expérience intéressante acquise à peu de frais. Mais j’imagine la frustration potentielle pour l’amateur de fioles renommées et très coûteuses. À moins que dans ces cas-là le pouvoir de l’étiquette arrive quand même à bien faire paraître le vin...
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J'allais écrire que le buveur d'étiquette est souvent influencé dans ses commentaires.
RépondreSupprimerIntéressant comme article. Effectivement difficile de savoir quoi faire avec le vin parfois. Le vin ne serait pas une science aussi exacte qu'on essais de faire croire ?
Vinapat
Deux ans plus tard j'ai ouvert une autre bouteille de ce vin. Cette fois-ci, pas de mystère, le vin se présente très bien dès l'ouverture. Un vin propre, axé sur la pureté du fruit, dans un style sérieux. L'évolution se fait plus sentir au niveau structurel qu'au niveau aromatique. Le vin est de profil élancé, avec peu de gras, mais une trame tannique raffinée. Pour moi qui ai délaissé l'Argentine depuis quelques années, la différence avec des rouges chiliens du même prix et du même âge est notable. La différence de terroir se fait sentir, c'est pourquoi j'aime tellement ces vins où l'origine est définie et où il n'y a pas d'artifices microbiologiques pour venir ajouter une touche de terroir universel... Ici on a le Malbec et Mendoza à la manière Catena, après presque dix ans de bouteille, et rien d'autre. Bravo!
RépondreSupprimerClaude