Vina Morandé est un producteur chilien
dont j'ai peu fréquenté les vins, faute de disponibilité, mais à
propos duquel j'ai lu beaucoup de bons commentaires. J'avais eu la
chance il y a quelques années, lors d'une dégustation annuelle de
Vins du Chili, d'avoir une discussion très intéressante avec l'œnologue
en chef de la maison, Ricardo Baettig, le frère de Francisco qui
occupe le même poste chez Errazuriz/Chadwick. L'œnologue en chef
des vins de spécialité est Pablo Morandé, le fondateur de la
maison en 1996, un ancien de Concha y Toro lors des années 80 et
pionnier de la viticulture dans la région de Casablanca. Vina
Morandé appartient aujourd'hui à Grupo Belen, un holding possédant
d'autres "wineries" au Chili et en Argentine, et
oeuvrant aussi dans le secteur du tourisme et de l'huile d'olive.
Pour en revenir à Vina Morandé, c'est un producteur axé sur les
vins de terroir et qui de ce fait produit des vins issus de plusieurs
régions du Chili, là où le climat et le sol conviennent aux
cépages cultivés. Vina Morandé est aussi un pionnier de la la
plantation de vignobles à haute densité au Chili. Cette philosophie
encore rare dans le pays a été adoptée en 2005 et on a planté des
vignobles avec des densités allant de 7000 à 10000 plants à
l'hectare, alors que la norme chilienne est plutôt de 3500 plant à
l'hectare. Ce Cabernet Sauvignon est issu du vignoble San
Bernardo, un vignoble plus ancien d'où est aussi issu le grand vin
de type bordelais de la maison, le House of Morandé. Le vin est
élevé pendant 14 mois en foudres de chêne de 2000 et 4000 litres,
et en partie en barriques de 225 L. Il titre à 14.5% d'alcool, avec
un vif pH de 3.44, tout en étant très sec à 2.54 g/L de sucres
résiduels.
La robe est d'une sombre opacité. Le
nez exhale des arômes de cerises et de mûres, complétés par une
touche doucement épicée, du bois de cèdre et un léger aspect
terreux. En bouche la matière est dense avec un fruité intense,
équilibré par une saine dose d'amertume. Le milieu de bouche révèle
un vin aux saveurs concentrées et aux tanins biens polis. Le vin
montre un profil sérieux de Cab de climat chaud où la maturité du
fruit marque le style. Pas de poivron vert, pas de cassis frais, pas
d'aspect végétal, mais pas de surmaturité non plus, que du fruit
bien mûr, de qualité, amalgamé à une agréable touche épicée et
terreuse. Un vin pour qui déteste l'aspect végétal du Cab de
climat plus frais, mais ça demeure un vin droit, loin du préjugé
bedonnant qu'on associe souvent aux vins de climats chauds. La finale
est longue et très intense, avec la chaleur de l'alcool qui
enveloppe l'ensemble mais qui demeure agréable avec son côté vin
d'hiver réconfortant.
La maturité du fruit efface en partie
la typicité du cépage et du lieu. C'est vrai. Ce vin en est un bel
exemple, mais en même temps ça demeure un vin de terroir car c'est
justement son origine précise, à l'intérieur de la vallée de
Maipo, qui permet ce résultat. Le vignoble de San Bernardo d'où ce
vin est issu est situé en banlieue de Santiago, au sud de la
capitale à la même latitude que Puente Alto, mais à l'ouest de
cette zone réputée de l'Alto Maipo. C'est donc un vin de
l'intérieur de la vallée, issu d'un terroir plus chaud qui subit
moins l'influence rafraîchissante des Andes. C'est un vin qui me
semble moins posséder cette typicité chilienne que l'on retrouve
exacerbée là où l'écart entre les températures du jour et de la
nuit est très important. Ceci dit, ce n'est pas pour moi un aspect
négatif, c'est plutôt un atout au niveau de la diversité de styles
que peut offrir le pays car le vin est de belle qualité. En réalité,
ce vin n'a rien d'une bombe de fruit, il est de profil sérieux,
droit et ferme. C'est au niveau de la faiblesse, voire de l'absence
d'arômes végétaux, et de la nature du fruit que la maturité se
fait sentir. À 17$ en Ontario c'est assurément un très bel achat
et le potentiel de garde me semble évident. J'ai bu ce vin sur trois
jours et il était meilleur le troisième jour, plus souple, mieux
intégré.
J'ai oublié de mentionner que Pablo Morandé a aussi sa propre compagnie qu'il mène avec l'aide de trois de ses enfants. Ça s'appelle Bodegas RE et ils se spécialisent dans les vins naturels en non conventionnels, en particulier avec des assemblages non usuels appelés Chardonnoir, Syragnan, Pinotel, Syranoir, Cabergnan. Le bois neuf et l'inox sont exclus au profit du béton ovoîde, le terre cuite et le vieux bois. Je trouve intéressante l'idée des assemblages non usuels, mais je me dmande si les vins sont propres ou funky? C'est toujours ma peur avec ce type d'approche.
RépondreSupprimerClaude
http://blog.tedwardwines.com/2014/01/16/ancestral-winemaking-at-bodegas-re/