samedi 25 septembre 2010

Très longue réponse à Olivier

Suite à un message très étoffé d’Olivier Collin, sur le sujet précédant. J’ai décidé de publier ma longue réponse sur un nouveau message. Ce sera plus facile à lire, et ça touche à des points fondamentaux de ma démarche. Ça pourra permettre à ceux qui ne me connaissent pas d’en savoir plus sur mon approche des choses, et sur le pourquoi de ce blogue.






Salut Olivier,

Te souviens-tu du temps de mes premiers écrits sur le forum Crus & Saveurs? Tu m’avais invité pour me connaître et partager quelques bouteilles. Surpris de ton invitation, et un peu pour m’esquiver. Je t’avais demandé quel était ton but, convertir l’hérétique? Plusieurs années plus tard je ne peux que sourire quand tu évoques ma possible métamorphose! Beaucoup de vin a coulé depuis ce temps, mais rien ne semble avoir changé entre nous, toujours aux antipodes.

Pourtant, bien des choses se sont passées pour moi depuis ce temps. Je n’avais pas accepté cette invitation de ta part par crainte de mal paraître, comme bien des gens qui s’aventurent dans le monde du vin. Mais aussi parce que je sentais déjà qu’il y avait quelque chose d’irréconciliable dans nos approches respectives. Toutefois, par la suite, j’ai accepté bien d’autres invitations de divers amateurs passionnés, et je me suis moi-même impliqué pour participer à de nombreuses dégustations à l’aveugle. Cela m’a permis de déguster une bonne variété de vins, des vins pas mal plus chers que ce que je me permettais alors. J’ai ainsi pu faire des comparaisons, tout en élargissant mes horizons. Dans ce processus exploratoire j’ai fait des découvertes positives, et d’autres négatives, qui m’ont permis de mieux me connaître comme dégustateur. Mon exploration n’a pas été exhaustive, loin de là, mais je pense qu’elle m’a donné une assez bonne idée de ce que recèle en général le paysage vinicole mondial. Il faut dire que je n’ai jamais eu l'ambition de devenir un réel expert, une sommité. Néanmoins, chemin faisant, j’ai aussi rencontré beaucoup de passionnés sincères, de réels fous du vin, qui assumaient très bien leur folie. J’ai aussi rencontré d’autres types d’amateurs qui eux m’ont moins inspiré. Des membres, ou aspirants membres, du fameux club que j’évoquais dans mon message précédant. Toujours est-il que j’ai eu la chance d’avoir de nombreuses discussions très enrichissantes avec plusieurs de ces amateurs. Ils m’ont fait part de leurs expériences, de leur vision des choses, en tout respect. Je pense que toutes ces expériences m’ont permis d’avoir une meilleur compréhension du monde du vin, et de préciser ma position dans celui-ci. De mieux savoir comment je voulais l’aborder pour m’y sentir à l’aise, tout en restant fidèle à ce que j'en perçois et en pense. Comme tu as pu en être témoin, je n’ai jamais renoncé à mon orientation RQP du début. Pour moi, par rapport à mes valeurs, c’est une donnée fondamentale de l’équation. Je respecte toutefois ceux qui ont une autre approche à cet égard. C’est une question de priorités et de valeurs personnelles. Ceci étant dit, cette approche où le RQP est primordial m’a poussé vers les vins sud-américains, et en particulier vers ceux du Chili. Dès mes débuts d’amateur, alors que je n’avais pas d’idée précise de ce qui me plaisait, les rouges de ce pays ont positivement attiré mon attention. Dès le début j’ai trouvé qu’ils en donnaient plus pour le prix demandé. Mais dans ce temps-là, au milieu des années 90, je n’avais pas prévu la révolution vinicole qu’allait connaître ce pays par la suite, et qui se poursuit aujourd’hui. Cela a contribué à maintenir mon intérêt pour les vins de ce pays, et m’a poussé en quelque sorte vers la spécialisation.

Si j’y suis allé de ce long préambule, c’est pour expliquer qui si je suis là où je suis aujourd’hui, ce n’est pas par choix arbitraire, mais par la force des choses. Contrairement à ce que je peux projeter comme impression, je ne suis pas anti-européen ou anti-français en matière de vin. Si je fais si souvent des comparaisons avec les vins français, c’est parce que la France est pour moi, comme pour la majorité des amateurs, LA référence en matière de vin. Surtout ici au Québec, j’y reviendrai. Plusieurs des meilleurs vins que j’ai dégusté dans ma vie étaient français, mais malheureusement, la majorité de mes plus grandes déceptions étaient aussi hexagonales. La France est pour moi le pays du plus grand savoir-faire vinicole, mais c’est aussi le pays où ironiquement on renonce le plus à ce savoir-faire. Certains renoncent à une partie du savoir-faire et minimisent l’importance de son exceptionnel patrimoine végétal pour valoriser uniquement la terre, car le lieu, c’est la seule partie du patrimoine vinicole français qui ne peut être exportée. C’est un mouvement de réaction compréhensible face à un sentiment de dépossession, ça vient aussi d’une volonté de distinction, mais c’est une réaction à mon sens déplorable. Car la plus grande force de la France réside dans la synergie entre tous ses atouts. Pour moi donc, en matière de vin fin, il y a deux France. C’est là un point très important. Ensuite, de manière plus générale, la France, comme bien d’autres pays développés, fait face à un désavantage concurrentiel par rapport à des pays vinicoles émergents. La main d’oeuvre et la terre y coûtent passablement plus cher. Les règles sont plus strictes, la monnaie est très forte, et on ajoute souvent au coût des vins une prime au prestige des appellations. Ce qui fait que dans mon approche RQP, c’est un pays qui cadre mal. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de bons vins français offerts à prix avantageux. Alors ceux qui voient en moi un francophobe de la bouteille peuvent aller se rhabiller. De plus, je ne tiendrais pas de blogue si je buvais surtout du vin français dans un Québec franco-français. Je ne vois pas l’intérêt qu’il y aurait à être une voix supplémentaire dans le choeur des louanges. De ne pas être partie de ce large choeur est probablement une des raisons me faisant paraître si strident aux oreilles de certains. Je détonne dans le paysage. Ça c’est certain.

Comme j’espère l’avoir établi, je suis loin d’être anti-français en matière de vin. Toutefois, là où je suis vraiment en réaction négative, c’est face à la domination de ce que je pourrais appeler, de manière générale, l’esthétique française au Québec. Cela peut contribuer à me faire paraître francophobe, mais ça n’a pourtant rien à voir avec la France et ses vins. C’est une question québécoise. Bien sûr, il y a une affinité linguistique, et jusqu’à un certain point culturelle entre la France et le Québec. Il est même souhaitable de préserver l’essentiel de ce lien précieux. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment du reste de la carte vinicole mondiale. Un certain équilibre dans le discours devrait aussi exister. Je ne suis donc pas en réaction contre la France, je suis en réaction contre le discours francocentriste qui prédomine au Québec. Le discours accepté ici manque cruellement de diversité. L’ombre française plane en permanence. L’idée voulant que le palais québécois soit naturellement français est totalement fausse. Ce palais est un palais acquis et je trouve qu’il est regrettable qu’il en soit ainsi. Ce palais collectif pourrait être bien plus varié, tout comme le discours des ténors qui forgent les opinions, et tout comme l'offre de produits de notre monopole. Ce modeste blogue se veut une très petite voix discordante dans cette symphonie unanimiste. Je tente ici de faire valoir un autre point de vue, de montrer qu’il existe autre chose de valable à prix très abordables hors du modèle français. Ce qui ne veut pas dire que celui-ci soit mauvais, mais on ne peut souhaiter la correction d'un déséquilibre en appuyant également sur les deux plateaux de la balance. À l’évidence, c’est là une nuance qui échappe à plusieurs. Alors quand je parle de pressions conformistes, et avec un brin d’ironie, de “vrai goût”, et de “vrais amateurs”, c’est dans le contexte que je viens de décrire. Il ne faut pas avoir peur d’être rabroué au Québec, dans le milieu du vin, pour affirmer avec force des choses contraires au discours dominant. Il ne faut pas exprimer trop fort un goût différent, et il ne faut surtout pas remettre en cause le dogme de la supériorité absolue des meilleurs vins français.

Ce climat de conformisme me semblait évident dans les réactions, ou absence de réactions, suite aux deux dégustations de vins de Sauvignon Blanc ayant eu lieu récemment sur FDV. Les dégustateurs du deuxième groupe qui ont bien apprécié le Matetic ne se sont pas mêlés au débat. Ils se sont tenus bien tranquilles, alors que dans l’autre groupe, ça pavoisait sans retenue, alors que la retenue aurait dû être de mise. La seule opposition est venue de l’extérieur, d’ici. J’ai réagi parce que ces dégustations avaient eu pour point de départ un commentaire que j’avais émis ici sur la comparabilité du Matetic avec des vins de Sancerre vendus bien plus chers. Sinon, je n’aurais pas réagi et ce serait passé comme une lettre à la poste. D’ailleurs, l’univers des forums de discussion sur le vin au Québec est symptomatique de la situation de conformisme que je viens de décrire. Si on veut être certain de ne pas être attaqué par la petite meute de roquets, gardiens de l’intégrité du discours. Il vaut mieux ne rien dire. Ce qui fait que ce ne sont plus vraiment des forums de discussion, mais plutôt des lieux virtuels de contact, de partage d’information, et d'organisation de dégustations entre amateurs. D’ailleurs, j’ai trouvé assez ironique cette semaine qu’on copie le lien de mes commentaires discordants sur FDV. J’ai fait le choix il y a un an de me retirer pour ne pas déranger la tranquillité du lieu, et voilà qu’on m’y ramène contre mon gré de manière indirecte. D’ailleurs Olivier, c’est là un point très important que tu omets dans ta critique posée et constructive à mon égard. J’ai choisi d’écrire ici, sur un blogue personnel au point de vue clairement identifié. Ce faisant je n’impose mes propos à personne. S’il n’y avait pas eu de lecteurs, j’aurais fermé boutique depuis longtemps. Mais des amateurs sont intéressés par ce que j’écris. Pas des masses, mais suffisamment pour me donner la motivation de poursuivre. Si des gens veulent réagir sur le fond de mes écrits, avec un minimum de respect. Je publie leurs messages même s’ils sont en total désaccord avec moi. Toutefois, si certains trouvent mes propos outranciers ou offensants. La solution est simple. Ils n’ont qu’à ne pas venir les lire. Avec ce blogue indépendant, je ne m’impose à personne. Alors il est très facile d'éviter l’agacement. Si la seule existence de mes propos agace, alors c'est qu'il s'agit d'un cas gravement pathologique d'intolérance.

Je pense avoir bien expliqué que malgré les apparences, je n’ai pas d’aversion pour la France vinicole, et qu'au contraire, j'ai le plus grand respect pour son apport fondamental à la viticulture de qualité dans le monde. J’ai aussi bien expliqué pourquoi le statut de référence de la France en faisait un point de comparaison valable et difficilement contournable, surtout dans le contexte québécois. Toutefois, j’aimerais apporter quelques clarifications supplémentaires dans le contexte du brouhaha de cette semaine. Dans toute cette histoire, jamais je n’ai remis en cause la qualité possible des vins français impliqués, pas plus que je n’ai proclamé la supériorité du seul vin chilien présent. Mon expérience personnelle avait donc très peu à voir dans tout le débat. Ce que j’ai dénoncé, c’était le protocole et le choix des vins d’une des deux dégustations. J’ai aussi dénoncé des propos tenus par des participants à la suite de la dégustation que je jugeais inadéquate. Finalement, je me suis insurgé contre le manque de respect envers les participants de l’autre dégustation qui me semblait bien plus objective. Là où mon expérience personnelle pouvait entrer en jeu, c’était sur ma critique du choix des vins de la dernière vague. Néanmoins, je persiste à croire que cette critique était valable. Les lecteurs pour leur part avaient tout le loisir de juger pour eux-mêmes de la validité de cette critique. Encore une fois. Je critiquais l’agencement des vins, pas leur qualité. Si quelqu’un veut me dire aujourd’hui sans rire, avec tout ce qu’on sait maintenant du déroulement de cette dégustation, que c’était un exercice rigoureux et objectif comparable, par exemple, aux bancs d’essai du magazine CELLIER. Il peut le faire, mais une chose est sûre. Je ne cesserai pas de sourire!

Finalement, pour ce qui est de mon texte ayant eu comme prémisse les propos de Jean-Louis Chave sur le rôle des levures Brettanomyces dans ses vins. Olivier, soit je me suis mal exprimé, ou tu m’as mal compris. Je suis certain que M. Chave est un producteur très compétent qui sait très bien ce qu’il fait. Je ne lui donne d’ailleurs aucun conseil. D’un côté je me réjouis de l’honnêteté de ses propos, du point de philosophique. Toutefois, je m’insurge contre ses justifications et ses omissions volontaires. D’ailleurs, je donne aussi l’exemple d’un autre producteur qui a une vision toute autre de la question. Peut-être que si tu rencontrais Adam Lee, toi aussi tu pourrais être métamorphosé, mais bien sûr, M. Lee est de l’autre monde... C’est dangereux d’inverser les polarités! Ceci dit, je ne veux pas en faire absolument une question de mondes vinicoles, même si je persiste à croire que c’est bien plus prévalent et ancré dans la culture en France et en Europe. Dans le même article de Decanter, on retrouve les propos de Denis Dubourdieu et de Peter Gago, deux oenologues éminemment respectables, qui expriment clairement que des arômes de Bretts détectables sont pour eux une faute. Aussi, preuve de plus que ce n’est pas une question de mondes, mais bien de philosophie. Quelqu’un a copié le lien vers mon texte sur le forum français “La Passion du Vin”. Le vigneron Hervé Bizeul du Clos des Fées y a réagi en écrivant ce qui suit:

“Un regard très juste. Rien à ajouter après cela. À lire”.

Pour l’avoir lu sur son blogue auparavant, M. Bizeul est un bel exemple de producteur français n’étant pas en faveur de ces levures. Voilà.



Claude



http://lapassionduvin.com/phorum/read.php?22,70656,493345#msg-493345

http://www.decanter.com/people-and-places/wine-articles/485213/the-misunderstood-world-of-brettanomyces



*

jeudi 23 septembre 2010

SAUVIGNON BLANC, RESERVA, 2009, LEYDA, VINA SANTA CAROLINA


Les nouvelles régions côtières fraîches du Chili se développent, tellement, qu’on voit maintenant apparaître des vins de ces régions à des prix très abordables. C’est le cas avec ce Sauvignon Blanc payé seulement 11.95$. Je n’ai pas d’attentes très élevées à son égard, mais pour un petit soir de semaine, ça fera peut-être l’affaire. Surtout que c’est un “Best Buy” du magazine “Wine Enthusiast”....

La robe est de teinte jaune pâle. Au nez, à l’ouverture, on retrouve des arômes évidents de pamplemousse, avec aussi du citron, du zeste de pamplemousse et une touche de poivron vert. Quelques heures après l’ouverture, le côté pamplemousse s’atténue, pour laisser plus de place au citron, et à un caractère particulier évoquant pour moi le bord de rivière l’été (roche mouillée?). En bouche, l’attaque est ronde et ample pour un vin de ce cépage, avec une douceur de fruit qui cette fois prend un tour légèrement tropical du type ananas. L’acidité typique du cépage et de la région est bien présente, mais semble moins ressortir en raison de la douceur du fruit. Le niveau de concentration est bon, tout comme le volume, sur une texture montrant une touche de gras. La finale est réussie et montre une longueur surprenante pour un vin de ce prix.

Rassurez-vous. Je ne dirai pas que ce Sauvignon vaut certains vins de Sancerre du double du prix! Non. Ici, du moins à l’ouverture, on est clairement sur le train de jeu habituel des néo-zélandais d’entrée de gamme, avec ce caractère de pamplemousse bien affirmé, et l’aspect tropical du fruit en bouche. Par la suite, au nez, le vin évolue vers un territoire un peu incongru, mais quand même bien intéressant et assez original pour un vin de cette catégorie. Compte tenu du modique prix payé, ce vin est une belle aubaine pour qui n’est pas dogmatique en matière de style et de goût. Je pense que je peux dire que c’est un vin qui peut rivaliser avec des versions kiwis tournant autour de la vingtaine de dollars. Je suis sûr que je n’offusquerai personne en disant cela! Vive la Nouvelle-Zélande!!!


*

lundi 20 septembre 2010

SAUVIGNON BLANC, GARUMA VINEYARD, 2006, LEYDA, VINA LEYDA


Vina Leyda fut le premier producteur à s’installer en 1997 dans cette sous-région de la vallée de San Antonio. Plusieurs l’ont rejoint depuis, mais on peut dire qu’avec Casa Marin, il s’agit d’un pionnier dans le développement de la région de San Antonio. En ce sens, c’est un des précurseurs ayant contribué à lancer le mouvement vers les nouveaux terroirs côtiers au Chili. En 2007, la compagnie fut acquise par Vina Valles de Chile, une société détenue conjointement par Vina San Pedro et par Guillermo Luksic, actionnaire principal de Vina San Pedro. Cette société est aussi propriétaire de Vina Tabali dans Limari. Heureusement, même si un gros joueur comme San Pedro est maintenant impliqué, les deux producteurs continuent leurs opérations de façon autonome. Pour ce qui est de cette cuvée Garuma, elle provient d’un vignoble situé à 14 km de la côte du Pacifique. Les vendanges manuelles ont été effectuées en deux temps, à 12 jours d’écart, pour obtenir des fruits de maturité différentes. 6% du vin a été élevé en vieilles barriques de chêne.

La robe est d’un jaune toujours bien pâle, avec des reflets verdâtres. Le nez est poli et exhale de beaux arômes de citron et de miel, complétés d’une touche de poivron vert et un aspect minéral de bord de rivière (roche mouillée). En bouche, l’équilibre est au rendez-vous, avec un volume surprenant et un peu de gras pour absorber une acidité bien dosée. Cette acidité contribue à l’éclat des saveurs citronnées dominantes. Le léger aspect végétal perçu au nez se répercute en bouche. Le niveau de concentration est bon et la finale est harmonieuse, avec une bonne persistance sur de légers relents amers de zeste d’agrume.

Belle évolution pour ce vin qui commence à montrer un caractère fondu où l’acidité a perdu de son tranchant. Un vin qui a de très belles qualités aromatiques avec une bonne matière, mais qui ne joue pas la carte de la très grande concentration. Le vin mise plutôt sur l’élégance en montrant des proportions modérées comme je les aime. Pour les quelques 17$ déboursés, ce vin est une formidable aubaine et peut rivaliser avec des exemples ligériens ou néo-zélandais de ce cépage du double du prix. Pour moi il est clair que le Chili est actuellement le pays qui produit les meilleurs RQP en matière de Sauvignon Blanc, et ce dans une variété de styles. Le Chili n’est pas monolithique à cet égard, tout comme la Loire et la Nouvelle-Zélande qui ne sont pas eux non plus confinés à un style unique. Le Sauvignon Blanc est un cépage versatile duquel on peut tirer des vins de styles variés. Le réduire à des archétypes géographiques est une simplification déplorable. En matière de style, la maturité des raisins est un facteur important, tout comme la nature des levures utilisées pour la FA, car celles-ci ont un fort impact sur le taux de conversion des précurseurs aromatiques thiolés. Ensuite, la protection, ou non, contre l’oxydation en cours d’élaboration est un autre facteur très important influant sur le style, car les molécules aromatiques thiolées sont facilement oxydables et sont inactivées par l’oxydation. Finalement, bien évidemment, l’usage ou non de la barrique est aussi un élément primordial du style car elle favorise l’oxydation et transfert des composés aromatiques exogènes dans le vin

http://www.wineanorak.com/iconsauvignonblanc.htm

http://www.wineanorak.com/blog/2009/05/how-to-scare-kiwis.html


*

dimanche 19 septembre 2010

Arômes de Brettanomyces, reflet du terroir?

Excusez-moi, mais je reviens encore une fois sur ce sujet controversé. J’y reviens car j’ai fait quelques lectures intéressantes à ce propos dernièrement. Dans un texte précédant, je disais que les Bretts étaient un sujet tabou dans le milieu. Dans un texte de Decanter consacré à ces fameuses levures, on compare cela au “Don’t ask, don’t tell” de l’armée américaine sur l’homosexualité!!! Toutefois, lorsque quelqu’un ose poser la question, certains producteurs seront assez honnêtes pour dire ce qu’ils pensent vraiment. C’est le cas de Jean-Louis Chave dans l’édition Été 2010 du magazine CELLIER de la SAQ. Je reproduis les propos honnêtes et révélateurs de M. Chave sur le sujet:

“On ne veut pas que la Syrah s’affirme dans nos rouges, on ne veut pas vous entendre dire: “Ça sent bon la Syrah ce vin-là”. C’est le terroir qu’on veut plutôt laisser parler. Or pour ça, il faut commencer par savoir que les Bretts ne sont pas toujours mauvaises, il ne faut pas les évacuer complètement. Le côté animal, s’il n’est pas trop marqué, moi je ne déteste pas. Mais certains ont mis en place tout un "process" pour les éliminer: filtration forte, augmentation des doses de soufre, raisins récoltés moins mûrs, etc. Or c’est dangereux cet interventionnisme à outrance, cela peut tuer la spécificité du vin.”

Le moins que je puisse dire, c’est vive la franchise. Si plus de producteurs parlaient avec autant de clarté, on saurait mieux à quoi s’en tenir par rapport à leurs vins. Personnellement, je trouve consternants les propos de M. Chave. Ils sont en totale opposition avec l’idée que je me fais d’un vin de terroir. Comment peut-on prétendre chercher à refléter le terroir dans ses vins quand on se fait une fierté d’effacer l’identité du cépage derrière un masque d’arômes phénolés? Honnêtement, cela dépasse mon entendement, surtout que les Bretts n’ont rien de spécifique au Rhône nord. Pour le reste, les propos de M. Chave sur ce qu’il appelle le “process” pour éliminer les Bretts sont tendancieux. Il omet le plus important. Pour éliminer les Bretts il faut d’abord et avant tout renforcer l’hygiène du chai et de l’équipement qui sert à élaborer le vin. C’est le point primordial. D’ailleurs, M. Chave est en contradiction dans ses propos, car il dit qu’il faut des Bretts, mais pas trop. J’aurais aimé qu’il explique comment il arrive à faire cela, car c’est lorsque les Bretts n’ont pas été éliminées au départ par une bonne hygiène qu’il faut augmenter les doses de soufre et filtrer pour les arrêter. J’aimerais donc savoir comment M. Chave arrêtent ses Bretts, comment il fait pour qu’elles ne produisent que la dose de phénol qu’il recherche pour “épicer” ses vins. J’aimerais aussi savoir comment il fait pour ne pas avoir de Bretts vivantes dans son vin en bouteille. A-t-il le don de commander à ces levures?!!! Au lieu de prétendre qu’il fait du meilleur vin, du vin de terroir, à cause qu’il n’évacue pas totalement les Bretts. Il aurait dû simplement dire qu’il aimait ces arômes dans ses vins. Il aurait dû assumer son choix stylistique et ne pas tenter de le justifier faussement par le terroir. D’ailleurs, j’ai toujours pensé qu’au delà du débat sur le caractère bon ou mauvais de ces arômes, ceux-ci nuisaient à l’expression du caractère spécifique d’un lieu, car ces levures se retrouvent partout dans le monde vinicole. D’ailleurs, dans l’article de Decanter que je cite en introduction, Adam Lee, propriétaire et “winemaker” de Siduri Wines, à Sonoma en Californie, déclare:

“Comme consommateur et “winemaker”, je ne suis pas un partisan des Bretts, parce que cela évacue du vin la réflexion du terroir... Les Bretts de la vallée du Rhône goûtent essentiellement la même chose que les Bretts de Barossa, ou Paso Robles. Une des raisons principales pour boire du vin, est de goûter le reflet d’un lieu, et je suis fortement déçu quand cela est compromis par les Bretts. Nous faisons tout ce que nous pouvons ici pour éviter d’avoir des Bretts dans nos installations et dans nos vins, et jusqu’à maintenant nous avons été très chanceux. Je ne suis juste pas un amateur de Bretts, que ce soit beaucoup, ou juste un peu. C’est un peu comme une femme qui dirait être un peu enceinte.”

Comme on peut le voir, M. Lee a une vision diamétralement opposée à celle de M. Chave. Deux mondes. Pour moi il est clair que les vins de terroir sont ceux qui ne sont pas masqués par des arômes de fermentations secondaires en cours d’élevage, ou en bouteille. Aussi, il est totalement faux de prétendre qu’il faille compromettre la qualité du vin pour éviter les Bretts. Il faut juste travailler plus fort, s’assurer de l’hygiène, et suivre ce qui se passe dans ses vins en cours d’élevage. Ceci dit, je respecte ceux qui aiment les arômes de Bretts, et les producteurs qui en veulent dans leurs vins. Je voudrais juste de la clarté sur le sujet, qu’on lève le tabou, et qu’on arrête les fausses justifications au nom du terroir. L'article de Decanter, se termine avec l'espoir qu'un jour les contre-étiquettes des vins informeront les consommateurs du caractère "bretté" d'un vin. J'avais aussi émis cet espoir en conclusion de mon texte précédant sur le sujet. Bien sûr, ça n'arrivera pas. Vaut mieux préserver le mystère et continuer de vanter les vertus du terroir.

http://publications.saq.com/doc/MagazineCellier/cellier_ete_fr/2010042901/1.html

http://www.decanter.com/people-and-places/wine-articles/485213/the-misunderstood-world-of-brettanomyces



*

vendredi 17 septembre 2010

CABERNET SAUVIGNON, PENALOLEN, 2007, ALTO MAIPO, VINA QUEBRADA DE MACUL


Vina Quebrada de Macul est un des meilleurs producteurs de vins de Cabernet Sauvignon au Chili. Il est situé sur le meilleur terroir à Cabernet du pays, l’Alto Maipo, et sa cuvée Domus Aurea est probablement le meilleur Cabernet chilien qu’il m’ait été donné de déguster. Le second vin de la maison, le Stella Aurea, n’est pas très loin derrière en terme de qualité, et à la moitié du pris du Domus, il est à ranger parmi les bons RQP parmi les vins de grande qualité issus de cette région. Pour ce qui est de cette cuvée Penalolen, il s’agit en quelque sorte du troisième vin de la maison. Bien sûr, il n’a pas l’ambition qualitative de ses deux aînés, même s’il provient du même vignoble que ceux-ci. Toutefois, selon mon expérience, ce type de vin a généralement moins de concentration, d’extraction, et de bois, mais conserve bien la “typicité” aromatique du cépage et du terroir. Bien que le vin s’affiche comme Cabernet Sauvignon, comme le permettent les règles au Chili. Il s’agit en fait d’un assemblage de Cabernet Sauvignon (85%), complété par du Cabernet Franc (7%), du Merlot (6%), et du Petit Verdot (2%). Le vin a été élevé 12 mois en barriques de chêne français d’âge indéterminé. La note de dégustation qui suit reflète ce que donnait le vin le jour de l’ouverture. J’ai bu la deuxième moitié, gardée en demi-bouteille au frigo, trois jours plus tard. J’y reviendrai.

Le nez est d’expression modérée et exhale des arômes de fruits noirs, de terre humide, de bois de cèdre et de chocolat noir, le tout complété par une touche de menthol. Un peu austère comme nez et très typé par son cépage dominant. En bouche, le caractère austère perçu au nez se reflète bien. Le vin est de structure bien compacte, avec une texture tannique plutôt rugueuse. Le fruit est bien présent, mais sombre et sans douceur, aidé en cela par une amertume tannique très appuyée. En milieu de bouche, on peut dénoter passablement de matière, mais avec toujours ce caractère sévère marqué par une amertume sous-jacente. La finale ne se fait pas plus souriante, mais si elle montre une bonne intensité et de la longueur, avec toujours cette amertume marquée.

Le jour de l’ouverture, ce vin m’a laissé totalement perplexe. Pour l’apprécier sous cette forme, il faut aimer les vins très tanniques, un peu rugueux et dénués de douceur. Personnellement, dans cet état, il ne m’a pas vraiment plu. Le fameux équilibre si nécessaire aux bons vins n’était pas au rendez-vous. Toutefois, la deuxième moitié dégustée trois jours plus tard était bien meilleure. La caractère amer trop appuyé qui m’avait déplu la première journée c’était sensiblement atténué. Le vin se montrait plus souple, et les autres saveurs, libérées de cette amertume, ressortaient avec plus d’acuité. Le vin dans son ensemble semblait plus équilibré. J’avais acheté six bouteills de ce vin, et après la première journée, je pensais retourner les restantes. Mais la façon dont se présentait le vin ensuite m’a fait changer d’idée. Je pense que c’est un vin où le temps en bouteille est nécessaire, et ce, malgré son statut modeste. Le type de vin rébarbatif en prime jeunesse qui pousse à parler de bonification si l’issue de la garde est positive. Bien sûr, malgré tout, rien n’est assuré pour l’avenir de ce vin. Mais j’ai un bon sentiment. De plus, comme c’est rare que des vins chiliens soient aussi tanniques et amers en jeunesse. La garde de ce vin sera intéressante et représentera une expérience différente pour moi. Au prix demandé pour ce vin (15.95$), c’est un risque très abordable.


*

dimanche 12 septembre 2010

Premier anniversaire du Vin aux Antipodes!!!

Avec trois jours de retard, je souligne le premier anniversaire de ce blogue. Il y a un an je disais que c'était une tentative de blogue car je n'étais pas certain de persévérer. Un an plus tard, je surpris d'être toujours là car l'exercice demeure solitaire et assez confidentiel. Il faut dire que les vins dont je parle, et mon point de vue général sur le petit monde vinicole n'ont rien pour attirer la plupart des amateurs. J'en suis conscient, et je le savais dès le départ. Je persiste et signe donc, malgré tout, et merci à ceux qui me suivent régulièrement. Merci aussi à Marc-André Gagnon de Vin Québec et à Bill Zacharkiw de The Gazette pour avoir référencé ce blogue, même si on ne partage pas toujours les mêmes idées sur la chose vinicole. Les divergences de point de vue n'excluent pas toujours le respect. Voilà qui est réconfortant et donne l'envie de poursuivre.


*

vendredi 10 septembre 2010

Les vins blancs de l’hémisphère sud méritent plus de respect

L’hémisphère sud compose une très grande partie de ce que l’on appelle le Nouveau-Monde en matière de vin. Plusieurs amateurs aiment accoler une étiquette péjorative aux vins de ces pays, mais en général, les vins rouges se méritent tout de même plus de respect. On reconnaîtra une certaine qualité à ceux-ci, mais souvent, du même souffle, on en déplorera le style. Pour ce qui est des vins blancs, le même respect est beaucoup plus rare. Quand on pense vins blancs, on pense la plupart du temps climat plus frais, et dans la perception générale, ces pays de l’hémisphère sud ne sont pas reconnus pour posséder de tels climats. Donc, les vins blancs de ces pays sont souvent tous mis dans le même panier. Encore une fois, même lorsqu’une certaine qualité leur est reconnue, la question du style est souvent posée comme problématique.

Ce portrait que je brosse de la situation est bien entendu caricatural, mais je pense qu’il reflète l'essence du discours dominant. Beaucoup de préjugés existent encore sur les vins blancs de l’hémisphère sud. Il faut dire qu’il y a encore beaucoup de vins qui cadrent bien avec ces préjugés. Toutefois, la réalité est beaucoup plus nuancée, et depuis environ une quinzaine d’années, beaucoup d’efforts ont été déployés dans ces pays pour planter les cépage blancs sur des terroirs plus frais qui leurs conviennent mieux. À cet effet, j’ai souvent parlé ici des efforts du Chili pour développer de nouvelles régions plus fraîches. En ce sens, j’ai souri cette semaine en prenant connaissance des résultats des “Decanter World Wine Awards” où trois vins chiliens ont remporté des trophées de meilleur vin de sa catégorie. Le Chili a complètement raflé la catégorie du Sauvignon Blanc avec le Cipreses Vineyard, 2009, San Antonio, Casa Marin pour les vins de Sauvignon Blanc de plus de 10 £, et le Sauvignon Blanc, Reserva, 2009, Elqui, Vina Mayu, dans la catégorie à moins de 10 £. Pour conclure, le Riesling, Vision, 2009, Bio Bio, Cono Sur a remporté le prix dans la catégorie des Rieslings à moins de 10 £. Je sais que ce n’est qu’un concours, avec toute l’imprécision que ça comporte, mais de voir trois blancs chiliens remporter des trophées alors qu’aucun rouge n’a réussi à le faire est pour moi un signe des temps dans ce pays. Trois blancs de jeunes vignes, de trois nouvelles régions fraîches situées aux extrémités et au milieu du Chili vinicole, avec Elqui située à 500 km au nord de San Antonio, et Bio Bio 500 km au sud. C’est ça le nouveau Chili, un pays vinicole qui n’a plus rien d’homogène sur plus de 1000 km.

Toujours sur le sujet des blancs de l’hémisphère sud et du respect parfois déficient envers ceux-ci. C'est avec beaucoup de retard que j’ai lu l'édition du printemps dernier de la revue CELLIER de la SAQ. Je suis tombé sur une dégustation comparative des vins de Riesling. La performance des vins de l’hémisphère sud, en particulier de l’Australie, y fut très convaincante. À mes yeux, cela prouve encore une fois l’utilité de la dégustation à l’aveugle pour déboulonner les préjugés et les hiérarchies acceptées. Je salue d’ailleurs l’honnêteté du texte d’analyse des résultats. Un extrait a particulièrement retenu mon attention. Il va comme suit:

“L’Alsace semble jouir d’un préjugé favorable dans l’esprit de nos juges, puisqu’ils avaient tendance à mettre un score plus élevé aux vins qu’ils croyaient alsaciens, et inversement, quand ils cochaient la case “Ailleurs dans le monde”, les pourcentages accordés tiraient vers le bas. Dans le même ordre d’idées, les australiens si largement appréciés ont souvent été perçus comme alsaciens... de sorte qu’ils ont gagné!”

Ouch!!! Voilà qui est très révélateur. C’est d’ailleurs pourquoi les dégustations de type confrontation de ce genre ne m’intéressent plus vraiment. Car bien plus que les vins, ce sont souvent les dégustateurs et leurs préjugés qui s’y confrontent. Surtout qu’ici au Québec, la grande majorité des amateurs et des leaders d’opinion se situe du même côté de la balance. C’est bien dommage. Mais dans le cas de cette dégustation, il faut quand même reconnaître le courage de certains de ces leaders d’opinion qui ont pris le risque de s’exposer publiquement aux aléas de la dégustation à l’aveugle. C’est tout à leur honneur. Malgré tout, j’attends toujours un changement de ton général et plus de respect de leur part envers les vins de l’hémisphère sud, les blancs en particulier. Il faut réaliser que le lieu précis d’origine est aussi important pour ces vins que pour ceux de la vieille Europe. Surtout que les producteurs qui investissent pour développer ces nouvelles régions plus fraîches le font d’abord et avant tout avec une motivation qualitative. Sinon ils ne se donneraient pas tout ce mal, et n’investiraient pas de bonnes sommes, si ce n’était pas dans le but de produire quelque chose de distinctif et de qualité. D’ailleurs, j’aurais bien aimé voir le Riesling, Vision, de Cono Sur dans cette dégustation, ou bien celui de Casa Marin. Malheureusement, aucun vin chilien de ce cépage n’est disponible à notre monopole étatique. Je suppose que le jour où on se comportera envers les vins de l’hémisphère sud avec le même respect qu’on porte à ceux de l’hémisphère nord, l’offre sur nos tablettes sera meilleure et ils se vendront mieux.

http://www.winesofchile.org/countries/europe-news/chile-all-white-all-right/



*

mardi 7 septembre 2010

CHARDONNAY, 2005, MENDOZA, CATENA


Catena est un producteur argentin n’ayant plus besoin de présentation. J’avais conservé une bouteille de ce Chardonnay, 2005, pour voir s’il pouvait bien évoluer sur quelques années. Sans plus de préambule, voici mes impression.

La robe montre son évolution par une intense teinte dorée. Le nez est bien agréable et dégage des arômes de pêche, d’orange, de caramel, de miel et de noix. En bouche, le vin est très bien équilibré en attaque, assez ample, avec une texture légèrement onctueuse et d’intenses saveurs de pêche et d’orange qui forment un heureux mariage. Comme c’était le cas au nez, de légères et douces notes évoquant le miel, le caramel et les noix viennent complété l’aspect fruité dominant. Le milieu de bouche permet de bien apprécié le bon niveau de concentration et la rondeur du vin qui possède aussi ce qu’il faut d’acidité pour bien se tenir. La finale se déploie en crescendo, avec des saveurs qui montent en intensité, avant de lentement décliner en laissant l’aspect de caramel, mineur jusque là, gagner un peu en importance.

C’était malheureusement ma dernière bouteille de ce vin qui aurait pu évoluer encore quelques années. J’ai peu d’expérience avec la garde des vins blancs. Je ne prend donc pas de chance, préférant ouvrir trop tôt que trop tard. Dans ce cas, ce n’était pas vraiment trop tôt, mais encore assez loin d’être trop tard. Somme toute un beau vin de Chardonnay qui en donne pleinement pour son prix très raisonnable d’une vingtaine de dollars. Catena demeure pour moi le meilleur producteur argentin, offrant toujours des vins d’excellente qualité, vendus à prix avantageux. C’est le genre de producteur très solide qu’on a tendance à un peu oublier après toute ces années. Néanmoins, à chaque fois que j’ouvre une bouteille de Catena, je me dis que je devrais en boire plus souvent. La réputation de cette maison n’est plus à faire, et je ne suis pas le seul à la voir au somment de la hiérarchie argentine. Je joins un lien vers un texte du critique américain Stephen Tanzer, vantant les mérites des vin de Chardonnay de ce producteur émérite. Je ne sais pas quel est le prochain millésime qui se retrouvera sur les tablettes de la SAQ, mais Tanzer qualifie la version 2008 de ce vin de “SCREAMING CHARDONNAY VALUE”. Pas de note, juste un commentaire qui frappe. Décidément. Je préfère les mots aux chiffres.

http://www.winophilia.com/2010/03/31/catena-rules-argentine-chardonnay/#more-588



*

dimanche 5 septembre 2010

SHIRAZ, GOLDEN TRIANGLE, 2004, STELLENBOSCH, STELLENZICHT

Après la relative déception de l’assemblage bordelais Ansela Van de Caab, je continue ma petite exploration de l’Afrique du Sud avec un autre rouge de la région de Stellenbosch venant d’un domaine établi il y a quelques siècles (1692). J’aime l’approche de l’oenologue en chef Guy Weber qui dit que l’équilibre détermine la qualité d’un vin. Ce Shiraz provient de raisins issus de vignes de 10 à 20 ans d’âge, de 5 vignobles distincts, et dont le rendement est limité à environ 40 hl/ha. Dans cette région, la Syrah est essentiellement vendangée dans la première moitié de mars, ce qui est l’indice clair d’un climat assez chaud. Les raisins provenant des différents vignobles sont vinifiés séparément avant l’assemblage final. Le vin est élevé pour 15 mois en barriques de chêne de français, américain et d’Europe de l’est. Un quart du bois est neuf. Le vin titre à 14.3% d’alcool pour un pH de 3.58. Le producteur parle d’un potentiel de garde de 5 à 8 ans.

La robe est foncée, bien que légèrement translucide. Le nez est vraiment très beau, montrant un début d’évolution, avec un heureux mélange d’arômes de fruits noirs, d’encens, d’aneth, de sauge, de cendre, de fumée. Un nez difficile à décrire , mais très beau, très agréable, et pour moi clairement d’esthétique européenne, malgré le nom Shiraz. Cette belle amorce se poursuit en bouche avec un très bel équilibre. Un doux fruité de bonne intensité domine la palette des saveurs, bien complété par les aspects épicés et légèrement fumés. Le milieu de bouche révèle un vin ou encore une fois c’est l’équilibre qui prime. Il n’y a rien d’excessif, chaque élément semble bien ajusté aux autres, la concentration est bonne, le volume quelque peu restreint, et la texture tannique est veloutée. Bel exemple de vin qui ne tente pas de trop en mettre pour impressionner. Cela se poursuit en finale où l’harmonie est toujours au rendez-vous, avec un léger sursaut d’intensité sur une longueur de très bon niveau.

Je connais encore mal les vins sud-africains, mais il est clair que c’est un territoire que je veux explorer et mieux connaître. En ce sens, un vin comme celui-ci me donne définitivement le goût d’intensifier mes explorations. Comparativement à l’Amérique du sud, il me semble clair que l’Afrique du Sud est en général plus proche des canons esthétiques européens, même si on y retrouve aussi des bombes plus associées à l’archétype Nouveau-Monde. Dans le cas de ce Shiraz, malgré le nom et la douceur du fruit, j’ai trouvé qu'il se rapprochait au niveau aromatique de l’archétype Ancien-Monde, mais dans le bon sens, avec un profil propre, sans déviations microbiologiques. Le vin montre vraiment un bel équilibre. Il est agréable à boire, et exhibe des qualités générales bien supérieures au prix demandé (22$). C’était un très bel achat donc, et un autre exemple démontrant les bienfaits d’un peu de temps en bouteille. Je suppose qu’un millésime plus récent devrait apparaître bientôt à la SAQ.


*

samedi 4 septembre 2010

Match comparatif de la revue CELLIER sur les bordeaux 2006

J’ai lu avec intérêt les résultats d’un autre match comparatif de la revue CELLIER de la SAQ. Comme c’est toujours le cas dans ce type d’exercice, pensez au GJE, les résultats semblent surprenants. Je dis que ça semble surprenant, car au fond, ces résultats sont au contraire prévisibles. Ils concordent avec ce qu’on sait sur l’inexactitude du sens olfactif laissé à lui-même en l’absence ou en déficit de repères. Dans le cas de cette dégustation, en plus, on était même pas en pure aveugle. Imaginez. Le terrain était balisé, et chaque dégustateur se doutait bien que quelques “petits” vins, côtoieraient des grands noms très coûteux. Il n’est donc pas étonnant de voir les résultats avec un classement très serré au niveau des notes. Pour moi, c’est une autre preuve, si besoin était, que les notes précises à la Parker sont une fumisterie. Ce système de notation est intimement lié à l’identité des vins, et il tomberait comme un château de carte sans celle-ci. N’importe quel dégustateur professionnel qui publierait des notes données en pure aveugle aurait tôt fait de se couvrir de ridicule et de perdre toute crédibilité. Encore une fois, ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas de différences qualitatives entre les vins. Ça veut juste dire que nos capacités à distinguer de façon sûre ces différences sont limitées, et que l’aspect mental joue pour beaucoup dans ce processus. L’appréciation du vin dépend autant de ce qu’on en attend, de notre disposition mentale face à celui-ci, que de ce qu’il a vraiment à offrir. Ironiquement, il y a donc un effet de renforcement positif avec le système de Parker. Ceux qui croient dans la validité de ses notes sont mieux disposés à apprécier les vins auxquels il en a donné des grosses. Surtout que la grosse note fait aussi grimper le prix. Ce qui renforce encore plus le préjugé favorable, effet Veblen.

Personnellement, je suis convaincu de l’invalidité du système de Parker et j’ai un préjugé favorable pour les vins moins chers. Pas que je pense que moins cher égale meilleur. Ce serait stupide de penser cela. J’ai un préjugé pour les vins moins chers que je pense avoir bien choisis et qui correspondent à mes goûts. Je suis convaincu que les critères généralement utilisés pour fixer le prix des vins (origine, renommée, notation, style) rendent le système peu efficace. Ce qui en retour génère un bon nombre d’aubaines qu’il faut pouvoir repérer. Il y a moyen de très bien boire à prix raisonnable. Je suis convaincu de cela. Il faut juste essayer de s’en tenir au vin lui-même en tentant d’oublier les facteurs pouvant nuire à notre perception et au plaisir qui peut en découler.
 
  http://publications.saq.com/doc/MagazineCellier/cellier_automne_fr/2010082401/

 
*

jeudi 2 septembre 2010

ANSELA VAN DE CAAB, 2007, STELLENBOSCH, MURATIE


Muratie est un domaine où les premiers raisins furent pressés en 1659. Pas moins de 18 propriétaires s’y sont succédé depuis. Le dernier en lice, Ronald Riijk Melk, ayant repris le domaine en 1987. Ce vin est nommé en l’honneur d’une esclave (en français, Ansela du Cap), qui fut en quelque sorte la conjointe du premier propriétaire et la mère de ses enfants. Ce vin est un assemblage essentiellement bordelais, comprenant 48% de Cabernet Sauvignon, 37% de Merlot, 12% de Cabernet Franc, et 3% de Syrah. Les différents cépages sont vinifiés séparément, et élevés un an en barriques de chêne français. L’assemblage est alors effectué et le mélange est placé de nouveau en barriques pour 6 mois supplémentaires. Le vin est embouteillé sans filtration.

La robe est bien foncée, bien que légèrement translucide. Le nez est d’intensité modérée et dégage des arômes de fruits noirs, complétés par des notes de vanille et autres épices douces, ainsi que par un léger aspect végétal bien intégré évoquant un peu le poivron vert. À ce stade, le profil est plutôt simple, mais tout de même agréable. En bouche, on retrouve un vin de corps moyen, à la structure plutôt compacte et à l’acidité soutenue. Le fruité est vif, soutenu par une trame d’amertume bien dosée, et mêlé à des notes vanillées/épicées. Le milieu de bouche montre un bon niveau de concentration et voit l’aspect boisé prendre plus de place, ce qui entrave un peu l’équilibre global. La finale est correcte avec encore le bois qui ressort trop à mon goût.

Je m’attendais à plus de ce vin. Pas qu’il soit mauvais, même si le boisé est pour le moment trop appuyé. Mais pour le prix demandé (25.60$), et compte tenu de son origine, je pensais qu’il en donnerait plus. Je sais que c’est un peu injuste de juger un vin selon son origine. Toutefois, pour moi l’Afrique du Sud est en compétition avec l’Argentine et le Chili, et ces pays peuvent facilement offrir des vins à base de Cabernet sous la barre des 20$ aussi bons voire meilleurs que ce sud-africain. Un bon vin encore trop jeune donc, mais pas d’aubaine en vue.

*

mercredi 1 septembre 2010

Brettanomyces et Syrah: Un élément de réflexion

Vous croyez que les arômes de Brettanomyces ne font pas partie de la culture du vin haut de gamme, surtout européenne? C’est votre droit. Réjouissez-vous, car vous faites partie de la vaste majorité de ceux qui ont une opinion là-dessus. Sinon, le plus souvent, on vous parlera d’arômes de terroir, de complexité, mais on ne parlera pas de Bretts ou de phénol. Parfois je me demande si c’est par incapacité de reconnaître la chose et de la nommer, ou bien si c’est pour la cacher sous des mots plus attrayants. Depuis mon premier contact avec ces arômes particuliers, ma position a passablement évolué. Au début, je ne pouvais croire qu’on pouvait vraiment aimer cela, surtout lorsque c’est très accentué. Toutefois, à force de côtoyer des amateurs passionnés et surtout sincères. J’ai fini par comprendre qu’il était possible d’aimer cela ou d’y être moins sensible. Toutefois, une chose depuis ce temps n’a pas changé, c’est ma frustration face au caractère relativement occulte des fameuses levures. Les producteurs vous parlerons en détail des processus d’élaboration de leurs vins, mais pratiquement aucun n’abordera le sujet des Bretts ou celui des autres micro-organismes pouvant modifier le profil d’un vin en cours d’élevage. C’est une sorte de sujet tabou. La clé du terroir qu’on garde bien cachée.

J’ai  beaucoup lu sur le sujet des Bretts il y a quelques années, lors de ma découverte un peu traumatique du phénomène. Toutefois, c’est un sujet sur lequel j’avais peu lu dernièrement. Mais cette semaine je suis tombé sur un papier très intéressant de Sam Harrop, un “Master of Wine” britannique qui est aussi consultant en vinification. Son texte sur le rôle des Bretts dans la production de Syrah, dites de haute qualité, est à mon sens fort révélateur. Tout d’abord il associe dès le départ “haute qualité” et Brettanomyces. Ensuite, à la lecture, on se rend compte que si vous voulez être amateur de Syrah haut de gamme, il est nécessaire d’aimer ou de bien tolérer les arômes produits par ces levures. Sinon il faut être prêt pour de très nombreuses et coûteuses déceptions. Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'auteur revient souvent avec l'association Bretts modérées-complexité comme facteur qualitatif. À le lire on a même l'impression que sans l'apport des fameuses levures la Syrah serait un cépage donnant des vins plutôt simples. Ceci dit, le coeur du texte porte sur une dégustation à l’aveugle de 25 vins qui a été tenue à Londres. Cette dégustation comprenait des vins du Rhône nord, du sud de la France, de l’Australie et des États-Unis. Les vins de la dégustation ont ensuite été analysés au laboratoire Excell de Pascal Chatonnet en France. Chatonnet est un pionnier dans la mise au jour du rôle oenologique des Bretts. Les résultats analytiques des vins dégustés sont éloquents, alors que les résultats de dégustation montrent bien les divergences d’appréciation ou de sensibilité des différents dégustateurs face à ces arômes. À noter que tous les dégustateurs étaient des professionnels rompus à ce type de vins haut de gamme, et à l'estéthique parfois particulière pouvant y être associée. Après cette lecture, si certains veulent continuer de penser que ces 25 vins ne sont pas représentatifs de la production de vins rouges haut de gamme. Libre à eux. L'échantillon de vins est clairement trop faible pour en tirer une règle stricte. Toutefois, en me basant sur mon expérience limitée, je trouve que ces chiffres n'ont rien de farfelus et ne s'appliquent pas qu'à la Syrah. Bien sûr, ce n'est là que ma perception, mais je rêve du jour où le taux de 4-EP serait donné dans la fiche technique des vins, au même titre que le taux d'alcool, le pH, les sucres résiduels ou l'acidité titrable. J'ai bien peur que mon rêve ne soit pas à la veille de se réaliser.


http://www.samharrop.co.uk/final_pdfs/Brett_dissertation.pdf


*