samedi 30 juillet 2011

Quand la technologie et la nature se rejoignent

J'ai recommencé depuis un certain temps à participer à des dégustations de groupe où je peux goûter à des vins européens de bon niveau. C'était le cas hier lors d'une très agréable soirée organisée par le biais du forum Fouduvin. J'y avais apporté les deux seuls vins du Nouveau-Monde, les autres vins venaient de le vieille Europe. Les discussions furent très intéressantes et ça m'a permis de comparer mes perceptions à celles de mes compagnons de dégustation. Mon but dans ce type d'exercice, au-delà du plaisir, est de rafraîchir mes repères pour mieux me situer face au vin en général. Comme c'est presque toujours le cas après ce type d'exercice, je suis décontenancé. D'un côté, il y a le niveau de qualité des vins qui est généralement élevé, ce qui est normal pour des vins de ce prix. Mais de l'autre il y a cette esthétique européenne du défaut œnologique qui pour moi gâche trop de vins qui autrement auraient été superbes. Je dis pour moi, car ma perception à ce sujet est rarement partagée par les autres dégustateurs. Comme si mon palais rompu aux vins œnologiquement stables n'était pas entraîné pour ce genre de vins. À chaque fois c'est un choc et je suis frappé par l'incompréhension. À chaque fois je me demande pourquoi ces vins avaient besoin de ça, alors que la plupart du temps, sans ça, ils auraient été excellents. À chaque fois, ça me conforte dans l'idée que le vin authentique s'obtient par une fermentation alcoolique bien menée, et une malo dans certains cas, suivie ensuite d'une stabilisation efficace du vin. Pas de traficotage micro-biologique par la suite.

C'est avec ces réflexions en tête que je suis tombé dans ma petite revue de presse du samedi sur le plus récent article de Bill Zacharkiw dans The Gazette. Dans ce papier Bill traite à sa façon des vins « fabriqués » du genre « Ménage à Trois » et « Apothic Red ». Bien que je sois moi aussi opposé à ce type de vins confectionnés, je ne peux m'empêcher de les relier aux vins micro-biologiquement manipulés du paragraphe précédant. Lorsque qu'on ferme une boucle, les extrémités se rejoignent et c'est tout ce qu'il y a à faire pour s'apercevoir de la proximité de ces deux genres de vins qui peuvent apparaître à première vue comme diamétralement opposés. Le vin technologique utilisera des levures sélectionnées pour favoriser un arôme particulier, ou ajoutera des enzymes pour permettre une réaction chimique particulière, autrement impossible. Mais laisser des levures et des bactéries agir par le biais de leurs enzymes sur un vin dont la fermentation est complétée, c'est aussi une façon de modifier le vin en créant des arômes qui autrement ne s'y seraient pas retrouvés. Des arômes qui interféreront avec la véritable identité du vin. Pour moi, c'est deux façons de jouer avec le profil d'un vin. Deux façons de l'éloigner de sa véritable identité. Ce qui est malheureux toutefois, c'est que contrairement aux vins technologiques qu'on retrouvent surtout dans le bas de gamme, c'est le moyen et haut de gamme qui est touché par les problèmes d'instabilité micro-biologique. Je sais que mon point de vue sur le sujet demeure très minoraitaire, et je l'assume. N'empêche que je pense qu'il faut se méfier des extrêmes. Je n'ai pas envie de vins artificiels, mais pas plus de vins naturels dont l'exemple ultime s'appelle vinaigre.

jeudi 21 juillet 2011

Trouver l'Eldorado

Le titre n'est pas de moi, c'est plutôt celui d'un article de Steven Spurrier dans le dernier numéro de la revue britannique Decanter à propos du Chili et de l'Argentine. Je trouve que cet article résume bien pourquoi le Chili et l'Argentine sont mes deux pays de prédilection dans le monde du vin. Je dirais même que la lecture de l'article permet d'assez bien comprendre pourquoi je préfère le Chili à son voisin transandin. Personnellement je résumerais ça à deux mots: diversité et fraîcheur. Aussi, dès le deuxième paragraphe de son article, M. Spurrier y va d'un commentaire qui rejoint ce que j'écrivais dernièrement dans un texte intitulé « Aborder le vin autrement ». Je traduis librement  ses propos sur le Chili et l'Argentine: « Ils semblent pour moi les Eldorados du monde du vin, très différents, mais tous deux des Eldorados. J'ai passé cinq décennies à encaver presque exclusivement des vins venant d'Europe, et si un être supérieur quelconque (mais plus probablement inférieur) en venait à me dire que mes années avec l'Ancien-Monde devaient se terminer, ce serait vers l'Amérique du Sud que je me tournerais pour y trouver consolation. Une consolation mêlée d'enthousiasme. » Bien sûr, à lire ces propos, on peut se dire que le rôle du prix de consolation enthousiasmant n'est pas vraiment ce qu'il y a de mieux, mais tout est question de point de vue. M. Spurrier a été élevé au vin européen, il est donc bien normal que ce continent demeure son premier choix. De toute façon, l'Amérique du Sud ne prétend pas faire jeu égal avec la profondeur de l'offre européenne. Mais pour quelqu'un qui en est encore à ses débuts dans le monde du vin, ou qui a gardé encore assez d'ouverture d'esprit, il s'agit d'une formidable alternative, ou encore un complément très abordable.

Le reste de l'article porte sur le choix des 15 meilleurs producteurs du Chili, et des 10 meilleurs d'Argentine de la part de deux « Master of Wine » spécialisés. On y retrouve encore le toujours pertinent Peter Richards à propos du Chili, alors que Marina Gayan, qui traite de l'Argentine, y va d'une grossière erreur dès le premier producteur dont elle traite, en écrivant que la cuvée « Quimera » de Achaval Ferrer est un pur Malbec venant de trois terroirs différents, alors qu'en réalité la cuvée Quimera est un assemblage bordelais. Disons que comme premier contact avec un auteur, ça donne un coup à la crédibilité. Ceci dit, ses choix de producteurs argentins sont bons, même si Weinert est une maison qui aurait mérité une place dans ce Top 10. Pour ce qui est du Chili, je sais que Calyptra/Aristos font beaucoup jaser dans le petit cercle des connaisseurs de vins chiliens, mais je ne peux juger, n'ayant jamais pu goûter leurs vins. Comme les deux étiquettes sont liées par des vignobles et un winemaker communs, une seule mention aurait été suffisante, surtout que c'est un producteur qui ne fait que commencer. Il y a aussi une certaine forme de redondance avec Cono Sur fait partie du géant Concha y Toro, même si c'est une entité autonome, même chose pour Altair, Vina Leyda et Tabali qui sont des unités autonomes appartenant en tout ou en partie au géant San Pedro. Ça montre la force de ces deux grands groupes, mais on aurait pu favoriser des producteurs indépendants à la place. Je n'ai pas encore pu goûter les vins de O. Fournier au Chili, mais c'est un excellent producteur en Argentine et je ne doute pas de la qualité de ses vins au Chili. Je ne connais pas encore les vins de Polkura, mais à ma grande surprise la Syrah, 2008, dont il est question dans l'article, apparaîtra bientôt sur les tablettes de la SAQ. C'est donc à surveiller. Ceux qui me lisent avec régularité savent tout le bien que je pense de pionniers comme Errazuriz, De Martino, Casa Marin et Falernia. Pour ce qui est de Montes, même si c'est un bon producteur, il n'aurait pas fait mon Top 15. L'absent de marque est Casa Lapostolle. La qualité des vins n'est pas en cause, cette absence me semble plutôt justifiée par le prix trop élevé de ses vins. En terminant, les producteurs dont j'ai goûté certains vins et qui auraient pu faire partie de ce Top 15 : Matetic, Loma Larga, Amayna, Kingston, Casas del Bosque, Perez Cruz, Clos Quebrada de Macul, Chocalan, Casa Silva, Ventisquero, Undurraga, Dos Andes (Veranda).


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dimanche 17 juillet 2011

Le vin chilien peut-il vieillir? (suite)

Dans un article précédant je posais cette question à propos du potentiel de garde des rouges chiliens. Dernièrement je suis tombé sur une  référence intéressante à ce propos. Peter Richards, un spécialiste du Chili vinicole pour la revue Decanter, y relate la dégustation d'un Cabernet Sauvignon, Medalla Real, 1987 de Santa Rita. Il est très élogieux à son sujet. Il est intéressant de noter que c'est l'importateur danois de Santa Rita qui avait décidé de garder des bouteilles de ce vin, et non le producteur lui-même, ce qui montre encore une fois la lacune des chiliens face au potentiel de garde de leurs propres vins. N'empêche que les propos de Andres Ilabaca, le winemaker actuel de cette cuvée sont intéressants lorsqu'il dit que les vignobles qui ont produits ce vin étaient mal tenus, trop irrigués, trop productifs et trop vigoureux. Malgré cela, on a obtenu un vin qui titre à seulement 12% d'alcool et qui a bien évolué sur plus de 20 ans. Les Cabs à 12% d'alcool au Chili, ça n'existe plus aujourd'hui. Comme partout ailleurs sur la planète, on récolte plus tardivement à la recherche de la fameuse maturité phénolique. Ce qui fait que les vins d'aujourd'hui sont différents, pas juste plus alcooliques, mais avec des tanins différents et généralement plus de concentration et des saveurs plus matures. Ceci dit, un exemple comme celui de ce Medalla Real me conforte dans ma préférence pour les vins plus modérés de type Reservas. Des vins qui évitent les excès d'ambition, plus abordables en jeunesse, et qui avec le temps me semblent avoir plus de chances de demeurer équilibrés. Même si ce 1987 a bien évolué, je ne suis pas de ceux qui pensent que cette façon de faire est nécessairement la meilleure, même si aujourd'hui on semble souvent rechercher la maturité à tout prix, parfois au détriment de l'équilibre général.

Que ce soit au Chili, ou ailleurs dans le monde, l'évolution des méthodes d'élaboration rend la garde du vin plus incertaine. Toutefois, pour avoir des réponses, il faut mettre des bouteilles de côté. En ce sens, les rouges chiliens demeurent une option de choix, car leurs prix demeurent très modiques, ce qui permet d'acheter plusieurs exemplaires du même vin et de suivre son évolution. De plus, si un vin de 20$ se montre décevant, c'est moins frustrant qu'avec une bouteille de 100$. Personnellement, j'ai ouvert pas mal de rouges chiliens ces dernières années qui avaient entre 10 et 15 ans d'âge, et je suis plus que satisfait des résultats.


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dimanche 10 juillet 2011

CABERNET SAUVIGNON, FINISIMO, GRAN RESERVA, 2007, MARCHIGUE, COLCHAGUA, CANEPA




Canepa a été fondé en 1930 par José Canepa, un immigrant italien, et la cuvée Finisimo a été élaborée pour la première fois en 1960. Ce qui en fait une des premières cuvées premiums du Chili. Ce n'est toutefois pas un vin de domaine à la française, ce qui fait que la cuvée d'aujourd'hui n'a que très peu en commun avec ce qu'on faisait il y a 50 ans. Ceci dit, quel vin d'aujourd'hui peut prétendre être semblable à ce qui était fait il y a un demi-siècle? Toujours est-il que la version moderne de cette cuvée Finisimo provient maintenant de Marchigue. Le millésime 2007 est le premier à provenir de cet endroit. En plus du Cabernet Sauvignon, il est complété par 15% de Syrah. Le vin est élevé pendant 16 mois en barriques de chêne français d'âge indéterminé. Il titre à 14.5% d'alcool pour un pH de 3.55.

La robe est sombre et opaque. Le nez est de bonne intensité et est marqué par ce que j'appelle le végétal frais, par rapport au végétal vert. Il exhale des arômes de groseille, de cassis, de menthol, de camphre et d'herbes aromatiques évoquant le thym et le romarin. Le tout est complété par des notes vanillées et torréfiées venant vraisemblablement de l'élevage en barriques. Un beau nez frais au caractère un peu sauvage. En bouche, on retrouve un vin solide et compact, à la fois généreux et retenu. L'acidité est bien présente et contribue à l'intensité et à la fraicheur du fruité de belle qualité, alors qu'un juste trait d'amertume est bénéfique à l'équilibre d'ensemble. Le milieu de bouche révèle un vin mi-corsé et bien concentré, assez facile à boire malgré son jeune âge. Les tanins sont bien présents, mais sans aspérités. La finale est harmonieuse et le fruité y garde le premier rôle, sur une persistance de bon niveau.

J'ai acheté ce vin car il vient de la région de Marchigue, une nouvelle sous-région de la vallée de Colchagua où les températures sont un peu plus fraîches car située plus près de la côte du Pacifique. Je ne connais pas encore assez cette région pour pouvoir y dénoter une quelconque typicité, mais j'ai bien aimé ce vin marqué par la fraîcheur de ses arômes. Une fraîcheur qu'on retrouve aussi en bouche grâce à une bonne acidité. C'est un vin modéré et équilibré qui ne manque de rien tout en sachant éviter les excès d'exemples plus ambitieux. Il se contente d'afficher le profil général de ces fameux Reservas chiliens que j'aime tant. Le résultat est donc facile à boire dès maintenant, même si un potentiel de garde me semble bien présent. Au prix payé de 17.95$, ce vin est un autre exemple montrant la grande force de ce pays dans cette catégorie de prix.

lundi 4 juillet 2011

SAUVIGNON BLANC, 2010, LEYDA, AMARAL




Si vous connaissez et aimez des rouges chiliens comme Ninquén, Intriga ou Quattro de MontGras, et bien Amaral fait partie de la même famille de vins regroupés sous le chapeau de MontGras Properties. Il est fini le temps au Chili où l'on cultivait tous les cépages, blancs ou rouges, au même endroit. Le virage terroir est bien enclenché et la création d'une unité de terroir frais comme Amaral est un geste logique dans cette direction pour les producteurs comme MontGras qui étaient déjà basés dans la chaude vallée centrale. Ce vin est issu de vignes de 5 ans d'âge, plantées sur un sol granitique et alluvial, à seulement 12 km du Pacifique. Les raisins ont été vendangés manuellement à différents moments entre le 11 et 25 mars. L'élaboration a eu lieu entièrement en cuves d'inox. Le titre alcoolique est de 14.5% pour un pH de 3.15.

La robe est de teinte vert pâle. Le nez est modéré et exhale des arômes de citron, de melon et de bord de rivière (roche mouillée), ainsi qu'un très léger caractère végétal et de fines notes florales. Beau nez civilisé montrant une belle variété d'arômes. La bouche est plutôt ronde pour un vin de ce cépage, avec des saveurs riches qui tapissent bien le palais. Une bonne dose d'acidité est présente, mais peut-être à cause de la rondeur déjà évoquée, elle n'a pas le caractère tranchant que l'on rencontre parfois avec le Sauvignon Blanc de climat frais. Le milieu de bouche permet de confirmer la qualité de la matière offerte, bien équilibrée, avec du volume et un bon niveau de concentration. La finale est harmonieuse, avec une pointe d'amertume qui fait son apparition et une persistance de bon calibre.

Un des plaisirs de bien connaître les vins d'une région est de pouvoir y distinguer les styles possibles. Bien sûr le terroir est un élément incontournable de la donne, mais les décisions humaines contribuent aussi fortement à déterminer le style. Dans ce cas-ci, il est clair que l'on a pris le parti d'un style au fruité plus mature, ce qui implique acidité et caractère végétal moins marqués, ainsi que plus de gras et de volume en bouche. En ce sens, ce Sauvignon Blanc, Amaral, rejoint le style préconisé dans la même région de Leyda par Amayna. Toutefois, au contraire d'Amayna, du moins dans le millésime 2008 disponible à la SAQ, qui dépasse un peu la limite, pour cet Amaral on su ne pas pousser trop loin la recherche de maturité et ainsi préserver fraîcheur et équilibre. Au final on obtient un vin réussi, offrant un profil distinctif, et dont le prix (16.95$) est très attrayant en regard de la haute qualité offerte. Un bel ajout à la gamme de vins chiliens de la SAQ.