samedi 29 décembre 2012

CABERNET SAUVIGNON, ROYALE, 2008, COLCHAGUA, VINA KOYLE



Au-delà de la qualité des vins et du prix favorable de la grande majorité d'entre eux, ce qui maintient mon intérêt pour le Chili c'est la diversité croissante qu'offre ce pays. Une part de cette diversité est due à l'émergence constante de petits producteurs totalement axés sur la qualité et l'approche terroir. Dans le cas du vin que je vous présente aujourd'hui, on est en face d'un bel exemple de la régénération vinicole qui a actuellement cours dans ce longiligne pays. Vina Undurraga est une des plus vieilles maisons traditionnelles du Chili. En 2006 la famille Undurraga a vendu sa participation dans la compagnie. Peu après, cette famille toujours passionnée par le vin s'est lancée dans un nouveau projet vinicole appelé Vina Koyle (prononcer koy-lé). Un projet de taille beaucoup plus réduite, mais axé sur la notion de terroir et avec de hautes visées qualitatives. Après avoir évalué plusieurs sites dans le pays, la région de Los Lingues, au pied des Andes, dans l'Alto Colchagua, fut choisie. Avec l'aide du spécialiste chilien de la notion de terroir, Pedro Parra, des analyses de sols ont été effectuées pour planter les cépages choisis sur les sols les plus appropriés (Cabernet Sauvignon, Syrah, Malbec, Tempranillo, Petit Verdot, Carmenère et Mourvèdre). Vina Koyle élabore un seul vin blanc, il s'agit d'un Sauvignon Blanc de climat frais venant de Paredones, à quelques kilomètres du la côte pacifique. Je soupçonne que les fruits pour ce vin proviennent du vignoble côtier de Vina Casa Silva, qui est le voisin de Koyle à Los Lingues. Vina Koyle cultive ses vignes selon les préceptes de la biodynamie, c'est-à-dire une culture biologique mâtinée d'ésotérisme. Pour goûter un des premiers vins du nouveau vignoble de l'Alto Colchagua, je vous conseille d'essayer la Syrah, Reserva,2010, qui est actuellement offerte à la SAQ. J'ai essayé le premier millésime de ce vin, soit le 2009, et je l'ai bien aimé. Karyne Duplessis Piché parle favorablement du 2010 ici.

Pour ce qui est de la cuvée Royale de Cabernet Sauvignon, 2008, elle a été élaborée à partir de fruits achetés, car en 2008 les vignes du nouveau vignoble n'avaient été plantées que depuis deux ans. Il s'agit en fait d'un assemblage comprenant aussi 13% de Malbec et 2% de Carmenère. Le rendement des vignes est faible à 1 kg par plant, ce qui permet de produire une bouteille par plant de vigne. Le vin a été élevé 18 mois en barriques de chêne français. Il titre à 14.5% d'alcool et n'a pas été filtré. Le producteur parle d'une garde d'une dizaine d'année pour cette cuvée.

La robe est foncée et opaque avec des reflets violacés. Le nez est riche sans être trop expressif et on peut y dénoter des arômes de fruits noirs avec le cassis qui tient le premier rôle. Cet aspect fruité prédominant est complété par des notes de menthol, de bois de cèdre, de vanille/bois brûlé et de caramel. En bouche, le vin se montre très intense dès l'attaque et on peut sentir qu'il s'agit d'un vin ambitieux. Il y a beaucoup de matière et de présence, avec beaucoup de fruit, mais aussi une présence boisée bien marquée. Le milieu de bouche permet de confirmer la forte concentration de ce nectar, ainsi que la densité de l'ensemble. Les tanins apparaissent soyeux jusqu'à mi-parcours, mais montrent une bonne poigne par la suite avec une amertume qui gagne en importance. Cela marque la finale qui est puissante et très persistante.

En tant que pays vinicole en développement rapide, le Chili a cette faculté de surprendre car le caractère hiérarchique des vins de ce pays n'est pas clairement établi. On retrouve parfois de nouvelles cuvées de luxe dont le prix sert surtout à refléter les ambitions élevées du producteur. Puis il y a des vins comme cette cuvée Royale de Vina Koyle qui se contente d'un nom évocateur pour souligner le caractère ambitieux du vin, laissant la surprise du contenu de la bouteille au consommateur. Avec cette cuvée, il semble que ce nouveau producteur ait misé sur le prix accessible de son vin (20$) pour faire connaître le niveau qualitatif qu'il peut atteindre. À mon sens, ce vin se compare, en terme de style et de niveau qualitatif, à bien des vins chiliens vendus beaucoup plus chers. On joue dans la cour des super premiums à une fraction du prix. C'est du vin très sérieux, mais actuellement beaucoup trop jeune pour pouvoir se présenter sous son meilleur jour. Le producteur parle d'un potentiel de garde de 10 ans, mais moi je pense que dans 10 ans ce vin ne fera qu'entrer dans se fenêtre la plus favorable, selon mes préférences. Au stade actuel c'est un vin impressionnant, mais difficile à boire pour moi car il a beaucoup de tout. C'est pourquoi je l'ai bu sur quatre jours, et le vin n'a pas bronché pendant cette période. Vin de garde sérieux donc, et en ce sens, mes cinq autres bouteilles vont reposer plusieurs années avant que j'ouvre la prochaine. Vina Koyle, un autre nom à ajouter à la nouvelle vague chilienne.




lundi 17 décembre 2012

Notes sud-américaines

Pour ceux qui partagent ne serait-ce qu'un peu mon goût des vins chiliens. Je vous présente un lien qui montre le classement des meilleurs vins de ce pays selon deux guides d'achat spécialisés dans les vins chiliens. Vous verrez qu'il y a peu de vins de ces listes qui sont disponibles au Québec. Mais il y a bien des producteurs dont j'ai déjà parlé sur ce blogue. Je suis content de voir que deux vins dont j'ai vanté très fortement les mérites, dans des millésimes antérieurs, sont nommés comme meilleurs vins en rouge et en blanc. Il s'agit du Cabernet Sauvignon, Domus Aurea de Clos Quebrada de Macul et le Sauvignon Blanc, Cipreses Vineyard, de Casa Marin.

C'est la saison des Top 100 dans les magazines américains. Je suis tombé sur celui particulier du chroniqueur vin du Vancouver Sun, Anthony Gismondi ici. Il est intéressant de voir les choix de M. Gismondi, avec 20 vins argentins dans le 50 premiers, et 31 sur 100. Il y a aussi 52 vins du Nouveau-Monde dans ce classement, dont le numéro 1, le Grange, 2006, de Penfolds. Toutefois, l'Europe monopolise le reste du Top 10. Ce n'est pas au Québec qu'on retrouverait un journaliste y allant d'un classement aussi équilibré entre le nouveau et l'ancien monde. Bien sûr, ce type d'exercice n'a pas vraiment de valeur dans l'absolu, il devrait y avoir plus que trois chiliens! Sérieusement, quand quelqu'un se commet dans ce type d'exercice ça reflète son goût, bien sûr, mais aussi sa mentalité. Dans le cas de M. Gismondi, il est clair que pour lui l'Argentine est un pays qui peut prétendre au meilleur. Personnellement, j'ai délaissé l'Argentine au profit du Chili, question de goût personnel et de diversité stylistique. Ceci dit, je ne renie pas la qualité des vins de ce pays. J'en ai encore pas mal en cave, et j'aime voir un professionnel comme Anthony Gismondi se commettre pour un genre de vin qu'il aime, au-delà des hiérarchies traditionnelles.

mercredi 12 décembre 2012

PINOT NOIR, LOMAS DEL VALLE, 2010, CASABLANCA, LOMA LARGA



Dans un texte récent je disais que je demeurais un amateur de vins de prix abordables qui goûtent simplement le vin tout en reflétant bien cépages et terroir d'origine, sans artifices. Voilà donc que peu après j'ai ouvert ce vin qui cadre parfaitement avec cette définition. Un vin de Pinot Noir non boisé qui rend admirablement l'essence de ce cépage et de la région fraîche de Casablanca d'où il est issu. Lomas del Valle est la nouvelle étiquette créée par Loma Larga, un producteur dont j'ai déjà commenté plusieurs vins sur ce blogue, ici, ici, ici et ici . Loma Larga vendait auparavant une bonne partie de ses raisins à d'autres producteurs, mais a maintenant décidé de les vinifier pour créer une gamme de vins élaborés sans usage de bois de chêne. Il est intéressant de goûter des vins de haute qualité élaborés sans usage de bois. Ça ramène à l'essentiel, le simple jus de raisin fermenté. Boire ce type de vin de façon régulière permet aussi de mieux distinguer par la suite ce qui peut venir du raisin en terme d'arômes et de saveurs. Regardez ce lien pour en connaître plus sur ce projet très intéressant d'un des meilleurs producteurs du Chili.

La robe est d'un rubis éclatant et bien soutenu, mais son aspect translucide trahit un peu l'identité du cépage. Il en va de même du nez qui est tout en fruits rouges, avec de la cerise et de la fraise. Ce beau fruit est complété par des notes doucement épicées évoquant quelque peu la cannelle et la muscade, ainsi que par une légère touche fumée. En bouche, l'attaque est juteuse et ample avec une matière généreuse pour un vin de ce cépage, mais sans compromis sur la fraîcheur. Le fruité est éclatant, la palette de saveurs étant fidèle aux arômes déjà perçus. Le milieu de bouche révèle un vin qui sait allier concentration et "gouleyance", aidé en cela par des tanins légers et soyeux. La finale est logique et harmonieuse avec une très bonne longueur.

Souvent les vins non boisés, issus de cépages qui voient normalement le bois, sont pris moins au sérieux. Je dirais même qu'on a tendance à penser qu'il s'agit de vins de moindre qualité. On dit parfois que ce sont des vins inaptes à supporter le bois. Dans ce cas-ci, je n'ai pas eu cette impression. La qualité du vin est élevée, et il semble que l'absence de bois soit un choix purement stylistique. En ce sens, j'ai trouvé l'exercice intéressant et réussi. Pour le prix payé de 17$, il s'agit bien sûr d'un très bon RQP. Un vin fidèle au standard élevé que j'ai toujours retrouvé dans les vins de Loma Larga que j'ai eu la chance de déguster. Un vin propre, frais et éclatant qui donne beaucoup de plaisir.



lundi 10 décembre 2012

Stabilité des prix

Pendant qu'on s'enthousiasme sur Vin Québec et Fouduvin à propos de la baisse de prix du Cabernet Sauvignon toscan Farnito, qui était l'objet d'une promotion à moins 25% samedi dernier à La SAQ. Je rappelle que le prix des cabs chiliens de type Reserva est stable depuis que j'ai commencé à m'y intéressé il y a 15 ans. Les vins qui suivent montrent des prix qui n'ont presque pas varié:

Max Reserva, Errazuriz
Antiguas Reservas, Cousino Macul
Medalla Real, Santa Rita
Marques de Casa Concha, Concha y Toro
Gran Reserva, Tarapaca
Gran Reserva, Carmen

Du côté argentin on pourrait nommer les Cabs de Catena et Weinert qui sont de très bons achats et dont le prix a peu bougé depuis 15 ans. Les joies de l'Amérique du Sud.

jeudi 6 décembre 2012

La théorie du 10% (suite)

J'aime écrire et le choix des mots pour moi est important pour exprimer ma pensée clairement. Malheureusement, je suis conscient qu'au delà des mots, un texte peut parfois laisser une impression qui diffère de son contenu réel. Comme si le texte, de par son sujet et son ton, atteignait plus facilement l'émotion que la raison chez certaines personnes.

Dans mon texte initial, j'ai tenté d'exprimer la lassitude de quelqu'un qui a une conception marginale du monde du vin face à une conception totalement opposée. Je ne crois pas à l'élitisme et aux hiérarchies, je pense qu'il est possible de très bien boire, à prix raisonnable, si on s'en tient strictement au vin et si on élimine les facteurs pouvant influencer l'approche mentale face à celui-ci (prix, prestige, note, réputation, mode, etc...). Je ne pense donc pas qu'il n'y ait que 10% des vins produits dans le monde qui soient dignes d'intérêt. Je ne vois pas le parcours d'un amateur comme une ascension graduelle vers un hypothétique sommet. Je pense aussi que la sensibilité de chacun face au vin est très variable et qu'il n'y a donc pas de vérité absolue en cette matière.

J'ai nommé mon blogue « Le vin aux antipodes », entre autre, parce que je pense que ma conception du vin est opposée à celle qui est généralement acceptée dans ce milieu. Ceci dit, je sais aussi que diverger peut sembler méprisant face à ceux qui ont une approche plus classique. C'est la raison pour laquelle je n'écris plus sur les forums et que j'ai créé ce blogue. J'en avais assez de m'imposer et de paraître offensant, alors que je ne suis que divergeant. Ce blogue n'a donc pas pour objectif de changer quoi que ce soit dans le monde du vin, ce serait bien prétentieux de ma part. Je ne mène donc pas de combat. Je suis juste une voix, à diffusion très restreinte, tenant un discours plutôt différent, parce que c'est ce que je pense vraiment. Si ça peut apporter quelque chose à quelqu'un, tant mieux, mais mon texte précédant était celui de quelqu'un qui en doute fort.

Je continue d'en douter, mais je continue de lire à propos du vin, et parfois ça me donne le goût de réagir. Je lis actuellement la dernière édition du magazine CELLIER de la SAQ. Ce numéro dédié aux femmes dans le monde du vin contient un article intitulé « Les copines du vins ». Dans cet article, quatre sommelières québécoises parlent de leur métier et en particulier du rôle pédagogique du sommelier pour faire avancer la compréhension du vin dans la population. Je vous laisse lire l'article en entier si ça vous intéresse, mais la conclusion intitulée "Bémol à la démocratisation" m'est apparue particulièrement intéressante et en lien avec mon premier texte. Je cite le dernier paragraphe :

« Mais la priorité demeure d'aider les gens à atteindre ce frisson incroyable quand on arrive à apprécier un vin complexe et raffiné, croit Jessica Harnois. Favoriser l'accessibilité au vin, c'est outiller ceux qui le désirent pour les amener à vivre ce genre d'excitation. « Sinon, on nivelle par le bas et on se prive d'un pan essentiel de la culture oenophile. » Pas question, donc, pour ces sommelières influentes de démocratiser le vin en négligeant les flacons de qualité supérieure. Ni d'encourager le plus grand nombre à ne défendre que des bouteilles à 20 $. Et surtout pas d'ignorer qu'entre les deux il existe tout un monde à découvrir. »

Je pense que ce paragraphe représente très bien ma divergence. C'est beaucoup plus nuancé que le texte outrancier de Jamie Goode dont je parlais dans mon premier article, mais sur le fond ça se recoupe pas mal. Je persiste à penser que la vision exprimée dans ce paragraphe est une vision largement partagée dans le monde du vin. Certains y apporteraient sûrement des modifications, mais sur l'essentiel, je pense qu'il y a consensus. Je me trompe peut-être, mais en me basant sur mon expérience c'est mon impression. Pour ma part je continue de penser que l'essentiel du vin est ailleurs et qu'il n'y a pas d'échelle montrant clairement le chemin, et menant ultimement vers le nirvana vinique. Ce faisant je continuerai de niveler par le bas avec mes bouteilles à 20$, mais n'ayez crainte, je n'en prend pas ombrage. Le frisson est une question de perception, alors je m'arrange assez bien avec ça.



mercredi 5 décembre 2012

Deux chiliens et un français

Petit dîner ce midi avec l'ami Patrick qui partage mes affinités chiliennes, mais qui ne s'y confine pas comme moi. J'apprécie donc son ouverture d'esprit, tout en me sentant un peu mal à l'aise dans mon obstination géographique. On a donc partagé quelques bouteilles, sans les vider, bien sûr.

D'abord j'avais amené une bouteille de Syrah, Chono, 2009, Elqui, entamée légèrement la veille. La ressemblance de ce vin avec une Côte-Rôtie m'est encore apparue frappante. J'adore ce vin. Ensuite, à ma demande, Patrick m'a servi son vin à l'aveugle dans un bon vieux sac en papier brun que j'avais apporté. J'ai facilement reconnu l'Europe, mais rien de plus. Je n'ai pas vu la Syrah, dans ce Croze-Hermitage, 2006, d'Alain Graillot. Un vin que j'ai trouvé bien mince et qui m'a rappelé ce qui m'a poussé vers mon quasi monolithisme chilien. Ensuite, j'avais apporté un Cab de Maipo avec de l'âge en me disant que ça pourrait aider Patrick à être patient avec les vins de ce genre qu'il a en cave. Je sais, je vais encore paraître en beurrer épais avec mon foutu Chili, mais ce Cabernet Sauvignon, 1997, de Vina Carmen était simplement superbe, avec un profil mi-évolué et encore tout ce qu'il faut de fruit pour offrir un bon équilibre d'ensemble. Même si je suis un ardent défenseur du potentiel de garde des rouges chiliens, ce vin m'a surpris par son niveau de qualité. C'était une coche au-dessus de certains autres vins du genre que j'ai déjà eu la chance de déguster. Qu'un vin payé environ 16$ il y a 13 ans puisse donner un résultat d'un si haut calibre aujourd'hui est simplement stupéfiant. Je sais, je me répète, c'est pourquoi parfois je me tais... N'empêche, le potentiel de garde incroyable des rouges chiliens de type Reserva est le secret le mieux gardé du monde du vin. Par la suite je me suis rappelé que c'est Alvaro Espinoza qui était en charge à cette époque chez Carmen, et que c'est aussi ce même Espinoza qui a élaboré la Syrah, Chono, dont je parlais au début. En art on dit que l'homme passe, mais l’œuvre demeure. Le problème avec le vin, c'est que comme l'homme il est périssable et de longévité variable, mais le bon vin permet parfois de faire des liens avec le passé. À mon sens, ces deux vins de M. Espinoza, issus de cépages, de régions et de décennies différentes offraient une belle démonstration sur le thème de l'homme, de l'espace et du temps.