Ceux qui me lisent avec un peu de régularité savent le peu d'estime que j'ai pour le système de notation sur 100. N'empêche, malgré mon désaccord avec ce système, ces chiffres arrivent tout de même à retenir mon attention, surtout qu'au Chili on les affiche souvent sur les bouteilles quand ils paraissent favorables au contenu de de celles-ci. Je ne base donc pas mes achats sur ces chiffres, mais en même temps, il est difficile de les ignorer, surtout quand on fait des recherches sur les vins comme c'est mon cas. Ceci dit, ces recherches me portent aussi à lire beaucoup à propos des vins auxquels je m'intéresse. Toutes ces lectures m'ont amené, dans le cas du Chili, à avoir une assez bonne idée des producteurs et des vins qui sont considérés parmi les meilleurs du pays. Ce consensus informel non chiffré est ce qu'on appelle la réputation. Toujours est-il que quelques dégustations récentes m'ont amené à comparer les notes de vins que j'ai dégustés et leurs réputations. Il y avait d'abord le Sol de Sol, 2008, Malleco, Vina Aquitania et le Quebrada Seca, 2011, Limari, Maycas de Limari, deux vins de Chardonnay qui ont la réputation d'être, parmi les vins de ce cépage, au sommet de la hiérarchie chilienne. Ensuite, il y avait des vins moins reconnus, soit le Chardonnay, 2013, Aconcagua Costa, Vina Arboleda et le Montes Alpha, 2013, Casablanca, Vina Montes. Ces quatre vins ont obtenus des notes, de divers critiques, se situant entre 90 et 92. Ainsi, si on se fie au système sur 100, on pourrait penser avoir affaire à des vins d'un niveau qualitatif similaire. Toutefois, à la dégustation, les deux derniers n'étaient juste pas dans la même classe que les deux premiers, même pas proches. Les deux premiers donnaient vraiment l'impression d'être des vins de haut niveau, alors que les deux seconds étaient vraiment ordinaires et décevants. Si j'avais eu à mettre des chiffres sur mon appréciation de ces vins, il y aurait facilement eu 10 points d'écart à l'avantage des deux premiers. Les vins furent dégustés séparément et à étiquettes découvertes, mais je ne pense pas que cela ait eu une influence déterminante. Je souhaitais que les quatre vins soient bons et avec des vins situés dans l'intervalle (20$ - 30$), on demeure assez loin d'un possible effet Veblen.
La petite expérience que je rapporte ici est plutôt anecdotique et je ne me permettrais pas d'en tirer une règle absolue. Toutefois, une chose est sûre pour moi, c'est que je me fie plus à la réputation d'un producteur on d'une cuvée donnée, qu'aux notes précises du système sur 100. Mon expérience assez poussée des vins chiliens m'a montré que dans ce contexte la notation sur 100 ne tient pas la route. En fait il n'y a pas de système infaillible, mais selon mon expérience, au-delà de l'expérience personnelle qui demeure le meilleur guide, les lectures à propos des producteurs et des vins conduisent à de meilleurs choix que les fameux chiffres du système Parker. Bien sûr, dans un pays en évolution rapide comme le Chili les surprises, bonnes et mauvaises, peuvent être nombreuses, par exemple, le Arboleda, 2013, m'a beaucoup déçu, moi qui avait adoré le 2011, mais je pense qu'en général, malgré de possibles erreurs de parcours, un fil conducteur est maintenu chez un bon producteur. La réputation se bâtit dans la constance et sur la durée et les mots permettent de comprendre tout le contexte entourant un producteur et ses vins, chose que les chiffres ne pourront jamais faire. Les mots ne font pas juste les réputations, ils les définissent. Pour moi ça demeure encore le meilleur guide pour m'aider à faire mes propres expériences et trouver des vins qui me plaisent.
mercredi 31 décembre 2014
jeudi 25 décembre 2014
SERENIDAD, 2012, PUENTE ALTO, MAIPO, CASA MAGREZ
J'ai acheté ce vin pour deux raisons.
La première, il vient de la réputée sous-région de Puente Alto,
lieu d'où originent plusieurs vins chiliens réputés à base de
Cabernet Sauvignon (Don Melchor, Vinedo Chadwick, Almaviva). La
deuxième, le vin porte la marque de Bernard Magrez, un français
très actif et réputé pour avoir augmenté la qualité de certains
vins bordelais (Pape Clément, La Tour Carnet). J'étais donc curieux
de voir ce que cette combinaison pouvait donner comme résultat. Ceci
dit, après l'achat du vin, je me suis aperçu en lisant la
contre-étiquette, collée sur l'originale, que le réel producteur
de ce vin est Vina La Rosa, un producteur implanté au royaume du
Carmenère, à Peumo dans Cachapoal. Je suppose que le vin a été
élaboré selon les spécifications du groupe Magrez. Aussi, sur le
site de Magrez, il y a de la confusion sur le lieu d'origine de ce
vin. Sur la fiche technique du millésime 2011, on parle en
introduction de Puente Alto, mais plus loin on dit que le lieu
d'origine du vin est San Bernardo, un endroit plus chaud situé
directement à l'ouest de Puente Alto, à l'intérieur de la vallée
de Maipo. Pour rajouter à la confusion, on dit que le millésime
2011 est issu d'un vignoble d'un hectare dont l'encépagement est
100% Cabernet Sauvignon, alors que le site de la SAQ dit que ce 2012
est un assemblage à parts égales de Cab et de Syrah issu du même
vignoble de un hectare. Ça ne colle pas. Tout ça pour dire que
l'information sur ce vin semble très confuse. L'étiquette nous
trompe sur le réel producteur et il est difficile d'être certain de
l'origine exacte et des cépages qui composent ce vin. Autre élément
surprenant, pour jeter encore plus de confusion, le site de la SAQ
classe ce vin comme vin nature... Voilà qui est très surprenant...
Je pense que la dégustation sera plus instructive que ce qu'on peut
lire au sujet de ce vin.
La robe est sombre et bien opaque. Le
nez libère des arômes de cerises, de prunes, de bois de cèdre, de
vanille et de camphre, complétés par de très subtiles notes
évoluées de type thé et feuilles mortes. La bouche dévoile un vin
velouté et rond, encore bien marqué par le côté épicé du bois
de chêne, mais avec un doux fruité intense balancé par une touche
d'amertume. Le milieu de bouche montre une matière riche et
concentrée où la douceur boisée se fait toujours sentir. La finale
ne renie rien et monte même d'un ton sur une bonne persistance aux
relents chocolatés.
Avec toute la confusion entourant
l'élaboration et l'origine de ce vin, c'était un peu comme le
déguster en semi-aveugle. J'étais sûr qu'il était chilien et
élaboré par Vina La Rosa, mais pour le reste je devais me fier à
mes sens et à mon expérience pour tenter d'y voir plus clair. C'est
bien sûr un exercice périlleux aux réponses incertaines. Ce qui
ressort le plus pour moi de la dégustation de ce vin, c'est sa
jeunesse et son profil de vin-friandise où le boisé de
jeunesse joue un grand rôle avec sa douceur épicée et son côté
chocolaté, tout ça allié à un fruité de cerise au marasquin. À
part les notes de bois de cèdre et de camphre, difficile pour moi
d'y percevoir des caractéristiques typiques des rouges de l'Alto
Maipo. Pas de cassis frais, pas de menthol, pas de poivron vert, rien
de végétal, rien non plus qui pourrait évoquer la Syrah. Un vin au
fruité mature qui a vu une bonne dose de bois neuf. Deux éléments
qui amenuisent la typicité. L'usage du bois est cohérent avec ce
que je connais du style de Vina La Rosa, mais c'est facile à dire
quand on connaît le producteur. Tout cela étant dit, j'ai bien aimé
ce jeune vin. De temps en temps je ne boude pas mon plaisir avec des
vins de ce style. Aussi, par expérience, je sais que ce type de vin
peut se métamorphoser avec le temps pour atteindre un profil
beaucoup plus sérieux. Un profil que sa rondeur et sa douceur de
jeunesse ne laissent pas soupçonner aujourd'hui. Pour qui n'a jamais
fait cette expérience, ça demande un réel acte de foi pour mettre
ce genre de vin en cave. Au final, on a un vin de belle qualité,
offert à un bon prix, mais à choisir, je préfère les vins venant
directement du producteur. Si je veux un Cab de Puente Alto de grande
qualité et offert à bon prix, et dont je suis sûr de l'origine, je
vais acheter le Cab, Marques de Casa Concha de Concha y Toro. Encore
une fois, le vin est de belle qualité, c'est ce qui l'entoure qui
m'embête. Ici on a Magrez qui met son nom sur l'étiquette en
prétendant être le producteur, alors qu'il joue plutôt les
revendeurs en fournissant une information nébuleuse sur le contenu de la bouteille. Je ne sais pas pourquoi la SAQ s'entête à offrir
ces vins chiliens de filière française en manque d'identité,
penser à l'Escudo Rojo, alors qu'il y a tant de bons producteurs
chiliens axés sur l'identité et le terroir qui sont absents des
tablettes de notre monopole, par exemple, Vina Leyda ou Vina Falernia. Le moins que je puisse dire c'est que ce qui entoure ce vin manque de sérénité.
samedi 20 décembre 2014
CHARDONNAY, QUEBRADA SECA, 2011, LIMARI, MAYCAS DEL LIMARI
Je parlais dans un texte précédant de
l'aversion qu'ont certains amateurs et professionnels pour les vins
venant de gros producteurs, simplement parce qu'ils viennent de gros
producteurs. Comme si un gros producteur ne pouvait faire que du vin
industriel. Cette position est bien sûr idéologique et ne reflète
pas dans bien des cas la réalité et Maycas de Limari est un bel
exemple pour le démontrer. Maycas de Limari est la propriété de
Concha y Toro, le géant vinicole chilien. Pourtant, sa création est
le fruit de l'initiative d'un des plus brillants employés de la
compagnie, Marcelo Papa, œnologue en charge, entre autres, de la
gamme Marques de Casa Concha. Une des gamme de vins offrant le
meilleur RQP sur la planète avec des vins de haut calibre offerts à
des prix très abordables. C'est donc Papa qui a convaincu ses
patrons d'investir dans la région de Limari il y a une dizaine
d'années en rachetant le producteur Francisco de Aguirre et en se
lançant dans la plantation de nouveaux vignobles basée sur une
cartographie minutieuse des types de sols. Ce Chardonnay provient du
vignoble Quebrada Seca situé à 180 mètres d'altitude, au nord de
la région, à 22 km du Pacifique. Cette partie de la vallée de Limari n'est pas à proprement parler une région de climat frais,
mais la nature acide du sol, riche en carbonate de calcium, permet le
production de vins montrant une bonne fraîcheur. L'élaboration de
ce vin se fait avec la pressurage de grappes entières. La
fermentation alcoolique a lieu en barriques de chêne français (36%
neuves, 52% deuxième usage, 12% troisième usage), Une fermentation
malolactique a lieu sur 14% du vin et l'élevage en barrique dure 14
mois avec bâtonnage hebdomadaire. Le vin titre à 14.1% d'alcool
pour un frais pH de 3.19 et est bien sec à 1.8 g/L de sucres
résiduels. Voir ce lien (p. 66-70) pour plus de détails sur ce vin
et son lieu d'origine
La robe est de teinte légèrement
dorée. Le nez s'exprime avec modération sur des arômes de tarte au
citron et d'abricots auxquels s'entremêlent de fines notes de fumée,
de noisette et de beurre, ainsi qu'une touche florale. En bouche le
vin est d'un superbe équilibre avec une acidité et un gras
justement dosés qui supportent et enveloppent des saveurs de haute
qualité. Ce qui est remarquable en milieu de bouche c'est la
combinaison de concentration et de légèreté de ce vin. Un pur
délice qui semble voler sur un nuage tout en ayant une très belle
présence. La finale ne brise pas le charme, au contraire, le vin y
gagne un cran en intensité sur une longueur de haut calibre et des
relents caramélisés à la toute fin.
Finesse, élégance, équilibre, voilà
les mots qui me viennent face à ce vin de haut calibre où rien ne
semble forcé, où tout semble couler de source. Si ce vin laisse
entrevoir ce que le futur réserve aux vins blancs issus des nouveaux
terroirs chiliens, il est clair que ce futur est brillant. Je ne
donne pas de notes aux vins car j'ignore ce qu'est un vin parfait.
Ceci dit, quand je déguste un vin et que je n'arrive pas à lui trouver de
faiblesses et que j'y perçois de nombreuses qualités, je me dis
alors qu'il se rapproche du haut calibre. C'est le cas de cette cuvée Quebrada Seca. Ce vin est actuellement
disponible en Ontario, sur Vintages Shop Online, pour seulement 30$
la bouteille. C'est cher pour un blanc chilien, mais compte tenu du
haut niveau qualitatif ce vin offre un superbe RQP. Servi à
l'aveugle récemment à des connaisseurs, certains évoquaient la
Bourgogne. Pour ma part je trouve qu'en terme de qualité ça n'a
rien à envier aux cuvées supérieures de Kumeu River en
Nouvelle-Zélande et je l'ai préféré au Hamilton-Russell d'Afrique
du Sud. Bien sûr, seule une dégustation en pure aveugle dans une
série de bons vins du genre pourrait permettre de préciser où il
se situe, mais pour moi il est clair que le niveau est très bon.
Comme il est maintenant légal de ramener au Québec une caisse de
vin achetée en Ontario, je ne saurais trop vous recommander
d'acheter ce très beau vin. Il est encore bien jeune et a ce qu'il
faut pour bien évoluer en bouteille au cours de la prochaine
décennie. Avec le Sol de Sol de Aquitania, ce Quebrada Seca
représente ce que j'ai goûté de mieux à date en vins de
Chardonnay d'origine chilienne. Les nouveaux vignobles récemment
plantés de meilleure façon devraient permettre de faire encore
mieux d'ici quelques années.
mercredi 17 décembre 2014
SYRAH, CORRALILLO, 2010, SAN ANTONIO, VINA MATETIC
L'origine des vins chiliens devient de
plus en plus précise. Il est révolu le temps où l'on pouvait
parler de vin chilien de façon indifférenciée. C'est là une
résultante du virage terroir entrepris sérieusement dans ce pays il
y a une quinzaine d'année. Par exemple, l'appellation d'origine de
ce vin est San Antonio, une appellation qui couvre toute l'extension
maritime de la vallée de Maipo, au-delà de la chaîne de montagnes
côtières. Ceci dit, dans la région de San Antonio, il y a la sous
région de de Leyda au sud, près de l'embouchure du Maipo, il y a
aussi Lo Abarca plus au nord, là où s'est installé le pionnier
Casa Marin, et il y a Rosario, situé à l'extrémité nord-est de la
région, à la frontière de la région voisine de Casablanca. Ce vin
est issu de deux clones de Syrah cultivés en biodynamie sur
différentes parcelles en pentes aux expositions variées. La
vinification est effectuée en plusieurs lots utilisant des
techniques variées, dont une partie de grappes entières, suivi d'un
élevage d'un an en barriques de chêne français, incluant une
malolactique, et de l'assemblage final. Le vin titre à 14% d'alcool
pour un vif pH de 3.44 et est bien sec avec 1.8 g/L de sucres
rédiduels.
La robe est foncée, opaque et
éclatante. Le nez révèle un généreux profil de climat frais,
avec des arômes carnés (viande fumée, rôti de bœuf) très
marqués à l'ouverture. Cela s'atténue progressivement avec une
longue aération pour laisser plus de place aux effluves de fruits,
noirs et rouges, de poivre noir, de chocolat noir, d'olives noires et
d'épices douces. Après une couple d'heures d'aération ce jeune vin
déploie un beau nez bien équilibré. En bouche, on retrouve un vin
qui allie fraîcheur et intensité en montrant une très belle
qualité de saveurs sur une trame tannique ferme et lisse. Le milieu
de bouche confirme l'équilibre d'ensemble de ce vin compact au bon
niveau de concentration, mais sans tomber dans l'excès. En finale
les saveurs montent d'un bon cran au niveau de l'intensité pour
magnifier l'essence de ce nectar sur une longueur de très bon
calibre.
Superbe Syrah de climat frais que cette
cuvée Corralillo avec un profil qui évoque par certains aspects
l'archétype Rhône nord, mais qui en même temps montre cette
intensité particulière qui caractérise souvent les jeunes vins du
Chili. Une intensité qui s'atténue avec l'âge et qui permet à ces
vins de se rapprocher encore plus du de l'esthétique des vins
européens avec le temps. Ceci dit, ce vin est dans la veine des
rouges chiliens de type Reserva en terme d'équilibre, c'est-à-dire
sans excès de concentration, d'extraction ou de boisé. C'est donc
un vin qui malgré sa jeunesse se laisse boire sans effort pour peu
que l'on aime les jeunes vins sur leur éclat de jeunesse. Le
potentiel de garde me semble clair et à 25$ il s'agit d'un bon achat
pour une Syrah de climat frais.
samedi 13 décembre 2014
Paradoxe chilien (suite)
Pour faire suite à un premier article sur le sujet, je suis tombé sur un autre texte d'un chroniqueur-vin canadien anglais à propos du Nouveau-Chili, du Chili 2.0.. Un autre texte qui tente de trouver un remède à ce que j'appelle le paradoxe chilien. Cette fois ça vient de la Colombie-Britannique sous la plume de Anthony Gismondi. Son texte m'a laissé perplexe car sa solution consisterait à augmenter les prix des vins pour mieux refléter leur qualité. Je comprend mal comment on peut reprocher à un pays d'offrir des vins de qualité à des prix trop abordables. Je sais que l'effet Veblen existe et que l'image de prestige compte pour beaucoup dans le monde du vin, mais il me semble que vendre le vin plus cher n'est pas la solution pour ce pays. Ceux que le Chili rebute de façon irrationnelle. Ceux qui ne s'intéressent pas aux vins chiliens juste parce qu'ils viennent du Chili n'en achèteront pas plus si le prix de ces vins augmente. La seule façon de voir les prix de ces vins augmenter sainement serait que les leaders d'opinion en parlent et en reconnaissent la qualité et le RQP très favorable d'une bonne partie de ceux-ci. Malheureusement, il semble y avoir un mur psychologique infranchissable pour les vins chiliens. Pour quelqu'un comme moi qui en a fait son pays de prédilection, justement à cause du RQP général incroyable qu'offre ces vins, ce phénomène dépasse l'entendement. Il y a des vins mauvais et ordinaires au Chili comme ailleurs, mais pour peu qu'on s'y intéressent, les aubaines sont tellement nombreuses et ce jusqu'à des niveaux qualitatifs très élevés qu'il est difficile de comprendre qu'ils ne soient pas plus reconnus.
Je lisais hier un fil de discussion sur le forum LPEL où l'on parle du phénomène de la mode branchée dans le monde du vin et comment un certain type d'amateurs et de professionnels n'aiment que ce qui est petit et à la marge et rejettent tout ce qui est établi ou peut sembler mercantile. La manière de penser de ce milieu à la mode défie la raison. On rejette de grandes régions et de grands vins pour des raisons purement idéologiques, des raisons qui sont étrangères au vin lui-même. Dans le cas du Chili, il me semble qu'un phénomène analogue opère. Les vins de ce pays sont rejetés par les amateurs se voulant sérieux simplement à cause de leur origine et de l'idée qu'on y associe. En ce sens, le Chili est rejeté à gauche comme à droite. Le Chili est un pays où les gros producteurs contrôlent la majorité de la production, alors c'est un péché mortel à gauche, alors qu'à droite on ne s'intéresse pas à des vins de grands groupes qui peuvent vendre à la fois du Casillero del Diablo et du Don Melchor. Il y a clairement condamnation par association et on se dit qu'un vin à 20$ ne peut pas vraiment être un vin sérieux. Mais même si on vendait ce vin deux fois plus cher, il n'intéresserait pas plus ce type d'amateurs pour qui prix et prestige vont de pair. Dans le monde du vin, l'aspect commercial est très mal vu. À gauche on rejette toute image référant au commerce ou à une industrie, alors qu'à droite on accepte l'importance de l'argent, mais il vaut mieux posséder un château et avoir des airs d'aristocrate pour oser demander un prix élevé pour une bouteille de vin. Dans ces circonstances, il est pratiquement inutile d'essayer d'expliquer qu'une compagnie importante, comme on en retrouve plusieurs au Chili, puisse aussi faire du vin de haute qualité. Inutile d'essayer d'expliquer que ces compagnies importantes ont la masse critique pour développer une large expertise. On veut soit un pseudo baron dans son château, ou un petit artisan et ses micro-cuvées qui se feraient presque seules par la l'action magique de la nature. La grande majorité de la production chilienne tombe entre ces deux pôles caricaturaux.
Comme on peut le voir, quoi qu'il fasse, à moins de se métamorphoser, le Chili semble pris de tous les côtés. Augmenter les prix pour se donner des airs plus sérieux ne réglera rien et la structure de son industrie ne changera pas de manière drastique. Cependant, là où une amélioration pourrait être apportée, c'est au niveau de l'image de marque. Le meilleur exemple pour moi c'est une gamme de vins qui est depuis longtemps sur les tablettes de la SAQ, soit la gamme Max Reserva de Errazuriz. Cette gamme a connu un développement important ces dernières années avec le développement des vignobles de l'Aconcagua Costa. Ces vignobles côtiers permettent maintenant de produire des vins de climat frais, mais ceux-ci ont été noyés en terme d'image dans la gamme Max Reserva issue des vignobles plus anciens du groupe situés dans la partie chaude de la vallée. Cette idée de gamme très large est un obstacle majeur à la différentiation des produits et à la découverte de la diversité du vignoble chilien. Malheureusement, les gros joueurs chiliens qui savent faire des vins de très belle qualité autour des 20$ banalisent ces vins en les rangeant dans de larges gammes comme Max Reserva, Marques de Casa Concha, Medalla Real, 1865, EQ, Cuvée Alexandre, etc... Pourtant, il existe des producteur qui ont compris comment démarquer leurs vins. Vina Leyda en est un bon exemple avec le nom de la parcelle d'origine accolée à chaque vin de niveau supérieur, Sauvignon Blanc (Garuma), Pinot Noir (Las Brisas) (Cahuil), Sauvignon Gris (Kadun), Chardonnay (Falaris Hill), Riesling (Neblina), Syrah (Canelo), et quand on va sur leur site web on peut visualiser le vignoble et les différentes parcelles. Casa Marin est un autre producteur chilien qui suit cette voie. C'est là un exemple qui devrait être suivi de manière générale au Chili pour les vins de milieu et de haut de gamme. Ça me semble la seule façon pour de grosses corporations de donner une histoire et d'ainsi différencier leurs vins de haute qualité. On devrait aussi mettre les winemakers et viticulteurs de l'avant car même dans de grosses corporations, le vin ne se fait pas tout seul. Il y a des gens qui procèdent à son élaboration. Bien sûr, ça n'aura jamais le bucolique du stéréotype du petit paysan amoureux de son terroir qui préserve un mode de vie ancestral, mais ça montrerait qu'il y a des gens vivent pour et par ces vins.
En conclusion, comme voie vers le salut, M. Gismondi fait la même recommandation aux producteurs chiliens que Bill Zacharkiw,
"Oh and be Chile, because no other country can replicate that."
Mais plus tôt dans son article il écrivait ceci:
"In my opinion, and for too many years now, Chile’s best wines have been suppressed by wholesale buyers, distributors, monopolies and supermarkets content to sell expensive French, Italian or American wine while convincing the Chileans they need to attack the market from the bottom end up, because, well they were Chilean and well, the wine was from South America"
Ça illustre bien qu'il est facile de dire aux chiliens de refléter le Chili dans leurs vins, mais au fond le problème de perception demeure. L'origine du vin en elle même est considérée comme une tare, pas sa qualité, pas sa typicité. Juste son origine. Il y a là un problème qui semble vraiment insoluble. C'est le fameux paradoxe chilien.
Je lisais hier un fil de discussion sur le forum LPEL où l'on parle du phénomène de la mode branchée dans le monde du vin et comment un certain type d'amateurs et de professionnels n'aiment que ce qui est petit et à la marge et rejettent tout ce qui est établi ou peut sembler mercantile. La manière de penser de ce milieu à la mode défie la raison. On rejette de grandes régions et de grands vins pour des raisons purement idéologiques, des raisons qui sont étrangères au vin lui-même. Dans le cas du Chili, il me semble qu'un phénomène analogue opère. Les vins de ce pays sont rejetés par les amateurs se voulant sérieux simplement à cause de leur origine et de l'idée qu'on y associe. En ce sens, le Chili est rejeté à gauche comme à droite. Le Chili est un pays où les gros producteurs contrôlent la majorité de la production, alors c'est un péché mortel à gauche, alors qu'à droite on ne s'intéresse pas à des vins de grands groupes qui peuvent vendre à la fois du Casillero del Diablo et du Don Melchor. Il y a clairement condamnation par association et on se dit qu'un vin à 20$ ne peut pas vraiment être un vin sérieux. Mais même si on vendait ce vin deux fois plus cher, il n'intéresserait pas plus ce type d'amateurs pour qui prix et prestige vont de pair. Dans le monde du vin, l'aspect commercial est très mal vu. À gauche on rejette toute image référant au commerce ou à une industrie, alors qu'à droite on accepte l'importance de l'argent, mais il vaut mieux posséder un château et avoir des airs d'aristocrate pour oser demander un prix élevé pour une bouteille de vin. Dans ces circonstances, il est pratiquement inutile d'essayer d'expliquer qu'une compagnie importante, comme on en retrouve plusieurs au Chili, puisse aussi faire du vin de haute qualité. Inutile d'essayer d'expliquer que ces compagnies importantes ont la masse critique pour développer une large expertise. On veut soit un pseudo baron dans son château, ou un petit artisan et ses micro-cuvées qui se feraient presque seules par la l'action magique de la nature. La grande majorité de la production chilienne tombe entre ces deux pôles caricaturaux.
Comme on peut le voir, quoi qu'il fasse, à moins de se métamorphoser, le Chili semble pris de tous les côtés. Augmenter les prix pour se donner des airs plus sérieux ne réglera rien et la structure de son industrie ne changera pas de manière drastique. Cependant, là où une amélioration pourrait être apportée, c'est au niveau de l'image de marque. Le meilleur exemple pour moi c'est une gamme de vins qui est depuis longtemps sur les tablettes de la SAQ, soit la gamme Max Reserva de Errazuriz. Cette gamme a connu un développement important ces dernières années avec le développement des vignobles de l'Aconcagua Costa. Ces vignobles côtiers permettent maintenant de produire des vins de climat frais, mais ceux-ci ont été noyés en terme d'image dans la gamme Max Reserva issue des vignobles plus anciens du groupe situés dans la partie chaude de la vallée. Cette idée de gamme très large est un obstacle majeur à la différentiation des produits et à la découverte de la diversité du vignoble chilien. Malheureusement, les gros joueurs chiliens qui savent faire des vins de très belle qualité autour des 20$ banalisent ces vins en les rangeant dans de larges gammes comme Max Reserva, Marques de Casa Concha, Medalla Real, 1865, EQ, Cuvée Alexandre, etc... Pourtant, il existe des producteur qui ont compris comment démarquer leurs vins. Vina Leyda en est un bon exemple avec le nom de la parcelle d'origine accolée à chaque vin de niveau supérieur, Sauvignon Blanc (Garuma), Pinot Noir (Las Brisas) (Cahuil), Sauvignon Gris (Kadun), Chardonnay (Falaris Hill), Riesling (Neblina), Syrah (Canelo), et quand on va sur leur site web on peut visualiser le vignoble et les différentes parcelles. Casa Marin est un autre producteur chilien qui suit cette voie. C'est là un exemple qui devrait être suivi de manière générale au Chili pour les vins de milieu et de haut de gamme. Ça me semble la seule façon pour de grosses corporations de donner une histoire et d'ainsi différencier leurs vins de haute qualité. On devrait aussi mettre les winemakers et viticulteurs de l'avant car même dans de grosses corporations, le vin ne se fait pas tout seul. Il y a des gens qui procèdent à son élaboration. Bien sûr, ça n'aura jamais le bucolique du stéréotype du petit paysan amoureux de son terroir qui préserve un mode de vie ancestral, mais ça montrerait qu'il y a des gens vivent pour et par ces vins.
En conclusion, comme voie vers le salut, M. Gismondi fait la même recommandation aux producteurs chiliens que Bill Zacharkiw,
"Oh and be Chile, because no other country can replicate that."
Mais plus tôt dans son article il écrivait ceci:
"In my opinion, and for too many years now, Chile’s best wines have been suppressed by wholesale buyers, distributors, monopolies and supermarkets content to sell expensive French, Italian or American wine while convincing the Chileans they need to attack the market from the bottom end up, because, well they were Chilean and well, the wine was from South America"
Ça illustre bien qu'il est facile de dire aux chiliens de refléter le Chili dans leurs vins, mais au fond le problème de perception demeure. L'origine du vin en elle même est considérée comme une tare, pas sa qualité, pas sa typicité. Juste son origine. Il y a là un problème qui semble vraiment insoluble. C'est le fameux paradoxe chilien.
mercredi 10 décembre 2014
CABERNET SAUVIGNON, GRAN RESERVA, 2011, SAN BERNARDO, MAIPO, VINA MORANDÉ
Vina Morandé est un producteur chilien
dont j'ai peu fréquenté les vins, faute de disponibilité, mais à
propos duquel j'ai lu beaucoup de bons commentaires. J'avais eu la
chance il y a quelques années, lors d'une dégustation annuelle de
Vins du Chili, d'avoir une discussion très intéressante avec l'œnologue
en chef de la maison, Ricardo Baettig, le frère de Francisco qui
occupe le même poste chez Errazuriz/Chadwick. L'œnologue en chef
des vins de spécialité est Pablo Morandé, le fondateur de la
maison en 1996, un ancien de Concha y Toro lors des années 80 et
pionnier de la viticulture dans la région de Casablanca. Vina
Morandé appartient aujourd'hui à Grupo Belen, un holding possédant
d'autres "wineries" au Chili et en Argentine, et
oeuvrant aussi dans le secteur du tourisme et de l'huile d'olive.
Pour en revenir à Vina Morandé, c'est un producteur axé sur les
vins de terroir et qui de ce fait produit des vins issus de plusieurs
régions du Chili, là où le climat et le sol conviennent aux
cépages cultivés. Vina Morandé est aussi un pionnier de la la
plantation de vignobles à haute densité au Chili. Cette philosophie
encore rare dans le pays a été adoptée en 2005 et on a planté des
vignobles avec des densités allant de 7000 à 10000 plants à
l'hectare, alors que la norme chilienne est plutôt de 3500 plant à
l'hectare. Ce Cabernet Sauvignon est issu du vignoble San
Bernardo, un vignoble plus ancien d'où est aussi issu le grand vin
de type bordelais de la maison, le House of Morandé. Le vin est
élevé pendant 14 mois en foudres de chêne de 2000 et 4000 litres,
et en partie en barriques de 225 L. Il titre à 14.5% d'alcool, avec
un vif pH de 3.44, tout en étant très sec à 2.54 g/L de sucres
résiduels.
La robe est d'une sombre opacité. Le
nez exhale des arômes de cerises et de mûres, complétés par une
touche doucement épicée, du bois de cèdre et un léger aspect
terreux. En bouche la matière est dense avec un fruité intense,
équilibré par une saine dose d'amertume. Le milieu de bouche révèle
un vin aux saveurs concentrées et aux tanins biens polis. Le vin
montre un profil sérieux de Cab de climat chaud où la maturité du
fruit marque le style. Pas de poivron vert, pas de cassis frais, pas
d'aspect végétal, mais pas de surmaturité non plus, que du fruit
bien mûr, de qualité, amalgamé à une agréable touche épicée et
terreuse. Un vin pour qui déteste l'aspect végétal du Cab de
climat plus frais, mais ça demeure un vin droit, loin du préjugé
bedonnant qu'on associe souvent aux vins de climats chauds. La finale
est longue et très intense, avec la chaleur de l'alcool qui
enveloppe l'ensemble mais qui demeure agréable avec son côté vin
d'hiver réconfortant.
La maturité du fruit efface en partie
la typicité du cépage et du lieu. C'est vrai. Ce vin en est un bel
exemple, mais en même temps ça demeure un vin de terroir car c'est
justement son origine précise, à l'intérieur de la vallée de
Maipo, qui permet ce résultat. Le vignoble de San Bernardo d'où ce
vin est issu est situé en banlieue de Santiago, au sud de la
capitale à la même latitude que Puente Alto, mais à l'ouest de
cette zone réputée de l'Alto Maipo. C'est donc un vin de
l'intérieur de la vallée, issu d'un terroir plus chaud qui subit
moins l'influence rafraîchissante des Andes. C'est un vin qui me
semble moins posséder cette typicité chilienne que l'on retrouve
exacerbée là où l'écart entre les températures du jour et de la
nuit est très important. Ceci dit, ce n'est pas pour moi un aspect
négatif, c'est plutôt un atout au niveau de la diversité de styles
que peut offrir le pays car le vin est de belle qualité. En réalité,
ce vin n'a rien d'une bombe de fruit, il est de profil sérieux,
droit et ferme. C'est au niveau de la faiblesse, voire de l'absence
d'arômes végétaux, et de la nature du fruit que la maturité se
fait sentir. À 17$ en Ontario c'est assurément un très bel achat
et le potentiel de garde me semble évident. J'ai bu ce vin sur trois
jours et il était meilleur le troisième jour, plus souple, mieux
intégré.
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