mardi 6 septembre 2016

Vin et étiquette: Un débat intarissable

Plus de trois mois sans publication sur ce blogue. La passion s'étiole-t-elle? Pas vraiment, mais ce n'est plus aussi intense. L'impression d'avoir fait le tour, d'avoir répété ad nauseam le même message sur la possibilité de très bien boire à une fraction du prix, par rapport au parcours de l'amateur qui veut embrasser la totalité du monde du vin. De l'amateur non seulement passionné par le vin de qualité, mais par toute la mystique qui y est associée, les grands noms, la tradition, le prestige, les vins cultes et un certain goût à acquérir... L'impression donc de tourner en rond en solitaire. Ceci dit, je continue de lire sur le vin et cette semaine j'ai pu m'apercevoir que les choses ne changent pas. D'un côté mon lancinant message sur le potentiel incroyable de vins rouges chiliens de prix modiques refait surface dans The Gazette, avec l'éloge d'un Cab chilien que j'avais présenté en 2009, à l'aveugle, au chroniqueur-vin du quotidien Bill Zacharkiw et quelques sommeliers. L'histoire est résumée sur le forum Fouduvin, même si les articles de 2009 ont depuis disparu du site de The Gazette. D'un autre côté, des articles de Andrew Jefford de Decanter, et de Jean Aubry du Devoir ramènent le découragement des amateurs classiques face à la montée folle des prix des vins cultes, prestigieux ou renommés. Les deux se disent découragés face à ce phénomène et abdiquent. Ils renoncent à suivre et se rabattront sur des vins moins connus qui ne sont pas encore touchés gravement par cette inflation qui vient avec la reconnaissance.

En un sens, les deux lancent un appel à plus de curiosité de la part de l'amateur en l'appelant à découvrir par lui-même de très bons vins dont les prix sont encore accessibles. C'est un appel indirect à l'indépendance d'esprit et à la capacité de juger un vin pour le contenu de la bouteille sans l'aide d'une étiquette réconfortante. Ça rejoint sur le fond ce que j'ai toujours prôné ici, même si j'ai toujours convenu du caractère restrictif de mon obsession chilienne. Le sujet a provoqué un débat sur le forum LPEL, le rendez-vous virtuel des amateurs québécois de vins haut de gamme. Bien sûr, certains intervenants acceptent mal le constat et on se croirait revenu aux années du forum Crus & Saveurs (2003-2006) où ce débat faisait déjà rage. Ceci dit, je comprends que quand on a une cave patiemment montée et remplis de flacons renommés et chers, on ne soit pas enclin à reconnaître qu'il y a une voie alternative possible, moins chère, moins prestigieuse, mais qui peut apporter autant de satisfaction à l'amateur ayant la prédisposition mentale appropriée. Ce nouvel épisode ne mettra pas fin au débat qui implique vin et perception, vin et émotion, vin et étiquette. Je pense que chaque approche est respectable, il faut juste s'assumer.


samedi 14 mai 2016

Le palais français des Québécois: Un mythe déboulonné

Il y a quelques années j'avais écrit plusieurs article sur ce blogue où je dénonçais le francocentrisme québécois en matière de vin (voir le libellé au bas de l'article). La France est surreprésentée à la SAQ et l'offre de notre monopole en vins de qualité du Nouveau Monde demeure relativement faible. En réaction à cette critique, la réponse usuelle est que le Québec accorde beaucoup de place à la France vinicole car le palais des Québécois serait français. Je me suis toujours opposé à cette conception, arguant que ce supposé palais français était acquis, et non inné, et que la SAQ, par son offre de vins, de même que la presse spécialisée par l'importance démesurée qu'elle accorde aux vins de l'Hexagone, entretenait cet état de fait. Une simple comparaison avec l'Ontario confirme ce constat. La LCBO a une offre beaucoup moins grande de vins français, et beaucoup plus importante de vins du Nouveau Monde, surtout de pays anglo saxons, mais aussi, dans une moins mesure, de vins sud-américains. Pourtant il n'y a pas différences génétiques marquées entre les Québécois et les Ontariens. C'est clairement un caractère acquis qui découle des affinités culturelles des deux provinces.

Un appui involontaire à mon point de vue est venu la semaine passée de cette même presse spécialisée québécoise, de la part de Bill Zacharkiw dans The Gazette, qui explique dans un article que son palais français vient du fait qu'il a été exposé dès ses débuts dans le monde du vin, au début des années 90, à ce qui était offert à la SAQ, soit surtout des vins français, souvent marqués par un manque de maturité, donc par une forte astringence et une forte acidité et moins de concentration, de douceur et d'alcool et que cela continue de marquer ses préférences, même aujourd'hui. M. Zacharkiw s’emmêle ensuite dans la notion vaseuse d'authenticité des vins pour justifier ses choix français. Là il me perd totalement car on est hors du goût et on tombe dans l'idéologie. Ceci dit, il a l'honnêteté de reconnaître que la différence entre ancien et nouveau mondes est de plus en plus floue, les vins européens étant maintenant élaborés avec un fruit plus mature, alors que le Nouveau Monde redécouvre les vertus associés à moins de maturité et développe des vignobles sur des terroirs plus frais.

Je m'intéresse au  monde du vin de manière moins intense qu'il y a quelques années, ceci dit, quand je regarde la liste des meilleurs vendeurs de la SAQ je me désole totalement. Cette liste est dominée par des vins sucrés du Nouveau Monde, et l'offre de bons vins de ce même Nouveau Monde à cette même SAQ demeure faible. Donc, en volume le palais du Québécois moyen n'est ni français, ni Nouveau Monde, il est adepte du vin sucré de mauvaise qualité. La SAQ semble incapable de faire dans la nuance. Elle met de l'avant du mauvais vin sucré pour la masse, et ce faisant fixe les préjugés d'une certaine élite à l'encontre des vins non européens. Si la SAQ et la presse vinicole faisaient un bon travail d'éducation, il devrait y avoir au Québec un palais pour le bon vin. Point. Le temps des petites guerres nostalgiques à propos du continent d'origine des vins devraient tenir du passé car on voit que le résultat net c'est le règne des "Ménage à Trois" de ce monde. Le combat devrait se faire pour le vin de qualité offert à prix abordable plutôt que sur des bases idéologiques.

samedi 9 avril 2016

MALBEC, GRAN VINO, 1995, LUJAN DE CUYO, MENDOZA, WEINERT



Ce vin est un des plus vieux de ma cave. Je l'ai gardé jusqu'à aujourd'hui à cause d'une promesse faite après une dégustation de groupe mémorable qui impliquait un vin de ce producteur. Toutefois la dégustation de groupe nous en apprend parfois plus sur la nature humaine que sur le vin. Ayant appris, et tiré la leçon qui s'imposait, j'ai décidé de l'ouvrir en solitaire, surtout que le vin a 20 ans. Un bel âge pour ouvrir et une cible qui s'offrira à moi de plus en plus dans les années à venir. Ceci étant dit, je m'attends à un vin de la vieille école, il titre à seulement 13.5%, et dans le style typique de ce producteur qui élève longtemps ses vins en larges et vieux foudres de chêne. Je dois le dire d'emblée, mon expérience avec ce vin a été un brin décevante, mais en même temps très intéressante car elle m'a permis d'en apprendre encore un peu plus sur l'évolution aromatique du vin, que ce soit sur une longue période en bouteille, ou bien, sur une courte période après l'ouverture. C'est que, voyez-vous, le vin était affligé lors de l'ouverture par un nez totalement masqué, et donc, gâché, par un puissant arôme de 4-ethyl phenol, conséquence d'une contamination aux levures Brettanomyces. Le fameux vieux cuir vénéré par tant d'amateurs. J'étais alors pas mal en colère, moi qui déteste ce type d'arôme et y suit très sensible. Au départ il n'y avait donc qu'un nez monochrome. Il n'y avait que ça. J'ai donc laissé le vin de côté pour une trentaine de minutes, pour ensuite constater que cet arôme était en régression. Malheureusement, l'arôme n'a jamais totalement disparu, mais suffisamment pour que je puisse assez bien percevoir ce que le reste du profil olfactif avait à offrir. La note de dégustation qui suit relate le vin au moment où le 4-ethyl phenol avait le plus régressé. Disons que ce n'est pas le type de vin à ouvrir et à boire tout de go, à moins bien sûr d'aimer ce type d'arôme ou d'y être peu ou pas sensible. Une chose est sûre, je me disais en le dégustant qu'il n'était vraiment pas étonnant que Weinert ait le même distributeur en Grande-Bretagne que Château Musar...

La robe est de teinte grenat clair. Le nez est toujours marqué par le 4-ethyl phenol, mais on peut quand même percevoir des arômes de fruits rouges bien évolués, de thé, de feuilles mortes, de camphre et de vieux meubles en bois. En bouche on retrouve un vin tout en finesse, élancé, avec une belle balance entre ce qu'il reste de fruit, le caractère épicé et un aspect terreux. Il y a aussi un bon trait d'amertume qui vient soutenir et donner du sérieux à l'ensemble. Le milieu de bouche révèle un vin modéré, tout en équilibre et où le nuisible 4-ethyl phenol du nez ressort ici, mêlé au fruit, comme un des éléments épicés de l'ensemble. Les tanins sont d'une grande délicatesse et contribuent à l'aspect harmonieux du vin. La finale résume bien le tout sur une longueur de fort calibre.

La qualité de base de ce vin est indéniable, même si pour moi le facteur Brett est vraiment un obstacle au travers duquel j'ai dû naviguer. Le vin aurait été encore meilleur sans ça, surtout au nez, mais malgré tout, l'oxygénation du vin après l'ouverture a permis de faire de celui-ci un rescapé plutôt inattendu. En me concentrant surtout sur la bouche j'y ai trouvé une bonne part de plaisir et j'ai continué d'apprendre. Ceci dit, je reste perplexe face au phénomène des Bretts. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut valoriser ou ignorer ce facteur uniformisateur. Au-delà de l'attrait ou du dédain possibles pour le 4-ethyl phenol, je ne comprends pas que l'on puisse désirer cet arôme dans de si nombreux vins d'origines si diverses. Ça me dépasse. Pour moi c'est comme vouloir mettre du cari dans les plats issus de toutes les cuisines du monde. Si certains voient le monde du vin comme une grande cuisine indienne, ce n'est définitivement pas mon cas. Je continue de préférer la diversité des cépages et des terroirs à cet aspect si redondant dans tellement de vins haut de gamme ou ambitieux au plan qualitatif. Ça me dépasse et je pense que ça me dépassera toujours. Il y a des murs comme ça dans la vie par-dessus lesquels on arrivent jamais à sauter. Pour le reste, et selon mes lectures, le problème de Brett n'est pas réglé chez Weinert, au contraire, ce serait pire que jamais. C'est tellement dommage car le potentiel pour de grands vins distinctifs est là.


lundi 4 avril 2016

CABERNET SAUVIGNON, RESERVA, 2003, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ




Les vins de Perez Cruz sont, selon mon expérience, les vins chiliens les plus typés en jeunesse, les vins les plus marqués par leur terroir. Il y a un côté végétal sauvage indéniable qui transcende les cépages dont les vins sont issus. Je l'ai retrouvé en prime jeunesse dans tous les vins de ce producteur auxquels j'ai pu goûter, Cab, Syrah, Malbec, Carmenère et Petit Verdot. C'est tellement vrai qu'en fouillant sur le net à propos de ce vin j'ai retrouvé une note de dégustation sur ce 2003 que j'avais écrite peu de temps après l'achat, en mars 2005. Il y a déjà 11 ans. J'en étais à mes débuts à écrire des notes de dégustation sur les forums et le dégustateur/rédacteur de notes débutant que j'étais s'était laissé prendre à l'utilisation du descriptif plant de tomate pour décrire l'aspect végétal sauvage de ce vin en prime jeunesse. Il faut dire que moi aussi j'avais été bombardé par cette idée typiquement québécoise, répandue à satiété pendant des décennies par le chroniqueur Jacques Benoît qui vient de prendre sa retraite. Ça montre comment il est difficile de résister à un descriptif souvent répété et tenu par plusieurs comme vérité. J'ai eu la capacité de me déprogrammer depuis, en réalisant que ce descriptif n'était utilisé qu'au Québec et en retournant sentir de véritables plants de tomate et du véritable cassis frais. La meilleure façon de passer outre un préjugé est de retourner vérifier à la source. Faites l'exercice, c'est très révélateur et ça met un terme au débat une bonne fois pour toute. Finalement, 11 ans plus tard je n'ai pas eu besoin de carafer le vin, de le transvider et de le laisser une journée au frigo. Il s'est offert de bon gré dès l'ouverture. Normal, les vins gardés 10 ans ont subi l'action lente de l'oxygène et ne montrent pas de profil de réduction comme ça semblait être le cas pour ce vin en 2005. Il ne faut pas oublier que les thiols sont des groupements chimiques réduits très odoriférants, et qu'après oxydation, ils donnent des composés inodores. Pas pour rien que les rouges chiliens changent si dramatiquement de profil aromatique après une longue garde.


La robe est de teinte grenat légèrement translucide. Le nez est d'intensité moyenne et exhale des parfums de mûres, de cerises, d'épices douces légèrement évoluées, de bois de cèdre et de chocolat. Très beau nez étonnamment peu évolué, à part peut-être pour ce qui a disparu. Ceci dit, les traces d'évolution sont présentes et marquent légèrement le profil aromatique, mais c'est subtil et il n'y a pas encore d'arômes tertiaires comme le thé ou les feuilles mortes. Cela se reflète en bouche où l'on retrouve un vin encore bien vigoureux, avec de belles saveurs intenses, un juste trait d'amertume et des tanins soyeux. Un vin de corps moyen, plutôt élancé, avec ce qu'il faut de matière pour être consistant, mais ne jouant clairement pas la carte de la forte concentration. On se retrouve sur un profil classique de Cab, Reserva, chilien. Un vin misant sur un équilibre aux proportions modérées et sur une qualité aromatique exemplaire. Sans surprise, donc, le vin est facile à boire et coule sans effort vers une finale harmonieuse et assez longue où les tanins gagnent un peu de poigne.

Excusez-moi d'y aller dès le départ avec l'aspect économique, mais qu'un vin payé 13$ puisse donné un tel résultat après 10 ans de garde est tout simplement fantastique. Ce vin est aussi un pied de nez à tous ceux qui remettent en cause la validité des vins élaborés selon les préceptes de la maturité phénolique. Ce vin titre à 14.5% et l'alcool ne paraît absolument pas, même quand le vin se réchauffe dans le verre, et les tanins sont d'une finesse digne de vins très fins et beaucoup plus chers. Je n'a rien contre l'approche visant moins de maturité et moins d'alcool, d'ailleurs, Perez Cruz a pris ce virage, le 2013 titre à seulement 13% d'alcool et pour avoir gardé beaucoup de rouges chiliens des années 90 dont le titre alcoolique étaiut similaire, je sais que la garde de ce type de vins moins matures fonctionne aussi très bien. Ceci étant dit, pour moi ce vin confirme ce que j'ai toujours pensé, c'est-à-dire que le vin de qualité se fait à partir de fruits de qualité, et que le degré de maturité de ceux-ci relève du choix stylistique du producteur. La beauté c'est que les deux choix fonctionnent lorsque l'élaboration est bien menée et que le résultat net est un gain en diversité. Michel Rolland n'était pas un fumiste et les mondovinistes peuvent aller se rhabiller. Son approche permet de produire de très bon vins, des vins séduisants, tout en douceur, sans aspérités et qui ont un très bon potentiel de garde. Après ça, c'est une question de terroir et de maîtrise de l'élaboration, et pour le consommateur, une question de goût et de choix. Moi j'aime les deux styles et je suis content de voir qu'ils coexistent maintenant au Chili. Finalement, il n'y a plus la moindre trace d'arômes végétaux dans ce vin. Pas de cassis frais, pas de plant de tomate. Les molécules soufrées (thiols) qui sont à l'origine de ce type d'arômes ont eu le temps d'être oxydées par la microoxygénation que procure la longue garde en bouteille et d'ainsi devenir inodores. À noter, ce vin, un classique de la LCBO depuis 10 ans, est maintenant offert à la SAQ dans le millésime 2013.


samedi 5 mars 2016

Obsession de la feuille de tomate: particularité québécoise

Je reviens encore sur ce sujet que j'ai pourtant bien exploré avec quatre textes assez substantiels. Si j'y reviens maintenant, c'est que je suis tombé sur un exemple écrit de ce que j'ai expérimenté plusieurs fois lors de dégustations de groupe. Ça montre comment il est facile de transmettre une idée préconçue. J'ai trouvé cet exemple sur le forum LPEL et on y voit comment le concept d'arôme de plant de tomate est introduit dans l'esprit d'un amateur qui n'en percevait rien jusque là. J'ai constaté ce phénomène de mes yeux tellement de fois. Voici le CR écrit par un participant à propos d'un vin chilien réputé, soit le Cabernet Sauvignon, Don Melchor, 1997:

Concha y Toro, Cabernet Sauvignon Private Reserve, Don Melchor, 1997

Wow. Quel nez ! On sent que c’est la même famille du vin précédent, mais en 4K, alors que l’autre est plus flat screen bon marché du genre Seiki. On est encore sur la menthe fraîche, mais à l’agitation apparaissent le basilic et le chocolat. Ensuite, quelqu’un du groupe mentionne que ça lui rappelle un plan de tomate l’été. Maudit. Dès qu’il a mentionné ça, on dirait que je me suis mis à focuser constamment là-dessus et je sentais rien d’autre ! N’ayant aucune expérience (mais là, aucune !) avec les vins chiliens…l’association n’était pas encore programmée dans mon cerveau. En parcourant le forum le lendemain…je me suis rendu compte que plan de tomate = Chili.  Là où je vais peut-être étonner…est que ce fût pour moi aucunement un élément négatif. En fait, en bouche, le vin était magnifique. C’est rond, velouté sur des notes de fruits cuits, mais aucunement lourd. Quelle longueur sur des notes finales de chocolat noir rappelant le After Eight. Le vin de la soirée pour moi…je suis sur le cul ! Excellent

Voilà. Tout est là. Le phénomène de la propagation du plant de tomate chilien, unique au Québec, est expliqué dans ce texte. L'association est faite, le mot se passe entre amateurs, et l'idée s'incruste. À noter que l'amateur ne parle jamais d'arôme de cassis frais dans sa description du vin, alors qu'il s'agit de la caractéristique le plus commune dans les vins de Cabernet chiliens. Encore une fois, il y a une grande méconnaissance de l'arôme de cassis frais au Québec, on lit parfois le descriptif cassis dans des notes de dégustation, mais ça me semble être souvent par acquis de conscience plutôt que tiré d'une expérience réelle, le cassis frais demeurant un fruit difficile à trouver dans notre province. Au moins l'amateur qui a écrit ce texte a adoré le vin, mais je serais curieux de voir si son amour pour ce genre de vin va durer. Si il veut devenir un véritable amateur il devra se conformer aux diktats du bon goût ou bien renoncer

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mercredi 10 février 2016

Vin propre et vin de terroir

La réputée sommelière Véronique Rivest est maintenant chroniqueuse-vin régulière au journal La Presse. Je me disais que son arrivée serait une bouffée d'air frais pour la section Vins de ce journal où Jacques Benoît nous répète les mêmes choses depuis des décennies. Malheureusement, je ne peux pas dire que je suis impressionné par les textes de madame Rivest. J'ai été déçu récemment par un texte rempli de clichés sur le Vieux et le Nouveau Monde. Voilà que cette semaine je suis encore plus déçu par un texte sur l'usage des pesticides dans la culture de la vigne. Là encore je trouve qu'on tombe dans les clichés et qu'on mélange tout. On mélange les producteurs de vins bas de gamme avec ceux qui visent la qualité. On mélange les terroirs et leurs particularités. Certains terroirs secs sont idéaux pour la culture biologique, alors que des terroirs plus humides s'y prêtent mal. On glorifie le biologique en omettant de mentionner que l'utilisation du cuivre qui y est permise est aussi très nocive, que se soit pas la santé que pour la qualité aromatique du vin.

Il y a plusieurs façons d'arriver à produire du vin de qualité. Il y en a en culture conventionnelle et en biologique. C'est du cas par cas. C'est une question de bonne application et de bonne adaptation des méthodes selon les conditions du lieu et du millésime. La même chose est vraie pour le résultat qui peut être obtenu selon les continents. La notion de nouveau et d'ancien mondes ne tient pas la route. C'est une idée grossière, une généralisation qui n'a pas sa place lorsqu'on traite de vin de qualité. Le style du vin est déterminé par celui qui l'élabore bien plus que par le terroir. Tout dépend du style et du niveau de qualité recherchés et des moyens mis en oeuvre pour y parvenir.

Finalement, là où j'ai tiqué le plus c'est sur la notion de vin propre et de vin de terroir. Pour madame Rivest, un vin propre serait un vin sans aucun résidus de pesticides qui de ce fait en ferait un réel vin de terroir. À mon sens rien n'est plus faux. Combien de vins minimalistes ai-je goûtés qui étaient totalement gâtés par des arômes déviants qui masquaient la vraie nature du vin et du terroir d'où ils étaient issus? Aussi, il n'y a pas une expression unique d'un terroir donné. L'usage de pesticides ou non, raisonnée ou non, n'est qu'une des variables de l'équation globale. Le résultat final dépendra beaucoup plus des décisions de culture du raisin qui n'ont rien à voir avec les pesticides. Le choix du matériel végétal, la configuration du vignoble, le rendement, la date de vendange, le contrôle microbiologique des fermentations, le niveau d'extraction, le mode et la durée de l'élevage. Ramener l'idée de vin de terroir et de vin propre à l'usage on non de pesticides est un non sens, sans compter que l'usage raisonné de pesticides peut être nécessaire dans bien des cas à l'atteinte d'un bon niveau qualitatif.

L'idée de la nature bienveillante est une idée séduisante qui a la vie dure. J'aurais aimé que Véronique Rivest me surprenne en arrivant avec une vision nuancée du monde du vin. L'élaboration du vin est un processus complexe comportant de très nombreuses variables où il est facile de tomber dans les clichés par désir de simplification. Pourtant le vin est un produit de civilisation où le jugement humain joue un rôle primordial. Élaborer du vin de qualité c'est d'abord et avant tout maîtriser du matériel vivant bien choisi, et ce, de la bonne façon selon les circonstances. C'est une oeuvre humaine, et en ce sens, le vin industriel bien fait peut aussi être un vin de terroir. La clé est dans le savoir-faire et son application, pas dans l'échelle de production où dans l'adhésion à une idéologie restrictive sur les façons de faire. Si on aime le vin fin et nuancé, on devrait en parler de façon tout aussi nuancée et éviter les généralisations grossières.


vendredi 15 janvier 2016

CABERNET SAUVIGNON, RESERVE, 2001, MAIPO, VINA CARMEN



Je sais, un autre Cab, Reserva chilien.  Je sais que j'ai beaucoup tapé sur ce clou ici sur ce blogue, mais quand le vin est d'un tel niveau pour un prix aussi ridicule, il est difficile de ne pas en rendre compte. Si j'arrivais à convaincre qu'un seul amateur de mettre ce type de vin à l'ombre pour 10-15 ans, le temps pris pour écrire ce texte en aurait valu la peine. Il n'y a que ce blogue qui transmet ce message à propos de ce type de vins du Chili, les producteurs chiliens eux-mêmes ignorent la plupart du temps le potentiel de garde de leur vins de cette gamme de prix.

La robe grenat, bien translucide au pourtour du disque, montre clairement les signes de l'évolution. Il en va de même pour le nez qui exhale des arômes de fruits noirs et de cerises difficiles à décrire avec justesse, mais qui n'ont plus rien à voir avec le fruité primaire de jeunesse. À cela s'ajoute des notes de bois de cèdre, d'épices douces évoluées, de terre humide et de subtile torréfaction. Beau nez élégant et raffiné. Le charme se poursuit en bouche où l'on retrouve la même impression de fine élégance. Le vin montre un profil fondu où tous les éléments semblent altérés par le temps en bouteille. Je dis altérés, mais il s'agit d'une altération heureuse qui apporte subtilité et finesse à l'ensemble. La vin a encore une bonne matière, toute la présence voulue, et une texture des plus soyeuses. Un nectar vraiment délicieux et très facile à boire. La finale ne trahit rien, au contraire, avec un harmonieux sursaut d'intensité des saveurs et une bonne persistance aromatique.

Pouvoir ouvrir un tel vin par un petit jeudi soir de janvier est un réel privilège. Comme souvent mes propos pourront paraître excessifs face à un de ces fameux Cabs chiliens de type Reserva. Si c'est le cas je ne vous blâme pas. Vu de l'extérieur c'est difficile de croire qu'un vin payé à l'époque aux alentours de 15$ puisse environ 13 ans plus tard donner un tel résultat. Il faut vraiment goûter au vin pour le croire. À l'aveugle ce vin passerait pour un bordeaux de très bon niveau sans aucune difficulté. Tout est là, une matière encore consistante marquée au sceau de l'équilibre, de la finesse et de l'élégance. Le Cab chilien à son meilleur, sans excès et sans avoir à attendre 25 ans pour atteindre l'équilibre des beaux vins évolués et à point. À 13.5% d'alcool, en 2001, ce vin marquait la fin d'une époque au Chili, celle d'avant la recherche effrénée de la maturité phénolique, pourtant il ne montre aucun signe de verdure. Ceci dit, cette époque est maintenant de retour dans l'offre chilienne et il est aujourd'hui assez facile de trouver ce type de rouge qui titre à 13.5%. La version 2012 de ce vin est offerte à la SAQ, maintenant désignée comme Gran Reserva, et titre à 14%.

vendredi 8 janvier 2016

PINOT NOIR, SINGLE VINEYARD, VIENTO MAR, 2013, SAN ANTONIO, VINA CONO SUR



Cono Sur est le plus grand producteur de vin de Pinot Noir au monde en terme de volume. Il furent aussi les pionniers de ce cépage au Chili, mais il faut admettre qu'au début c'était un peu n'importe quoi avec des vignobles du capricieux cépage plantés au cœur de la chaude vallée de Colchagua, avec du matériel végétal chilien qui n'était peut-être pas ce qu'il y avait de mieux. Aujourd'hui tout cela a changé, les clones importés du cépage sont plantés dans des terroirs beaucoup plus frais et appropriés. Dans le cas présent, le terroir est celui de la région côtière de San Antonio, le vignoble Campo Lindo étant situé à 15 km du Pacifique. Le vin provient d'une parcelle spécifique de ce vignoble appelée Viento Mar (vents de la mer). Le sol est composé d'un mélange de granit et d'argile et les températures diurnes n'excèdent pas 26 dégrés Celcius. La vendange est manuelle et le vin est élevé 11 mois en barriques de chêne français d'âge non spécifié. Selon la SAQ le vin titre à 13.9% d'alcool, avec 3 g/L de sucres résiduels. Le producteur lui indique 14.1% et 3.8 g/L et un pH de 3.53.

La robe est d'un beau rubis translucide. Le nez est bien dégourdi et exhale des arômes de cerise, de fraise, de muscade, de vanille, de caramel et de torréfaction. Beau nez où le fruit tient le premier rôle, avec une touche boisée douce et bien dosée. En bouche le vin montre une palette de saveurs très intenses, fidèle au style des jeunes vins de cette maison. Encore une fois le fruit tient le haut du pavé de manière éclatante. Ce fruité montre une douceur qui semble amplifiée par le jeune boisé, mais tout cela est bien soutenu par une juste dosé d'amertume chocolatée et une fraîche acidité. En milieu de bouche le vin a beaucoup de présence, une matière consistante, avec l'aspect fruité qui domine toujours. Le fruité est si intense qu'il s’accommode bien de l'aspect boisé non négligeable. La finesse tannique contribue à la buvabilité de cet intense nectar. La finale voit l'intensité monter d'un cran sur une longueur de très bon niveau.

Beau vin encore très jeune, typique de ce que le Pinot peut donner dans le terroir frais et maritime de San Antonio. Le vin est aussi typiquement chilien avec ce fruité naturellement doux (non sucré) et très intense qui caractérise les bons vins chiliens en jeunesse. L'apport boisé est aussi bien perceptible, mais c'est tout à fait normal pour un vin de ce style avec une telle matière. On a souvent tendance à catégoriser les vins chiliens selon leurs prix en rapport avec des critères européens. Un bourgogne de 20$ n'est pas un vin de garde, mais un vin comme Viento Mar en est un. Si on décide de le boire en jeunesse, il faut assumer le style très intense qui vient avec. Un si jeune vin avec une telle matière n'a pas eu encore le temps de s'assagir. Je commence à avoir pas mal de cuvées de Pinot Noir chilien en cave, mais les plus âgées sont du millésime 2005. Il m'est donc encore difficile de porter un jugement aussi définitif sur les vins chiliens de ce cépage, que je peux le faire avec les vins de cépages bordelais ou de Syrah. Ceci étant dit, je suis tombé cette semaine sur une note de dégustation récente publiée sur le forum LPV à propos du Pinot Noir, 2003, San Antonio, Amayna. La note est très positive et concorde avec mon expérience à date avec la garde des rouges chiliens, soit une disparition de la douceur du fruit avec l'âge de concert avec une intégration harmonieuse du boisé où les notes vanillées se transforment en quelque chose de plus subtil et raffiné. Selon l'auteur de la note de dégustation, le vin de Amayna, avec presque 13 ans au compteur, se rapproche d'un grand bourgogne. Il semblerait donc que le Chili soit en bonne voit de reproduire avec les vins de Pinot ce qu'elle accomplit déjà avec les vins issus d'autres grands cépages français, c'est-à-dire des vins qui se rapprochent beaucoup de très bonnes versions françaises avec l'âge, tout en étant clairement différents en jeunesse. Cette cuvée Viento Mar de Cono Sur me semble posséder toutes les qualités requises pour suivre cette voie, et de grâce, oubliez le prix de 19.95$, ce vin joue clairement dans un calibre bien supérieur.