Je suis tombé récemment sur un texte
très intéressant du vigneron Hervé Bizeul, sur le forum "La Passion du
Vin", où il explique les raisons l'ayant poussé à demander au guide
d'achat de la Revue du Vin de France de ne pas commenter ses vins dans
son édition 2012. Je ne suis pas vigneron, néanmoins, comme amateur
privilégiant un pays peu prestigieux. Je me suis reconnu dans les propos
de Hervé Bizeul. En plus, comme lui je suis convaincu des vertus
incontournables de la dégustation à l'aveugle et je suis aussi sceptique
que lui face aux dérives idéologiques prônant la supériorité des vins
biologiques, biodynamiques ou dits naturels, avec le parti pris
stylistique qui vient avec...
Les
producteurs axés sur la qualité, mais venant de régions moins
renommées, et n'adhérant pas aux modes du moment, que ce soit le style
prôné par les revues américaines, ou bien celui des cercles branchés
français, font face à un dilemme. Comment peut-on promouvoir ses vins en
misant sur ce qu'ils sont? Sans une note de 90 et plus, ou un
commentaire positif dans une revue branchée, il est difficile de se
démarquer aux yeux de l'amateur. Sans cela, comment peut-on convaincre
le consommateur d'acheter son vin et de l'apprécier pour ce qu'il est,
sans à priori? Le problème actuel du monde du vin, c'est qu'il est de
plus en plus idéologique, ce qui veut dire que les consommateurs ont de
plus en plus besoin d'une caution extérieure pour les guider dans leurs
achats. Si l'amateur peut être un buveur d'idées,
le journaliste qui traite de vin devrait être impartial, ce qui
implique de déguster en pure aveugle et de mettre ses impressions en
contexte hors de ses préférences personnelles. Malheureusement, la
dégustation en pure aveugle n'existe pas dans la presse vinicole. Si
c'était le cas, les hiérarchies, anciennes et nouvelles, auraient tôt
fait de voler en éclats, et ce ne sont pas vraiment les vins qui
seraient mis en cause, mais la fiabilité des dégustateurs. On comprend
donc pourquoi les chroniqueurs vin ne dégustent pas en pure aveugle. Au
mieux on se risque pour de petite vague bien délimitée, en semi-aveugle.
Quand on connaît le type de terrain visité, il y a moins de risque
d'avoir l'air fou. Je dis cela en assumant qu'on édite pas les
commentaires après dévoilement des identités, ce qui est loin d'être
certain. Qui veut avoir l'air fou et mettre sa crédibilité en jeu?
Le
monde du vin est beaucoup plus riche et vaste que ce que les
professionnels qui écrivent à son sujet veulent bien nous faire croire.
La variété de terroirs et de styles légitimes est bien plus grande que
ce que l'on en dit généralement. Je comprends la frustration de
quelqu'un comme Hervé Bizeul qui voudrait que ses vins soient jugés de
manière impartiale et qui pense que sa région du Roussillon peut
produire des vins aussi bons qu'ailleurs, mais avec un style marqué par
ce terroir et par la vision personnelle de celui qui les élabore. Je
pense qu'il est temps dans le monde du vin de sortir des clichés
traditionnels et des idéologies. Le nombre d'endroits où des vins de
grande qualité sont produits est plus grand que jamais auparavant, de
même que la variété stylistique globale. J'écris ces mots en dégustant
une excellente Syrah sud-africaine du Swartland. Un vin qui a son style
bien à lui et qui n'a rien à envier en terme de qualité à des vins
reconnus de régions plus traditionnelles. Même si mon blogue se
concentre sur les vins de l'hémisphère sud, en particulier ceux du
Chili. De manière globale, je demeure un partisan des vins venant de
régions non prestigieuses de partout dans le monde. Je suis aussi un
amateur de vins qui ne sont pas à la mode et qui ne misent pas sur
l'effet Veblen. J'avoue qu'en réaction à une situation que je considère
injuste, ma position peut sembler idéologique, mais elle a selon moi le
mérite de ne pas être à la mode. Je ne dis pas qu'il ne faut boire que
des vins de régions peu reconnues et sans prestige. Il existe aussi des
trésors cachés dans les régions traditionnelles. Je dis qu'il faut
donner plus de chances à ces vins négligés en les abordant de la façon
la plus neutre possible. Il faut juger les vins, peu importe l'origine,
pour ce qu'ils sont plutôt que pour ce qu'ils ne sont pas. Trop de
professionnels du vin ont le mot terroir à la bouche, mais ne cesse de
tout ramener à quelques terroirs traditionnels. Le terroir dans ces
circonstances devient un facteur d'exclusion plutôt qu'être ce qu'il est
vraiment, c'est-à-dire l'élément de diversité le plus intéressant qui
soit.
Réaction de Hervé Bizeul
Réaction de Hervé Bizeul
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