Je parlais dans mon article précédant du décalage entre les ténors de la critique québécoise en matière de vin et le consommateur moyen. Voilà que ce matin Jacques Benoît du journal La Presse y va d'un texte intitulé "La perversion du goût" qui va entièrement dans ce sens. M. Benoît rabat les oreilles de ses lecteurs avec sa notion très limitée de "grands vins". Mais le plus troublant à mon sens est de voir M. Benoît tourner en ridicule l'idée qu'on puisse se monter une excellente cave à vin à peu de frais avec des vins de 20-25$. C'est certain qu'avec la mentalité très restreinte du "grand vin" que prône M. Benoît, un tel exploit est impossible. Il faut se rappeler que si on fait abstraction de l'étiquette, et que notre palais est ouvert, l'idée de grand vin devient bien différente de ce que prône dédaigneusement ce cher M. Benoît.
On se plaint souvent que le monde du
vin est trop élitiste. C'est malheureusement vrai. C'est un monde où
le gonflage des ego est souvent plus important que l'appréciation du
vin lui-même. Une chose est sûre, un texte comme celui que nous a
pondu M. Benoît est de nature à attirer des gens qui veulent se
démarquer par l'exclusivité de ce qu'ils boivent, plutôt de futurs
passionnés du vin et de sa diversité. Je l'ai souvent écrit sur ce
blogue, et je le répète, l'appréciation du vin est d'abord et
avant tout une affaire de prédisposition mentale. Si on est
convaincu qu'un vin de 25$ ne peut pas être un grand vin, il ne le
sera pas si on connaît son prix au moment de le déguster. La même chose s'applique à nos
convictions par rapport aux informations données par l'étiquette ou
bien avec les scores donnés par des critiques.
Selon moi, le chroniqueur vin avisé
devrait prôner le détachement face aux idées préconçues en ce
qui concerne l'appréciation du vin, que ce soit une note de 90 et
plus, l'origine du vin, l'identité du producteur, le millésime, ou
bien l'idée que la grandeur d'un vin est attachée à un seuil
minimum de prix. Le chroniqueur vin avisé devrait inciter ses
lecteurs à avoir l'esprit ouvert et à juger le vin par eux-mêmes,
pour eux-mêmes, sans volonté de concordance avec des critères
externes préétablis. L'idée classique de grand vin est une idée
conformiste qui se nourrit de son caractère restrictif. Il suffit de
briser ce carcan mental pour changer la donne et ouvrir le champ des
possibilités. Oubliez la maladie du grand vin et son symptôme
principal, la note de 90 et plus. Faites plutôt confiance à vos
perceptions sensorielles et voguez librement dans ce monde du vin qui
peut être merveilleux.
Claude tu te souviendras que Jacques Benoit avait écrit, il y a plusieurs années, à propose du Clos de Los Siete 2005 (24$): «Les grands vins vendus à ce prix sont… une espèce en voie d’extinction, et, quand on en trouve, ce qui est rarissime, il faut savoir en profiter!»
RépondreSupprimerNicolas
Salut Nicolas,
RépondreSupprimerUne belle preuve que le grand vin est une notion malléable...
Claude