Troisième millésime de cette cuvée
issue à l'origine d'un partenariat qui n'a pas duré entre les
familles Chadwick et Mondavi. Ce vin se voulait une sorte d'Opus One
chilien où le grand frère serait cette fois californien. C'était
donc au début de la lancée de l'ambitieux Eduardo Chadwick sur le
chemin des vins haut de gamme. Ceux-ci se sont depuis multipliés
dans son giron, il y avait déjà le Founder's Reserve chez Errazuriz,
qui ont depuis ajouté les cuvées La Cumbre et Kai, et qui préparent
des vins haut de gamme de Pinot Noir et de Chardonnay. Il y a aussi
le Cab, Vinedo Chadwick, issu de la reconversion d'un terrain de polo
à Puente Alto dans Maipo, et la cuvée Cenit de Caliterra dans
Colchagua. Ça fait donc beaucoup de vins très concentrés aux hautes
ambitions et aux prix reflétant ces ambitions. Il y a donc eu
beaucoup de chemin parcouru depuis ce Sena, 1997. Le Chili est
aujourd'hui un pays vinicole très différent, et je soupçonne que
le vin a lui aussi évolué et offre maintenant un profil tout aussi différent. Celui-ci est issu d'un assemblage fortement majoritaire
de Cabernet Sauvignon, complété par 16% de Carmenère. Le vin a été
élevé au total pendant 20 mois en barriques chêne français (43%
neuves). L'étiquette indique un titre alcoolique de 13.5%, mais la
fiche technique du vin sur le site web du producteur indique un taux
de 14.7% et un pH alarmant de 3.91. Le vin n'a subi qu'un collage au
blanc d'oeuf.
La robe est toujours sombre et opaque.
À l'ouverture le vin est marqué de façon modérée par des arômes
phénolés issus de l'action des levures Brettanomyces. Même avec
modération je n'aime pas ce type d'arômes, alors j'ai carafé le
vin une journée entière, puis je l'ai remis en bouteille.
Heureusement, le lendemain ce caractère était beaucoup moins
perceptible et il était ainsi possible d'apprécier le reste du vin.
Donc, le deuxième jour, le vin présente un agréable bouquet de
fruits noirs, de cerise, de camphre, de bois de cèdre, de poivron
vert et d'épice douces, le tout complété par une touche torréfiée.
En bouche, l'attaque est ample et déploie un fruité encore vif et
de belle qualité, appuyé sur une fine amertume chocolatée. Le
milieu de bouche révèle un vin concentré, mais sans excès, c'est
souple avec des tanins veloutés et ça glisse facilement vers une
longue finale où l'amertume boisée prend le dessus avec des tanins
qui resserrent leur poigne.
J'avais des attentes très élevées
pour ce vin, et en ce sens je peux dire qu'il m'a déçu. J'avais de
hautes attentes, mais en même temps je redoutais de la brett dans ce
vin se voulant haut de gamme, non filtré et au pH très élevé.
Malheureusement ma crainte s'est concrétisée. Le niveau de phénol
n'était pas très élevé, et était faiblement perceptible le
deuxième jour. Disons que ma déception à cet égard était plus
philosophique que organoleptique. Pourquoi dès qu'on entre dans la
catégorie haut de gamme le risque de retrouver cette "épice" est-il si prévalent? La mode de la non filtration y est sûrement
pour quelque chose. On veut préserver "l'âme" du vin,
mais celle-ci se transforme par la suite en 4-ethyl phénol… Une
chose est sûre, cet attribut lui permettra de confondre encore plus
d'amateurs de bordeaux âgés à l'aveugle... Au-delà de cela, la
courbe d'évolution de ce vin est plutôt lente. Ceci dit, en termes
purement qualitatifs, je n'ai pas vu en quoi il se démarquait d'un
bon Reserva chilien d'une vingtaine de dollars. En réalité, il
était même moins bon et équilibré que plusieurs d'entre eux aux
boisés moins imposants et mieux fondus. En quelque sorte ce vin ne
fait que me confirmer dans certaines de mes idées bien ancrées,
soit que plus on monte en gamme de prix, en ambition et en âge du
vin, plus le risque de se retrouver avec un vin bretté augmente. Que
dans le cas du Chili, il n'est pas nécessaire de payer très cher
pour trouver d'excellents vins de garde. Il y a plein de vins de très
haute qualité qui ne jouent pas la carte de l'effet Veblen. J'avais
goûté ce Sena 1997 il y a une dizaine d'années, en jeunesse, lors
d'un dégustation de groupe à l'aveugle. Son caractère chilien
était alors ostentatoire, ce qui ne lui avait laissé aucune
chance... alors qu'aujourd'hui il est recentré sur un profil
classique de Cabernet avec de l'âge, brett en prime. Finalement,
pour un amateur brettophobe comme moi, axé sur le RQP, ce vin ne
pouvait être qu'une déception, tout chilien puisse-t-il être. Ça
montre l'ordre de mes priorités.
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