Pour souligner les cinq ans d'existence de ce blogue, je me suis dit que ça vaudrait la peine de pondre un article avec un peu de substance... Ils furent rares dernièrement.
Dans le monde du vin on parle beaucoup de terroir. Les producteurs expliquent les qualités de leurs vins avec ce mot. C'est un mot qui à force d'être utilisé pour tout expliquer en est venu à perdre un peu de son sens. On l'emploie tellement que c'est presque devenu un automatisme. Qui dit vin dit terroir, et il ne peut y avoir de vin sans terroir approprié. Dans la tradition européenne, les cépages semblent tellement liés aux terroirs, qu'on ne pourrait imaginer qu'il puisse en être autrement. Des décennies, voire des siècles, d'essais et erreurs ont permis de savoir quels cépages convenaient le mieux à une zone géographique donnée et à son climat. Toutefois, dans les pays du Nouveau-Monde, la donne est bien différente. Il reste encore beaucoup de zones inexplorées pour la viticulture et il peut être hasardeux de s'y lancer. Le processus de compréhension du lieu peut parfois donner des résultats surprenants qui montrent bien que le concept de terroir est complexe.
Dans le monde du vin on parle beaucoup de terroir. Les producteurs expliquent les qualités de leurs vins avec ce mot. C'est un mot qui à force d'être utilisé pour tout expliquer en est venu à perdre un peu de son sens. On l'emploie tellement que c'est presque devenu un automatisme. Qui dit vin dit terroir, et il ne peut y avoir de vin sans terroir approprié. Dans la tradition européenne, les cépages semblent tellement liés aux terroirs, qu'on ne pourrait imaginer qu'il puisse en être autrement. Des décennies, voire des siècles, d'essais et erreurs ont permis de savoir quels cépages convenaient le mieux à une zone géographique donnée et à son climat. Toutefois, dans les pays du Nouveau-Monde, la donne est bien différente. Il reste encore beaucoup de zones inexplorées pour la viticulture et il peut être hasardeux de s'y lancer. Le processus de compréhension du lieu peut parfois donner des résultats surprenants qui montrent bien que le concept de terroir est complexe.
Le cas du projet Empedrado, initié par
la maison Torres au Chili au début du millénaire, montre bien que
lorsque l'on se lance dans un projet impliquant autant de variables,
le résultat peut différer de ce qui était projeté au départ,
surtout si on néglige d'accumuler suffisament de données à propos
d'un critère essentiel, la température du lieu. Torres a lancé ce
projet avec un critère primordial, trouver un lieu au Chili avec un
sol d'ardoise similaire à celui du Priorat en Espagne. Le but étant
de faire au Chili des vins dans le style de ceux du Priorat, en y
plantant les mêmes cépages (Tempranillo, Grenache, Carignan). Après
bien des recherches, Torres a trouvé son sol d'ardoise dans une
région forestière de la vallée de Maule, proche de la côte de Pacifique. La vallée de Maule est
très vaste, c'est la région qui produit le plus de vin au Chili,
mais on y produisait du vin que dans les zones intérieures plus chaudes, moins
accidentées et plus fertiles. Donc, cette partie montagneuse,
couverte de forêts et située non loin de la côte du Pacifique
n'avait jamais vu un plant de vigne. Vouloir y créer un grand
vignoble relevait donc de l'entreprise aventureuse, surtout si on avait
négligé au départ de bien connaître le climat qui prévaut dans cette zone.
Il a fallu déboiser, aménager des terrasses à flanc de collines et
créer des réservoirs pour recueillir l'eau de pluie nécessaire à
l'irrigation. Tout cela avant d'avoir planté le premier plant de
vigne. Lors d'essais initiaux, pas moins de 15 cépages noirs ont été
testés. Des plants adultes ont été plantés pour accélérer le
processus, et les résultats furent désastreux. À part le Merlot,
aucun des cépages choisis ne pouvait atteindre sa pleine maturité à cause d'un
climat trop frais.
J'ai lu pour la première fois à
propos de ce projet en 2007, dans le livre "Wines of Chile"
du britannique Peter Richards. Le projet semblait alors emballant.
Toutefois, bien que j'aie gardé l’œil ouvert depuis pour voir les
premier vins de ce projet arriver sur le marché, il n'y avait rien à
signaler. Pas de nouvelles du projet Empedrado et de ses vins. Je
croyais donc que le projet avait été abandonné, probablement trop
compliqué, avec des résultats peut-être décevants. Toujours
est-il qu'il y a quelques jours je suis tombé sur un article du
magazine britannique "Drink Business" portant sur le
développement du Pinot Noir dans la région côtière de Maule, et
c'est là que j'ai finalement su ce qu'il advenait de cet ambitieux
projet. Fini le Priorat, bienvenue la Bourgogne. À la lumière des
tests de plantation qui furent effectués, Torres s'est aperçu que
bien que le sol soit similaire à celui du Priorat, le climat était
trop frais pour les cépages méditerranéens et que le cépage qui
convenait le mieux à ce climat était le Pinot Noir. 30 hectares de
ce cépage sont maintenant plantés sur ce site à 24 km de l'océan.
Les vignobles sont en terrasses, le rendement des vignes est faible,
et dans cette forêt sauvage elles doivent être protégées des oiseaux et des lapins par des
filets. Probablement que les 30 hectares de vignes ne sont pas
pleinement en production pour le moment car seulement 200 caisses du
premier millésime seront relâchées l'an prochain à un prix élevé,
plus cher que le vin de Pinot le plus cher du Chili, le Ocio de Cono
Sur (65$). Il faut croire que la qualité est déjà au rendez-vous.
À mon sens, ce projet Empredado montre
bien la difficulté de développer des territoires complètement
nouveaux pour la viticulture. Il y a beaucoup de variables et les
idées pré-conçues et le manque de données préalables peuvent
ralentir les choses. Il aura fallu 15 ans à Torres entre
l'identification du site, et la production de la première cuvée
commerciale. Ce sont les sols d'ardoise qui ont conduit Torres dans
ce lieu sauvage, probablement que sans ce sol particulier il ne se
serait pas aventuré à développer un vignoble à cet endroit. Au
final il y fera des vins de Pinot Noir de style européen. Peut-être
que si le Priorat avait un climat plus frais on y produirait aussi
des vins de Pinot Noir de haute qualité. Pour Torres, malgré que
cela ait pris 15 ans, ce n'est que le début de l'histoire. Les
vignes sont encore très jeunes et seul le temps donnera la réelle
mesure du potentiel de ce vignoble improbable. Ceci dit, à ce stade,
cette histoire semble montrer que le climat est le facteur le plus
déterminant du terroir. La nature du sol joue certainement un rôle,
mais il ne pourra jamais compenser pour un climat inapproprié pour
certains cépages. Pour le reste, et bien il est clair que le Pinot
Noir est l'objet de beaucoup d'intérêt et de travaux de
développement actuellement au Chili, et ce sur une gamme très
variée de terroirs. Ce qui veut dire que le pays, à terme, pourra
offrir une belle variété de styles. Du plus léger au plus
puissant.
J'ai continué en ce samedi tranquille mes lectures sur le développement de nouveaux terroirs au Chili en sirotant un Pinot Noir de très belle qualité issu d'un de ces terroirs. Au fil de mes pérégrinations virtuelles je suis tombé sur une série de petits vidéos tournés dans le cadre d'une présentation de Pedro Parra à New-York. J'ai été amusé de l'entendre dire en français, pour expliquer la notion de temps nécessaire à l'établissement d'un terroir: "Petit à petit, l'oiseau fait son nid". Selon moi, ça résume bien la marche du Chili, même si celle-ci se fait à un pas rapide. Comme le mentionne un MW dans un des vidéos, il y a à peine 15 ans il n'y avait rien au Chili hors de la vallée centrale. Pas de Elqui, Limari, San Antonio et autres vignobles côtiers, Bio Bio, Malleco. Pas de vignobles en altitude et à flanc de montagne. L'oiseau chilien fait donc, son nid, mais il y met les bouchées doubles.
RépondreSupprimerhttps://www.youtube.com/watch?v=canouEqcIs8
Vraiment intéressant. Par curiosité, quel vin de Pinot Noir ?
RépondreSupprimerPatrick
Pinot Noir, Max Reserva, 2012, Aconcagua Costa, Vina Errazuriz. Je viens de publier le CR à propos de ce vin.
RépondreSupprimerClaude