Luis Felipe Edwards est un producteur
que j'apprécie par le biais de sa grande cuvée Dona Bernarda. Un
vin qui se compare en termes qualitatif à bien des vins chiliens
vendus plus du double de son prix. C'est donc avec intérêt que je goûte
pour la première fois la cuvée LFE 900 de ce producteur. Si le nom
Dona Bernarda évoque un certain classicisme, LFE 900 ressemble plus
à un nom de code et suggère quelque chose de plus moderne. Une
chose est sûre, le vignoble d'où est issu ce vin est jeune, les
vignes avaient cinq ans d'âge en 2008. Il s'agit aussi d'un projet
aux visées qualitatives ambitieuses et qui pour moi se situe dans la
mouvance que j'appelle le Nouveau-Chili. Les vignes de ce vignoble
sont plantées à flanc de montagne, parfois en terrasses, et même
au sommet à 900 mètres d'altitude, d'où le nom de la
cuvée. Je joins un lien qui vaut vraiment la peine d'être consulté
pour saisir l'essence de ce projet. On y voit des photos
spectaculaires qui montrent bien l'ampleur et la beauté du projet.
Pour ce qui est du vin à proprement parler, il s'agit d'un
assemblage on ne peut plus original comprenant 36% de Petite Syrah
(Durif), 30% de Cabernet Sauvignon, 24% de Syrah, 7% de Carmenère et
3% de Malbec. Le vin a été élevé 18 mois en barriques de chêne
français neuves. Il a aussi été filtré et il titre à 14.5%
d'alcool pour un pH de 3.60.
Sans surprise la robe est d'encre,
impénétrable. Le nez lui, dès le premier abord, transpire la
qualité et l'ambition. Il s'en dégage des arômes intenses et
profonds de cerises et de groseille amalgamés à un aspect
boisé/épicé bien présent et complétés par une touche
chocolatée. C'est nez très riche, dominé pour le moment par les
arômes que je viens de décrire, mais des notes fugaces se détachent
ici et là en cours de dégustation et on sent qu'il y a un potentiel
supplémentaire à révéler avec le temps. En bouche, c'est un vin
avec beaucoup de matière qui se révèle. Cette matière généreuse
est de très grande qualité, le vin est très concentré avec des
saveurs très intenses qui sont un reflet fidèle des arômes perçus
au nez. La relative douceur du fruit et de l'apport boisé est équilibré par une juste dose d'amertume. En milieu de bouche, encore une fois la
richesse de la matière et le très haut niveau de concentration
impressionnent. Le vin a du volume et de la rondeur, ainsi qu'une
souplesse salvatrice qui lui permet de bien couler malgré la densité
de sa matière. Les tanins sont bien présents avec une texture
veloutée qui contribue à la souplesse déjà évoquée. En toute
justesse, et pour rester dans l'esprit de ce vin, je dirais sans
exagérer que la finale permet d'atteindre un sommet dans l'intensité
gustative. Heureusement, l'harmonie est préservée avec beaucoup de
longueur.
Moi qui aime dire mon admiration pour
les vins de profils modérés, je dois l'avouer, j'ai été
impressionné par la puissance maîtrisée de ce très jeune vin.
C'est un nectar concentré qui en met plein les papilles à ce stade
très précoce de son espérance de vie. En l'ouvrant je savais ce
que je faisais. Je savais à quoi m'attendre, mais j'en ai eu plus
qu'anticipé. Je l'ai ouvert par curiosité, pour apprendre, mais
j'ai quand même obtenu ce plaisir spectaculaire que peuvent offrir
les jeunes vins bien nés et ambitieux. Sur un aspect plus technique, ce vin est intéressant car il a été filtré tangentiellement sur membrane 0.65 microns. S'il est vrai que la filtration enlève de la matière essentielle au vin, je n'ose imaginer ce qu'une version non filtrée de ce vin aurait donné. Pour moi ce vin démontre plutôt qu'une filtration bien menée est bénéfique. J'ai eu la chance déjà de goûter
plusieurs "grosses" cuvées chiliennes très chères,
et je peux vous dire que ce LFE 900 n'a rien à leur envier. Ce vin
tombe clairement dans la catégorie des super-cuvées très
concentrées au boisé luxueux et qui en jeunesse ne font pas dans
la dentelle. Je ne boirais pas ce type de jeunot ambitieux sur une
base régulière car c'est un vin qui par sa nature est très
demandant pour le dégustateur. Ce n'est pas le genre de vin qui se
laisse boire tranquillement. Il a tellement de matière qu'il vous
rappelle sa présence à chaque gorgée, mais en faisant cela, il
vous rappelle aussi à chaque fois son haut niveau qualitatif et les
promesses qu'il offre pour le futur. Certains producteurs chiliens
commencent à s'éveiller au potentiel de garde de leurs vins. Sur la
contre-étiquette de celui-ci, on parle d'une apogée dans quatre à
six ans et un plateau optimal qui durera jusqu'en 2025.
Personnellement, je doublerais ces chiffres sans aucune crainte. Si
ce vin venait d'une appellation prestigieuse, je n'ose imaginer son
prix. Toutefois, même dans le contexte chilien il s'agit d'une
aubaine formidable. Il est du même niveau et style que des cuvées
vendues deux ou trois fois son prix. Au lieu d'acheter un Clos Apalta
à 111$, obtenez presque quatre bouteilles du même niveau à 30$
chacune. Si vous aimez les sensations fortes vous pouvez ouvrir dès
maintenant, sinon c'est un vin de grande garde à un prix
pratiquement imbattable. Les stocks de ce vin sont déjà très bas à
la SAQ, ce n'est pas pour rien.
J'ai terminé cette bouteille quatre jours après l'ouverture, le vin gardé dans la même bouteille remplie au tiers et il était toujours impeccable.
RépondreSupprimerClaude
Boujour Julinho,
RépondreSupprimerIl faut commencer quelque part. Content que cet article vous ait été utile. J'ai ouvert une bouteille du millésime 2011 de ce vin il y a quelque mois et que je n'avais alors pas eu le temps de commenter. Toujours très bon et un vin de longue garde.
Claude