Il y a longtemps que je n'avais pas écrit
de texte éditorial sur ce blogue, mais aujourd'hui je suis tombé
sur un texte sur le site Vin Québec qui m'a donné le goût de
réagir. Marc-André Gagnon nous dit dans ce texte que toute
critique, bonne ou mauvaise, est positive. À le lire, c'est comme si
le critique avait la vérité absolue dès qu'il goûte un vin et
qu'il se doit de la partager pour prévenir ses lecteurs d'un danger
à éviter. Je pense que ce raisonnement fait abstraction du goût
personnel, de la subjectivité, de la variabilité du vin dans le
temps et des variations de capacités sensorielles qui existent entre
dégustateurs. Personnellement, je ne commente que les vins que
j'aime, et je ne crois pas, loin de là, avoir la vérité absolue.
Par exemple, je déteste les vins phénolés élaborés à l'aide de
levures Brettanomyces. Pour moi c'est un défaut clair, mais je sais
aussi qu'un bon nombre de vins renommés et appréciés sont élaborés
avec le concours de ce type de levures. Je pourrais bien chercher ce
type de vins et les décrier comme mauvais sur mon blogue, mais à
quoi cela servirait-il? Je sais que certains amateurs aiment ces
arômes, et que d'autres ne les perçoivent guère. À quoi bon
penser que mon dédain pour ces arômes s'applique à tout le monde?
C'est là un exemple, mais il pourrait en être de même à propos de
choses que j'aime dans le vin, mais qui pourraient déplaire à
d'autres.
Je pense que les critiques émettent
des opinions à propos des vins qu'ils dégustent, et que ceux qui
les lisent doivent déterminer à l'usage et dans la durée si un
critique est crédible pour eux. Il faut voir si on partage une
sensibilité commune par rapport à ce qu'on aime dans le vin. Il y a
aussi l'aspect de la garde du vin qui est important. Hors des
classiques européens à la feuille de route bien connue, peu de
critiques savent vraiment de quoi ils parlent en cette matière. En
ces temps où l'idéologie joue un grand rôle dans les opinions
émises par certains critiques, je pense qu'il faut aussi connaître
le positionnement d'un critique à cet égard pour pouvoir prendre ce
qui nous convient dans ses propos. Par exemple, j'aime bien lire le
blogueur britannique Jamie Goode. C'est un défenseur du minimalisme
dans l'élaboration du vin, et un promoteur des vins dits naturels.
Je ne partage pas sa vision à ce sujet, et quand je vois le militant
ressortir dans ses écrits, je décroche. Ceci dit, et de façon
paradoxale, Goode aime aussi les grands classiques européens qui
n'ont rien de "naturel". C'est là qu'il est facile de
voir où il faut en prendre et en laisser. Si je continue de lire
Jamie Goode, c'est qu'il n'est pas condescendant avec les vins du
Nouveau-Monde, à part peut-être ceux du Chili... Pour lui c'est une
partie importante et légitime du monde du vin et Goode est une bonne
source pour en apprendre plus sur les vins de Nouvelle-Zélande,
d'Afrique du Sud et d'Australie. Finalement, même si je n'aime pas
le système de notation sur 100 qu'il utilise. Les hautes notes qu'il
octroie souvent à des vins de prix très abordables concordent avec
ma conviction qu'il y a moyen de très bien boire sans se ruiner et
que l'écart entre un bon vin de prix abordable bien choisi et les
vins cultes ou prestigieux hors de prix n'est pas si grand. J'utilise
l'exemple de Jamie Goode, qui n'est pas le critique le plus connu,
pour démontrer que le lecteur peut très bien lire entre les lignes
en prenant ce qui lui convient chez un critique. La vérité absolue
n'existe pas, et les critiques comme les amateurs ont des opinions
et des sensibilités bien personnelles.
Pour revenir à l'utilité, ou non, des
critiques négatives, si j'écrivais un guide annuel du vin, je pense
qu'il serait important de parler des vins que je n'ai pas aimé, car
le but dans ce cas est d'offrir un portrait exhaustif de l'offre en
matière de vin. Mais pour avoir acheté le Guide du Vin de Michel
Phaneuf pendant plusieurs années, à mes débuts, j'ai vite été en
mesure de juger des limites d'un tel exercice. Toutefois, cela m'a
aidé à me connaître comme dégustateur, à voir là où j'étais
d'accord, et là où je divergeais. Ce qui fait qu'aujourd'hui je
peux assez facilement déterminer si une critique me semble crédible
par rapport à ce qui compte pour moi. L'expérience et la
connaissance de soi comme dégustateur offre une grille de décodage
pour les opinions de critiques, qu'elles soient positives ou
négatives. J'ai tellement lu de critiques tièdes ou négatives à propos de
vins que j'aime, que je sais qu'une critique négative n'est pas une
vérité absolue. C'est aussi pourquoi j'aime tant la dégustation en
pure aveugle. Sans aucune autre référence que le vin lui-même,
bien des critiques négatives pourraient devenir positives, et vice
versa.
M. Gagnon a rajouté une définition choisie du terme critique à la fin de son texte qui nous dit que la critique est un exercice objectif, mais qui conclue en disant que c'est aussi un jugement de valeur, or un jugement de valeur est par définition subjectif.
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