vendredi 11 février 2011

RIESLING, VISION, 2010, BIO BIO, VINA CONO SUR


L’histoire de ce vin est intéressante, et par plusieurs aspects indicative de la mentalité de ce que j’appelle l’ancien Chili. Une mentalité qui a longtemps ralenti la progression de ce pays vers des vins de haut niveau qualitatif. Ce vin est issu du vignoble Quitralman planté en 1986 par la famille Guilisasti, actionnaire principal du géant Concha y Toro, près de la ville de Mulchen sur les rives de la rivière Bio Bio, dans une des régions les plus méridionales et fraîches du Chili. Ces vignes de Riesling avaient alors été plantées dans le but d’en tirer de hauts rendements pour produire du vin mousseux. Ce n’est qu’en 2002, que Adolfo Huratado, oenologue en chef chez Cono Sur, une filiale de Concha y Toro, a décidé de réaliser le plein potentiel de ces vignes pour produire du vin tranquille de haute qualité. Pour ce faire il a coupé les rendements des deux tiers, de 75 hl/ha pour les ramener à 25 hl/ha. Cela a permis dès le départ de produire des vins d’une qualité étonnante. Depuis, l’expérience aidant, Hurtado a raffiné son approche. Ce qui permet d’être optimiste pour cette cuvée 2009. Le vin est issu de raisins vendangés manuellement et élaboré entièrement en inox. Le style est demi-sec avec 9.8 grammes par litre de sucres résiduels, pour un vif pH de 3.12 et un titre alcoolique de 13.4%.

La robe est de teinte jaune aux légers reflets verdâtres. Le nez est d’intensité modérée et dégage des arômes fruités de lime et de poire, complétés par des notes florales et miellées et par quelque chose rappelant les aiguilles de conifère. Un nez bien agréable, typique du cépage, avec une belle qualité d’arômes, même s’il n’est pas le plus complexe. En bouche, d’entrée la richesse de la matière donne à penser qu’on a affaire à un vin beaucoup plus cher. C’est équilibré, alliant acidité vive, douceur, gras et intensité des saveurs. L’aspect gustatif est un juste reflet de ce qui était perçu du côté olfactif. Le milieu de bouche permet de s’étonner encore de la qualité de la matière et de son fort niveau de concentration. Le vin a du volume et remplit bien la bouche, avec une acidité qui est toujours bien présente pour maintenir l’équilibre, en apportant ce qu’il faut de tension à l’ensemble, ce qui permet d'éviter toute impression de lourdeur, même lorsque le vin se réchauffe dans le verre. La finale ne déçoit pas sous le signe de l’harmonie et de la longueur avec une très légère pointe d'amertume.

J’ai fait du Chili mon pays vinicole de prédilection d’abord et avant tout pour les vins de très forts RQP qu’on peut facilement y trouver quand on sait choisir. Et bien malgré cela, sur cet aspect, ce pays arrive encore à me surprendre. Ce Riesling de Cono Sur est carrément renversant de qualité pour le prix qu’on en demande. Il s’agit sans l’ombre d’un doute d’un candidat de premier ordre au titre de meilleur vin blanc de 15$ au monde. En dégustant ce vin, je comprenais parfaitement pourquoi la revue Decanter a décerné au millésime 2009 de ce vin le titre de meilleur Riesling sous la barre des 10 livres. Je comprenais aussi pourquoi un chroniqueur crédible comme Tim Atkins classait le Riesling, Reserva, 2010, d'une gamme inférieure, parmi les meilleurs blancs qu’il avait goûtés lors de son récent voyage dans ce pays. Bien sûr, pour aimer ce vin il faut aimer le Riesling, et il faut l’aimer avec un peu de sucres résiduels. Mais dans le cas de ce vin l’acidité vive du vin contribue à garder cet aspect légèrement sucré sous contrôle. Mais au-delà des préférences stylistiques possibles, la qualité du vin est manifeste. Ce vin pourrait facilement se vendre pour le double du prix s’il était embouteillé sous une étiquette plus prestigieuse. Je sais que je suis redondant avec ce genre d’affirmation, mais j’en suis totalement convaincu et c’est pourquoi le Chili représente un pays vinicole si spécial à mes yeux, ou à mes papilles devrais-je dire. Une façon de bien boire à une fraction du prix pour peu qu’on soit prêt à laisser l’aspect prestige de côté. C’est vrai, le mot Chili sur une étiquette n’est pas prestigieux. Dans le cas de ce Riesling, la majorité des acheteurs potentiels n’auront aucune idée de ce qu’est la région de Bio Bio. Mais le contenu de la bouteille est à mon sens au-dessus de ces considérations. Le vin parle pour lui-même en autant qu’on lui prête une oreille neutre et attentive. En terminant la bouteille de cet excellent vin, une chose m’apparaît clairement, c’est que ce pays possède un potentiel incroyable de qualité et de diversité, et qu’il est sur la voie rapide vers le statut de grand pays vinicole. Ce vin issu d’un vignoble anachronique porte bien son nom, et permet de voir où le Chili pourra être dans 10 ans, pour peu qu’on lui en donne la chance en achetant de telles aubaines aujourd’hui. Le potentiel pour le vin blanc de haute qualité est énorme au Chili, car les terroirs frais aux sols variés sont là. Ce potentiel ne fait que commencé à se révéler, toutefois pour que ce potentiel se réalise pleinement, le marché devra suivre. Ce vin n'est malheureusement pas offert à la SAQ, mais on y offre le Viognier de la même gamme qui vaut aussi le détour. J'en parlerai bientôt sur ce blogue.



2010 Cono Sur Reserva Riesling, Bio Bio
There’s a lot of fuss (some of it justified) about the Pinot Noirs from this large Chilean winery, but its cool climate Rieslings are just as exciting in my view. This is just off dry and tastes like a cross between Rieslings from Alsace and Austria, with a hint of bitter “phenolics” and lemon and lime fruit.
91 points

http://blog.timatkin.com/towards-a-new-chile-part-two/

http://www.decanter.com/dwwa/2010/dwwa_search.php?qsearch=aiaw


*

3 commentaires:

  1. Je bois présentement ce vin et beaucoup de qualité pour le prix. Tout un Riesling toute origine confondue !

    Patrick

    RépondreSupprimer
  2. Salut Patrick,

    Pas étonné que tu apprécies ce superbe vin offert à un prix vraiment imbattable. J'en ai plusieurs bouteilles de côté, je vais donc pouvoir le suivre et voir comment il évolue sur plusieurs années. Avec tout ces nouveaux terroirs frais, les blancs chiliens deviennent aussi des candidats pour la moyenne garde. J'ai plusieurs expériences en cours.

    Claude

    RépondreSupprimer
  3. Je viens de regarder les inventaires et dommage, presque tout épuisé. C'est tellement un bon vin pour le prix et en plus, ma femme a plus qu'aimé...

    Patrick

    RépondreSupprimer