J’ai lu cette question ailleurs... et comme j’ai mentionné quelques fois ici sur ce blogue que selon moi le Québec était effectivement francocentriste en matière de vin. J’aimerais clarifier ma pensée sur cette question. Pour moi le caractère francocentriste du Québec n’est pas relié aux chiffres de vente, surtout pas au niveau des produits de prix abordables, disons à moins de 20$. Non. Pour moi, le caractère francocentriste québécois se manifeste au niveau de ce qu’on pourrait appeler de manière large le vin fin et dans l’offre de produits qui y est reliée dans la province (SAQ + I.P.). Cette offre de produits totalement débalancée est en lien direct avec le discours et la mentalité francocentristes des professionnels du vin au Québec, que ce soit les journalistes, les sommeliers, ou les conseillers de la SAQ. Pour eux, de façon générale, la France est le centre du monde vinicole, le point de vue à partir duquel tout est analysé. Cela ne veut pas dire que l’on ne boira que du vin français, mais même lorsque l’on boit autre chose, on l’analyse par rapport aux références françaises.
Pour moi, le problème se situe donc dans la faible capacité au Québec d’aborder le vin avec une grille d’analyse autonome. Se détacher du pôle français, c’est accepter que d’autres canons esthétiques puissent légitimement exister. C’est aborder le vin avec un état d’esprit plus libre. C’est apprécier le vin pour ce qu’il est, et non pour ce qu’il n’est pas ou devrait être. Au-delà de cela, les goûts et préférences personnelles continueront d’exister, mais en abordant le vin d’une manière plus détachée, on peut se permettre d’avoir des goûts plus variés. Des goûts qui pourront s’exprimer selon le contexte et notre état d’esprit. En matière de vin, la France c’est le classicisme, personne ne peut nier cela ni en diminuer la valeur. Toutefois, le classicisme devrait être une base permettant d’élargir ses horizons, plutôt qu’un modèle établi comme forcément supérieur parce qu’il était là en premier et a tracé la voie pour ce qui a suivi.
Bien sûr, ce que j’évoque plus haut est une généralisation. La France évolue elle aussi et ne fait pas que du vin de facture classique, et le reste du monde tente aussi souvent de suivre le modèle classique français. Ceci dit, peu importe l’origine, du vin reste du vin, et en ce sens, les comparaisons demeureront inévitables. Moi je plaide pour une mise en contexte sans ancrage déterminé des vins, et pour cela il faut pouvoir se coller, au moins un moment, à l’origine de ceux-ci. Avec cette attitude, on sera plus porté à comprendre et apprécier ce que les vins sont, plutôt que relever ce qu’il ne sont pas. Mais en bout de course, je reconnais à quiconque le droit d’être classico-classique, d’être franco-français. Sur le plan individuel tout est permis. Ce que je souhaite, c’est qu’au niveau collectif, surtout dans une province régie par un monopole, le discours général soit plus ouvert, et que cela se reflète dans une offre de vin plus équilibrée et de meilleure qualité de la part de notre fameux monopole.
*
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Bonjour Claude,
RépondreSupprimerRéponse intéressante qui aurait également eu ça place "ailleurs" :-))
J'ai lancé ce sujet suite aux lectures ici, ailleurs (on s'en rappelle) et le fait que 6 convives arrivent avec 5 nouveau monde de manière spontannée.
Le paradoxe me semblait curieux.
Black
Vous savez Claude , Black a raison de préciser que votre texte devrait paraître "ailleurs".
RépondreSupprimerJe l'ai lu avec beaucoup d'intérêt mais vous changez de niveau par rapport à vos interventions précédentes.Soit.Contrairement à vous, je pense que les québécois s'ouvrent, évoluent et découvrent.Les parcours sont certes différents mais cette ouverture existe.Quant aux canons esthétiques dans le monde du vin, voilà un débat valable...mais délicat dans la mesure où la règle est difficile à établir et qu'elle change selon les environnements et les expériences.Mais comme l'écrivait, je ne sais plus qui, le plaisir est dans le parcours pas dans la destination.Cela dit, continuez d'abord pour votre plaisir et ensuite pour le nôtre.Tiens je lisais que les québécois sont plutôt à droite.Comme les français, ma foi on en sort pas :-)
Bon vent et bon vin
Michel Goprom
M. Goprom,
RépondreSupprimerLa raison de l'ici et de l'ailleurs est une longue histoire sur laquelle il ne vaut pas la peine de revenir, même si ce n'est pas totalement étranger au sujet dont il est question. Pour ce qui est du reste, je ne change pas de niveau. J'avais abordé ce thème de manière similaire au quatrième paragraphe d'un long texte publié à la fin de septembre dernier. Voici le lien
http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/09/tres-longue-reponse-olivier.html
*
Je n’ai pas suivi le débat sur fouduvin qui a conduit à votre départ.Comme je ne lisais pas toutes vos interventions sur ce forum mais j’en ai lu assez pour vivre quelques belles expériences et plus rarement des mauvaises.Mais j’espère que mon opinion sur ces expérience s’enrichira du temps que j’ai la patience d’accorder à certaines bouteilles chiliennes.
RépondreSupprimerMes commentaires récents portaient sur vos interventions à propos de la sous représentation des vins chiliens et mes réponses allaient dans le sens de l’objectif suivant :augmenter la présence des vins chiliens de qualité dans l’offre québécoise que ce soit sur les tablettes ou via les importations privées.J’ai lu attentivement votre longue réponse à Monsieur Collin et vos réponses à mes commentaires.Je comprends votre point de vue mais je crois que vos réflexions sur le « francocentrisme »et sa tyrannie majoritaire mettent votre objectif en échec.
Cela dit, j’ai apprécié la lecture de votre texte. Vous y apportez des nuances intéressantes.
Mon expérience professionnelle m’a appris que rien n’est plus difficile à communiquer qu’une nuance.
Mais continuez, vous avez un coté Sisyphe qui justifie que nous vous lisions.
« La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. »Albert Camus, Le mythe de Sisyphe, publié en 1942.
M. Goprom,
RépondreSupprimerDésolé pour la publication tardive de votre message. Il s'était logé dans la catégorie spam et je ne l'ai remarqué qu'aujourd'hui.
C'est bien que vous citiez Camus, c'est le penseur qui m'a le plus marqué. Toutefois, celui-ci, dans sa pièce Caligula, faisait dire ce qui suit au personnage principal: "Les hommes meurent et ils ne sont pas heureux". C'est vrai que son Caligula voulait posséder la lune. Mes désirs sont plus modestes... Au fond, Sisyphe et Caligula sont les deux faces d'une même médaille. Mais une chance que je ne suis pas Caligula!
Claude
Je lisais la chronique de Jacques Benoît aujourd'hui sur Cyberpresse, à propos de la récente offre Bourgogne du magazine Cellier de la SAQ, et ce texte de l'an passé m'est revenu en tête. M. Benoît mets des gants blancs pour bien mettre en contexte son jugement sur ces très jeunes vins bourguignons, Il serait intéressant que des régions moins renommées aient droit à autant d'égards, ou au contraire, on devrait traiter les vins de Bourgogne comme ceux d'ailleurs. En ce sens, il est intéressant de lire le commentaire de M. Benoît sur le Pinot Noir californien de Radio-Coteau. La beauté de l'aveugle!!! Mais pourquoi se demande-t-il à la fin si il a noté trop haut? Pourquoi ne se pose-t-il pas la même question pour le reste des vins bourguignons commentés? Je ne remets pas en cause la justesse de son jugement. Juste l'équité du traitement.
RépondreSupprimer