samedi 9 avril 2016

MALBEC, GRAN VINO, 1995, LUJAN DE CUYO, MENDOZA, WEINERT



Ce vin est un des plus vieux de ma cave. Je l'ai gardé jusqu'à aujourd'hui à cause d'une promesse faite après une dégustation de groupe mémorable qui impliquait un vin de ce producteur. Toutefois la dégustation de groupe nous en apprend parfois plus sur la nature humaine que sur le vin. Ayant appris, et tiré la leçon qui s'imposait, j'ai décidé de l'ouvrir en solitaire, surtout que le vin a 20 ans. Un bel âge pour ouvrir et une cible qui s'offrira à moi de plus en plus dans les années à venir. Ceci étant dit, je m'attends à un vin de la vieille école, il titre à seulement 13.5%, et dans le style typique de ce producteur qui élève longtemps ses vins en larges et vieux foudres de chêne. Je dois le dire d'emblée, mon expérience avec ce vin a été un brin décevante, mais en même temps très intéressante car elle m'a permis d'en apprendre encore un peu plus sur l'évolution aromatique du vin, que ce soit sur une longue période en bouteille, ou bien, sur une courte période après l'ouverture. C'est que, voyez-vous, le vin était affligé lors de l'ouverture par un nez totalement masqué, et donc, gâché, par un puissant arôme de 4-ethyl phenol, conséquence d'une contamination aux levures Brettanomyces. Le fameux vieux cuir vénéré par tant d'amateurs. J'étais alors pas mal en colère, moi qui déteste ce type d'arôme et y suit très sensible. Au départ il n'y avait donc qu'un nez monochrome. Il n'y avait que ça. J'ai donc laissé le vin de côté pour une trentaine de minutes, pour ensuite constater que cet arôme était en régression. Malheureusement, l'arôme n'a jamais totalement disparu, mais suffisamment pour que je puisse assez bien percevoir ce que le reste du profil olfactif avait à offrir. La note de dégustation qui suit relate le vin au moment où le 4-ethyl phenol avait le plus régressé. Disons que ce n'est pas le type de vin à ouvrir et à boire tout de go, à moins bien sûr d'aimer ce type d'arôme ou d'y être peu ou pas sensible. Une chose est sûre, je me disais en le dégustant qu'il n'était vraiment pas étonnant que Weinert ait le même distributeur en Grande-Bretagne que Château Musar...

La robe est de teinte grenat clair. Le nez est toujours marqué par le 4-ethyl phenol, mais on peut quand même percevoir des arômes de fruits rouges bien évolués, de thé, de feuilles mortes, de camphre et de vieux meubles en bois. En bouche on retrouve un vin tout en finesse, élancé, avec une belle balance entre ce qu'il reste de fruit, le caractère épicé et un aspect terreux. Il y a aussi un bon trait d'amertume qui vient soutenir et donner du sérieux à l'ensemble. Le milieu de bouche révèle un vin modéré, tout en équilibre et où le nuisible 4-ethyl phenol du nez ressort ici, mêlé au fruit, comme un des éléments épicés de l'ensemble. Les tanins sont d'une grande délicatesse et contribuent à l'aspect harmonieux du vin. La finale résume bien le tout sur une longueur de fort calibre.

La qualité de base de ce vin est indéniable, même si pour moi le facteur Brett est vraiment un obstacle au travers duquel j'ai dû naviguer. Le vin aurait été encore meilleur sans ça, surtout au nez, mais malgré tout, l'oxygénation du vin après l'ouverture a permis de faire de celui-ci un rescapé plutôt inattendu. En me concentrant surtout sur la bouche j'y ai trouvé une bonne part de plaisir et j'ai continué d'apprendre. Ceci dit, je reste perplexe face au phénomène des Bretts. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut valoriser ou ignorer ce facteur uniformisateur. Au-delà de l'attrait ou du dédain possibles pour le 4-ethyl phenol, je ne comprends pas que l'on puisse désirer cet arôme dans de si nombreux vins d'origines si diverses. Ça me dépasse. Pour moi c'est comme vouloir mettre du cari dans les plats issus de toutes les cuisines du monde. Si certains voient le monde du vin comme une grande cuisine indienne, ce n'est définitivement pas mon cas. Je continue de préférer la diversité des cépages et des terroirs à cet aspect si redondant dans tellement de vins haut de gamme ou ambitieux au plan qualitatif. Ça me dépasse et je pense que ça me dépassera toujours. Il y a des murs comme ça dans la vie par-dessus lesquels on arrivent jamais à sauter. Pour le reste, et selon mes lectures, le problème de Brett n'est pas réglé chez Weinert, au contraire, ce serait pire que jamais. C'est tellement dommage car le potentiel pour de grands vins distinctifs est là.


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