Il fut un temps où l'Argentine
présentait pour moi autant d'intérêt que le Chili. À la fin des
années 90, c'était un pays qui offrait des rouges généreux et
concentrés offrant des RQP très favorables. Toutefois, avec le
temps et l'expérience, ma perception des deux pays a changé. Alors
que le Chili a progressé à une vitesse foudroyante vers plus de
qualité et de diversité, l'Argentine est toujours un pays basé
essentiellement sur une grande région, Mendoza, qui offre toujours
le même type de rouges bien concentrés, aux fruités très matures.
Bien sûr, c'est là une simplification, il y a bien le Torrontès en
blanc, quelques Chardonnay de haut niveau venant de vignobles en
altitude, puis le Patagonie pour offrir quelques vins de styles plus
frais, n'empêche que dans mon esprit l'Argentine demeure un pays qui
tire de l'arrière en terme de diversité. Ceci dit, au-delà de tout
cela, ce qui m'éloigne le plus de l'Argentine, c'est le potentiel de
garde décevant pour moi de ses vins rouges de prix abordables. Les
vins tiennent la route, pour ça aucun problème, mais ne se transforment pas vraiment. Après 10 ans de garde on retrouve souvent
des vins montrant un profil aromatique peu altéré, et à la
structure à peine assouplie. Les vins semblent presque inoxydables.
L'intérêt de garder du vin n'est pas qu'il dure le plus longtemps
possible, mais bien qu'il se transforme en bouteille pour offrir
autre chose avec le temps. Les rouges chiliens, de manière générale, atteignent très bien cet objectif, et ce n'est malheureusement pas
le cas de la plupart des argentins avec lesquels j'ai tenté
l'expérience. Ceci dit, mon expérience est sur des vins de 10 ans ou plus, car j'ai cessé d'acheter des vins argentins pour la garde depuis le millésime 2005. Ceci dit, le producteur avec lequel j'ai obtenu les meilleurs
résultats est Catena. Voyons donc ce que donne ce Malbec de type
Reserva après presque 20 ans.
La robe arbore une teinte grenat
légèrement translucide. Le nez est superbe avec ses arômes évolués
de cerise, d'épices douces, de bois de cèdre, complétés par un
soupçon de thé, de terre humide et de feuilles mortes. La bouche
révèle un vin svelte où le fruit intense mène encore la danse,
avec l'aspect boisé et évolué qui s'amalgame à merveille pour
produire l'effet gustatif recherché dans les vins de cet âge. Le milieu de bouche
permet de constater que ce nectar a encore une belle présence, des
tanins fondus et un niveau de concentration bien ajusté au style du vin. La finale confirme l'harmonie d'ensemble sur une très
bonne persistance des saveurs et une très légère pointe d'amertume
chocolatée à la toute fin.
Catena demeure pour moi le leader de la
viticulture argentine. Bien sûr, ce vin est un exemple illustrant ce
qu'un vin datant de 1997 peut donner aujourd'hui. Je ne saurais dire avec
certitude ce qu'il en est du potentiel des vins d'aujourd'hui. Le vin était vraiment
agréable et montrait une belle évolution, ceci dit, on était loin
de la métamorphose que certains vins chiliens de la même catégorie
peuvent afficher. Le vin était une déclinaison plus âgée de ce
qu'il montrait en jeunesse. Le but ici n'est pas de déprécier les
vins d'Argentine. Ce pays demeure une destination de premier choix pour qui recherche
des vins à la matière généreuse et au fruité mature. Ce vin
montre aussi que le Malbec peut bien vieillir. Toutefois, il faut se
rappeler que c'est un vin de type Reserva, et en ce sens il ressemble
en terme de proportions à ses contreparties chiliennes. La matière
et la concentration sont de très bon niveau, mais c'est clairement
en deçà de ce qu'offre les cuvées de luxe, Alta et surtout, Zapata. Alors
si l'évolution d'un vin comme celui-ci est lente, je n'ose imaginer
le temps nécessaire pour assouplir et transformer significativement
les cuvées plus ambitieuses. Ceci dit, ce constat ne s'applique pas
qu'à l'Argentine. Rendu à un certain âge il faut se demander si il
vaut la peine d'acheter des vins qui auraient besoin d'une garde de
25 ans et plus pour commencer à livrer une version différente
d'eux-même. J'ai ouvert d'autres rouges argentins au cours des quelques derniers mois, Norton, Privada, 1999 et 2002, Quimera 2002 et 2004,
Malbec Fabre Montmayou, 2001, et le constat sur ces vins concorde
avec celui que je fais ici pour ce Malbec de Catena.
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