Comme amateur de vin on aime penser que ce qui nous intéresse vraiment c'est le vin. Le liquide qui se retrouve dans notre verre sous différents aspects. Pourtant, plus un amateur devient intéressé et plus le vin en lui-même perd de l'importance. Je lisais l'autre jour un article où le représentant commercial d'un producteur chilien disait qu'il fallait apporter des nouveautés régulièrement (nouveaux cépages, nouvelles régions), car sans éléments distinctifs pour susciter l'intérêt, le vin devient une simple marchandise. Je me suis reconnu un peu dans ce propos. Je suis le type d'amateur intéressé par la nouveauté. J'aime les producteurs qui développent de nouvelles choses. J'aime l'idée qu'en buvant les vins de ces producteurs je participe à la création de quelque chose qui n'existait pas avant. D'autres amateurs, au contraire, s'intéressent au vin pour communier avec l'histoire. Au-delà du vin, ils aiment l'idée du lien avec le passé. L'idée qu'en buvant ces vins à la longue histoire ils perpétuent quelque chose qui les dépasse. D'autres ont une approche socio-économique. Ils s'intéressent aux vins d'artisans, aux vins biologiques car ça correspond à leurs valeurs de développement durable. D'autres encore aiment boire prestigieux et rare, ce qui veut aussi dire cher. De cette façon ils ont l'impression de toucher au meilleur de ce que le monde du vin a à offrir. Il y a aussi ceux qui boivent aux notes et à la réputation. Je suppose que cette caution externe les sécurise face à leurs perceptions.
J'aurais pu continuer d'énumérer des
catégories de buveurs qui au-delà du vin sont motivés par des
idées. Je lis déjà dans les pensées de certains lecteurs qui se
sentiront visés et qui se diront que le vin, le liquide, est leur
priorité, et que le reste est secondaire. Bien sûr, tout passionné
que l'on puisse être, il est clair notre intérêt premier est le
vin. Ceci dit, je pense que les idées occupent une place beaucoup
plus importante que ce qu'on veut bien s'avouer. Si à partir de
demain le vin devenait anonyme. Si les vins étaient identifiés par
un simple code nous empêchant de les relier à leur origine. Je
pense que l'intérêt d'une grande majorité de passionnés
diminuerait de façon marquée. J'adore déguster à l'aveugle car il
y a à la fin le dévoilement des identités. Cela me permet de me
confronter aux fameuses idées qui soutiennent mon intérêt pour le
monde du vin. Je ne voudrais pas d'un monde où la dégustation du
vin serait toujours à l'aveugle, mais sans jamais qu'il n'y ait de
dévoilement.
Il est clair pour moi qu'une bonne
partie du plaisir relié au vin tient dans la confrontation entre le
simple liquide offert dans un verre et la construction mentale qu'on
s'est bâtie pour appréhender celui-ci. Sans repères pour ancrer
notre jugement, le monde du vin serait bien moins intéressant. Ce
produit de civilisation deviendrait un simple objet de consommation.
Toutefois, je pense qu'en évoluant dans le monde du vin, il est
important de garder à l'esprit que notre jugement est influencé par
les idées qui nous intéressent et auxquelles on adhère. Je
persiste à croire fermement qu'une bonne partie de l'appréciation
du vin relève du monde des idées, de la conviction mentale. Garder
ce fait à l'esprit est une façon de prémunir notre jugement de
l'influence de ce qu'on pense lorsqu'on ne déguste pas à l'aveugle.
Si on peut boire des idées, comme pour le vin il faut essayer d'éviter qu'elles nous
saoulent.
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