Plus de trois mois sans publication sur ce blogue. La passion s'étiole-t-elle? Pas vraiment, mais ce n'est plus aussi intense. L'impression d'avoir fait le tour, d'avoir répété ad nauseam le même message sur la possibilité de très bien boire à une fraction du prix, par rapport au parcours de l'amateur qui veut embrasser la totalité du monde du vin. De l'amateur non seulement passionné par le vin de qualité, mais par toute la mystique qui y est associée, les grands noms, la tradition, le prestige, les vins cultes et un certain goût à acquérir... L'impression donc de tourner en rond en solitaire. Ceci dit, je continue de lire sur le vin et cette semaine j'ai pu m'apercevoir que les choses ne changent pas. D'un côté mon lancinant message sur le potentiel incroyable de vins rouges chiliens de prix modiques refait surface dans The Gazette, avec l'éloge d'un Cab chilien que j'avais présenté en 2009, à l'aveugle, au chroniqueur-vin du quotidien Bill Zacharkiw et quelques sommeliers. L'histoire est résumée sur le forum Fouduvin, même si les articles de 2009 ont depuis disparu du site de The Gazette. D'un autre côté, des articles de Andrew Jefford de Decanter, et de Jean Aubry du Devoir ramènent le découragement des amateurs classiques face à la montée folle des prix des vins cultes, prestigieux ou renommés. Les deux se disent découragés face à ce phénomène et abdiquent. Ils renoncent à suivre et se rabattront sur des vins moins connus qui ne sont pas encore touchés gravement par cette inflation qui vient avec la reconnaissance.
En un sens, les deux lancent un appel à plus de curiosité de la part de l'amateur en l'appelant à découvrir par lui-même de très bons vins dont les prix sont encore accessibles. C'est un appel indirect à l'indépendance d'esprit et à la capacité de juger un vin pour le contenu de la bouteille sans l'aide d'une étiquette réconfortante. Ça rejoint sur le fond ce que j'ai toujours prôné ici, même si j'ai toujours convenu du caractère restrictif de mon obsession chilienne. Le sujet a provoqué un débat sur le forum LPEL, le rendez-vous virtuel des amateurs québécois de vins haut de gamme. Bien sûr, certains intervenants acceptent mal le constat et on se croirait revenu aux années du forum Crus & Saveurs (2003-2006) où ce débat faisait déjà rage. Ceci dit, je comprends que quand on a une cave patiemment montée et remplis de flacons renommés et chers, on ne soit pas enclin à reconnaître qu'il y a une voie alternative possible, moins chère, moins prestigieuse, mais qui peut apporter autant de satisfaction à l'amateur ayant la prédisposition mentale appropriée. Ce nouvel épisode ne mettra pas fin au débat qui implique vin et perception, vin et émotion, vin et étiquette. Je pense que chaque approche est respectable, il faut juste s'assumer.
mardi 6 septembre 2016
samedi 14 mai 2016
Le palais français des Québécois: Un mythe déboulonné
Il y a quelques années j'avais écrit plusieurs article sur ce blogue où je dénonçais le francocentrisme québécois en matière de vin (voir le libellé au bas de l'article). La France est surreprésentée à la SAQ et l'offre de notre monopole en vins de qualité du Nouveau Monde demeure relativement faible. En réaction à cette critique, la réponse usuelle est que le Québec accorde beaucoup de place à la France vinicole car le palais des Québécois serait français. Je me suis toujours opposé à cette conception, arguant que ce supposé palais français était acquis, et non inné, et que la SAQ, par son offre de vins, de même que la presse spécialisée par l'importance démesurée qu'elle accorde aux vins de l'Hexagone, entretenait cet état de fait. Une simple comparaison avec l'Ontario confirme ce constat. La LCBO a une offre beaucoup moins grande de vins français, et beaucoup plus importante de vins du Nouveau Monde, surtout de pays anglo saxons, mais aussi, dans une moins mesure, de vins sud-américains. Pourtant il n'y a pas différences génétiques marquées entre les Québécois et les Ontariens. C'est clairement un caractère acquis qui découle des affinités culturelles des deux provinces.
Un appui involontaire à mon point de vue est venu la semaine passée de cette même presse spécialisée québécoise, de la part de Bill Zacharkiw dans The Gazette, qui explique dans un article que son palais français vient du fait qu'il a été exposé dès ses débuts dans le monde du vin, au début des années 90, à ce qui était offert à la SAQ, soit surtout des vins français, souvent marqués par un manque de maturité, donc par une forte astringence et une forte acidité et moins de concentration, de douceur et d'alcool et que cela continue de marquer ses préférences, même aujourd'hui. M. Zacharkiw s’emmêle ensuite dans la notion vaseuse d'authenticité des vins pour justifier ses choix français. Là il me perd totalement car on est hors du goût et on tombe dans l'idéologie. Ceci dit, il a l'honnêteté de reconnaître que la différence entre ancien et nouveau mondes est de plus en plus floue, les vins européens étant maintenant élaborés avec un fruit plus mature, alors que le Nouveau Monde redécouvre les vertus associés à moins de maturité et développe des vignobles sur des terroirs plus frais.
Je m'intéresse au monde du vin de manière moins intense qu'il y a quelques années, ceci dit, quand je regarde la liste des meilleurs vendeurs de la SAQ je me désole totalement. Cette liste est dominée par des vins sucrés du Nouveau Monde, et l'offre de bons vins de ce même Nouveau Monde à cette même SAQ demeure faible. Donc, en volume le palais du Québécois moyen n'est ni français, ni Nouveau Monde, il est adepte du vin sucré de mauvaise qualité. La SAQ semble incapable de faire dans la nuance. Elle met de l'avant du mauvais vin sucré pour la masse, et ce faisant fixe les préjugés d'une certaine élite à l'encontre des vins non européens. Si la SAQ et la presse vinicole faisaient un bon travail d'éducation, il devrait y avoir au Québec un palais pour le bon vin. Point. Le temps des petites guerres nostalgiques à propos du continent d'origine des vins devraient tenir du passé car on voit que le résultat net c'est le règne des "Ménage à Trois" de ce monde. Le combat devrait se faire pour le vin de qualité offert à prix abordable plutôt que sur des bases idéologiques.
Un appui involontaire à mon point de vue est venu la semaine passée de cette même presse spécialisée québécoise, de la part de Bill Zacharkiw dans The Gazette, qui explique dans un article que son palais français vient du fait qu'il a été exposé dès ses débuts dans le monde du vin, au début des années 90, à ce qui était offert à la SAQ, soit surtout des vins français, souvent marqués par un manque de maturité, donc par une forte astringence et une forte acidité et moins de concentration, de douceur et d'alcool et que cela continue de marquer ses préférences, même aujourd'hui. M. Zacharkiw s’emmêle ensuite dans la notion vaseuse d'authenticité des vins pour justifier ses choix français. Là il me perd totalement car on est hors du goût et on tombe dans l'idéologie. Ceci dit, il a l'honnêteté de reconnaître que la différence entre ancien et nouveau mondes est de plus en plus floue, les vins européens étant maintenant élaborés avec un fruit plus mature, alors que le Nouveau Monde redécouvre les vertus associés à moins de maturité et développe des vignobles sur des terroirs plus frais.
Je m'intéresse au monde du vin de manière moins intense qu'il y a quelques années, ceci dit, quand je regarde la liste des meilleurs vendeurs de la SAQ je me désole totalement. Cette liste est dominée par des vins sucrés du Nouveau Monde, et l'offre de bons vins de ce même Nouveau Monde à cette même SAQ demeure faible. Donc, en volume le palais du Québécois moyen n'est ni français, ni Nouveau Monde, il est adepte du vin sucré de mauvaise qualité. La SAQ semble incapable de faire dans la nuance. Elle met de l'avant du mauvais vin sucré pour la masse, et ce faisant fixe les préjugés d'une certaine élite à l'encontre des vins non européens. Si la SAQ et la presse vinicole faisaient un bon travail d'éducation, il devrait y avoir au Québec un palais pour le bon vin. Point. Le temps des petites guerres nostalgiques à propos du continent d'origine des vins devraient tenir du passé car on voit que le résultat net c'est le règne des "Ménage à Trois" de ce monde. Le combat devrait se faire pour le vin de qualité offert à prix abordable plutôt que sur des bases idéologiques.
samedi 9 avril 2016
MALBEC, GRAN VINO, 1995, LUJAN DE CUYO, MENDOZA, WEINERT
Ce vin est un des plus vieux de ma cave. Je l'ai gardé jusqu'à aujourd'hui à cause d'une promesse faite après une dégustation de groupe mémorable qui impliquait un vin de ce producteur. Toutefois la dégustation de groupe nous en apprend parfois plus sur la nature humaine que sur le vin. Ayant appris, et tiré la leçon qui s'imposait, j'ai décidé de l'ouvrir en solitaire, surtout que le vin a 20 ans. Un bel âge pour ouvrir et une cible qui s'offrira à moi de plus en plus dans les années à venir. Ceci étant dit, je m'attends à un vin de la vieille école, il titre à seulement 13.5%, et dans le style typique de ce producteur qui élève longtemps ses vins en larges et vieux foudres de chêne. Je dois le dire d'emblée, mon expérience avec ce vin a été un brin décevante, mais en même temps très intéressante car elle m'a permis d'en apprendre encore un peu plus sur l'évolution aromatique du vin, que ce soit sur une longue période en bouteille, ou bien, sur une courte période après l'ouverture. C'est que, voyez-vous, le vin était affligé lors de l'ouverture par un nez totalement masqué, et donc, gâché, par un puissant arôme de 4-ethyl phenol, conséquence d'une contamination aux levures Brettanomyces. Le fameux vieux cuir vénéré par tant d'amateurs. J'étais alors pas mal en colère, moi qui déteste ce type d'arôme et y suit très sensible. Au départ il n'y avait donc qu'un nez monochrome. Il n'y avait que ça. J'ai donc laissé le vin de côté pour une trentaine de minutes, pour ensuite constater que cet arôme était en régression. Malheureusement, l'arôme n'a jamais totalement disparu, mais suffisamment pour que je puisse assez bien percevoir ce que le reste du profil olfactif avait à offrir. La note de dégustation qui suit relate le vin au moment où le 4-ethyl phenol avait le plus régressé. Disons que ce n'est pas le type de vin à ouvrir et à boire tout de go, à moins bien sûr d'aimer ce type d'arôme ou d'y être peu ou pas sensible. Une chose est sûre, je me disais en le dégustant qu'il n'était vraiment pas étonnant que Weinert ait le même distributeur en Grande-Bretagne que Château Musar...
La robe est de teinte grenat clair. Le nez est toujours marqué par le 4-ethyl phenol, mais on peut quand même percevoir des arômes de fruits rouges bien évolués, de thé, de feuilles mortes, de camphre et de vieux meubles en bois. En bouche on retrouve un vin tout en finesse, élancé, avec une belle balance entre ce qu'il reste de fruit, le caractère épicé et un aspect terreux. Il y a aussi un bon trait d'amertume qui vient soutenir et donner du sérieux à l'ensemble. Le milieu de bouche révèle un vin modéré, tout en équilibre et où le nuisible 4-ethyl phenol du nez ressort ici, mêlé au fruit, comme un des éléments épicés de l'ensemble. Les tanins sont d'une grande délicatesse et contribuent à l'aspect harmonieux du vin. La finale résume bien le tout sur une longueur de fort calibre.
La qualité de base de ce vin est indéniable, même si pour moi le facteur Brett est vraiment un obstacle au travers duquel j'ai dû naviguer. Le vin aurait été encore meilleur sans ça, surtout au nez, mais malgré tout, l'oxygénation du vin après l'ouverture a permis de faire de celui-ci un rescapé plutôt inattendu. En me concentrant surtout sur la bouche j'y ai trouvé une bonne part de plaisir et j'ai continué d'apprendre. Ceci dit, je reste perplexe face au phénomène des Bretts. Je n'arrive pas à comprendre comment on peut valoriser ou ignorer ce facteur uniformisateur. Au-delà de l'attrait ou du dédain possibles pour le 4-ethyl phenol, je ne comprends pas que l'on puisse désirer cet arôme dans de si nombreux vins d'origines si diverses. Ça me dépasse. Pour moi c'est comme vouloir mettre du cari dans les plats issus de toutes les cuisines du monde. Si certains voient le monde du vin comme une grande cuisine indienne, ce n'est définitivement pas mon cas. Je continue de préférer la diversité des cépages et des terroirs à cet aspect si redondant dans tellement de vins haut de gamme ou ambitieux au plan qualitatif. Ça me dépasse et je pense que ça me dépassera toujours. Il y a des murs comme ça dans la vie par-dessus lesquels on arrivent jamais à sauter. Pour le reste, et selon mes lectures, le problème de Brett n'est pas réglé chez Weinert, au contraire, ce serait pire que jamais. C'est tellement dommage car le potentiel pour de grands vins distinctifs est là.
lundi 4 avril 2016
CABERNET SAUVIGNON, RESERVA, 2003, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ
Les vins de Perez Cruz sont, selon mon expérience, les vins chiliens les plus typés en jeunesse, les vins les plus marqués par leur terroir. Il y a un côté végétal sauvage indéniable qui transcende les cépages dont les vins sont issus. Je l'ai retrouvé en prime jeunesse dans tous les vins de ce producteur auxquels j'ai pu goûter, Cab, Syrah, Malbec, Carmenère et Petit Verdot. C'est tellement vrai qu'en fouillant sur le net à propos de ce vin j'ai retrouvé une note de dégustation sur ce 2003 que j'avais écrite peu de temps après l'achat, en mars 2005. Il y a déjà 11 ans. J'en étais à mes débuts à écrire des notes de dégustation sur les forums et le dégustateur/rédacteur de notes débutant que j'étais s'était laissé prendre à l'utilisation du descriptif plant de tomate pour décrire l'aspect végétal sauvage de ce vin en prime jeunesse. Il faut dire que moi aussi j'avais été bombardé par cette idée typiquement québécoise, répandue à satiété pendant des décennies par le chroniqueur Jacques Benoît qui vient de prendre sa retraite. Ça montre comment il est difficile de résister à un descriptif souvent répété et tenu par plusieurs comme vérité. J'ai eu la capacité de me déprogrammer depuis, en réalisant que ce descriptif n'était utilisé qu'au Québec et en retournant sentir de véritables plants de tomate et du véritable cassis frais. La meilleure façon de passer outre un préjugé est de retourner vérifier à la source. Faites l'exercice, c'est très révélateur et ça met un terme au débat une bonne fois pour toute. Finalement, 11 ans plus tard je n'ai pas eu besoin de carafer le vin, de le transvider et de le laisser une journée au frigo. Il s'est offert de bon gré dès l'ouverture. Normal, les vins gardés 10 ans ont subi l'action lente de l'oxygène et ne montrent pas de profil de réduction comme ça semblait être le cas pour ce vin en 2005. Il ne faut pas oublier que les thiols sont des groupements chimiques réduits très odoriférants, et qu'après oxydation, ils donnent des composés inodores. Pas pour rien que les rouges chiliens changent si dramatiquement de profil aromatique après une longue garde.
La robe est de teinte grenat légèrement translucide. Le nez est d'intensité moyenne et exhale des parfums de mûres, de cerises, d'épices douces légèrement évoluées, de bois de cèdre et de chocolat. Très beau nez étonnamment peu évolué, à part peut-être pour ce qui a disparu. Ceci dit, les traces d'évolution sont présentes et marquent légèrement le profil aromatique, mais c'est subtil et il n'y a pas encore d'arômes tertiaires comme le thé ou les feuilles mortes. Cela se reflète en bouche où l'on retrouve un vin encore bien vigoureux, avec de belles saveurs intenses, un juste trait d'amertume et des tanins soyeux. Un vin de corps moyen, plutôt élancé, avec ce qu'il faut de matière pour être consistant, mais ne jouant clairement pas la carte de la forte concentration. On se retrouve sur un profil classique de Cab, Reserva, chilien. Un vin misant sur un équilibre aux proportions modérées et sur une qualité aromatique exemplaire. Sans surprise, donc, le vin est facile à boire et coule sans effort vers une finale harmonieuse et assez longue où les tanins gagnent un peu de poigne.
Excusez-moi d'y aller dès le départ avec l'aspect économique, mais qu'un vin payé 13$ puisse donné un tel résultat après 10 ans de garde est tout simplement fantastique. Ce vin est aussi un pied de nez à tous ceux qui remettent en cause la validité des vins élaborés selon les préceptes de la maturité phénolique. Ce vin titre à 14.5% et l'alcool ne paraît absolument pas, même quand le vin se réchauffe dans le verre, et les tanins sont d'une finesse digne de vins très fins et beaucoup plus chers. Je n'a rien contre l'approche visant moins de maturité et moins d'alcool, d'ailleurs, Perez Cruz a pris ce virage, le 2013 titre à seulement 13% d'alcool et pour avoir gardé beaucoup de rouges chiliens des années 90 dont le titre alcoolique étaiut similaire, je sais que la garde de ce type de vins moins matures fonctionne aussi très bien. Ceci étant dit, pour moi ce vin confirme ce que j'ai toujours pensé, c'est-à-dire que le vin de qualité se fait à partir de fruits de qualité, et que le degré de maturité de ceux-ci relève du choix stylistique du producteur. La beauté c'est que les deux choix fonctionnent lorsque l'élaboration est bien menée et que le résultat net est un gain en diversité. Michel Rolland n'était pas un fumiste et les mondovinistes peuvent aller se rhabiller. Son approche permet de produire de très bon vins, des vins séduisants, tout en douceur, sans aspérités et qui ont un très bon potentiel de garde. Après ça, c'est une question de terroir et de maîtrise de l'élaboration, et pour le consommateur, une question de goût et de choix. Moi j'aime les deux styles et je suis content de voir qu'ils coexistent maintenant au Chili. Finalement, il n'y a plus la moindre trace d'arômes végétaux dans ce vin. Pas de cassis frais, pas de plant de tomate. Les molécules soufrées (thiols) qui sont à l'origine de ce type d'arômes ont eu le temps d'être oxydées par la microoxygénation que procure la longue garde en bouteille et d'ainsi devenir inodores. À noter, ce vin, un classique de la LCBO depuis 10 ans, est maintenant offert à la SAQ dans le millésime 2013.
samedi 5 mars 2016
Obsession de la feuille de tomate: particularité québécoise
Je reviens encore sur ce sujet que j'ai pourtant bien exploré avec quatre textes assez substantiels. Si j'y reviens maintenant, c'est que je suis tombé sur un exemple écrit de ce que j'ai expérimenté plusieurs fois lors de dégustations de groupe. Ça montre comment il est facile de transmettre une idée préconçue. J'ai trouvé cet exemple sur le forum LPEL et on y voit comment le concept d'arôme de plant de tomate est introduit dans l'esprit d'un amateur qui n'en percevait rien jusque là. J'ai constaté ce phénomène de mes yeux tellement de fois. Voici le CR écrit par un participant à propos d'un vin chilien réputé, soit le Cabernet Sauvignon, Don Melchor, 1997:
Concha y Toro, Cabernet Sauvignon Private Reserve, Don Melchor, 1997
Wow. Quel nez ! On sent que c’est la même famille du vin précédent, mais en 4K, alors que l’autre est plus flat screen bon marché du genre Seiki. On est encore sur la menthe fraîche, mais à l’agitation apparaissent le basilic et le chocolat. Ensuite, quelqu’un du groupe mentionne que ça lui rappelle un plan de tomate l’été. Maudit. Dès qu’il a mentionné ça, on dirait que je me suis mis à focuser constamment là-dessus et je sentais rien d’autre ! N’ayant aucune expérience (mais là, aucune !) avec les vins chiliens…l’association n’était pas encore programmée dans mon cerveau. En parcourant le forum le lendemain…je me suis rendu compte que plan de tomate = Chili. Là où je vais peut-être étonner…est que ce fût pour moi aucunement un élément négatif. En fait, en bouche, le vin était magnifique. C’est rond, velouté sur des notes de fruits cuits, mais aucunement lourd. Quelle longueur sur des notes finales de chocolat noir rappelant le After Eight. Le vin de la soirée pour moi…je suis sur le cul ! Excellent
Voilà. Tout est là. Le phénomène de la propagation du plant de tomate chilien, unique au Québec, est expliqué dans ce texte. L'association est faite, le mot se passe entre amateurs, et l'idée s'incruste. À noter que l'amateur ne parle jamais d'arôme de cassis frais dans sa description du vin, alors qu'il s'agit de la caractéristique le plus commune dans les vins de Cabernet chiliens. Encore une fois, il y a une grande méconnaissance de l'arôme de cassis frais au Québec, on lit parfois le descriptif cassis dans des notes de dégustation, mais ça me semble être souvent par acquis de conscience plutôt que tiré d'une expérience réelle, le cassis frais demeurant un fruit difficile à trouver dans notre province. Au moins l'amateur qui a écrit ce texte a adoré le vin, mais je serais curieux de voir si son amour pour ce genre de vin va durer. Si il veut devenir un véritable amateur il devra se conformer aux diktats du bon goût ou bien renoncer
.
Concha y Toro, Cabernet Sauvignon Private Reserve, Don Melchor, 1997
Wow. Quel nez ! On sent que c’est la même famille du vin précédent, mais en 4K, alors que l’autre est plus flat screen bon marché du genre Seiki. On est encore sur la menthe fraîche, mais à l’agitation apparaissent le basilic et le chocolat. Ensuite, quelqu’un du groupe mentionne que ça lui rappelle un plan de tomate l’été. Maudit. Dès qu’il a mentionné ça, on dirait que je me suis mis à focuser constamment là-dessus et je sentais rien d’autre ! N’ayant aucune expérience (mais là, aucune !) avec les vins chiliens…l’association n’était pas encore programmée dans mon cerveau. En parcourant le forum le lendemain…je me suis rendu compte que plan de tomate = Chili. Là où je vais peut-être étonner…est que ce fût pour moi aucunement un élément négatif. En fait, en bouche, le vin était magnifique. C’est rond, velouté sur des notes de fruits cuits, mais aucunement lourd. Quelle longueur sur des notes finales de chocolat noir rappelant le After Eight. Le vin de la soirée pour moi…je suis sur le cul ! Excellent
Voilà. Tout est là. Le phénomène de la propagation du plant de tomate chilien, unique au Québec, est expliqué dans ce texte. L'association est faite, le mot se passe entre amateurs, et l'idée s'incruste. À noter que l'amateur ne parle jamais d'arôme de cassis frais dans sa description du vin, alors qu'il s'agit de la caractéristique le plus commune dans les vins de Cabernet chiliens. Encore une fois, il y a une grande méconnaissance de l'arôme de cassis frais au Québec, on lit parfois le descriptif cassis dans des notes de dégustation, mais ça me semble être souvent par acquis de conscience plutôt que tiré d'une expérience réelle, le cassis frais demeurant un fruit difficile à trouver dans notre province. Au moins l'amateur qui a écrit ce texte a adoré le vin, mais je serais curieux de voir si son amour pour ce genre de vin va durer. Si il veut devenir un véritable amateur il devra se conformer aux diktats du bon goût ou bien renoncer
.
mercredi 10 février 2016
Vin propre et vin de terroir
La réputée sommelière Véronique Rivest est maintenant chroniqueuse-vin régulière au journal La Presse. Je me disais que son arrivée serait une bouffée d'air frais pour la section Vins de ce journal où Jacques Benoît nous répète les mêmes choses depuis des décennies. Malheureusement, je ne peux pas dire que je suis impressionné par les textes de madame Rivest. J'ai été déçu récemment par un texte rempli de clichés sur le Vieux et le Nouveau Monde. Voilà que cette semaine je suis encore plus déçu par un texte sur l'usage des pesticides dans la culture de la vigne. Là encore je trouve qu'on tombe dans les clichés et qu'on mélange tout. On mélange les producteurs de vins bas de gamme avec ceux qui visent la qualité. On mélange les terroirs et leurs particularités. Certains terroirs secs sont idéaux pour la culture biologique, alors que des terroirs plus humides s'y prêtent mal. On glorifie le biologique en omettant de mentionner que l'utilisation du cuivre qui y est permise est aussi très nocive, que se soit pas la santé que pour la qualité aromatique du vin.
Il y a plusieurs façons d'arriver à produire du vin de qualité. Il y en a en culture conventionnelle et en biologique. C'est du cas par cas. C'est une question de bonne application et de bonne adaptation des méthodes selon les conditions du lieu et du millésime. La même chose est vraie pour le résultat qui peut être obtenu selon les continents. La notion de nouveau et d'ancien mondes ne tient pas la route. C'est une idée grossière, une généralisation qui n'a pas sa place lorsqu'on traite de vin de qualité. Le style du vin est déterminé par celui qui l'élabore bien plus que par le terroir. Tout dépend du style et du niveau de qualité recherchés et des moyens mis en oeuvre pour y parvenir.
Finalement, là où j'ai tiqué le plus c'est sur la notion de vin propre et de vin de terroir. Pour madame Rivest, un vin propre serait un vin sans aucun résidus de pesticides qui de ce fait en ferait un réel vin de terroir. À mon sens rien n'est plus faux. Combien de vins minimalistes ai-je goûtés qui étaient totalement gâtés par des arômes déviants qui masquaient la vraie nature du vin et du terroir d'où ils étaient issus? Aussi, il n'y a pas une expression unique d'un terroir donné. L'usage de pesticides ou non, raisonnée ou non, n'est qu'une des variables de l'équation globale. Le résultat final dépendra beaucoup plus des décisions de culture du raisin qui n'ont rien à voir avec les pesticides. Le choix du matériel végétal, la configuration du vignoble, le rendement, la date de vendange, le contrôle microbiologique des fermentations, le niveau d'extraction, le mode et la durée de l'élevage. Ramener l'idée de vin de terroir et de vin propre à l'usage on non de pesticides est un non sens, sans compter que l'usage raisonné de pesticides peut être nécessaire dans bien des cas à l'atteinte d'un bon niveau qualitatif.
L'idée de la nature bienveillante est une idée séduisante qui a la vie dure. J'aurais aimé que Véronique Rivest me surprenne en arrivant avec une vision nuancée du monde du vin. L'élaboration du vin est un processus complexe comportant de très nombreuses variables où il est facile de tomber dans les clichés par désir de simplification. Pourtant le vin est un produit de civilisation où le jugement humain joue un rôle primordial. Élaborer du vin de qualité c'est d'abord et avant tout maîtriser du matériel vivant bien choisi, et ce, de la bonne façon selon les circonstances. C'est une oeuvre humaine, et en ce sens, le vin industriel bien fait peut aussi être un vin de terroir. La clé est dans le savoir-faire et son application, pas dans l'échelle de production où dans l'adhésion à une idéologie restrictive sur les façons de faire. Si on aime le vin fin et nuancé, on devrait en parler de façon tout aussi nuancée et éviter les généralisations grossières.
Il y a plusieurs façons d'arriver à produire du vin de qualité. Il y en a en culture conventionnelle et en biologique. C'est du cas par cas. C'est une question de bonne application et de bonne adaptation des méthodes selon les conditions du lieu et du millésime. La même chose est vraie pour le résultat qui peut être obtenu selon les continents. La notion de nouveau et d'ancien mondes ne tient pas la route. C'est une idée grossière, une généralisation qui n'a pas sa place lorsqu'on traite de vin de qualité. Le style du vin est déterminé par celui qui l'élabore bien plus que par le terroir. Tout dépend du style et du niveau de qualité recherchés et des moyens mis en oeuvre pour y parvenir.
Finalement, là où j'ai tiqué le plus c'est sur la notion de vin propre et de vin de terroir. Pour madame Rivest, un vin propre serait un vin sans aucun résidus de pesticides qui de ce fait en ferait un réel vin de terroir. À mon sens rien n'est plus faux. Combien de vins minimalistes ai-je goûtés qui étaient totalement gâtés par des arômes déviants qui masquaient la vraie nature du vin et du terroir d'où ils étaient issus? Aussi, il n'y a pas une expression unique d'un terroir donné. L'usage de pesticides ou non, raisonnée ou non, n'est qu'une des variables de l'équation globale. Le résultat final dépendra beaucoup plus des décisions de culture du raisin qui n'ont rien à voir avec les pesticides. Le choix du matériel végétal, la configuration du vignoble, le rendement, la date de vendange, le contrôle microbiologique des fermentations, le niveau d'extraction, le mode et la durée de l'élevage. Ramener l'idée de vin de terroir et de vin propre à l'usage on non de pesticides est un non sens, sans compter que l'usage raisonné de pesticides peut être nécessaire dans bien des cas à l'atteinte d'un bon niveau qualitatif.
L'idée de la nature bienveillante est une idée séduisante qui a la vie dure. J'aurais aimé que Véronique Rivest me surprenne en arrivant avec une vision nuancée du monde du vin. L'élaboration du vin est un processus complexe comportant de très nombreuses variables où il est facile de tomber dans les clichés par désir de simplification. Pourtant le vin est un produit de civilisation où le jugement humain joue un rôle primordial. Élaborer du vin de qualité c'est d'abord et avant tout maîtriser du matériel vivant bien choisi, et ce, de la bonne façon selon les circonstances. C'est une oeuvre humaine, et en ce sens, le vin industriel bien fait peut aussi être un vin de terroir. La clé est dans le savoir-faire et son application, pas dans l'échelle de production où dans l'adhésion à une idéologie restrictive sur les façons de faire. Si on aime le vin fin et nuancé, on devrait en parler de façon tout aussi nuancée et éviter les généralisations grossières.
vendredi 15 janvier 2016
CABERNET SAUVIGNON, RESERVE, 2001, MAIPO, VINA CARMEN
Je sais, un autre Cab, Reserva chilien. Je sais que j'ai beaucoup tapé sur ce clou ici sur ce blogue, mais quand le vin est d'un tel niveau pour un prix aussi ridicule, il est difficile de ne pas en rendre compte. Si j'arrivais à convaincre qu'un seul amateur de mettre ce type de vin à l'ombre pour 10-15 ans, le temps pris pour écrire ce texte en aurait valu la peine. Il n'y a que ce blogue qui transmet ce message à propos de ce type de vins du Chili, les producteurs chiliens eux-mêmes ignorent la plupart du temps le potentiel de garde de leur vins de cette gamme de prix.
La robe grenat, bien translucide au pourtour du disque, montre clairement les signes de l'évolution. Il en va de même pour le nez qui exhale des arômes de fruits noirs et de cerises difficiles à décrire avec justesse, mais qui n'ont plus rien à voir avec le fruité primaire de jeunesse. À cela s'ajoute des notes de bois de cèdre, d'épices douces évoluées, de terre humide et de subtile torréfaction. Beau nez élégant et raffiné. Le charme se poursuit en bouche où l'on retrouve la même impression de fine élégance. Le vin montre un profil fondu où tous les éléments semblent altérés par le temps en bouteille. Je dis altérés, mais il s'agit d'une altération heureuse qui apporte subtilité et finesse à l'ensemble. La vin a encore une bonne matière, toute la présence voulue, et une texture des plus soyeuses. Un nectar vraiment délicieux et très facile à boire. La finale ne trahit rien, au contraire, avec un harmonieux sursaut d'intensité des saveurs et une bonne persistance aromatique.
Pouvoir ouvrir un tel vin par un petit jeudi soir de janvier est un réel privilège. Comme souvent mes propos pourront paraître excessifs face à un de ces fameux Cabs chiliens de type Reserva. Si c'est le cas je ne vous blâme pas. Vu de l'extérieur c'est difficile de croire qu'un vin payé à l'époque aux alentours de 15$ puisse environ 13 ans plus tard donner un tel résultat. Il faut vraiment goûter au vin pour le croire. À l'aveugle ce vin passerait pour un bordeaux de très bon niveau sans aucune difficulté. Tout est là, une matière encore consistante marquée au sceau de l'équilibre, de la finesse et de l'élégance. Le Cab chilien à son meilleur, sans excès et sans avoir à attendre 25 ans pour atteindre l'équilibre des beaux vins évolués et à point. À 13.5% d'alcool, en 2001, ce vin marquait la fin d'une époque au Chili, celle d'avant la recherche effrénée de la maturité phénolique, pourtant il ne montre aucun signe de verdure. Ceci dit, cette époque est maintenant de retour dans l'offre chilienne et il est aujourd'hui assez facile de trouver ce type de rouge qui titre à 13.5%. La version 2012 de ce vin est offerte à la SAQ, maintenant désignée comme Gran Reserva, et titre à 14%.
vendredi 8 janvier 2016
PINOT NOIR, SINGLE VINEYARD, VIENTO MAR, 2013, SAN ANTONIO, VINA CONO SUR
Cono Sur est le plus grand producteur de vin de Pinot Noir au monde en terme de volume. Il furent aussi les pionniers de ce cépage au Chili, mais il faut admettre qu'au début c'était un peu n'importe quoi avec des vignobles du capricieux cépage plantés au cœur de la chaude vallée de Colchagua, avec du matériel végétal chilien qui n'était peut-être pas ce qu'il y avait de mieux. Aujourd'hui tout cela a changé, les clones importés du cépage sont plantés dans des terroirs beaucoup plus frais et appropriés. Dans le cas présent, le terroir est celui de la région côtière de San Antonio, le vignoble Campo Lindo étant situé à 15 km du Pacifique. Le vin provient d'une parcelle spécifique de ce vignoble appelée Viento Mar (vents de la mer). Le sol est composé d'un mélange de granit et d'argile et les températures diurnes n'excèdent pas 26 dégrés Celcius. La vendange est manuelle et le vin est élevé 11 mois en barriques de chêne français d'âge non spécifié. Selon la SAQ le vin titre à 13.9% d'alcool, avec 3 g/L de sucres résiduels. Le producteur lui indique 14.1% et 3.8 g/L et un pH de 3.53.
La robe est d'un beau rubis translucide. Le nez est bien dégourdi et exhale des arômes de cerise, de fraise, de muscade, de vanille, de caramel et de torréfaction. Beau nez où le fruit tient le premier rôle, avec une touche boisée douce et bien dosée. En bouche le vin montre une palette de saveurs très intenses, fidèle au style des jeunes vins de cette maison. Encore une fois le fruit tient le haut du pavé de manière éclatante. Ce fruité montre une douceur qui semble amplifiée par le jeune boisé, mais tout cela est bien soutenu par une juste dosé d'amertume chocolatée et une fraîche acidité. En milieu de bouche le vin a beaucoup de présence, une matière consistante, avec l'aspect fruité qui domine toujours. Le fruité est si intense qu'il s’accommode bien de l'aspect boisé non négligeable. La finesse tannique contribue à la buvabilité de cet intense nectar. La finale voit l'intensité monter d'un cran sur une longueur de très bon niveau.
Beau vin encore très jeune, typique de ce que le Pinot peut donner dans le terroir frais et maritime de San Antonio. Le vin est aussi typiquement chilien avec ce fruité naturellement doux (non sucré) et très intense qui caractérise les bons vins chiliens en jeunesse. L'apport boisé est aussi bien perceptible, mais c'est tout à fait normal pour un vin de ce style avec une telle matière. On a souvent tendance à catégoriser les vins chiliens selon leurs prix en rapport avec des critères européens. Un bourgogne de 20$ n'est pas un vin de garde, mais un vin comme Viento Mar en est un. Si on décide de le boire en jeunesse, il faut assumer le style très intense qui vient avec. Un si jeune vin avec une telle matière n'a pas eu encore le temps de s'assagir. Je commence à avoir pas mal de cuvées de Pinot Noir chilien en cave, mais les plus âgées sont du millésime 2005. Il m'est donc encore difficile de porter un jugement aussi définitif sur les vins chiliens de ce cépage, que je peux le faire avec les vins de cépages bordelais ou de Syrah. Ceci étant dit, je suis tombé cette semaine sur une note de dégustation récente publiée sur le forum LPV à propos du Pinot Noir, 2003, San Antonio, Amayna. La note est très positive et concorde avec mon expérience à date avec la garde des rouges chiliens, soit une disparition de la douceur du fruit avec l'âge de concert avec une intégration harmonieuse du boisé où les notes vanillées se transforment en quelque chose de plus subtil et raffiné. Selon l'auteur de la note de dégustation, le vin de Amayna, avec presque 13 ans au compteur, se rapproche d'un grand bourgogne. Il semblerait donc que le Chili soit en bonne voit de reproduire avec les vins de Pinot ce qu'elle accomplit déjà avec les vins issus d'autres grands cépages français, c'est-à-dire des vins qui se rapprochent beaucoup de très bonnes versions françaises avec l'âge, tout en étant clairement différents en jeunesse. Cette cuvée Viento Mar de Cono Sur me semble posséder toutes les qualités requises pour suivre cette voie, et de grâce, oubliez le prix de 19.95$, ce vin joue clairement dans un calibre bien supérieur.
mardi 8 décembre 2015
Vin nature: Pourquoi est-il difficile d'aimer?
Tranquille dans l'écriture sur ce blogue depuis un certain temps, mais je suis tombé sur un texte de Marc André Gagnon aujourd'hui sur le site Vin Québec qui m'a totalement sidéré. M. Gagnon y explique avoir assisté à une dégustation de vins natures et avoir eu du mal à aimer, comme la plupart des dégustateurs présents. Jusque là il n'y avait rien de surprenant. Là où M. Gagnon m'a jeté par terre c'est dans sa quête d'explications pour comprendre le caractère rebutant de plusieurs de ces vins.
Le vin aux arômes fruités, épicés et floraux plaisants est essentiellement dû à l'action d'un micro-organisme et des enzymes codés dans son génome qu'il exprime. Ce micro-organisme est la levure Saccharomyces cerevisiea. Ce micro-organisme ne produit pas d'arômes désagréables en cours de fermentation car il possède la bonne série d'enzymes. Le match entre la génétique de Vitis vinifera et Saccharomyces cerevisiea est un match parfait. Toutes les voies métaboliques permises par les enzymes de ces organismes, vigne bien cultivée et levure, mènent à un résultat heureux. La base du vin tel qu'on le connaît et l'accepte généralement est dû à cette combinaison vigne-levure. Toutefois, pour que ce résultat se révèle à son plein potentiel, l'intervention humaine est primordiale. La vigne doit être cultivée de la bonne façon et le raisin récolté au bon moment. Ensuite, le processus de fermentation doit assurer la prédominance claire de Saccharomyces cerevisiea et la stabilité relative du résultat final. Pour cela l'usage éclairé des sulfites est primordial. Les sulfites sont nécessaires pour éviter l'action d'autres micro-organismes et pour préserver le vin de l'oxydation. Les sulfites sont le complément nécessaire au duo béni vinifera-cervesiea.
Lorsqu'on laisse d'autres enzymes issues d'autres micro-organismes venir agir sur la matière produite par le duo béni, on ouvre la porte au pire. On ouvre la porte à des organismes de dégradation, voire de putréfaction, qui par nature produisent des arômes désagréables. Le vin nature contient toutes sortes d'arômes rebutants car on laisse agir des micro-organismes indésirables sur la matière obtenue. Ces micro-organismes indésirables (levures, bactéries) possèdent des enzymes qui permettent la dégradation des arômes plaisants, ou de molécules inodores, en arômes déplaisants. On peut ajouter à cela le processus d'oxydation que favorise l'absence de sulfites comme facteur aggravant, l'oxydation générant souvent des arômes désagréables, comme, par exemple, l'odeur de beurre rance.
Je le répète, la base du vin tel qu'on le conçoit généralement est le raisin de Vitis vinifera bien cultivé, fermenté sous très forte influence de Saccharomyces cerevisiea. et stabilisé par addition de sulfites. Ce trio donne la base aromatique plaisante du vin, l'élevage sous bois peut venir ajouter des éléments aromatiques exogènes, et la micro-oxygénation de l'élevage sous bois peut aussi finement altérer le profil aromatique. Il y a ensuite l'élevage en bouteille qui est un long processus qui peut aussi modifier positivement le vin stable au niveau microbiologique. La base du vin c'est ça. Ceci dit, je sais d'expérience que tous les goûts sont dans la nature et que la sensibilité aux arômes peut être très variable entre individus. Je sais que certains amateurs aiment des vins sentant le crottin de cheval, le poulailler et autre odeurs normalement déplaisantes. Je sais que certains aiment aussi des vins volontairement oxydés, mais pour moi l'essence du vin n'est pas là. Le vin de terroir qui m'intéresse est le vin issu de l'action du duo béni vinifera-cervesiae. Je veux que mes vins reflètent le génome du cépage, lorsque bien cultivé et modulé par le terroir, et que cette empreinte unique ne soit pas altérée par une panoplie de micro-organismes de dégradations nuisibles. Telle est ma conception du vin, le reste c'est de l'esbroufe pour amateur blasé ou pour sommelier en quête de pseudo nouveauté.
jeudi 12 novembre 2015
CÔT, LIMITED EDITION, 2005, ALTO MAIPO, VINA PEREZ CRUZ
Ah! Perez Cruz. Le producteur chilien pour faire crier d'horreur tous les europhiles que le côté végétal de certains jeunes rouges chiliens de la vallée centrale horripile. Perez Cruz c'est pourtant un des producteurs chiliens qui donne le plus dans le vin de terroir. Ce terroir de Huelquen, dans la partie sud-est de l'Alto Maipo, transcende les cépages et se retrouve en jeunesse dans tous les vins de ce producteur qui ne fait que du rouge. Autre preuve s'il en fallait de l'approche terroir éclairée qui prévaut dans cette maison qui fait de la qualité sur toute sa gamme de vins. Avec maintenant 10 années au compteur, j'ai pensé que c'était un bon moment pour évaluer ce vin de Malbec, un cépage à l'aspect végétal moins exacerbé que les cépages de la famille des Cabernets. Voyons ce que ça donne.
La robe est toujours sombre et opaque. Le nez est distinctif. Le style Perez Cruz qui transcenda les cépages y est facilement reconnaissable, surtout à l'ouverture où un aspect sauvage est bien présent. Le vin présente un aspect végétal (frais et vert) bien senti (cassis frais, menthol, eucalyptus, camphre, poivron vert et rouge, résine, sous-bois). Tout cela est mélangé à une bonne présence fruitée (cerise, côté fruité du cassis frais) et à des notes boisées (épices douces, torréfaction). Toutefois, l'aspect végétal perd en importance après une longue aération, et est presque imperceptible le deuxième jour. Globalement on a affaire à un vin au nez très complexe et évolutif présentant une large palette d'arômes. C'est un peu déroutant à l'ouverture et plus classique le lendemain. Le bouche a suivi le même processus d'évolution, mais de manière moins accentuée au niveau de la perception du phénomène. Le fruité très marqué joue un peu un rôle de tampon et garde tout du long le devant de la scène. L'attaque est ample et intense, avec un équilibre de vin qui commence juste à s'assouplir un peu. La présence en bouche est encore très forte et les saveurs n'ont pas encore la marque claire de l'évolution en bouteille. Ce vin est donc un jeune adulte qui commence à montrer un profil un peu plus retenu, même s'il a encore la fermeté et l'intensité de la jeunesse. Le niveau de concentration est élevé et la matière dense, mais la souplesse tannique permet l'obtention d'un bel équilibre vigoureux à ce stade. Le cassis épicé marque le milieu de bouche et la finale est intense et longue sur des relents chocolatés amers à la toute fin.
Bel exemple de rouge chilien relativement ambitieux et entre deux âges qui assume complètement son origine. On est ici sur un réel vin de terroir en ce sens que le cépage semble un facteur secondaire pour expliquer la nature du vin. Ceci dit, plus le temps passera et moins ce sera vrai. Plus le temps passera et plus le côté végétal du vin s'amenuisera pour laisser dans 10 ans toute la place à un fruité/épicé évolué de très belle facture. Ce vin est un bon exemple de vin de connaisseur. Je dis cela sans prétention. Je veux juste dire qu'il faut bien connaître le vin chilien et sa dynamique de garde pour pouvoir le mettre en juste perspective. C'est un vin qui pourrait facilement être condamné en jeunesse par certains amateurs qui n'ont pas l'habitude de ce type de vins. En d'autre mots, je pourrais dire que les vins de Perez Cruz ont un côté exacerbé qui demande à être apprivoisé, pas pour rien que j'utilise l'adjectif sauvage pour les décrire en jeunesse. Des vins qui en jeunesse demandent au non initié la volonté de sortir de sa zone de confort, et qui récompenseront l'amateur qui aura su patienter, avec un superbe profil de rouge évolué. Perez Cruz se situe au haut de la liste des producteurs chiliens d'inspiration bordelaise. Un vin de Perez Cruz est disponible au Québec, le moins bordelais du lot, soit la Syrah, Limited Edition, 2010. J'ai déjà commenté le millésime 2003 de cette cuvée. C'est une très belle Syrah chilienne de la vallée centrale avec un superbe potentiel de garde. Vaut amplement son prix.
dimanche 1 novembre 2015
Le vin sauvage
Ceux qui me lisent avec régularité savent que je ne suis pas séduit par l'idée romantique de vin naturel. Une de mes critiques pour dénoncer ce mouvement est que la culture de la vigne n'est pas naturelle, surtout en Europe où la grande majorité des vignes sont greffées sur des portes-greffes. L'idée de vin naturel meure ainsi dans l’œuf. Un producteur chilien, J. Bouchon, vient de m'enlever un de mes arguments en élaborant un vin sauvage. C'est-à-dire un vin élaboré à partir de raisins venant de vieilles vignes non cultivées et non greffées du cépage Pais. Bien sûr le vin ne se fait pas tout seul et a toujours besoin de l'intervention humaine pour exister, mais à ma connaissance c'est le vin qui se rapproche le plus de l'idée impossible de vin naturel. Ceci dit, cette façon de faire est bien sûr inapplicable pour une réelle production commerciale et n'a aucun lien avec la qualité finale du produit. Il s'agit plus d'une curiosité pour "wine geek" qui veut goûter le vin élaboré de toutes les manières possibles.
lundi 26 octobre 2015
L'art de se tirer dans le pied
L'art de se tirer dans le pied, c'est vraiment la phrase qui m'est venue en tête à la lecture d'un article récent de la revue Decanter sur l'état des vins de Cabernet Sauvignon au Chili. Cet article fait suite à une dégustation en semi-aveugle de jeunes Cabs publiée aussi dans Decanter en juin dernier. Je spécifie jeunes et semi-aveugle car les résultats de cette dégustation me semblent très sévères et la connaissance de l'origine des vins et leur prime jeunesse, sans mise en contexte du potentiel d'évolution des vins, me semble être en cause pour expliquer le jugement sévère. Cela sans compter l'absence de bon nombre de vins intéressants de ce cépage. Les dégustateurs savaient qu'il n'y avait pas de grands noms dans le lot pouvant les faire mal paraître car il n'y a pas au Chili de monuments inattaquables. Disons que ça aide à être sévère, surtout lorsque saturé par la dégustation à la chaîne de 86 jeunes vins du tannique cépage. Ceci dit, au-delà des résultats de la dégustation, ce sont les propos des winemakers chiliens qui m'ont déçus. Il faut dire que l'auteur spécifie que le constat est loin d'être unanime mais il a préféré transmettre le message de ceux séduits par l'approche minimaliste.
La mode dans le monde du vin est au minimalisme avec comme devise le fameux "Less is more". Cette mouvance en a aussi contre les grands cépages et préfère les cépages obscurs aux Cab, Pinot et Chardonnay de ce monde. La production à large échelle est aussi vue comme une mauvaise chose. Les défenseurs de cette vision du monde du vin ont une influence importante sur la presse spécialisée. Il est de bon ton pour les chroniqueurs-vins de donner un écho favorable à cette idéologie qui mélange bien des choses en oubliant souvent la qualité réelle du vin. Comment ne pas avoir un préjugé favorable pour un petit producteur artisan versus un grand château bordelais ou une grande compagnie qui rime avec industrie?
Cette bataille idéologique ne me dérange pas vraiment d'un point de vue global. Elle est même saine à plusieurs égards et peut servir de contrepoids à une tendance globalisante et corporatiste. Ceci dit, il y a des pays qui ont un statut tellement solide que ces batailles peuvent avoir lieu à l'interne. Des Français peuvent dénoncer des Français et dire que Bordeaux c'est terrible, la force de la marque France en matière de vin est tellement grande qu'il n'y a pas de répercussions réelles car il y a une clientèle pour chaque groupe. Dans le cas du Chili, la situation est toute autre. Ce pays vinicole semble souffrir de tous les supposés vices dénoncés par le mouvement minimaliste. C'est un pays où l'activité vinicole est d'abord et avant tout une industrie d'exportation contrôlée en majorité par de grosses compagnies. C'est aussi un pays en déficit de prestige et qui se rabat sur des cépages prestigieux pour essayer de se donner un tout petit peu de ce prestige. Comme la production du pays est axée sur l'exportation, les vins sont souvent élaborés pour tenter de plaire à ces marchés de la façon la plus évidente. Il est clair que ce n'est pas le royaume du vin d'auteur. C'est aussi un pays qui pour des raisons commerciales à court terme ignore très largement le potentiel de garde de ses vins, même si à moyen et long terme cela pouvait contribuer à améliorer l'image de ceux-ci.
Toute comparaison est un peu boiteuse, mais au Chili, les grosses compagnies sont un peu l'équivalent de Bordeaux en France. Elles produisent du volume et sont capables du meilleur comme du pire. La différence étant que les grosses compagnies vinicoles du Chili n'ont pas de monuments inébranlables comme les grands crus classés pour s'ancrer contre les charges à son encontre. En France tous les petits qui veulent se démarquer peuvent casser du sucre sur le dos de Bordeaux sans conséquences réelles. Le Chili n'a pas ce luxe. Quand des producteurs chiliens, attirés par l'approche minimaliste, vont dans une revue comme Decanter pour parler négativement des vins de Cabernet de ce pays, sans trop de nuances, cela n'aide certainement pas leur cause. Je pense vraiment que c'est un geste irréfléchi et nuisible pour l'ensemble. Tous les pays produisent de mauvais vins, ou des vins formulés et sans trop d'intérêt. Des vins strictement commerciaux et industriels il y en aura toujours, certains exécrables, et d'autres pas mauvais.du tout, au Chili comme ailleurs. Le Chili a suivi au cours de la première décennie du présent siècle la mode de la maturité phénolique à tout prix. À ce chapitre il n'a pas été différent des autres pays où l'on a vu une montée générale des titres alcooliques que cette pratique entraîne. Ceci dit, beaucoup de vins élaborés selon cette approche sont très bons, quoi qu'on en dise. Bien sûr, si notre truc c'est le vin léger et gouleyant, je ne vois pas d'intérêt à s'intéresser au Cab. Quand je vois Marcelo Retamal de De Martino dire qu'il n'aime pas ses vins des années 2000 ça me fait un peu de peine car il a tort. J'ai encore de ses vins du début du siècle en cave et qui titrent à 14.5%. Ces vins ont très bien évolué, intégré leur bois et sont actuellement délicieux. Qu'on veuille faire du Cab avec un style de Beaujolais, moi je veux bien, mais je persiste à croire que la force du cépage réside ailleurs et je ne mettrais pas bien des bouteilles de ces vins peu extraits et boisés en cave. Le bois bien utilisé fait partie intégrante des rouges de type bordelais, peu importe l'origine. Il est à mon avis essentiel pour permettre au vin de bien vieillir. Qu'on veuille une plus grande variété stylistique me semble tout à fait souhaitable. Le Chili a déjà prouvé qu'il pouvait faire de très beaux vins de longue garde avec des fruits vendangés plus hâtivement. D'ailleurs, depuis 2010 environ, on voit une baisse des titres alcooliques de bien des rouges chiliens. Il y a un retour à des vendanges plus hâtives, mais le style très mature est toujours bien présent. Je suis pour cette variété stylistique, mais il n'y pas besoin de rabaisser une chose pour vanter les mérites d'une autre. Bordeaux a ses vins à 14.5% et même parfois 15% d'alcool, je ne vois pas pourquoi ce serait terrible de faire ça dans la vallée centrale chilienne qui a des zones de culture plus chaudes. Non. Le Chili n'a vraiment pas le luxe de jouer le jeu des guéguerres idéologiques qu'on voit en Europe.
Finalement, les résultats de la dégustation et l'article de Decanter montrent très bien que la plus grande carence des producteurs chiliens repose dans leur ignorance du potentiel de garde de leurs vins. Un article récent de la revue chilienne Vitis Magazine met très bien en lumière cette situation. La garde du vin n'est associée par les producteurs chiliens qu'à leurs méga-cuvées hyper concentrées et très chères qui prendront au moins 30 ans à s'assouplir un peu. Il n'y a pas de culture générale de garde du vin au Chili et les producteurs ne veulent pas investir dans des installations pour le faire. La vision est basée sur le retour sur investissement à très court terme et le pays continue de mettre en marché des vins très jeunes souvent difficiles à boire tellement ils débordent de matière. Dans ce contexte, la plupart des critiques qui évaluent de jeunes vins chiliens font fi du potentiel de garde de ceux-ci car ils n'ont pas d'expérience avec des vins évolués de ce pays et que cela n'est jamais mis de l'avant par les producteurs, exemples à l'appui. Dans ces conditions, pas étonnant que les très jeunes vins soient rapidement condamnés. Je sais par expérience que le potentiel de métamorphose de plusieurs de ces vins est difficile à prévoir lorsqu'on les aborde dans toute l'exubérance chilienne de leur jeunesse. Pour un palais européen, ces jeunes vins semblent souvent avoir trop de tout, alors que 10-20 ans plus tard ils atteignent un autre type d'équilibre, plus classique. Moi je les aime des deux manières car la garde du vin est une façon d'accéder avec les mêmes vins à plus de variété stylistique. Dommage que les chiliens n'aient pas compris le potentiel de leurs propres vins. Vraiment, autant j'aime les vins de ce pays, autant, parfois, ceux qui les font me désespèrent. Je suppose que c'est une caractéristiques des petits peuples du Nouveau-Monde de ne pas avoir pleinement conscience de leur potentiel. Comme Québécois c'est quelque chose que je peux comprendre.
La mode dans le monde du vin est au minimalisme avec comme devise le fameux "Less is more". Cette mouvance en a aussi contre les grands cépages et préfère les cépages obscurs aux Cab, Pinot et Chardonnay de ce monde. La production à large échelle est aussi vue comme une mauvaise chose. Les défenseurs de cette vision du monde du vin ont une influence importante sur la presse spécialisée. Il est de bon ton pour les chroniqueurs-vins de donner un écho favorable à cette idéologie qui mélange bien des choses en oubliant souvent la qualité réelle du vin. Comment ne pas avoir un préjugé favorable pour un petit producteur artisan versus un grand château bordelais ou une grande compagnie qui rime avec industrie?
Cette bataille idéologique ne me dérange pas vraiment d'un point de vue global. Elle est même saine à plusieurs égards et peut servir de contrepoids à une tendance globalisante et corporatiste. Ceci dit, il y a des pays qui ont un statut tellement solide que ces batailles peuvent avoir lieu à l'interne. Des Français peuvent dénoncer des Français et dire que Bordeaux c'est terrible, la force de la marque France en matière de vin est tellement grande qu'il n'y a pas de répercussions réelles car il y a une clientèle pour chaque groupe. Dans le cas du Chili, la situation est toute autre. Ce pays vinicole semble souffrir de tous les supposés vices dénoncés par le mouvement minimaliste. C'est un pays où l'activité vinicole est d'abord et avant tout une industrie d'exportation contrôlée en majorité par de grosses compagnies. C'est aussi un pays en déficit de prestige et qui se rabat sur des cépages prestigieux pour essayer de se donner un tout petit peu de ce prestige. Comme la production du pays est axée sur l'exportation, les vins sont souvent élaborés pour tenter de plaire à ces marchés de la façon la plus évidente. Il est clair que ce n'est pas le royaume du vin d'auteur. C'est aussi un pays qui pour des raisons commerciales à court terme ignore très largement le potentiel de garde de ses vins, même si à moyen et long terme cela pouvait contribuer à améliorer l'image de ceux-ci.
Toute comparaison est un peu boiteuse, mais au Chili, les grosses compagnies sont un peu l'équivalent de Bordeaux en France. Elles produisent du volume et sont capables du meilleur comme du pire. La différence étant que les grosses compagnies vinicoles du Chili n'ont pas de monuments inébranlables comme les grands crus classés pour s'ancrer contre les charges à son encontre. En France tous les petits qui veulent se démarquer peuvent casser du sucre sur le dos de Bordeaux sans conséquences réelles. Le Chili n'a pas ce luxe. Quand des producteurs chiliens, attirés par l'approche minimaliste, vont dans une revue comme Decanter pour parler négativement des vins de Cabernet de ce pays, sans trop de nuances, cela n'aide certainement pas leur cause. Je pense vraiment que c'est un geste irréfléchi et nuisible pour l'ensemble. Tous les pays produisent de mauvais vins, ou des vins formulés et sans trop d'intérêt. Des vins strictement commerciaux et industriels il y en aura toujours, certains exécrables, et d'autres pas mauvais.du tout, au Chili comme ailleurs. Le Chili a suivi au cours de la première décennie du présent siècle la mode de la maturité phénolique à tout prix. À ce chapitre il n'a pas été différent des autres pays où l'on a vu une montée générale des titres alcooliques que cette pratique entraîne. Ceci dit, beaucoup de vins élaborés selon cette approche sont très bons, quoi qu'on en dise. Bien sûr, si notre truc c'est le vin léger et gouleyant, je ne vois pas d'intérêt à s'intéresser au Cab. Quand je vois Marcelo Retamal de De Martino dire qu'il n'aime pas ses vins des années 2000 ça me fait un peu de peine car il a tort. J'ai encore de ses vins du début du siècle en cave et qui titrent à 14.5%. Ces vins ont très bien évolué, intégré leur bois et sont actuellement délicieux. Qu'on veuille faire du Cab avec un style de Beaujolais, moi je veux bien, mais je persiste à croire que la force du cépage réside ailleurs et je ne mettrais pas bien des bouteilles de ces vins peu extraits et boisés en cave. Le bois bien utilisé fait partie intégrante des rouges de type bordelais, peu importe l'origine. Il est à mon avis essentiel pour permettre au vin de bien vieillir. Qu'on veuille une plus grande variété stylistique me semble tout à fait souhaitable. Le Chili a déjà prouvé qu'il pouvait faire de très beaux vins de longue garde avec des fruits vendangés plus hâtivement. D'ailleurs, depuis 2010 environ, on voit une baisse des titres alcooliques de bien des rouges chiliens. Il y a un retour à des vendanges plus hâtives, mais le style très mature est toujours bien présent. Je suis pour cette variété stylistique, mais il n'y pas besoin de rabaisser une chose pour vanter les mérites d'une autre. Bordeaux a ses vins à 14.5% et même parfois 15% d'alcool, je ne vois pas pourquoi ce serait terrible de faire ça dans la vallée centrale chilienne qui a des zones de culture plus chaudes. Non. Le Chili n'a vraiment pas le luxe de jouer le jeu des guéguerres idéologiques qu'on voit en Europe.
Finalement, les résultats de la dégustation et l'article de Decanter montrent très bien que la plus grande carence des producteurs chiliens repose dans leur ignorance du potentiel de garde de leurs vins. Un article récent de la revue chilienne Vitis Magazine met très bien en lumière cette situation. La garde du vin n'est associée par les producteurs chiliens qu'à leurs méga-cuvées hyper concentrées et très chères qui prendront au moins 30 ans à s'assouplir un peu. Il n'y a pas de culture générale de garde du vin au Chili et les producteurs ne veulent pas investir dans des installations pour le faire. La vision est basée sur le retour sur investissement à très court terme et le pays continue de mettre en marché des vins très jeunes souvent difficiles à boire tellement ils débordent de matière. Dans ce contexte, la plupart des critiques qui évaluent de jeunes vins chiliens font fi du potentiel de garde de ceux-ci car ils n'ont pas d'expérience avec des vins évolués de ce pays et que cela n'est jamais mis de l'avant par les producteurs, exemples à l'appui. Dans ces conditions, pas étonnant que les très jeunes vins soient rapidement condamnés. Je sais par expérience que le potentiel de métamorphose de plusieurs de ces vins est difficile à prévoir lorsqu'on les aborde dans toute l'exubérance chilienne de leur jeunesse. Pour un palais européen, ces jeunes vins semblent souvent avoir trop de tout, alors que 10-20 ans plus tard ils atteignent un autre type d'équilibre, plus classique. Moi je les aime des deux manières car la garde du vin est une façon d'accéder avec les mêmes vins à plus de variété stylistique. Dommage que les chiliens n'aient pas compris le potentiel de leurs propres vins. Vraiment, autant j'aime les vins de ce pays, autant, parfois, ceux qui les font me désespèrent. Je suppose que c'est une caractéristiques des petits peuples du Nouveau-Monde de ne pas avoir pleinement conscience de leur potentiel. Comme Québécois c'est quelque chose que je peux comprendre.
mardi 20 octobre 2015
Brettanomyces: Le processus d'acceptation
Oui je sais, retour encore une fois sur ce sujet. Je ne pouvais passer à côté, étant tombé sur un texte dans la revue Decanter qui illustre parfaitement comment on en vient à accepter les arômes de Bretts dans le vin, et même à prétendre trouver ça bon. Le chroniqueur Andrew Jefford nous explique avoir participé à une dégustation à l'aveugle de Cabs californiens et australiens haut de gamme et que lui et deux de ses collègues y ont mal coté le vin californien Cain Five, 2008. La suite est intéressante puisqu'on y apprend que M. Jefford s'est senti un devoir de contacter le winemaker du Cain Five, Chris Howell, pour s'excuser d'avoir mal coté son vin. Un comportement qui en dit beaucoup déjà sur la difficulté qui existe dans ce milieu à dire du mal de vins chers et réputés. Il faut protéger ses arrières pour durer dans ce métier. Jusque là M. Jefford ne parle pas de Bretts pour expliquer pourquoi il n'a pas aimé le Cain Five. Puis ensuite on apprend que l'explication de M. Howell est qu'il produit des vins réduits et brettés intentionnellement. Pas de surprise-là pour moi. J'ai toujours dit que des producteurs utilisaient les levures Brettanomyces intentionnellement pour donner un style particulier à leurs vins.
La suite de l'histoire montre comment on en vient à accepter les Bretts dans les vins haut de gamme. Jefford n'a pas aimé le vin à l'aveugle, ses collègues non plus, le caractère bretté en est fort probablement une cause, mais son ami winemaker lui explique qu'au contraire c'est une bonne chose, comme d'autres défauts œnologiques. M. Jefford gobe ça et se monte un petit scénario alambiqué pour valider le tout. Il nous dit avoir ensuite fait goûter le vin à un bon petit couple qui connaîtrait peu de chose en matière de vin, mais qui à l'évidence ont un palais bien français et aiment bien le profil aromatique des bons vieux clarets, et voilà, le tour est joué! Le vin qui n'était pas aimé à l'aveugle est réhabilité, face à un vilain vin sucré/vanillé du Nouveau-Monde, en même temps que ses défauts qui devraient être d'une autre époque. Cet exemple montre bien le processus insidieux qui amène l'amateur à accepter et même, à terme, apprécier les arômes de bretts. Des arômes qui sont à la base rebutants pour une majorité de personnes sont apprivoisés par les dégustateurs car ils sont présents dans des vins de renom. Je l'ai déjà dit, pour devenir un amateur de vin haut de gamme il faut pouvoir accepter les arômes de bretts, ou y être peu ou pas sensible.
Cet exemple montre aussi que ces arômes sont placés-là volontairement par de nombreux producteurs. Je me souviens m'être déjà sévèrement fait rabrouer sur un forum de discussion pour avoir avancé que des producteurs utilisaient les Bretts volontairement dans l'élaboration de leurs vins. Le cas de M. Howell et de son Cain Five a le mérite d'être clair. Pas de petit secret un peu honteux de fabrique. Le texte de Andrew Jefford montre bien comment on peut tordre une réalité de départ pour qu'à la fin elle corresponde à ce qu'on voudrait qu'elle soit et devienne ainsi acceptable. Le même processus opère pour l'amateur de vin novice devant un verre d'un vin renommé et bretté ouvert par un ami connaisseur. Le buveur expérimenté s'extasie de la complexité du bouquet et de la qualité du vin, et face à cela le novice prend note. Ensuite, soit il renonce aux grands vins, soit il acquiert le goût avec le temps et l'habitude et transmet la chose par la suite au prochain novice qui voudra découvrir ce monde merveilleux où le conformisme joue un grand rôle.
La suite de l'histoire montre comment on en vient à accepter les Bretts dans les vins haut de gamme. Jefford n'a pas aimé le vin à l'aveugle, ses collègues non plus, le caractère bretté en est fort probablement une cause, mais son ami winemaker lui explique qu'au contraire c'est une bonne chose, comme d'autres défauts œnologiques. M. Jefford gobe ça et se monte un petit scénario alambiqué pour valider le tout. Il nous dit avoir ensuite fait goûter le vin à un bon petit couple qui connaîtrait peu de chose en matière de vin, mais qui à l'évidence ont un palais bien français et aiment bien le profil aromatique des bons vieux clarets, et voilà, le tour est joué! Le vin qui n'était pas aimé à l'aveugle est réhabilité, face à un vilain vin sucré/vanillé du Nouveau-Monde, en même temps que ses défauts qui devraient être d'une autre époque. Cet exemple montre bien le processus insidieux qui amène l'amateur à accepter et même, à terme, apprécier les arômes de bretts. Des arômes qui sont à la base rebutants pour une majorité de personnes sont apprivoisés par les dégustateurs car ils sont présents dans des vins de renom. Je l'ai déjà dit, pour devenir un amateur de vin haut de gamme il faut pouvoir accepter les arômes de bretts, ou y être peu ou pas sensible.
Cet exemple montre aussi que ces arômes sont placés-là volontairement par de nombreux producteurs. Je me souviens m'être déjà sévèrement fait rabrouer sur un forum de discussion pour avoir avancé que des producteurs utilisaient les Bretts volontairement dans l'élaboration de leurs vins. Le cas de M. Howell et de son Cain Five a le mérite d'être clair. Pas de petit secret un peu honteux de fabrique. Le texte de Andrew Jefford montre bien comment on peut tordre une réalité de départ pour qu'à la fin elle corresponde à ce qu'on voudrait qu'elle soit et devienne ainsi acceptable. Le même processus opère pour l'amateur de vin novice devant un verre d'un vin renommé et bretté ouvert par un ami connaisseur. Le buveur expérimenté s'extasie de la complexité du bouquet et de la qualité du vin, et face à cela le novice prend note. Ensuite, soit il renonce aux grands vins, soit il acquiert le goût avec le temps et l'habitude et transmet la chose par la suite au prochain novice qui voudra découvrir ce monde merveilleux où le conformisme joue un grand rôle.
samedi 17 octobre 2015
CABERNET SAUVIGNON, MAX RESERVA, 2000, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ
Retour sur un vin que j'ai déjà commenté sur ce blogue en février 2012. Je n'ai relu ce que j'en disais alors qu'après avoir écrit ce qui suit ci-bas. Il n'y a pas à dire, ce vin touche ma fibre existentielle. Drôle de coïncidence...
La robe est légèrement tuilée et translucide. Le nez est simplement superbe avec un équilibre impeccable entre fruit (cerise) et épices douces d'aspect évolué, complétés par des notes de bois de cèdre, de camphre et de torréfaction. Ce nez est tellement agréable et juste dans son niveau d'expression qu'on a l'envie constante d'y revenir en cours de dégustation. Le charme ne se brise pas en bouche ou l'équilibre est aussi réussi. L'aspect tactile est caressant avec une trame tannique soyeuse qui sert d'écrin à un fruit évolué d'une très belle qualité et admirablement marié à des notes doucement épicées qui elles aussi montrent la signature d'une heureuse évolution en bouteille. Le milieu de bouche révèle un vin harmonieux aux proportions d'une grande justesse. Rien ne dépasse dans ce vin, pas d'excès de quelconque nature, ça coule de source sans effort pour offrir un délice raffiné. La finale ne trahit rien et se montre à la hauteur de l'amorce, avec grâce et harmonie sur une longueur de très bon calibre.
Dire que j'ai aimé ce vin est un euphémisme. La quintessence du Cab chilien de type Reserva ressemble à ça. On peut préférer le style Maipo à ce vin très marqué Errazuriz/Aconcagua, mais c'est comme devoir choisir entre deux très belles choses. Vous penserez peut-être que mon enthousiasme pour ce vin est exagéré. Qu'un vin de 18$ ne peut pas être aussi bon, surtout après 15 ans. Il faut le goûter pour le croire. Ce vin a maintenant une texture qui se rapproche de celle d'un vin de Pinot Noir, mais avec un profil aromatique de Cabernet évolué au boisé bien fondu. Selon moi ce vin est actuellement à son meilleur et devrait y rester pour encore quelques années, ce qui concorde avec l'idée voulant que la fenêtre de garde pour les rouges chiliens de type Reserva bien choisis est de de 10 à 20 ans après le millésime, ce qui veut dire environ 7 à 17 ans de garde. Dans le cas de ce vin, je l'ai gardé 12 ans en cave. Ça n'a l'air de rien, mais il faut avoir de la patience, alors imaginez la patience qu'il faut pour les vins plus concentrés, extraits et boisés. Qui va garder ça 25 ans avant de l'ouvrir? Vous vous montez une cave avec ce genre de bêtes? Préparez-vous à être très patients ou à être déçus quand vous les ouvrirez trop tôt. C'est pourquoi je vante tant les rouges chiliens de type Reserva. Ils ont une courbe d'évolution plus accessible pour en profiter sans trop de risque de mourir avant que le vin ne soit prêt. Plus on avance en âge et plus cet argument prend de poids. À part ça, il y a toujours le prix qui est formidable au vu de la qualité. On peut l'acheter à la caisse en tout temps dans une SAQ Dépôt pour un peu plus de 16$ la bouteille.
jeudi 15 octobre 2015
Un vigneron bourguignon remet les pendules à l'heure
Depuis le début de ce blogue un des thèmes récurrents est le rôle primordial de l'homme dans l'élaboration du vin. La lecture de cette entrevue avec le producteur bourguignon Jean-Marie-Guffens fut un délice pour moi. La hiérarchisation à outrance des terroirs en prend pour son rhume, l'importance de la dégustation à l'aveugle et de l'utilisation judicieuse des sulfites sont réitérées, de même que l'importance de l'adaptation du vignoble au sol (clones, porte-greffes). Des sujets qui sont pour moi primordiaux. L'antithèse des rêveurs qui croient que le vin peut être naturel et se faire presque tout seul. Ça fait du bien de voir un vigneron dire sa réalité sans se préoccuper d'être dans le sens de la mode.
mercredi 14 octobre 2015
Vin de garde et RQP
Je suis tombé dernièrement sur le site LPEL sur les résultats d'une dégustation verticale du Domaine Montcalmès, un vin du Languedoc qui a son petit culte chez certains amateurs qui se veulent sérieux. C'est un vin vendu pour environ 40$, c'est un prix abordable selon les standards de ces amateurs, mais pour moi c'est un prix qui tire vers le haut de ce que je suis normalement prêt à payer pour une bouteille de vin. Toujours est-il que j'ai lu les commentaires et j'ai été étonné que l'on qualifie ce vin comme un RQP dans la catégorie des vins de garde et que l'on s'étonne qu'un 1999 puisse se présenter encore sous un bon jour. J'ai une cave remplie de rouges chiliens autour de de 20$ qui évoluent très bien sur au moins 20 ans, alors selon mes standards un vin de 40$ qui accomplit cela n'a rien d'un RQP.
Il y a maintenant six ans j'ai écrit ce texte sur la garde du vin en lien avec le RQP. Dans ce texte je disais avoir hâte que ma cave puisse me fournir plus de bouteilles que je ne considéreraient pas trop jeunes. Ceux qui suivent ce blogue avec un peu de régularité peuvent constater que j'ouvre de plus en plus de ces bouteilles avec une dizaine d'années ou plus au compteur. Au fil des années je suis revenu périodiquement sur le sujet du vin et de sa garde et de son RQP (Qu'est-ce qu'un vin de garde?), (Qualité et Prix), (Aborder le vin autrement). Je me suis relu et je pense être cohérent dans mon propos. Toutefois, une chose a changé par rapport aux débuts de ce blogue et même à ce que j'écrivais il y a 10 ans sur des forums, c'est l'expérience réelle en matière de garde de vin. Au début j'avais des convictions basées sur certaines expériences isolées avec des vins plus âgés et je faisais des corrélations entre ça et ce que je percevais dans des vins du même type, mais plus jeunes. J'étais convaincu mais une part de ma conviction relevait de ma confiance en moi comme dégustateur et en ma capacité de projeter ce que deviendrait un vin dans le temps. Ceci dit, tout convaincu étais-je, il y avait toujours un doute au fond de moi. Chaque fois que j'ouvrais une bouteille de rouge chilien de prix abordable qui avait finalement dépasser la dizaine d'années en bouteille, j'avais une crainte face au résultat. Je peux dire aujourd'hui que j'ai accumulé assez d'expériences positives pour ne plus avoir ce doute. Je ne dis pas qu'il n'y a jamais de déceptions avec ce type de vins, mais elles sont très rares.
Mon expérience de garde avec les rouges chiliens m'a aussi permis de faire des distinctions parmi les vins de ce pays que je mets en cave. Je n'ai presque pas de vins super-premiums de prix élevés. Je me suis concentré sur la gamme Reserva, et la gamme au-dessus en terme de concentration et d'ambition, une gamme qu'on pourrait appeler Gran Reserva, même si contrairement à l'Espagne, il n'y a pas de réglementation pour caractériser ce type de vins. Cette gamme est similaire aux vins super premium, mais les prix de ces vins demeurent abordables, et donc le RQP favorable. Ma limite de prix supérieure demeure autour de 50$ et les vins plus chers représentent un faible pourcentage de ma cave.
L'idée voulant qu'il faut payer cher pour un bon vin de garde a la vie dure. Ceci dit, il ne faut pas oublier qu'aucun vin présent dans ma cave ne peut être considéré comme prestigieux ou jouit d'un statut de vin culte, même à petite échelle. Non seulement les vins que j'ai en cave n'ont pas de prestige, mais ce sont des vins qui sont en déficit d'image et de reconnaissance. Personne n'écarquillera jamais les yeux à la vue de leurs étiquettes, certains amateurs cligneraient plutôt de l’œil à la vue de l'origine. N'empêche, ce qui compte pour moi c'est le contenu de la bouteille et le plaisir qu'il offre en réalité, et puis le vin de garde c'est bien beau d'en parler, mais ce qui est le plus important c'est de pouvoir le vivre à plein. Le prix abordable des vins de qualité de ma cave me permet de vivre à plein cette expérience.
.
Il y a maintenant six ans j'ai écrit ce texte sur la garde du vin en lien avec le RQP. Dans ce texte je disais avoir hâte que ma cave puisse me fournir plus de bouteilles que je ne considéreraient pas trop jeunes. Ceux qui suivent ce blogue avec un peu de régularité peuvent constater que j'ouvre de plus en plus de ces bouteilles avec une dizaine d'années ou plus au compteur. Au fil des années je suis revenu périodiquement sur le sujet du vin et de sa garde et de son RQP (Qu'est-ce qu'un vin de garde?), (Qualité et Prix), (Aborder le vin autrement). Je me suis relu et je pense être cohérent dans mon propos. Toutefois, une chose a changé par rapport aux débuts de ce blogue et même à ce que j'écrivais il y a 10 ans sur des forums, c'est l'expérience réelle en matière de garde de vin. Au début j'avais des convictions basées sur certaines expériences isolées avec des vins plus âgés et je faisais des corrélations entre ça et ce que je percevais dans des vins du même type, mais plus jeunes. J'étais convaincu mais une part de ma conviction relevait de ma confiance en moi comme dégustateur et en ma capacité de projeter ce que deviendrait un vin dans le temps. Ceci dit, tout convaincu étais-je, il y avait toujours un doute au fond de moi. Chaque fois que j'ouvrais une bouteille de rouge chilien de prix abordable qui avait finalement dépasser la dizaine d'années en bouteille, j'avais une crainte face au résultat. Je peux dire aujourd'hui que j'ai accumulé assez d'expériences positives pour ne plus avoir ce doute. Je ne dis pas qu'il n'y a jamais de déceptions avec ce type de vins, mais elles sont très rares.
Mon expérience de garde avec les rouges chiliens m'a aussi permis de faire des distinctions parmi les vins de ce pays que je mets en cave. Je n'ai presque pas de vins super-premiums de prix élevés. Je me suis concentré sur la gamme Reserva, et la gamme au-dessus en terme de concentration et d'ambition, une gamme qu'on pourrait appeler Gran Reserva, même si contrairement à l'Espagne, il n'y a pas de réglementation pour caractériser ce type de vins. Cette gamme est similaire aux vins super premium, mais les prix de ces vins demeurent abordables, et donc le RQP favorable. Ma limite de prix supérieure demeure autour de 50$ et les vins plus chers représentent un faible pourcentage de ma cave.
L'idée voulant qu'il faut payer cher pour un bon vin de garde a la vie dure. Ceci dit, il ne faut pas oublier qu'aucun vin présent dans ma cave ne peut être considéré comme prestigieux ou jouit d'un statut de vin culte, même à petite échelle. Non seulement les vins que j'ai en cave n'ont pas de prestige, mais ce sont des vins qui sont en déficit d'image et de reconnaissance. Personne n'écarquillera jamais les yeux à la vue de leurs étiquettes, certains amateurs cligneraient plutôt de l’œil à la vue de l'origine. N'empêche, ce qui compte pour moi c'est le contenu de la bouteille et le plaisir qu'il offre en réalité, et puis le vin de garde c'est bien beau d'en parler, mais ce qui est le plus important c'est de pouvoir le vivre à plein. Le prix abordable des vins de qualité de ma cave me permet de vivre à plein cette expérience.
.
vendredi 9 octobre 2015
SYRAH, RESERVA, 2005, VALLÉE CENTRALE, VINA VALDIVIESO
Un vin d'un producteur chilien de longue date mais que je connais mal. J'ai acheté le vin il y a huit ans. C'était avant les nouveaux vins de Syrah de climats frais et c'était aussi le temps où les vins de Syrah du Chili étaient encore une rareté. Une première bouteille ouverte en 2008 m'avait convaincu de laisser les autres à l'ombre pour plusieurs années. Voici ce que ça donne sept ans plus tard.
La robe est encore bien soutenue même si légèrement translucide au pourtour du disque. Le nez montre un beau mélange fruité/épicé avec des arômes de cerise, de prune, de vanille/bois brûlé et de légères notes de sous-bois. Beau nez agréable sans signes marqués d'évolution. En bouche on découvre un vin plein, ample et satiné. Les saveurs sont intenses et enveloppantes. C'est simplement caressant pour le palais avec une matière généreuse où tous les éléments sont bien fondus. Le boisé généreux est maintenant bien intégré et les notes épicées qu'il procure se marient très bien au riche fruité. La finale persiste et signe avec un cran de plus dans l'intensité et une longueur de fort calibre où le fruité de cerise s'évanouit dans des bras chocolatés.
Ce
vin est tellement bon qu'il m'a inspiré un peu de dentelle
descriptive. J'ai tellement aimé que c'est comme si chaque gorgée
était un plaidoyer en faveur de la garde des bons vins de Syrah de
la vallée centrale chilienne. Le style est généreux et
l'apport boisé conséquent et après 10 ans c'est simplement
délicieux. Ceci dit, la fenêtre idéale pour ce vin ne fait que
s'ouvrir et il reste dans ce nectar un très bon potentiel
d'évolution supplémentaire. Selon mon expérience il n'est pas farfelu
de penser que son parcours positif peut s'échelonner sur 15 autres
années. En fait, ce vin est un pied de nez à tous ceux qui aiment
catégoriser le vin de façon manichéenne selon la méthode et
l'esprit dans lequel il a été élaboré, ou bien selon la région
précise d'origine. Dans ce cas-ci on a l'assemblage de deux terroirs
de la chaude vallée centrale, mais le vin ne titre qu'à 13.5%
d'alcool et le généreux apport boisé de départ est maintenant
atténué et transformé et cet aspect contribue positivement à
l'effet gustatif que produit ce vin. Selon mon expérience
grandissante avec les vins de Syrah chiliens de climats plus chauds,
la garde apporte un raffinement qui manque généralement è ces vins
généreux en jeunesse. J'ai payé cette bouteille autour de 17$ et
la qualité est simplement renversante. Il me reste deux bouteilles
et la prochaine ne sera pas ouverte avant cinq autres années. Avoir
une cave bien remplie et avec une certaine maturité aide è avoir de
la patience car il y a beaucoup de choix. Le plus difficile c'est les 10 premières années, il faut investir et accumuler, mais après ça flotte...
mercredi 16 septembre 2015
SAUVIGNON BLANC, RESERVA, 2013, LIMARI, VINA TABALI
Tabali est un producteur dont j'ai maintes fois vanté les mérites sur ce blogue. Avec Vina Leyda et Falernia/Mayu, il s'agit d'un de mes producteurs chiliens favoris. Il offre des vins de qualité très relevée de l'entrée jusqu'au haut de gamme, et ce pour des prix toujours très favorables. Ce qui est intéressant avec Tabali, c'est que ce producteur ne s'est pas assis sur ses lauriers. L'esprit pionnier est demeuré, ce qui a mené au développement d'un nouveau vignoble unique au Chili. Ce vignoble côtier au climat très frais, nommé Talinay, est planté sur un sol à haute teneur en calcaire. Les commentaires sur les premiers vins issus de ce vignoble et de très jeunes vignes sont forts élogieux. Ce Sauvignon, Reserva a été élaboré avec 80% de fruits venant de Talinay et 20% issu d'un vignoble plus ancien et tempéré, situé plus à l'intérieur des terres. Avec un tel pourcentage de fruits de Talinay, il est logique de penser que ce vin peut donner une indication du potentiel de ce vignoble, même s'il s'agit d'un vin d'entrée de gamme.
La robe est d'une pâle teinte jaune aux reflet verdâtres. Le nez nous amène tout doit au bord d'un ruisseau avec ses arômes de roches mouillées et de verdure bien appuyés sur une solide base de citron-lime. À cela s'ajoute une touche de cassis et de fruits de la passion. Beau nez franc et frais possédant des arômes de qualité supérieure. La bouche quant à elle n'est vraiment pas pour les palais sensibles et les amateurs de sucreries. Le vin s'y montre simplement tranchant avec une acidité vive. Heureusement, il possède un très bon niveau de matière, ce qui permet d'absorber en partie la vivacité. Ceci dit, le style demeure très affûté avec le fruité citronné qui domine la palette de saveurs. Le milieu de bouche révèle un vin à la présence renversante. Wow! Les saveurs irradient, tout simplement, et les sens sont pleinement sollicités. Malgré cela et à cause de la grande qualité des saveurs, le vin demeure délicieux et relativement facile à boire, du moins pour quelqu'un comme moi qui apprécie l'acidité marquée qui ne compromet pas l'équilibre. La finale est logique avec un cran de plus dans l'intensité et un persistance aromatique absolument renversante.
On a eu droit à un article récemment dans La Presse où l'on traitait d'un certain nouveau Chili. Un Chili où l'on remet au goût du jour un patrimoine ancien et négligé. Un Chili où l'on vante les mérites du producteur artisan tout en le mettant en opposition avec les géants du monde vinicole chilien et avec le Chili vinicole moderne. Ce Sauvignon Blanc de Tabali pilonne à grand coups cette vision manichéenne des choses. Tabali est la propriété du groupe San Pedro Tarapaca, le deuxième producteur chilien, derrière Concha y Toro. Tabali est donc une composante d'un de ces géants, et ça ne l'empêche pas de produire des vins pionniers de très grande qualité. Pour moi, planter un vignoble comme celui de Talinay sur un type de sol rare au Chili et sous un climat côtier très frais, c'est vraiment ça le nouveau Chilil. Les vignes centenaires de cépages négligés qu'on redécouvre c'est le fait d'une nouvelle mentalité, mais sur le fond ça n'a rien de neuf. Au surplus, ça ne renierait pas un vignoble comme celui de Talinay, tout moderne soit-il. Si ce Sauvignon d'entrée de gamme est un indice valide du potentiel de ce vignoble, le moins que je puisse dire c'est qu'à terme, et dans le haut de gamme, les résultats seront impressionnants. D'ailleurs, si je me fie à Patricio Tapia du guide chilien Descorchados, la qualité du haut de gamme est déjà renversante. Il a octroyé 91 points à ce Reserva, mais 96 points et le titre de meilleur vin de Sauvignon du Chili à la cuvée haut de gamme du millésime 2013, issue à 100% du vignoble Talinay. Le millésime 2012 est disponible en importation privée par le biais de l'agence Sélections Oeno, tout comme le Chardonnay et le Pinot Noir issus du même vignoble. En conclusion, je dirais que le mot minéralité est souvent galvaudé en matière de vin, mais un nectar comme celui-ci permet d'en comprendre la réelle signification, même si le terme demeure inadéquat. J'ai acheté ce vin pour le prix absolument ridicule de 14.95$ à la LCBO..
dimanche 6 septembre 2015
SYRAH, KALFU SUMPAI, 2013, LEYDA, VINA VENTISQUERO
Ventisquero est un autre de ces producteurs chiliens de forte taille qui contribuent à mettre en morceaux l'idée voulant que le Chili intéressant devrait se limiter à des producteurs artisans qui revisitent le passé vinicole du pays et ses cépages de seconde catégorie. Ventisquero produits des vins de grande qualité qui reflètent plusieurs aspects de ce que le Chili peut offrir, autant les vins de la vallée centrale que ceux des régions côtières. D'ailleurs, Ventisquero est un pionnier avec le développement de vignobles sur la côte du désert de l'Atacama, dans la région de Huasco, au nord de Elqui. Pour ce qui est de cette Syrah, elle vient de la fraîche région côtière de Leyda. Le vin a été élevé pendant 10 mois en barriques bourguignonnes dont 15% étaient neuves, 25% de second usage et le reste de troisième et quatrième usage. Le vin titre à 13.5% d'alcool, pour un pH de 3.47 et 2.47 g/L de sucres résiduels selon l'analyse de la SAQ. Ce vin a été le mieux classé lors d'une dégustation en semi-aveugle de vins de Syrah du Chili tenue par le magazine Decanter.
La robe exhibe une teinte rubis légèrement translucide. Le nez est délicat et très typique du cépage dans sa livrée de climat frais. Il exhale des arômes de fruits rouges et noirs, de violette, de lavande, et de viande fumée. Superbe nez, très élégant pour un si jeune vin. La bouche dégage une impression d'équilibre et de délicatesse. Le vin est délectable et chaque élément y est bien dosé avec des saveurs fruitées et épicées de très belle qualité. Le milieu de bouche révèle un vin à la fois léger et intense, avec une bonne concentration. Le vin est facile à boire tout en ayant une bonne présence et des tanins raffinés. On dirait un Pinot Noir paré de l'aromatique de la Syrah. La finale ne retient rien avec son flot de saveurs qui s'échoue en douceur avant un lent retrait aux légers relents amers.
Si vous aimez la Syrah sur la fraîcheur et la délicatesse ce vin de Ventisquero est vraiment à découvrir. Bien entendu, les préjugés sont à laisser au placard. J'ai lu des commentaires à propos de ce vin, émanant du Québec, qui m'ont laissé perplexe, même chose pour la Syrah de Vina Mayu dont j'avais fortement vanté les mérites en début d'été. Il n'y a pas d"eucalyptus sur la fraîche côte du Pacifique et la cassis des Cabernets de la vallée centrale ne se retrouve pas dans les vins de Syrah de la côte. Parfois je lis des notes de dégustation de rouges chiliens de climat frais et je ne peux m'empêcher de penser que l'auteur nous ressort des clichés qu'il associe aux rouges chiliens de cépages bordelais issus de la vallée centrale. La seule chose qu'il y a de commun entre ces deux types de vins c'est l'intensité des saveurs, même si dans ce cas-ci on atteint pas l'exubérance de la Syrah, Mayu. Pour moi ce ce Kalfu Sumpai est textbook Syrah de climat frais avec un profil très proche des vins non altérés du Rhône nord. Bravo à la SAQ d'offrir ce vin à ce prix abordable (25$). La gamme de vins chiliens offerts par notre monopole demeure très perfectible, mais si j'avais à faire la sélection des vins offerts, ce vin en ferait assurément partie. Le classement très élevé que lui a octroyé Decanter me semble entièrement justifié. On est ici face à l'élite chilienne sans tomber dans le piège de la cuvée de luxe au prix ronflant qui tente de jouer sur l'effet Veblen. Ce vin est aussi l'exemple parfait d'un style possible au Chili avec la Syrah, un style délectable dès la prime jeunesse du vin. Mettez en parallèle un Pangea du même producteur et d'un âge similaire et vous verrez la différence, vous serez en mesure de saisir l'importance du style. J'ai du Pangea, 2006, en cave, mais je n'ouvrirai pas ça avant encore 10 ans. Même cépage, même producteur, deux vins très différents. Le terroir existe au Chili.
dimanche 30 août 2015
NINQUÉN, 2002, COLCHAGUA, MONTGRAS
Ma cave a atteint un âge où je peux maintenant ouvrir sans regrets des vins de 10 ans ou plus sur une base très régulière. J'entre dans la phase où je récolte le fruit d'un investissement qui nécessitait foi et patience. Je dis foi car se monter une cave fortement composée de rouges chiliens nécessitait d'avoir la conviction ne pas se tromper sur le potentiel de garde réel de ces vins, lorsque bien choisis. C'est plaisant d'avoir accès sans contraintes à ce type de vins évolués car ils sont rares sur le marché. Le vin âgé coûte cher et en ce sens monter sa propre cave est non seulement un investissement au strict plan du vin, mais aussi en termes économiques. Je n'ai pas seulement une cave qui prend de l'âge. J'ai aussi un blogue qui dure depuis bientôt 6 ans. Je suis donc rendu au point point où il vaut la peine de revenir sur un vin dont j'ai déjà traité il y a plusieurs années. Je reviens donc, 5 ans plus tard sur le Ninquén, 2002. Un vin qui avec le temps est devenu un classique abordable du rayon des spécialités de la SAQ.. L'archétype en jeunesse du vin chilien que certains aiment mépriser. Un vin riche au fruité mature et copieusement boisé. Qu'est-ce que ça donne après 12 ans en bouteille? J'ai écrit cette note de dégustation sans relire ce que j'avais écrit à son sujet il y a 5 ans.
La robe est toujours bien soutenue, bien que légèrement translucide et orangée au pourtour du disque. Le nez exhale avec modération de beaux arômes fruités, rouges et noirs, avec la cerise au marasquin qui se démarque clairement, le tout marié à des notes de bois de cèdre, d'épices douces évoluées et de torréfaction. La bouche est à la fois raffinée, généreuse et ample. Le vin possède encore un bon volume et le fruit montre un aspect sérieux à cause d'une solide dose d'amertume qui absorbe bien la douceur du fruit. Le boisé est fondu et ajoute un aspect épicé lui aussi dépourvu de douceur. Le milieu de bouche confirme cette impression de généreuse austérité. Il y a de la matière et de la concentration, les tanins sont soyeux et abondants et l'amertume marque l'impression d'ensemble sans engloutir le fruit. Heureusement. La finale est très persistante sur un mélange de cerises, de kirsch et de chocolat noir..
Je vante souvent les rouges chiliens de type Reserva pour leur équilibre modéré qui sait éviter l'excès. Ici on est clairement dans une autre catégorie, une catégorie plus ambitieuse en terme de matière et de concentration. Peut-être à cause de cela le vin est relativement peu évolué compte tenu de son âge. Ce n'est plus une jeunesse, mais il en a encore beaucoup sous la pédale. C'est donc un vin plus puissant et imposant que les vins que je bois normalement. Comme mentionné précédemment, le vin est aussi dénué de douceur et l'amertume y joue un rôle important. C'est très bon, mais moins facile à boire, comme s'il y avait plus de vin à chaque gorgée. C'est donc une bouteille sérieuse que j'ai bue très lentement et que j'ai bien appréciée. Le vin a gagné en harmonie après plusieurs heures d'aération, l'amertume étant moins notable. Il me reste deux bouteilles pour continuer de le suivre.
dimanche 23 août 2015
CARIGNAN, CORDILLERA, VIGNO, 2010, MAULE, VINA TORRES
Un été où je bois peu, donc peu d'occasion d'écrire, et je dois l'avouer, peu d'envie. À quoi bon écrire de nouveau sur un Cab ou un Sauvignon Blanc, si bons puissent-ils être? Voilà que j'ouvre une bouteille de Carignan, ça n'arrive pas si souvent, j'ai donc repris le clavier. Je n'ai pas trouvé de détails sur l'élaboration de ce vin, sinon que pour avoir droit à l'appellation VIGNO le vin doit contenir au moins 60% de Carignan, être totalement issu de vieilles vignes non irriguées de la vallée de Maule. Les cépages greffés sur de vieilles vignes de Païs peuvent entrer dans la composition des vins portant l'appellation VIGNO.
Certains europhiles diraient probablement de ce vin qu'ils l'aiment car il est différent du stéréotype chilien. Moi je dis plutôt que c'est un bel exemple de la versatilité croissante du Chili qui peut maintenant produire une grande variété de styles. Ici tout est réuni pour produire un vin de style européen. D'abord un producteur espagnol, un cépage du même pays et des vieilles vignes non irriguées. Ceci dit, le terroir demeure chilien ce qui permet aux vignes d'être plantées franches de pied (sans greffage). Un vin plus naturel donc que des vins qui se drapent de cette pseudo vertu. Un vin aussi qui présente une rusticité de bon aloi, surtout au niveau tannique. Cependant, cet aspect devrait s'adoucir avec plus de temps en bouteille. Pour le prix payé en Ontario, 19.95$, c'est un bon achat, sans être une grande aubaine. Beaucoup de rouges chiliens moins chers et plus traditionnels, dans le contexte chilien, offrent plus de finesse en jeunesse, mais ce Carignan offre un côté distinctif qui justifie la prime. LA SAQ offre le millésime 2011 de ce vin pour 31$. Je ne l'ai pas goûté, mais à ce prix le facteur RQP me semble évacué de la proposition. Difficile d'expliquer un écart de prix si marqué entre les deux monopoles, et comme souvent, la LCBO favorise plus le client.
vendredi 17 juillet 2015
Pauvre Chili!
Non, ce n'est pas la réaction du pape en prenant connaissance d'un des secrets de Fatima! C'est plutôt ma réaction un lisant aujourd'hui un article de Karyne Duplessis Piché dans La Presse. Le Chili n'est vraiment pas sorti de l'auberge pour arriver à faire comprendre ses vins. Madame Duplessis nous parle d'un vin de Pinot Noir de la maison Errazuriz où le producteur a pris soin de mettre le nom de la région dans le nom du vin: ACONCAGUA COSTA. Malgré cela, la journaliste nous dit dans son article que le vin vient de la région de Casablanca. A-t-elle vraiment goûté le vin et lu l'étiquette, ou bien si elle s'est juste fait prendre par le site de la SAQ qui commet aussi l'énorme boulette de référencer ce vin comme venant de Casablanca? C'est vraiment désespérant. Imaginez un acheteur potentiel se pointant dans une succursale. Quelle chance a-t-il de se faire parler de la nouvelle et fraîche région côtière d'Aconcagua Costa? Le producteur fait tout pour mettre l'accent sur un nouveau terroir prometteur dans lequel il a beaucoup investi et il se retrouve avec ce genre d'article. Que peut-il faire de plus?
Loin d'aider son cas à mes yeux, madame Duplessis y va du même souffle d'un petit plaidoyer sur le "naturel" dans le vin et sa propagation aux géants du Chili. Ah les vilains géants... Je n'ai rien contre l'utilisation de levures indigènes, si le vin est quand même bien fait, stable et bon. Quand c'est bien fait ça fonctionne très bien. Ceci dit, comme à chaque fois que je lis ce genre de choses à l'encontre des levures sélectionnées, j'ai envie de dire à ceux qui se laissent séduire par ces balivernes qu'ils devraient aussi éviter les vins issus de vignes sélectionnées, taillées et cultivées et ne boire que du vin issu de vignes sauvages. Ils ne devraient pas non plus boire de vins issus de vignes greffées, car il y a de méchants êtres humains qui ont aussi sélectionné un porte-greffe et qui ont procédé au greffage. Ce n'est vraiment pas naturel ça le greffage.
Tout ça pour dire que je n'en peux plus de lire et d'entendre ces conneries "naturalisantes". Le phylloxera est tout ce qu'il y a de naturel et il a détruit le vignoble mondial il y a un siècle, sauf celui du Chili. La bonne nature a donc forcé le mauvais homme à intervenir... Il faudrait arrêter avec la nature bienveillante et toute cette idéologie ignorante de conte de fée. Faire du bon vin sans excès ça demande du savoir-faire, du jugement et du goût. Rien de plus. Pour écrire un bon article sur le vin, il faut faire un minimum de recherche et savoir lire une carte géographique... Misère....
Loin d'aider son cas à mes yeux, madame Duplessis y va du même souffle d'un petit plaidoyer sur le "naturel" dans le vin et sa propagation aux géants du Chili. Ah les vilains géants... Je n'ai rien contre l'utilisation de levures indigènes, si le vin est quand même bien fait, stable et bon. Quand c'est bien fait ça fonctionne très bien. Ceci dit, comme à chaque fois que je lis ce genre de choses à l'encontre des levures sélectionnées, j'ai envie de dire à ceux qui se laissent séduire par ces balivernes qu'ils devraient aussi éviter les vins issus de vignes sélectionnées, taillées et cultivées et ne boire que du vin issu de vignes sauvages. Ils ne devraient pas non plus boire de vins issus de vignes greffées, car il y a de méchants êtres humains qui ont aussi sélectionné un porte-greffe et qui ont procédé au greffage. Ce n'est vraiment pas naturel ça le greffage.
Tout ça pour dire que je n'en peux plus de lire et d'entendre ces conneries "naturalisantes". Le phylloxera est tout ce qu'il y a de naturel et il a détruit le vignoble mondial il y a un siècle, sauf celui du Chili. La bonne nature a donc forcé le mauvais homme à intervenir... Il faudrait arrêter avec la nature bienveillante et toute cette idéologie ignorante de conte de fée. Faire du bon vin sans excès ça demande du savoir-faire, du jugement et du goût. Rien de plus. Pour écrire un bon article sur le vin, il faut faire un minimum de recherche et savoir lire une carte géographique... Misère....
dimanche 5 juillet 2015
SYRAH, RESERVA, 2010, ELQUI, VINA FALERNIA
Après la Syrah de Vina Mayu, je me suis dit pourquoi ne pas goûter de suite la Syrah de la compagnie sœur, Vina Falernia, achetée récemment en Ontario au prix de 18.95$, soit sensiblement le même prix que la Syrah, Mayu. achetée lors d'une promotion moins 10% à la SAQ. J'ai déjà commenté les millésimes 2007 et 2009 de cette cuvée sur ce blogue. Honnêtement, il est difficile de percevoir de mémoire des différences précises entre les millésimes de Falernia ou le vin de Mayu. Pour moi tous ces vins offrent un style très similaire et en même temps très distinctif par rapport au reste de l'offre chilienne de Syrah. Les bons vins de Syrah de la région de Casablanca, ou de San Antonio offrent des profils de climats frais, mais ce n'est pas aussi exacerbé que dans les vins de Falernia/Mayu de Giorgio Flessati.
Cette version 2010 du vin combine une certaine légèreté de structure avec une forte intensité des saveurs. Le vin a beaucoup de présence en bouche et une texture soyeuse. Le côté floral est très présent (violette, lavande), tellement qu'on pourrait presque faire une analogie en disant que c'est une sorte de Gewurztraminer rouge. Je ne dis pas ça pour l'identité des arômes, mais pour le côté exacerbé de l'aromatique, en particulier la composante florale. Pour certains ce vin serait probablement trop démonstratif à ce stade encore précoce de son évolution. Ceci dit, la qualité d'ensemble est indéniable et cette exubérance ne pourra qu'être apprivoisée par le temps en bouteille. Au-delà des préférences possibles sur l'intensité de la modulation aromatique, ce vin est une autre preuve que la zone côtière de Elqui est un match parfait avec la Syrah. Que des vins de ce style et de cette qualité puissent être achetés pour moins de 20$ la bouteille montre comment cette région demeure méconnue. C'est un peu normal quand on sait que Falernia/Mayu est le seul producteur qui a une production importante dans cette région. Si vous aimez les vins du Rhône nord vous devez au moins essayer ces vins en tentant d'oublier qu'ils viennent du Chili. De toute façon, ces vins n'ont rien à voir avec les vins d'inspiration bordelaise issus de la vallée centrale. Il faut cesser de voir le Chili comme un tout uniforme. La variété de terroir est très grande dans ce pays, et Elqui est sûrement le terroir qui selon mon expérience se distingue le plus du reste du pays. Cela se goûte, dans le verre, pas dans la tête.
samedi 20 juin 2015
SYRAH, RESERVA, 2011, ELQUI, VINA MAYU
À quelques reprises sur ce blogue j'ai réclamé l'arrivée sur les tablettes de la SAQ de la Syrah, Reserva de Vina Falernia. Voilà que mon vœux est finalement exaucé, en quelque sorte, car à défaut d'un vin étiqueté Falernia, voilà que la Syrah, Reserva, de Vina Mayu vient de faire son apparition sur les tablettes de notre monopole. Pour comprendre ma satisfaction il faut savoir que Vina Mayu est la compagnie sœur de Vina Falernia et que les deux compagnies partagent les mêmes installations, le même terroir et le même savoir-faire car l'œnologue italien Giorgio Flessati supervise les deux opérations. Le cousin chilien de Flessati, Mauro Olivier est propriétaire de Mayu et de Falernia. J'ignore pourquoi on a créé deux compagnies distinctes, car finalement il y a peu de différences entre les deux, question de commercialisation peut-être? Petit vidéo intéressant pour découvrir un peu Mayu et Elqui. Pour ce qui est du vin, il est issu de raisins venant de deux vignobles, un de climat frais situé à 17 km de la côte, et d'un autre plus tempéré, situé plus à l'intérieur des terres. J'ignore les proportions de chacun. J'ai trouvé peu de détails sur l'élaboration, sinon que 45% du vin a été élevé en barriques neuves de chêne français. Le vin titre à 14% d'alcool selon l'étiquette et le site de la SAQ, le site du monopole spécifie aussi que le taux de sucres résiduels est de 3.7 g/L. Détail anodin, j'aime bien l'étiquette de ce vin. La sobriété Nouveau-Monde ça ressemble à ça. Qu'en est-il du vin?
La robe est sombre et parfaitement opaque. Dès le premier abord l'empreinte olfactive typique de la Syrah de Falernia se révèle avec intensité et délice. La parenté avec le profil Rhône nord propre est toujours aussi évidente. Ça sent bon la cerise, la mûre, la fumée de bois brûlé, la violette, le poivre noir, l'olive noire et le chocolat noir. Une série noire à laquelle s'ajoute une touche vanillée qui se confond avec l'aspect bois brûlé. Un nez vraiment intense, complexe et enchanteur avec une qualité d'arômes incroyable. Le contentement se poursuit une bouche où le vin se montre intense et simplement délicieux. Pour un jeune vin démonstratif l'équilibre est excellent, ça en met plein les papilles, mais sans impression de lourdeur ni grand volume. Ceci dit, ce jus fermenté est très intense. Le vin est sur l'exubérance de la jeunesse, mais les saveurs sont d'une telle qualité et si bien agencées que cela ajoute au plaisir juvénile qu'offre cet exotique extrait de Syrah. Les tanins sont soyeux, le vin glisse bien, dangereusement même, il faut se retenir pour éviter les premiers symptômes de l'ivresse, même si le vin procure une autre forme d'ivresse tellement il est délicieux. La finale est à la hauteur de l'appel, très intense, harmonieuse et très longue.
Il y a longtemps que je n'ai pas été aussi enthousiaste à propos d'un vin. Il faut dire que j'adore le profil aromatique que peu donner la Syrah dans le Rhône nord, lorsqu'il n'y a pas d'interférences microbiologiques pour voiler le vin. Avec cette Syrah de Vina Mayu on retrouve cette parenté aromatique, mais avec une intensité que je n'ai jamais rencontrée dans le haut-lieu français du cépage. Certains diraient que le vin est sur les stéroïdes, je ne dirais pas ça, mais une choses est claire, il n'est clairement pas sur la retenue. Au-delà de ça, je vois dans ce vin un protentiel de garde extraordinaire. Le genre de vin qui en jettera plusieurs sur le cul dans 10-15 ans par le niveau de raffinement qu'il aura su atteindre. Avec la promotion à moins 10 % de la fin de semaine, j'en ai profité pour en en acheter 15 bouteilles à 19$ l'unité. Le RQP de ce vin est tout simplement hors norme. J'en boirais tous les jours tellement c'est bon et tellement la qualité est incroyable au vu du prix. Si vous aimez la Syrah et n'avez pas peur des jeunes vins intenses, ou si vous avez la patience et la foi nécessaires pour mettre des bouteilles de ce vin de côté, vous ne pouvez simplement pas le laisser passer. Peut-être qu'après cela votre vision du Chili ne sera plus la même.
Finalement, j'en profite pour réclamer à la SAQ les vins de Vina Leyda, et d'offrir au moins un Riesling chilien. Ma suggestion? La cuvée Neblina de Vina Leyda, ou bien la cuvée "Single Vineyard" de Vina Cono Sur. Deux vins qui devraient se vendre autour de 20$ selon les normes de la SAQ et qui seraient de superbes RQP.
samedi 13 juin 2015
STELLA AUREA, 2001, MAIPO ALTO, CLOS QUEBRADA DE MACUL
Clos Quebrada de Macul est un de mes producteurs chiliens favoris. Sa cuvée Domus Aurea est un des meilleurs vins de ce pays qu'il m'ait été donné de goûter. Ici nous avons sa petite sœur, je dis petite sœur car le producteur dit qu'il s'agit d'une version plus féminine du Domus. Toujours est-il que les deux vins viennent du même vignoble de la région de Macul, au nord de Santiago, aux pieds des Andes. Ce vignoble en pente a été planté au début des années 70. Je n'ai pu retrouver d'informations sur l'élaboration de ce vin, mais il est fortement composé de Cabernet Sauvignon et normalement complété par un peu de Merlot et de Cabernet Franc. Selon l'étiquette, il titre à 14% d'alcool.
La robe montre de clairs signes d'évolution par son aspect translucide et sa teinte légèrement orangée au pourtour du disque. Le nez enchaîne en dévoilant lui aussi un aspect évolué qui teinte l'ensemble de la palette aromatique marquée par des arômes de petits fruits, noirs et rouges, de camphre, de terre humide, de bois brûlé, d'épices douces et de fines herbes. Superbe nez, fin et très complexe, un peu difficile à décrire avec un quelconque sentiment de justesse car on semble y découvrir un nouvel arôme presqu'à chaque abord. Le ravissement se poursuit en bouche on l'on retrouve un vin raffiné et admirablement équilibré. Rien n'accroche, tous les angles sont arrondis et le vin glisse sans effort avec son cortège de saveurs, à la fois délicates et intenses. En milieu de bouche c'est encore l'impression d'équilibre et de finesse qui s'impose. Le vin est facile à boire, mais tellement bon qu'on veut prendre son temps pour bien l'apprécier. La finale confirme, harmonieuse, soyeuse et longue.
Que puis-je ajouter, sinon que la patience paie? J'ai acheté ce vin il y 10 ou 11 ans et il donne clairement aujourd'hui un résultat bien différent de ce qu'il offrait en jeunesse. Ce qu'il a perdu en puissance, en intensité, en solidité et en volume, il l'a récupéré en finesse, en souplesse, en impression d'équilibre et en complexité aromatique. Le monde du vin en est un où on aime bien la distinction et la rareté. Le Chili est rarement associé au mot distinction, mais en pure aveugle ce vin changerait bien des perceptions. Pour ce qui est de la rareté, et bien pour avoir des vins chiliens de ce type et de cet âge il faut les acheter jeunes, être convaincu de leur potentiel et avoir la patience de les garder. Rares sont ces vins aujourd'hui car rares sont les convaincus. Pas besoin d'aller faire la file à la Signature et payer de fortes sommes pour avoir des vins rares et distinctifs. Ce Stella Aurea en est la preuve, payé 20$ dans le temps, il ne déparerait pas une vague de vins de type bordelais de très bon niveau, et quand je dis très bon niveau, je veux vraiment dire très bon niveau...
Inscription à :
Articles (Atom)