Je ne parle plus de chaque rouge
chilien d'un certain âge que j'ouvre et qui me ravit. Il y a des
limites à taper sur le même clou, mais parfois je ne peux résister
tellement le vin dans mon verre est incroyable. C'est le cas de ce
vin de Vina Carmen, un autre de ces producteurs traditionnels
chiliens qu'on a tendance à ne plus remarquer car il n'a pas cette
image de nouveauté. Je n'ai pas de détails sur l'élaboration de ce
vin. L'étiquette indique un titre alcoolique de 14%.
La robe est d'une teinte grenat encore
bien soutenue. Le nez est très expressif pour un vin de cet âge et
embaume la cerise, le cassis, le bois de cèdre, la terre noire et le
camphre, le tout complété en mode mineur par des relents vanillés
d'épices douces, de bois brûlé et de chocolat noir. Superbe nez de
Cabernet Sauvignon à un moment de grâce de son parcours évolutif.
Difficile d'imaginer qu'il aurait pu être plus complexe et agréable
à un un autre moment de son évolution. La bouche impressionne tout
autant et surprend par la vivacité et la douceur de son fruit. Un
fruit marqué par le temps, certes, mais qui domine encore l'action,
appuyé sur une bonne dose d'amertume qui apporte équilibre et
sérieux à l'ensemble. Le milieu de bouche confirme que la matière
de ce nectar est encore bien généreuse, avec très bon niveau de
concentration et un volume contenu qui donne au vin une impression de
densité. Les tanins sont veloutés et font surtout sentir leur
présence dans une finale intense aux saveurs très persistantes.
Que dire de plus à propos de ce vin
sans avoir l'air de me répéter? Par la nature de ses arômes
et de ses saveurs ce nectar montre les traces de l'évolution en bouteille,
mais en même temps, l'intensité du fruit et la richesse de la
matière sont simplement renversants pour un vin de ce prix (17$ lors
de l'achat il y a 12 ans, le 2011, maintenant appelé Gran Reserva, est actuellement offert à 18.75$).
Si ce vin était de Napa, au lieu de Maipo, son prix aurait été
beaucoup plus élevé. Je sais, je me répète, mais quand on est
face à un tel vin on est immanquablement frappé par la dichotomie
entre le niveau qualitatif, le potentiel de garde et le ridicule du
prix. Ce vin a maintenant 15 ans d'âge, et il est clair qu'il aurait
pu continuer son évolution pour au moins 15 autres années, et
probablement plus. Une autre preuve, si besoin est, du trésor
négligé que représente le Cab chilien de type Reserva. En plein le
type de vin qui représente bien le "Bordeaux chilien" dont je traitais dans mon texte précédant. Les "winemakers" derrière ce type de vin n'apparaîtront jamais dans les listes à la
mode de journalistes pour la simple et bonne raison que pour constater le plein
potentiel de ce type de vin il faut avoir la patience de les garder
plus d'une décennie. Comme mode et patience sont des termes irréconciliables l'amateur doit tenter de voir au-delà.
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