samedi 25 septembre 2010

Très longue réponse à Olivier

Suite à un message très étoffé d’Olivier Collin, sur le sujet précédant. J’ai décidé de publier ma longue réponse sur un nouveau message. Ce sera plus facile à lire, et ça touche à des points fondamentaux de ma démarche. Ça pourra permettre à ceux qui ne me connaissent pas d’en savoir plus sur mon approche des choses, et sur le pourquoi de ce blogue.






Salut Olivier,

Te souviens-tu du temps de mes premiers écrits sur le forum Crus & Saveurs? Tu m’avais invité pour me connaître et partager quelques bouteilles. Surpris de ton invitation, et un peu pour m’esquiver. Je t’avais demandé quel était ton but, convertir l’hérétique? Plusieurs années plus tard je ne peux que sourire quand tu évoques ma possible métamorphose! Beaucoup de vin a coulé depuis ce temps, mais rien ne semble avoir changé entre nous, toujours aux antipodes.

Pourtant, bien des choses se sont passées pour moi depuis ce temps. Je n’avais pas accepté cette invitation de ta part par crainte de mal paraître, comme bien des gens qui s’aventurent dans le monde du vin. Mais aussi parce que je sentais déjà qu’il y avait quelque chose d’irréconciliable dans nos approches respectives. Toutefois, par la suite, j’ai accepté bien d’autres invitations de divers amateurs passionnés, et je me suis moi-même impliqué pour participer à de nombreuses dégustations à l’aveugle. Cela m’a permis de déguster une bonne variété de vins, des vins pas mal plus chers que ce que je me permettais alors. J’ai ainsi pu faire des comparaisons, tout en élargissant mes horizons. Dans ce processus exploratoire j’ai fait des découvertes positives, et d’autres négatives, qui m’ont permis de mieux me connaître comme dégustateur. Mon exploration n’a pas été exhaustive, loin de là, mais je pense qu’elle m’a donné une assez bonne idée de ce que recèle en général le paysage vinicole mondial. Il faut dire que je n’ai jamais eu l'ambition de devenir un réel expert, une sommité. Néanmoins, chemin faisant, j’ai aussi rencontré beaucoup de passionnés sincères, de réels fous du vin, qui assumaient très bien leur folie. J’ai aussi rencontré d’autres types d’amateurs qui eux m’ont moins inspiré. Des membres, ou aspirants membres, du fameux club que j’évoquais dans mon message précédant. Toujours est-il que j’ai eu la chance d’avoir de nombreuses discussions très enrichissantes avec plusieurs de ces amateurs. Ils m’ont fait part de leurs expériences, de leur vision des choses, en tout respect. Je pense que toutes ces expériences m’ont permis d’avoir une meilleur compréhension du monde du vin, et de préciser ma position dans celui-ci. De mieux savoir comment je voulais l’aborder pour m’y sentir à l’aise, tout en restant fidèle à ce que j'en perçois et en pense. Comme tu as pu en être témoin, je n’ai jamais renoncé à mon orientation RQP du début. Pour moi, par rapport à mes valeurs, c’est une donnée fondamentale de l’équation. Je respecte toutefois ceux qui ont une autre approche à cet égard. C’est une question de priorités et de valeurs personnelles. Ceci étant dit, cette approche où le RQP est primordial m’a poussé vers les vins sud-américains, et en particulier vers ceux du Chili. Dès mes débuts d’amateur, alors que je n’avais pas d’idée précise de ce qui me plaisait, les rouges de ce pays ont positivement attiré mon attention. Dès le début j’ai trouvé qu’ils en donnaient plus pour le prix demandé. Mais dans ce temps-là, au milieu des années 90, je n’avais pas prévu la révolution vinicole qu’allait connaître ce pays par la suite, et qui se poursuit aujourd’hui. Cela a contribué à maintenir mon intérêt pour les vins de ce pays, et m’a poussé en quelque sorte vers la spécialisation.

Si j’y suis allé de ce long préambule, c’est pour expliquer qui si je suis là où je suis aujourd’hui, ce n’est pas par choix arbitraire, mais par la force des choses. Contrairement à ce que je peux projeter comme impression, je ne suis pas anti-européen ou anti-français en matière de vin. Si je fais si souvent des comparaisons avec les vins français, c’est parce que la France est pour moi, comme pour la majorité des amateurs, LA référence en matière de vin. Surtout ici au Québec, j’y reviendrai. Plusieurs des meilleurs vins que j’ai dégusté dans ma vie étaient français, mais malheureusement, la majorité de mes plus grandes déceptions étaient aussi hexagonales. La France est pour moi le pays du plus grand savoir-faire vinicole, mais c’est aussi le pays où ironiquement on renonce le plus à ce savoir-faire. Certains renoncent à une partie du savoir-faire et minimisent l’importance de son exceptionnel patrimoine végétal pour valoriser uniquement la terre, car le lieu, c’est la seule partie du patrimoine vinicole français qui ne peut être exportée. C’est un mouvement de réaction compréhensible face à un sentiment de dépossession, ça vient aussi d’une volonté de distinction, mais c’est une réaction à mon sens déplorable. Car la plus grande force de la France réside dans la synergie entre tous ses atouts. Pour moi donc, en matière de vin fin, il y a deux France. C’est là un point très important. Ensuite, de manière plus générale, la France, comme bien d’autres pays développés, fait face à un désavantage concurrentiel par rapport à des pays vinicoles émergents. La main d’oeuvre et la terre y coûtent passablement plus cher. Les règles sont plus strictes, la monnaie est très forte, et on ajoute souvent au coût des vins une prime au prestige des appellations. Ce qui fait que dans mon approche RQP, c’est un pays qui cadre mal. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas de bons vins français offerts à prix avantageux. Alors ceux qui voient en moi un francophobe de la bouteille peuvent aller se rhabiller. De plus, je ne tiendrais pas de blogue si je buvais surtout du vin français dans un Québec franco-français. Je ne vois pas l’intérêt qu’il y aurait à être une voix supplémentaire dans le choeur des louanges. De ne pas être partie de ce large choeur est probablement une des raisons me faisant paraître si strident aux oreilles de certains. Je détonne dans le paysage. Ça c’est certain.

Comme j’espère l’avoir établi, je suis loin d’être anti-français en matière de vin. Toutefois, là où je suis vraiment en réaction négative, c’est face à la domination de ce que je pourrais appeler, de manière générale, l’esthétique française au Québec. Cela peut contribuer à me faire paraître francophobe, mais ça n’a pourtant rien à voir avec la France et ses vins. C’est une question québécoise. Bien sûr, il y a une affinité linguistique, et jusqu’à un certain point culturelle entre la France et le Québec. Il est même souhaitable de préserver l’essentiel de ce lien précieux. Toutefois, cela ne doit pas se faire au détriment du reste de la carte vinicole mondiale. Un certain équilibre dans le discours devrait aussi exister. Je ne suis donc pas en réaction contre la France, je suis en réaction contre le discours francocentriste qui prédomine au Québec. Le discours accepté ici manque cruellement de diversité. L’ombre française plane en permanence. L’idée voulant que le palais québécois soit naturellement français est totalement fausse. Ce palais est un palais acquis et je trouve qu’il est regrettable qu’il en soit ainsi. Ce palais collectif pourrait être bien plus varié, tout comme le discours des ténors qui forgent les opinions, et tout comme l'offre de produits de notre monopole. Ce modeste blogue se veut une très petite voix discordante dans cette symphonie unanimiste. Je tente ici de faire valoir un autre point de vue, de montrer qu’il existe autre chose de valable à prix très abordables hors du modèle français. Ce qui ne veut pas dire que celui-ci soit mauvais, mais on ne peut souhaiter la correction d'un déséquilibre en appuyant également sur les deux plateaux de la balance. À l’évidence, c’est là une nuance qui échappe à plusieurs. Alors quand je parle de pressions conformistes, et avec un brin d’ironie, de “vrai goût”, et de “vrais amateurs”, c’est dans le contexte que je viens de décrire. Il ne faut pas avoir peur d’être rabroué au Québec, dans le milieu du vin, pour affirmer avec force des choses contraires au discours dominant. Il ne faut pas exprimer trop fort un goût différent, et il ne faut surtout pas remettre en cause le dogme de la supériorité absolue des meilleurs vins français.

Ce climat de conformisme me semblait évident dans les réactions, ou absence de réactions, suite aux deux dégustations de vins de Sauvignon Blanc ayant eu lieu récemment sur FDV. Les dégustateurs du deuxième groupe qui ont bien apprécié le Matetic ne se sont pas mêlés au débat. Ils se sont tenus bien tranquilles, alors que dans l’autre groupe, ça pavoisait sans retenue, alors que la retenue aurait dû être de mise. La seule opposition est venue de l’extérieur, d’ici. J’ai réagi parce que ces dégustations avaient eu pour point de départ un commentaire que j’avais émis ici sur la comparabilité du Matetic avec des vins de Sancerre vendus bien plus chers. Sinon, je n’aurais pas réagi et ce serait passé comme une lettre à la poste. D’ailleurs, l’univers des forums de discussion sur le vin au Québec est symptomatique de la situation de conformisme que je viens de décrire. Si on veut être certain de ne pas être attaqué par la petite meute de roquets, gardiens de l’intégrité du discours. Il vaut mieux ne rien dire. Ce qui fait que ce ne sont plus vraiment des forums de discussion, mais plutôt des lieux virtuels de contact, de partage d’information, et d'organisation de dégustations entre amateurs. D’ailleurs, j’ai trouvé assez ironique cette semaine qu’on copie le lien de mes commentaires discordants sur FDV. J’ai fait le choix il y a un an de me retirer pour ne pas déranger la tranquillité du lieu, et voilà qu’on m’y ramène contre mon gré de manière indirecte. D’ailleurs Olivier, c’est là un point très important que tu omets dans ta critique posée et constructive à mon égard. J’ai choisi d’écrire ici, sur un blogue personnel au point de vue clairement identifié. Ce faisant je n’impose mes propos à personne. S’il n’y avait pas eu de lecteurs, j’aurais fermé boutique depuis longtemps. Mais des amateurs sont intéressés par ce que j’écris. Pas des masses, mais suffisamment pour me donner la motivation de poursuivre. Si des gens veulent réagir sur le fond de mes écrits, avec un minimum de respect. Je publie leurs messages même s’ils sont en total désaccord avec moi. Toutefois, si certains trouvent mes propos outranciers ou offensants. La solution est simple. Ils n’ont qu’à ne pas venir les lire. Avec ce blogue indépendant, je ne m’impose à personne. Alors il est très facile d'éviter l’agacement. Si la seule existence de mes propos agace, alors c'est qu'il s'agit d'un cas gravement pathologique d'intolérance.

Je pense avoir bien expliqué que malgré les apparences, je n’ai pas d’aversion pour la France vinicole, et qu'au contraire, j'ai le plus grand respect pour son apport fondamental à la viticulture de qualité dans le monde. J’ai aussi bien expliqué pourquoi le statut de référence de la France en faisait un point de comparaison valable et difficilement contournable, surtout dans le contexte québécois. Toutefois, j’aimerais apporter quelques clarifications supplémentaires dans le contexte du brouhaha de cette semaine. Dans toute cette histoire, jamais je n’ai remis en cause la qualité possible des vins français impliqués, pas plus que je n’ai proclamé la supériorité du seul vin chilien présent. Mon expérience personnelle avait donc très peu à voir dans tout le débat. Ce que j’ai dénoncé, c’était le protocole et le choix des vins d’une des deux dégustations. J’ai aussi dénoncé des propos tenus par des participants à la suite de la dégustation que je jugeais inadéquate. Finalement, je me suis insurgé contre le manque de respect envers les participants de l’autre dégustation qui me semblait bien plus objective. Là où mon expérience personnelle pouvait entrer en jeu, c’était sur ma critique du choix des vins de la dernière vague. Néanmoins, je persiste à croire que cette critique était valable. Les lecteurs pour leur part avaient tout le loisir de juger pour eux-mêmes de la validité de cette critique. Encore une fois. Je critiquais l’agencement des vins, pas leur qualité. Si quelqu’un veut me dire aujourd’hui sans rire, avec tout ce qu’on sait maintenant du déroulement de cette dégustation, que c’était un exercice rigoureux et objectif comparable, par exemple, aux bancs d’essai du magazine CELLIER. Il peut le faire, mais une chose est sûre. Je ne cesserai pas de sourire!

Finalement, pour ce qui est de mon texte ayant eu comme prémisse les propos de Jean-Louis Chave sur le rôle des levures Brettanomyces dans ses vins. Olivier, soit je me suis mal exprimé, ou tu m’as mal compris. Je suis certain que M. Chave est un producteur très compétent qui sait très bien ce qu’il fait. Je ne lui donne d’ailleurs aucun conseil. D’un côté je me réjouis de l’honnêteté de ses propos, du point de philosophique. Toutefois, je m’insurge contre ses justifications et ses omissions volontaires. D’ailleurs, je donne aussi l’exemple d’un autre producteur qui a une vision toute autre de la question. Peut-être que si tu rencontrais Adam Lee, toi aussi tu pourrais être métamorphosé, mais bien sûr, M. Lee est de l’autre monde... C’est dangereux d’inverser les polarités! Ceci dit, je ne veux pas en faire absolument une question de mondes vinicoles, même si je persiste à croire que c’est bien plus prévalent et ancré dans la culture en France et en Europe. Dans le même article de Decanter, on retrouve les propos de Denis Dubourdieu et de Peter Gago, deux oenologues éminemment respectables, qui expriment clairement que des arômes de Bretts détectables sont pour eux une faute. Aussi, preuve de plus que ce n’est pas une question de mondes, mais bien de philosophie. Quelqu’un a copié le lien vers mon texte sur le forum français “La Passion du Vin”. Le vigneron Hervé Bizeul du Clos des Fées y a réagi en écrivant ce qui suit:

“Un regard très juste. Rien à ajouter après cela. À lire”.

Pour l’avoir lu sur son blogue auparavant, M. Bizeul est un bel exemple de producteur français n’étant pas en faveur de ces levures. Voilà.



Claude



http://lapassionduvin.com/phorum/read.php?22,70656,493345#msg-493345

http://www.decanter.com/people-and-places/wine-articles/485213/the-misunderstood-world-of-brettanomyces



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4 commentaires:

  1. Bonsoir Claude,

    Merci pour ta longue réponse à mon message précédent. Le texte méritait clairement un nouveau sujet car tu y soulignes effectivement de nombreux aspects de ta démarche qui, j'en suis sûr, intéresseront les lecteurs qui te connaissent moins.

    Voici quelques réflexions que ton message a engendré de mon côté. Premièrement je suis toujours un peu surpris à quel point tu sembles voir ton approche du vin irréconciliable à la mienne, au point de nous considérer "aux antipodes". Comme tu aimes à le souligner, je suis peut-être d'une nature plus consensuelle, et j'ai tendance à croire que l'on peut apprendre beaucoup de gens ayant des vues diamétralement opposées aux siennes; en fait j'ai constaté dans plusieurs milieux que les gens qui sont toujours d'accord entre eux progressent peu en général.

    Une différence importante entre nos points de vues est le rôle du RQP dans l'expérience du vin. A la suite de ton message, je comprends mieux que ce sont des convictions personnelles qui te portent à mettre les RQP au centre de ta découverte du vin. Ce choix est donc fondé sur quelque chose d'important à tes yeux et je pense que pour plusieurs qui choisissent de ne pas faire trop attention aux RQP, il y aurait lieu de s'en souvenir lorsque vient le temps de te lire.
    Pour moi les RQP font partie du paysage vinicole, mais financièrement je me limite à leur recherche pour les vins de consommation quotidienne et pour en encaver quelques uns qui - on l'espère toujours - créeront surprise lorsque servis à l'aveugle. Pour le reste, je cherche à avoir une vision du vin la plus étendue possible en termes de coûts, dans les limites du raisonnable et de mon porte-feuille. Ceci est important à mes yeux, non pas pour devenir un expert ou une sommité, mais pour me dire lorsque l'expérience du vin tirera à sa fin (je jamais c'est le cas) que j'ai exploré en quelque sorte les aspects essentiels du vin.

    Contrairement à ce que tu penses, nous sommes assez proches dans notre vision du franco-centrisme québécois en matière de goût du vin. Si je le comprends culturellement pour des gens de la génération de Jacques Benoît, je suis toujours un peu étonné de voir des jeunes gens ayant peu d'expérience en matière de vin se déclarer "accro de la Bourggne", "palais ligérien" ou exprimer une fierté à ne pas avoir de vins du Nouveau Monde en cave car, c'est bien connu, ce ne sont pas des vins fins...
    J'ai souri quand tu as suggéré que je pourrais être métamorphosé par une rencontre avec Adam Lee... Je t'apprendrai peut-être que ma cave est diverse et que, au-delà des vins français, on y retrouve pas mal de fioles d'Italie, du Portugal, d'Australie, de Californie, etc. Donc parler de l' "autre monde" versus mes goûts est un peu tiré par les cheveux.
    En fait, un aspect qui pourrait caractériser ma démarche est d'apprécier le point de vue "moderne" de certains (Jean-Luc Thunevin, Marcel Guigal, Steven Henschke, Denis Dubourdieu, etc) tout en respectant des gens qui veulent faire "autrement", ne se conformant pas aux oenologues (Henri Bonneau, Jean-Louis Chave, Sean Thackrey, Serge Hochar, les frères Raveneau, etc). Les seconds sont parfois plus frustrants car leurs vins sont plus sensibles, mais il me semblent qu'ils représentent un aspect fondamental du vin comme création, alors que le premiers représentent souvent des avancées techniques plus que des visions singulières du vin. Bien sûr de nombreux vignerons sont quelque part entre les deux mais, bref, j'aime la pluralité en matière vinicole.

    - SUITE PLUS BAS -

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  2. - FIN DU MESSAGE -

    Par ailleurs, je ne voulais pas suggérer que tu es francophobe côté vin, mais plutôt que dans l'ensemble de tes écrits le rôle du vin français ne me semble pas vraiment clair dans la mesure où tu en parles peu et, surtout, en termes négatifs. Je comprends tout à fait que tu trouves moins important de parler de ces vins, puisqu'il y a déjà bien des commentaires émis par pros et amateurs au Québec et ailleurs. Il y a une vertu à faire découvrir des régions moins mises en valeur.

    Finalement, je ne partage pas ton opinion qu'il ne faut pas exprimer des vues contraires à la "tendance majoritaire". Je pense qu'il y a de nombreux individus sincèrement curieux parmi les amateurs que j'ai eu le privilège de connaître au cours de 7 dernières années au Québec, qui ne demandent pas mieux que des dégustations thématiques bien organisées pour en tirer des enseignements personnels. Pour le reste, les dégustateurs un brin superficiels, qui ne font que répéter des lieux communs, ils réduisent eux-même leur réelle expérience du vin ce qui est déjà bien dommage pour eux, si "populaires" soient-ils.

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  3. Olivier,

    Mon allusion à Adam Lee n’était pas pour suggérer que ta cave manquait de diversité. Pour t’avoir lu avec régularité, je sais que ce n’est pas le cas, même si j’ai toujours perçu avec toi, qu’en fin de compte, si tu avais à choisir, les classiques européens seraient toujours ce que tu choisirais. Ce n’est pas un reproche, mais une simple constatation. Tu ne devrais pas t’en défendre. Mon allusion à M. Lee était bien sûr pour souligner ce qui est le plus grand point de discorde entre nous, soit ce que j’appellerais les vins “malpropres”. C’est-à-dire tous ces vins qui développent des arômes post-FA particuliers. Sur ce sujet, la discussion pourrait être sans fin et on ne trouverait pas de terrain d’entente. C’est une divergence en terme d’appréciation de ces vins, mais aussi une divergence philosophique. Il faut dire qu’un point que j’ai oublié de souligner dans mon texte précédant, c’est l’intérêt que je porte au côté scientifique du vin. Il faut dire que ça cadre avec ma formation de biochimiste/chimiste. Si tu me donnes le choix de discuter avec un vieux vigneron qui me parlera en termes empiriques, et un oenologue de pointe pouvant m’expliquer, preuves à l’appui, le pourquoi des choses. La décision pour moi serait très facile à prendre. Certains rêvent de visiter les grands châteaux de Bordeaux, moi si j’allais à Bordeaux, c’est à la faculté d’oenologie que j’aimerais aller, pas juste pour visiter, ou comme François Chartier pour ses bouquins moléculaires, au laboratoire Excell de Pascal Chatonet. Chartier y avait fait un stage et avait eu accès à une large banque de composés aromatiques qu’on retrouve dans le vin. Dans son cas c’était pour l’aider dans ses ambitions harmoniques. En ce qui me concerne, j’aimerais cette expérience pour pouvoir mettre des mots objectifs sur des arômes et pour pouvoir en connaître la provenance dans le processus d’élaboration des vins. Comprendre le vin et progresser comme dégustateur pour moi relève de cette logique bien plus que de la possibilité de déguster des vins rares et renommés, si bons puissent-ils être. Toute la mystique qui entoure le vin, l’image de noblesse, la tradition, le prestige, l’exclusivité. Ça me laisse totalement froid. C’est sûrement une raison importante faisant qu’au-delà des valeurs personnelles, je suis demeuré ancré dans mon approche RQP. J’ai une attitude face au vin où je semble toujours dire: “Ne me contez pas d’histoire”.

    Pour le moment je n’ai pas le temps pour plus. Je reviendrai plus tard avec d’autres commentaires.

    Claude

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  4. Olivier,

    Finalement un peu de temps pour compléter ma pensée. Par rapport à ces amateurs débutants qui proclament posséder un palais “fin”, ligérien, bourguignon, ou autre, moi aussi ça me fait sourire, mais en même temps c’est compréhensible. Ça se place mieux dans une conversation que de prétendre avoir un palais chilien!!! Pour moi, ça fait partie de la “bullshit” associée au monde du vin, et ce n’est surtout pas réservé aux débutants. Je comprends qu’on puisse favoriser certaines régions, mais je pense que la motivation derrière cela ne relève pas d’une supposée nature particulière du palais, mais bien plus sur de facteurs extérieurs. C’est mon cas pour le Chili, comme je l’ai déjà expliqué. Même si je m’intéresse beaucoup à ces vins, je ne considère pas avoir un palais chilien. En fait, dans l’approche face au vin, les aspects mental et psychologique impliqués sont très importants. Le monde du vin fin véhicule des valeurs hiérarchiques très fortes, et ces valeurs se transposent à divers degrés chez ceux qui s’y intéressent. En cette matière, l’ego peut devenir très impliqué. La logique du “Dis-moi ce que tu bois et je te dirai qui tu es” joue beaucoup. En ce sens, qui voudrait s’associer à une région en déficit d’image?... Vaut mieux choisir ce qui semble avoir de la classe. Quand on se fait répéter d’entrée que la Loire c’est la finesse, ou que la Bourgogne c’est là où il faut finir. Il n’est pas étonnant que certains décident de sauver du temps! Quand on est bien convaincu de la validité de ces clichés. C’est à ce moment qu’on proclame avoir un palais d’un certain type. À étiquette découverte on aborde ces vins très positivement, ce qui renforce le phénomène d’appréciation. À la longue, on apprend aussi à les connaître vraiment, ce qui peut aider ensuite à lever le nez sur le reste sous prétexte que ça ne cadre pas avec notre palais spécifique et raffiné... Bien sûr il y a un brin d’ironie et de caricature dans ce que je viens d’énoncer, mais si peu... J’avais d’ailleurs pondu un petit texte sur ce sujet en décembre dernier, intitulé: “Le goût: une question de choix?”

    Personnellement, je suis intimement persuadé que notre attitude face au vin a une forte influence sur ce que nous en percevons. Par attitude, je veux parler de notre niveau de conviction mentale. Plus on aura des idées fortes et bien arrêtées par rapport à un vin dont on connaît l’identité, et plus cela influencera notre perception de celui-ci. Selon notre niveau de conviction, on projettera notre préconception de celui-ci dans notre perception à son égard. Bien sûr, dans certains cas il peut y avoir convergence entre nos idées préconçues et la réalité, mais en cas de divergence, l’aspect mental déformera, de façon plus ou moins importante, la réalité. Pour moi ce phénomène est tellement important, que si on l’ajoute aux variations biologiques de sensibilité entre dégustateurs. Il est bien difficile au bout du compte de s’y retrouver. C’est à mon avis ce qui explique la popularité des gourous prétendant pouvoir évaluer la qualité du vin avec précision. L’amateur de vin, même celui qui prétend posséder un palais spécifique, a en général un fort désir de vérité absolue. Cela est bien prouvé par la popularité immense du système de notation sur 100, avec ses seuils psychologiques de 90 et 95. Malheureusement, l’aspect mental, ainsi que l’imprécision et la variabilité des sens olfactif et gustatif sont en contradiction avec ce désir de vérité. La vérité est peut-être dans le vin, mais si on est bien convaincu, on pourra y trouver celle qui fait notre affaire. Moi je pense qu’on ne devrait jamais oublier que la réalité est modulée dans notre cerveau. C’est une donnée fondamentale dans l’expérience du vin.

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