vendredi 10 septembre 2010

Les vins blancs de l’hémisphère sud méritent plus de respect

L’hémisphère sud compose une très grande partie de ce que l’on appelle le Nouveau-Monde en matière de vin. Plusieurs amateurs aiment accoler une étiquette péjorative aux vins de ces pays, mais en général, les vins rouges se méritent tout de même plus de respect. On reconnaîtra une certaine qualité à ceux-ci, mais souvent, du même souffle, on en déplorera le style. Pour ce qui est des vins blancs, le même respect est beaucoup plus rare. Quand on pense vins blancs, on pense la plupart du temps climat plus frais, et dans la perception générale, ces pays de l’hémisphère sud ne sont pas reconnus pour posséder de tels climats. Donc, les vins blancs de ces pays sont souvent tous mis dans le même panier. Encore une fois, même lorsqu’une certaine qualité leur est reconnue, la question du style est souvent posée comme problématique.

Ce portrait que je brosse de la situation est bien entendu caricatural, mais je pense qu’il reflète l'essence du discours dominant. Beaucoup de préjugés existent encore sur les vins blancs de l’hémisphère sud. Il faut dire qu’il y a encore beaucoup de vins qui cadrent bien avec ces préjugés. Toutefois, la réalité est beaucoup plus nuancée, et depuis environ une quinzaine d’années, beaucoup d’efforts ont été déployés dans ces pays pour planter les cépage blancs sur des terroirs plus frais qui leurs conviennent mieux. À cet effet, j’ai souvent parlé ici des efforts du Chili pour développer de nouvelles régions plus fraîches. En ce sens, j’ai souri cette semaine en prenant connaissance des résultats des “Decanter World Wine Awards” où trois vins chiliens ont remporté des trophées de meilleur vin de sa catégorie. Le Chili a complètement raflé la catégorie du Sauvignon Blanc avec le Cipreses Vineyard, 2009, San Antonio, Casa Marin pour les vins de Sauvignon Blanc de plus de 10 £, et le Sauvignon Blanc, Reserva, 2009, Elqui, Vina Mayu, dans la catégorie à moins de 10 £. Pour conclure, le Riesling, Vision, 2009, Bio Bio, Cono Sur a remporté le prix dans la catégorie des Rieslings à moins de 10 £. Je sais que ce n’est qu’un concours, avec toute l’imprécision que ça comporte, mais de voir trois blancs chiliens remporter des trophées alors qu’aucun rouge n’a réussi à le faire est pour moi un signe des temps dans ce pays. Trois blancs de jeunes vignes, de trois nouvelles régions fraîches situées aux extrémités et au milieu du Chili vinicole, avec Elqui située à 500 km au nord de San Antonio, et Bio Bio 500 km au sud. C’est ça le nouveau Chili, un pays vinicole qui n’a plus rien d’homogène sur plus de 1000 km.

Toujours sur le sujet des blancs de l’hémisphère sud et du respect parfois déficient envers ceux-ci. C'est avec beaucoup de retard que j’ai lu l'édition du printemps dernier de la revue CELLIER de la SAQ. Je suis tombé sur une dégustation comparative des vins de Riesling. La performance des vins de l’hémisphère sud, en particulier de l’Australie, y fut très convaincante. À mes yeux, cela prouve encore une fois l’utilité de la dégustation à l’aveugle pour déboulonner les préjugés et les hiérarchies acceptées. Je salue d’ailleurs l’honnêteté du texte d’analyse des résultats. Un extrait a particulièrement retenu mon attention. Il va comme suit:

“L’Alsace semble jouir d’un préjugé favorable dans l’esprit de nos juges, puisqu’ils avaient tendance à mettre un score plus élevé aux vins qu’ils croyaient alsaciens, et inversement, quand ils cochaient la case “Ailleurs dans le monde”, les pourcentages accordés tiraient vers le bas. Dans le même ordre d’idées, les australiens si largement appréciés ont souvent été perçus comme alsaciens... de sorte qu’ils ont gagné!”

Ouch!!! Voilà qui est très révélateur. C’est d’ailleurs pourquoi les dégustations de type confrontation de ce genre ne m’intéressent plus vraiment. Car bien plus que les vins, ce sont souvent les dégustateurs et leurs préjugés qui s’y confrontent. Surtout qu’ici au Québec, la grande majorité des amateurs et des leaders d’opinion se situe du même côté de la balance. C’est bien dommage. Mais dans le cas de cette dégustation, il faut quand même reconnaître le courage de certains de ces leaders d’opinion qui ont pris le risque de s’exposer publiquement aux aléas de la dégustation à l’aveugle. C’est tout à leur honneur. Malgré tout, j’attends toujours un changement de ton général et plus de respect de leur part envers les vins de l’hémisphère sud, les blancs en particulier. Il faut réaliser que le lieu précis d’origine est aussi important pour ces vins que pour ceux de la vieille Europe. Surtout que les producteurs qui investissent pour développer ces nouvelles régions plus fraîches le font d’abord et avant tout avec une motivation qualitative. Sinon ils ne se donneraient pas tout ce mal, et n’investiraient pas de bonnes sommes, si ce n’était pas dans le but de produire quelque chose de distinctif et de qualité. D’ailleurs, j’aurais bien aimé voir le Riesling, Vision, de Cono Sur dans cette dégustation, ou bien celui de Casa Marin. Malheureusement, aucun vin chilien de ce cépage n’est disponible à notre monopole étatique. Je suppose que le jour où on se comportera envers les vins de l’hémisphère sud avec le même respect qu’on porte à ceux de l’hémisphère nord, l’offre sur nos tablettes sera meilleure et ils se vendront mieux.

http://www.winesofchile.org/countries/europe-news/chile-all-white-all-right/



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