dimanche 11 mars 2012

La garde du vin: Une façon simple d'ignorer la tendance


Qu'est-ce qui est tendance actuellement dans le monde branché du vin? L'idéalisation de la nature. Cela se reflète dans la vogue du vin dit naturel, du vin biologique, voire biodynamique. Ces courants privilégient le rejet des sulfites comme agent stabilisateur du vin, ou son usage minimal. L'usage des levures indigènes est aussi favorisé, au dépend des levures sélectionnées. Le collage et la filtration sont aussi considérés comme des étapes néfastes, ayant soi-disant pour effet de priver le vin de son âme... Bien sûr, ce naturalisme relève surtout d'une forme particulière de romantisme, où l'action de l'homme est décrétée comme nuisible. J'ai longuement traité de ce sujet dans un texte antérieur.

Si vous êtes de ceux qui ont tendance à se laisser séduire par ce type de discours, il peut être embêtant de choisir un vin sans se poser trop de question à propos des vilaines manipulations qu'il aurait pu subir. Heureusement, il y a une façon simple mais exigeante de couper court à ce genre de questionnement, garder du vin en cave sur une longue période. Personnellement, je n'ai jamais embarqué dans ce courant mystico-naturiste. Idéalement je préfère les vins bios, mais seulement pour des raisons environnementales, pas parce qu'ils sont nécessairement meilleurs. Ceci dit, je ne m'empêche pas d'acheter des vins conventionnels si je pense que ceux-ci représentent de bons achats. Je pense juste que le bio est préférable, là où c'est possible, mais ce n'est pas une clef essentielle à l'atteinte d'un haut niveau qualitatif. Pour le reste, je continue de penser qu'il y a beaucoup poudre jetée aux yeux. Toutefois, privilégier des vins ayant un bon potentiel de garde constitue encore le meilleur moyen de couper court à ce genre de prétentions fumeuses. J'ai déjà écrit un texte à propos de la garde et de la disparition graduelle des sulfites dans le vin. Heureusement, les vertus du cellier et de la patience ne s'arrêtent pas là. La complexité que les levures indigènes peuvent apporter ne sont potentiellement perceptibles que sur de très jeunes vins, surtout des blancs. Le temps en bouteille a pour effet d'annuler cette possible distinction de prime jeunesse. Voici un lien vers un texte intéressant sur le sujet. Autre point où selon moi la garde a un effet niveleur, c'est à propos des vins non collés et non filtrés. Les partisans de cette pratique, popularisée par notre bon ami le pape Bob premier, prétendent que le collage et la filtration ont pour effet de priver un vin d'une partie de sa chair, entre autre en défaisant sa structure colloïdale. Bien sûr, il y a différents types de filtrations, certaines plus restrictives que d'autres. Sur des vins très jeunes, cette théorie semble sensée, mais sur des vins plus âgés, j'ai toujours eu de forts doutes sur la pleine validité de celle-ci. La plupart des vins élaborés sans collage ni filtration présente un dépôt important, même en jeunesse. Cela signifie qu'une bonne partie de la matière qu'on voulait préserver dans le vin décante rapidement au fond de la bouteille. Ensuite, mon expérience m'a montré que même sur des vins collés et filtrés, la garde prolongée a pour effet de provoquer la formation d'un dépôt, entre autre, par la polymérisation de tanins et autres polyphénols. Donc, le temps en bouteille a pour effet d'enlever de la matière au vin. Les vins âgés sont généralement moins charnus et volumineux. Donc, le temps prolongé en bouteille a un effet qui se rapproche de celui de la filtration. À mon avis, donc, lorsqu'il est question de vins âgés, il doit être bien plus difficile de percevoir une différence entre vins filtrés et non filtrés.

Finalement, les enjeux possibles reliés à toute cette question de naturisme dans le vin s'appliquent à mon avis à des vins jeunes. Si votre goût et votre expérience vous portent vers des vins plus âgés, ces considérations deviennent alors secondaires. Le temps en bouteille a eu pour effet de niveler les choses en éliminant une bonne partie, voire la totalité, des différences de jeunesse entre l'approche naturalisante et l'approche œnologique. Le temps en bouteille pourra aussi atténuer un boisé très généreux de jeunesse. Toutefois, il est important de se rappeler que les vins peu ou pas sulfités et non filtrés ont plus de chance d'être microbiologiquement instables et donc de développer des arômes particuliers de fermentation secondaire en bouteille. Des arômes qui peuvent être très désagréables pour un bon nombre de dégustateurs. La garde du vin élaboré selon les règles de l'art de l’œnologie me semble donc un moyen idéal pour couper court à toutes ces considérations idéologiques. La garde affinent les vins stabilisés qui en ont le potentiel en les transformant au niveau aromatique et en les dépouillant des excès et artifices qui viennent souvent avec la jeunesse.

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