samedi 17 mars 2012

SYRAH, CUVÉE ALEXANDRE, LAS KURAS, 2008, CACHAPOAL, CASA LAPOSTOLLE




Ce vin est issu du vignoble Las Kuras, situé à 5 km du pied des Andes, sur un lit asséché de rivière. Ce sol rocheux ressemble à celui de Bordeaux et procure un bon drainage, en plus d'absorber une chaleur qui est rendue après le coucher du soleil. Casa Lapostolle est un autre producteur chilien qui s'est laissé séduire par la mode biodynamique et ce vignoble est cultivé selon cette doctrine. Le millésime 2008 a été le plus frais des six dernières années, mais l'absence de pluie au temps des vendanges a permis d'attendre l'obtention de la maturité phénolique considérée comme optimale. L'élaboration de ce vin inclut la vendange manuelle et un tri serré au chai. La fermentation est effectuée sans inoculation, avec les levures indigènes du milieu, et la fermentation malolactique a lieu en barriques de chêne, elle aussi sans inoculation de bactéries sélectionnées. Le vin a été élevé pendant 22 mois en barriques de chêne français ( 67% neuves, 25 % deuxième usage et 8 % troisième usage). La vin n'a pas été collé, mais a été légèrement filtré. Il titre à un ronflant 15.5% d'alcool. À priori ce n'est pas le type de vin que je privilégie, mais j'étais curieux d'en faire l'essai pour mettre mes préjugés à l'épreuve.

La robe est d'un violet foncé impénétrable témoignant de la jeunesse et du style du vin. Le nez est expressif et charmeur, exhalant des douces notes de fruits noirs très mûrs, de cerises macérées dans l'alcool, de pâtisserie, d'épices douces, de poivre noir et de fumée. Le profil olfactif est axé sur une grande maturité du fruit et sur un apport boisé généreux. Le titre alcoolique élevé du vin est perceptible, mais l'ensemble est cohérent et agréable. La bouche, sans surprise, suit le fil conducteur déjà initié et en rajoute même une couche sans s'excuser. Le vin s'y montre opulent et soyeux, une véritable pâtisserie à la confiture de fruits et au chocolat noir. C'est riche et juteux, les anglos diraient décadent, mais la qualité est indéniable et le style totalement assumé. En milieu de bouche le vin montre un fort niveau de concentration, avec un bon volume, une certaine onctuosité et une présence alcoolique qui s'intègre au style. La finale résume en feu d'artifice l'essence de ce vin avec de l'intensité et de la longueur sur des relents amers de chocolat noir.

J'ai écrit plusieurs fois sur ce blogue que la Syrah était le cépage noir le plus versatile du Chili. Sa capacité d'adaptation à différents terroirs permet d'obtenir une grande variété de styles. Avec ce vin de Casa Lapostolle, on se situe clairement à un extrême du spectre stylistique. On a clairement choisi de loger du côté de l'archétype Shiraz. C'est un vin privilégiant la maturité du fruit, l'usage assez appuyé de la barrique de chêne, et dont le style intègre bien le taux élevé d'alcool. Cet alcool est légèrement perceptible, mais pas d'une façon négative, si on accepte ce style qui a des airs de parenté avec le porto, un porto sec toutefois. Personnellement, ce n'est pas le style de vin que j'aime boire de façon régulière, mais à l'occasion et dans des circonstances appropriées, je ne boude pas le plaisir particulier que ce genre de vin peut offrir. Ceci dit, j'ai quand même bu la bouteille sur une période de trois jours. Ce n'est pas le type de vin qui appelle rapidement le fond de la bouteille. Heureusement, le vin a parfaitement tenu sur cette période et n'a rien perdu dans cet intervalle. Malgré cela, c'est un vin que j'hésiterais à mettre en cave pour une longue période. J'aurais peur que l'alcool à la longue prenne trop de place, mais c'est là un préjugé de ma part, car je n'ai jamais gardé de rouge montrant un titre alcoolique aussi élevé. Le prix de ce vin (25.25$) me semble très intéressant par rapport à son niveau qualitatif. Des exemples australiens ou californiens de ce niveau et de ce style se vendent généralement pas mal plus cher. Finalement, c'est un vin idéal pour déculotter tous ceux qui pensent que la biodynamie et le naturalisme dans le vin sont un rempart contre ce style de vin. Malgré la bioD et les fermentations aux micro-organismes indigènes, ce vin est doux, soyeux et onctueux, et il est ainsi d'abord et avant tout à cause des choix de ceux qui l'ont élaboré. Les deux choix les plus critiques ayant été la date tardive de vendange, privilégiant la maturité phénolique, et un usage généreux de la barrique toastée de chêne neuf. Malgré toutes les croyances qu'on peut bien tenter de colporter, l'interprétation d'un terroir, par le style préconisé, demeure essentiellement une question de choix humains.

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