lundi 13 décembre 2010

En matière de vin, le Québec est-il vraiment francocentriste? (Part II)

Dans mon premier texte sur ce sujet, publié en novembre dernier, j’y étais allé de cette affirmation:

“Cette offre de produits totalement débalancée est en lien direct avec le discours et la mentalité francocentristes des professionnels du vin au Québec, que ce soit les journalistes, les sommeliers, ou les conseillers de la SAQ. Pour eux, de façon générale, la France est le centre du monde vinicole, le point de vue à partir duquel tout est analysé. Cela ne veut pas dire que l’on ne boira que du vin français, mais même lorsque l’on boit autre chose, on l’analyse par rapport aux références françaises.”

Certains ont pu penser que j’y allais fort dans mes propos, et pourtant... Cette semaine, avec pas mal de retard, j’ai commencé à lire la dernière édition de la revue CELLIER de la SAQ. Dans celle-ci, il y a y une entrevue avec le chroniqueur vin Claude Langlois du Journal de Montréal. J’étais curieux de lire ce qu’il avait à dire sur son métier et le monde du vin en général. Ce que j’ai pu lire m’a totalement consterné. Si quelqu’un doutait de mes propos ci-haut, il n’a qu’à lire ça. Il y a peu de choses ne venant pas de l’Hexagone, en matière de vin, qui trouvent grâce aux yeux de M. Langlois. Pour l’avoir lu jadis, je le savais très axé sur la France, mais à ce point. J’avoue avoir été surpris. Toutefois, là où le gars s’est totalement discrédité, c’est dans ses propos sur les arômes de Brettanomyces et sur le Chili. Il dit détester les “bretts”, sauf dans le bourgogne. Plus tard en réponse à savoir quel pays l’avait le plus déçu, il y va d’une diatribe surréaliste contre le Chili. Je cite:

“Le Chili, parti en peur au début des années 90. Je trouve ça plate à dire, mais 9 fois sur 10, ça sent la sueur et la selle de cheval, la brett- même qu’ils font de moins bons vins aujourd’hui qu’à l’époque- je dis une énormité, je sais. C’est probablement juste mon goût qui a changé.”

Assurément que M. Langlois dit non pas une, mais des énormités. Cette déclaration est d’une ignorance crasse. Je suis d’ailleurs très déçu que l’intervieweur et éditeur de la revue, Marc Chapleau ait publié cela. Ceux qui me connaissent savent comment j’ai en horreur les arômes de Brettanomyces dans le vin. Croyez-moi, si 90% des vins chiliens étaient “brettés”, je ne tiendrais pas un blogue pour tenter de les faire mieux connaître. Pour reprendre l’expression de ce cher M. Langlois, “c’est plate à dire”, mais je pense que celui-ci ne sait pas reconnaître un vin “bretté” tellement son propos est loin de la vérité. Aussi loin de la vérité que de dire que les vins chiliens étaient meilleurs il y a 20 ans. Du pur délire.

Honnêtement, j’ose croire que Claude Langlois n’est pas totalement ce qu’il projette dans cette entrevue. D’ailleurs, Chapleau a pris l’axe fort en gueule pour ce portrait, et peut-être l’a-t-il poussé dans certains travers. Une chose est sûre pour moi toutefois, quelqu’un du statut de Claude Langlois devrait faire preuve de plus de rigueur dans ses propos, et une revue se voulant sérieuse comme CELLIER, et que j’apprécie beaucoup par ailleurs, ne devrait pas publier n’importe quoi. Pour ce qui est du francocentrisme québécois en matière de vin, comme disent les anglos: “I rest my case”.

pages 90-95 
http://publications.saq.com/doc/MagazineCellier/cellier_hiv_2010_fr/2010101401/

http://levinauxantipodes.blogspot.com/2010/11/en-matiere-de-vin-le-quebec-est-il.html

 
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7 commentaires:

  1. salut claude,
    j'avais été moi meme estomaqué de lire ces propos de mr langlois et me demandait aussi comment on peut avoir horreur de la brette dans un vin et la tolérer dans l'autre... je m'etais dit que les oreilles devaient te buzzé quand je lisais ca! lol
    a+ boule

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  2. Salut Benoît,

    Ouais. J'ai lu ce numéro sur le tard, mais c'en est un que j'aurais pu sauté. Mais en y repensant, je me dis que des gens comme M. Langlois sont mes alliés objectifs. Même un francocentriste de bonne foi ne peut pas être d'accord avec de telles grossièretés!!!

    Claude

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  3. Bonjour Claude Vaillancourt,

    Cellier a publié ce que Langlois a bel et bien dit, sans le censurer.

    C'est peut-être une énormité, mais cela, aux lecteurs et à des gens comme vous de juger et de commenter.

    Cela dit, pour la petite histoire, j'aime bien, pour ma part, les vins du Chili et voilà plus de 20 ans que je le dis sur diverses tribunes.

    Cordialement,

    Marc Chapleau

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  4. Bonjour à vous Marc Chapleau,

    Si M. Langlois avait lancé de telles énormités à l’encontre d’une région vinicole bien établie. J’aurais facilement compris votre choix éditorial car il est vrai que les lecteurs auraient facilement compris la fausseté du propos. Malheureusement, Langlois s’en est pris avec à une cible facile en régurgitant un tel lot de préjugés. Ses propos étaient si loin de la réalité du vin chilien actuel, pas toujours celui qu’on retrouve à la SAQ, que pour quelqu’un comme moi qui tente de le faire mieux connaître, c’était vraiment choquant. De tels propos publiés dans une revue sérieuse et de qualité comme la vôtre l’étaient encore plus à mon avis. Votre revue, que je lis depuis ses débuts, a établi un haut standard de qualité au fil du temps. Ce qui en fait une source d’information crédible pour ses lecteurs. Toutefois, avec ce statut vient des responsabilités, et il m’est avis que sur ce coup là, probablement pour rester dans le ton de l’interview qui voulait faire le portrait d’un fort en gueule, vous avez levé la tête. Avec tout le matériel que vous avait donné Langlois, et il vous a même demandé s’il vous avait fourni assez de “stock”. Je pense que vous auriez pu omettre ses délires sur le Chili et ses vins, tellement ils étaient loin de la réalité de ce pays en déficit d’image. D’ailleurs, le paysage vinicole de ce pays a bien changé en 20 ans, plus vite que son image publique en fait. Si je puis me permettre. Vous devriez y consacrer un numéro à venir de votre revue sous l’angle de ce que j’appelle le Nouveau-Chili. M. Langlois pourrait ainsi apprendre beaucoup de choses sur le “work in progress” le plus intéressant du monde vinicole actuel.

    Bien à vous.

    Claude Vaillancourt

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  5. Il a aussi eu des mots pas trop tendres envers les barolos - les dénoncez-vous également ? Vous me parlez de responsabilités, fort bien, mais qualifier les propos de Langlois de "délires", c'est également très subjectif et discutable, non ? Continuez cela dit à promouvoir le Chili, ils font effectivement du bon vin.

    Marc Chapleau

    N.B. Ne vous surprenez pas si je ne réagis à votre éventuelle réponse, je pars en reportage et serai pas mal occupé pour une dizaine de jours.

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  6. Dire que 9 vins chiliens sur 10 sentent la sueur de cheval et la brett. Je regrette, pour moi c'est du délire. Dire que les vins chiliens d'aujourd'hui sont moins bons que ceux d'il y a 20 ans, c'est ne pas connaître son sujet.

    Pour le reste, c'est vrai qu'il y avait bien d'autres propos questionnables. Pour ce qui est des borolos surfaits selon M. Langlois. D'abord c'est une région bien établie et reconnue. Puis on est loin de l'outrance des 9 vins sur 10 qui sentent la sueur et la brett. Ceci dit, ce sont des vins que je ne connais pas assez pour avoir une opinion valable. Malgré tout je vous souhaite bon voyage et bon reportage.

    Claude Vaillancourt

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  7. Je vous rejoins quand même sur pas mal de points, Claude. Je trouve aussi que le Chili d'aujourd'hui n'a rien à voir avec l'ancien. J'étais là-bas en novembre, et à Cousino Macul le Antiguas Reserva Cabernet Sauvignon, notamment, était d'un fruité et d'une fraîcheur étonnants, pas de sueur ni de caoutchouc du tout.

    Je vous écris à présent de la Ribera del Duero, à quelques km d'un certain Vega Sicilia... Je viens tout juste d'arriver ici pour Cellier, le numéro de mai prochain, qui sera axé sur l'Espagne.

    Salut bien,

    Marc C.

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