vendredi 2 juillet 2010

PINOT NOIR, ODA, 2007, BIO BIO, VERANDA


Retour sur ce vin de Pinot Noir, qui fut une de mes plus belles découvertes de l’année dernière, question de voir comment il se comporte. Veranda est une des quatre étiquettes du groupe Corpora, avec Vina Porta et Agustinos au Chili et Universo Austral en Argentine. C’est un groupe aux ambitions qualitatives élevées, qui se concentre surtout sur le développement de nouveaux terroirs de climats frais dans le sud du continent, dans la région de Bio Bio au Chili, et en Patagonie en Argentine. La vallée de Bio Bio est la deuxième région vinicole la plus méridionale du Chili et son développement pour la viticulture est très récent. Cette vallée est située à environ 600 km au sud Santiago et offre un climat frais propice à la culture des cépages blancs tels les Chardonnay, Riesling, Gewurztraminer et Sauvignon Blanc, ainsi que du capricieux Pinot Noir en rouge. Cette cuvée Oda, élaborée sous la supervision du consultant bourguignon d’origine québécoise Pascal Marchand, est issue de raisins de culture biologique provenant d’un vignoble unique appelé Miraflores. L’égrappage est pratiqué sur 80% de la vendange, aucun ajout d’acide n’est pratiqué, la fermentation est effectuée avec des levures sauvages et l’élevage a lieu pour 14 mois en barriques de chêne français, neuves pour un quart. Le vin est embouteillé sans filtration. M. Marchand décrit son approche de la vinification comme non interventionniste.

La robe translucide exhibe une belle teinte rubis bien soutenue. Le nez a de quoi surprendre et faire tomber tous les préjugés possibles sur le Chili. Il est aussi une indication claire du potentiel de ce cépage dans Bio Bio. On croirait être en face d’un vin bourguignon de bon niveau, avec des arômes séduisants de cerise, de fraise, de cannelle et de muscade, complétés par un aspect que je ne peux nommer, mais qui pour moi évoque la Bourgogne. En bouche, le vin montre un très bel équilibre, alliant intensité, fraîcheur et délicatesse. Les saveurs sont de grande qualité, sans lourdeur aucune, sur une trame tannique soyeuse. En milieu de bouche, l’impression d’équilibre persiste, avec un vin qui correspond à l’idée que je me fais d’un bon vin de ce cépage. Ça coule sans effort et avec plaisir. La finale garde le cap sur l’harmonie sans dévier d’un seul degré. L’essence de ce vin s’y retrouve avec un superbe fondu de saveurs où le caractère épicé gagne en importance, le tout sur une persistance de très bon calibre.

Il y a des vins qui de temps en temps nous impressionnent par leur qualité, et qui en même temps nous amènent à nous interroger sur certaines conceptions des choses. Ce vin tombe clairement dans cette catégorie. Qu’il soit bon, ça je m’en doutais. J’en avais chanté les mérites avec enthousiasme l’été passé sur le forum Fou du Vin, où j’écrivais avant de démarrer ce blogue. Un an après, il m’apparaît encore meilleur. Mais probablement à cause que j’ai dégusté peu de vins européens dans la dernière année, le caractère européen de ce vin m’est apparu de façon très claire. Une bouteille de Chardonnay du même producteur dégustée dernièrement m’avait fait le même effet. Si j’avais dégusté ces vins en pure aveugle, je n’aurais jamais pensé Chili, mais plutôt Bourgogne. On parle souvent de terroir dans le monde du vin, particulièrement en Bourgogne. C’est une sorte de mot magique pour expliquer des choses qui souvent n’ont rien à voir. Mais pour moi, dans ce cas-ci, il me semble clair que c’est l’aspect humain qui est en cause. Je veux dire par là que ce sont les manières de faire apportées par M. Marchand qui semblent faire la différence. Bien sûr, sans de bons fruits issus d’un lieu approprié, rien ne serait possible. Mais cette signature qui pour moi évoque la Bourgogne ne peut à mon avis venir que des façons utilisées pour élaborer le vin. Ça m’intrigue vraiment. J’aimerais comprendre les éléments qui dans le cours de l’élaboration, tant au vignoble qu’au chai, permettent d’obtenir un tel résultat. Une chose est sûre toutefois, un vin comme celui-ci ne fait que renforcer ma conviction voulant que le vin soit d’abord et avant tout une création humaine. C’est l’homme qui fait le vin. C’est lui qui choisit comment et où planter les vignes. C’est lui qui décide des méthodes de culture, du moment de la vendange, et finalement, c’est lui qui manipule les fruits issus de ces vignes pour arriver en bout de course au liquide qu’on retrouve dans la bouteille. Loin de moi l’idée de nier l’importance des facteurs naturels dans le niveau qualitatif qui peut être espéré en matière de vin. Mais les décisions humaines demeurent la base de tout, pour le meilleur, comme pour le pire.

En terminant, j’ignore si la SAQ offrira le millésime 2008 de ce vin, mais selon le journaliste britannique Tom Cannavan, celui-ci se comparerait avantageusement au 2007 (voir le lien).

http://www.wine-pages.com/organise/corpora.htm

http://www.planetavino.com/reportajes/detalle.asp?id=441




*

10 commentaires:

  1. Claude,

    Très heureux que tu aies fait l'expérience de ce vin encore une fois, et que tu la partages avec nous. Tu nous donnes vraiment envie d'ouvrir une des nôtres bientôt. Nous avions acheté ce vin suite à tes commentaires sur Fouduvin.

    Et tout comme toi, on croit aussi que le vin est une création humaine.

    Pierrette et Jules

    RépondreSupprimer
  2. Salut Pierrette et Jules,

    Il me reste 12 autres expériences à venir avec ce vin. Bien du plaisir à venirm et une belle occasion pour moi de vérifier le potentiel de garde d'un bon Pinot chilien à la bourguignone.

    RépondreSupprimer
  3. Superbe travail, je vous remercie pour votre aide, et notez dans un 1er temps que je "plussoie" moi aussi entièrement votre positon ! J'insiste, oui votre article est vraiment bon, je reviendrai régulièrement vous lire... Je vais avoir besoin d'un peu de temps pour réfléchir à tout ça.

    RépondreSupprimer
  4. Je parlais dans mon texte d'hier à propos de Vina Vik de la haute densité de plantation utilisée à 8000 plants/hectares. Et bien il y a d'autres maisons au Chili qui plantent de nouveaux vignobles à très haute densité. C'est le cas de Corpora/Veranda qui plante du Pinot Noir dans Bio Bio à une densité de 20000 plants/hectare!!! J'ignore si le Pinot commande une plus grande densité de plantation que les cépages bordelais, mais à 20000 plants/hectare, la mécanisation est sûrement impossible. Sur la page principale j'ajoute le lien d'un article en espagnol très intéressant sur l'influence bourguignonne qui a court chez Corpora dans Bio Bio. Pas étonnant que ça se reflète dans leurs vins. Ils parlent maintenant de délimiter des crus et jouent du terroir comme de vrais Bourguignons!!!

    RépondreSupprimer
  5. Après Alexander Vik, un autre millionnaire, et grand amateur de Pinot Noir, Kevin Harvey, l'homme derrière Rhys Vineyards en Californie se lance dans un projet intéressant au Chili. L'homme a acheté des terres dans la vallée de Bio Bio, pour y planter 150 hectares de son cépage favori, tout en investissant 10 millions de dollars américains. Il y a aussi le bourguignon Nicolas Potel qui vient de s'associer à Corpora pour produire des vins de Pinot Noir sous son nom dans Bio Bio. L'histoire de cette région ne fait que commencer, mais déjà des connaisseurs de ce cépage ont flairé le potentiel.

    RépondreSupprimer
  6. salut claude,

    Goûté la semaine dernière à ce vin. Très beau pinot très loin du nouveau monde. nez typique Bourguignon. Me reste 4 bouteilles. Acheté à la LCBO sur ta recommendation.

    Merci encore.

    JF (Dantès)

    RépondreSupprimer
  7. Salut JF,

    Content que tu aies aimé ce vin. Toutefois, tu l'as acheté à la SAQ Signature. Pour une fois que celle-ci offre un bon vin du "Nouveau Chili", il faut le mentionner. C'est trop rare.

    Claude

    RépondreSupprimer
  8. bonjour. grand merci de m'avoir mis sur la piste de ce bon pinot noir. découverte et j'y retourne ! (le 2009). josée b.

    RépondreSupprimer
  9. Bonjour Josée,

    J'ai acheté sept bouteilles de ce vin. Il est de très belle qualité, mais je l'ai trouvé bien jeune. Mes six autres bouteilles vont dormir au cellier quelques années.

    Claude

    RépondreSupprimer
  10. Deux ans et demi plus tard je reviens sur ce qui commence à avoir un petit peu de millage dans la bouteille. Celui-ci ne montre pas de signes évidents d'évolution et est toujours aussi bon, toujours aussi fidèle au cépage, et son caractère évoquant le standard bourguignon ne se dément pas. Décidément un de ces vins précurseurs qui laissent entrevoir le potentiel de ce cépage au Chili sur des terroirs bien choisis.

    Claude

    RépondreSupprimer