Depuis près de 15 ans maintenant que je m’intéresse plus sérieusement au vin et à ce qui le concerne, ma perception des choses a évolué sur plusieurs aspects. Je dirais que le plus gros changement est la conviction que j’ai maintenant de l’invalidité des systèmes précis de notation, et au premier chef, celui sur 100 qui est aujourd’hui la norme. Toutefois, s’il y a un point où je suis resté sur mes positions depuis le début, c’est sur la validité de la dégustation à l’aveugle. Cette pratique souvent décriée par les buveurs d’étiquette me semble absolument essentielle pour pouvoir parler de vin dans une plus juste perspective. Le conditionnement psychologique dans l’appréciation du vin est une réalité scientifique, les études de Frédéric Brochet l’ont bien démontré (voir lien). C’est une réalité que j’ai moi-même expérimenté à plusieurs reprises. Lorsqu’on est convaincu de savoir ce que l’on boit, et que l’on a une idée préconçue de ce que ça devrait être en termes qualitatifs, notre perception et notre appréciation sera modifiée par nos attentes. La réalité, si elle est différente, sera déformée dans notre cerveau pour correspondre à notre idée préconçue. Bien sûr, plus forte est l’idée préconçue, et plus forte est la conviction de sa validité, et plus le phénomène de déformation opérera s’il y a une différence entre la réalité et cette idée toute faite.
Malheureusement, autant je crois en la dégustation à l’aveugle, autant je trouve difficile de la pratiquer de façon neutre et décontractée. En tant qu’amateur, dès que l’on est soumis à cet exercice, qui se fait généralement en groupe, on devient très suspicieux, on a peur d’avoir l’air fou, notre ego se sent menacé et notre cerveau part un peu dans toutes les directions. L’idéal est de le faire simplement, pour soi-même, en toute tranquillité, avec juste une bouteille ou deux. Bien sûr, c’est un exercice à faire de temps en temps, car il serait insensé et difficilement praticable de boire tous ses vins en pure aveugle. L’utilité de la dégustation à l’aveugle est de changer notre perspective et notre approche face au vin. De nous aider à demeurer ouvert et humble, en étant conscient de notre propension à être influencé par l’identité des vins que l’on boit. Je pense que cela peut nous aider à être de meilleurs dégustateurs à étiquette découverte. Ceci dit, je comprends que plusieurs amateurs qui dépensent de fortes sommes pour des bouteilles renommées ne soit pas enclins à reconnaître les vertus de l’aveugle. Si je payais de telles sommes pour des bouteilles, moi non plus je n’aimerais pas me faire dire qu’un vin à 25$ peut être aussi bon, sinon meilleur, que certains vins à 75$, ou qu’un vin d’une région émergente du Nouveau-Monde peut valoir un classique européen. La corrélation qualité/prix est très imparfaite en matière de vin, et la dégustation à l’aveugle n’est qu’un révélateur de cet état de fait. De boire en isolé la bouteille de 25$, à étiquette découverte, en se disant que le résultat à l’aveugle est invalide ne changera rien à la réalité.
Ceci dit, la dégustation à l’aveugle, comme toute dégustation, demeure un moment dans le temps, une rencontre unique entre un vin et un dégustateur. Les deux pourront évoluer dans le temps, pour le meilleur ou pour le pire... Il n’y a rien de définitif en matière de vin, comme il n’y a pas de certitude. Je pense que c’est là le plus bel enseignement qu’on puisse tirer de la dégustation à l’aveugle, celui de rester ouvert à tout, ou du moins, d’essayer.
http://www.academie-amorim.com/documents/brochet.pdf
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samedi 1 mai 2010
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