vendredi 4 octobre 2013

CHARDONNAY, 2010, ALTO CACHAPOAL, CLOS DES FOUS



Voici un deuxième vin du Clos des Fous à faire son apparition sur les tablettes de la SAQ, cette fois dans le cadre d'un arrivage CELLIER. J'ai déjà parlé du Cabernet Sauvignon du même producteur en avril dernier. Veuillez vous y référer pour plus de détails et des liens à propos du projet Clos des Fous. À propos de ce vin, les raisins pour son élaboration proviennent de trois vignobles, deux situés dans les contreforts des Andes dans le haut Cachapoal et l'autre à Traiguen dans la région de Malleco, le même endroit d'où provient le Chardonnay Sol de Sol. Un des vignobles de Cachapoal est situé à presque 1000 mètres d'altitude, ce qui en ferait le vignoble le plus élevé du Chili, le reste provient d'un vignoble de Calyptra. L'élaboration de ce vin se veut non interventionniste, l'étiquette parle même d'une approche naturelle. Les grappes entières sont pressées, suit une fermentation à basse température et il n'y a pas de malolactique. Le vin ne voit pas le bois de chêne et titre à 13.8% d'alcool.

La robe est d'une belle teinte dorée. Des arômes de pêche, de beurre et de noix trahissent un peu l'identité du cépage, alors que des notes citronnées, florales et miellées, ainsi qu'une très légère et passagère pointe de conifère mêlent plutôt les cartes pour donner un tour original au profil olfactif de ce vin. Cette ambiguïté identitaire suit en bouche, mais le niveau qualitatif lui ne laisse aucun doute. Le vin possède une matière dense et concentrée, soutenue par une acidité marquante. Le milieu de bouche révèle un vin droit et ferme dont la palette de saveurs est teintée par une touche oxydée, ce qui donne au vin un air légèrement évolué. Il y a aussi une fine dose d'amertume dans ce vin qui contribue à lui donner une certaine austérité. La finale est longue et bien soutenue par l'acidité qui laisse son empreinte sur l'ensemble de ce vin.

Ce vin est chilien de par son origine, mais la patte française de son auteur, François Massoc, transparaît clairement dans son profil. En un sens, c'est le contraire d'un vin de terroir tellement il est clair que des décisions humaines en ont façonné certains contours. Aussi, l'assemblage de raisins provenant de trois vignobles et deux régions va à l'encontre de la notion de terroir. Ce vin à l'aveugle passerait pour un vin européen, probablement français, de la Loire ou du Jura, avec sa légère touche d'oxydation. Toutefois, s'il était vraiment français, certains emploieraient plutôt l'euphémisme « oxydatif »... D'un autre côté, le vin a une belle fraîcheur, une belle matière et une acidité incontournable. J'ose croire que cela tient en partie à la fraîcheur des lieux d'où il est issu, soit l'Alto Cachapoal et Malleco. Donc, le terroir au sens large a sûrement son mot à dire dans l'identité de ce nectar. Ceci dit, je pense que le message le plus fort que lance ce vin c'est que le Chili n'a pas de limites réelles en termes de styles possibles. En fait, la seule limite elle est humaine. Si les quatre « fous » à l'origine de ce projet ont pu tirer un tel vin de la terre chilienne, c'est la preuve que leur « folie » est bien volontaire. Ce que je veux dire par là, c'est que la limite n'est pas dans la très grande variété de terroirs que le Chili peut offrir, mais dans la tête des hommes qui plantent des vignobles et qui font du vin. La vraie folie au Chili c'était de planter du Chardonnay à côté du Carmenère sur le plancher torride de la vallée centrale. Massoc, Parra et les autres, en choisissant leur nom ironique, ont décidé de tendre un miroir à un certain Chili vinicole en posant la question : Qui est le plus fou? Et en laissant leurs vins y répondre. Ceci dit, il y a eu d'autres fous au Chili avant eux. D'ailleurs, en dégustant ce vin, je ne pouvais m'empêcher d'y trouver des similarités avec un Sauvignon Blanc, Cipreses Vineyard, 2005, de Casa Marin que j'avais ouvert une semaine auparavant. Celui-ci présentait aussi un côté légèrement oxydé, et cette oxydation avait éliminé plusieurs des arômes variétaux du Sauvignon Blanc, mais il restait le caractère citronné, la matière dense et l'acidité. Aujourd'hui, face à cette ressemblance, je ne peux que me rappeler que Maria Luz Marin avait elle aussi été traitée de folle pour avoir planté des vignes à seulement 4 km de l'océan Pacifique au début du siècle. Aujourd'hui, ses vins comptent parmi les meilleurs du Chili. Tout cela pour dire qu'il y a de moins en moins de gens au Chili pour penser que ceux qui veulent étendre les limites du vignoble national sont fous. Je dirais même que c'est plutôt l'inverse. Ceux qui se cantonnent dans les vieilles façons de faire ne jouent pas la même partie que les producteurs qualitatifs. Il y a peut-être encore des nigauds, pour se laisser attraper par des vins du Chili d'un autre temps, mais quiconque connaît un peu les vins de ce pays sait qu'il faut être un peu fou pour se laisser prendre, à moins bien sûr qu'à force de s'y intéresser on ne devienne fou des vins du Chili 2.0.

3 commentaires:

  1. Bonsoir M. Vaillancourt,
    CR très intéressant comme toujours. Une question toutefois : avez-vous aimé ce vin ? Vous parlez d'un certain niveau qualitatif, mais je sais pour vous lire que vous distinguez la qualité du produit et votre appréciation. J'avais beaucoup aimé le cabernet sauvignon de la même maison, parfaitement calibré pour mon palais : un rouge sur le fruit et non boisé. Je suis donc en attente de goûter ce chardonnay.

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  2. Bonjour JB,

    Bien sûr que j'ai aimé ce vin, même s'il est vrai que même si je vante amplement sa qualité dans mon texte je n'y vais pas d'une claire déclaration d'amour. Je pense que c'est le très léger aspect oxydé que j'y ai noté qui m'a retenu. J'aime ce côté dans des blancs plus âgés, quand ça demeure léger, mais dans de jeunes vins ça m'embête un peu. Je vois alors plus ça comme un défaut, même si le caractère très subtil de la chose ne nuit pas vraiment au vin actuellement. Ceci dit, je doute du potentiel de garde de ce vin. J'ai toujours pensé que les problèmes actuels d'oxydation prématurées de bourgognes blancs, et autres vins blancs français étaient dû à la phobie injustifiée des sulfites qui est à la mode actuellement, et comme ce vin a été élaboré avec une philosophie de "vin naturel", disons que j'ai tendance à faire le lien entre cela et ce début d'oxydation que j'y ai perçu. Donc, ma légère retenu est plus philosophique et à propos du potentiel de garde, qu'à propos du plaisir que donne le vin actuellement. Ceux qui boivent sans rationaliser n'y trouveront qu'un plaisir sérieux.

    Claude

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  3. J'ai bu et goûté ce vin qui m'a beaucoup plu. À boire au cours des 2-3 prochaines années...

    Patrick

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