dimanche 4 mars 2012

Parker et la nécessité de maintenir le mythe


J'ai continué de lire depuis hier ce qui s'écrit ici et là sur la toile dans la foulée du lot de notes parfaites récemment attribuées par Parker à des bordeaux 2009. Plus je lis et plus ça me désole. Ceux qui s'offusquent de Parker pour avoir décrété trop de perfection ne remettent pas en cause le système de notation sur 100 ou son statut quasi papal. Non. Ce qu'on semble lui reprocher, c'est d'avoir sanctifié trop de vins et de l'avoir fait trop rapidement. Comme si de nommer d'un coup autant de vins enlevait de la valeur à la sainteté. Mais on ne remet pas en cause la capacité d'un homme à décréter la sainte perfection. Pourtant, plus je lis sur les critères pouvant mener à la sanctification parkerienne, et plus je me dis que le pape est plus ouvert que lui dans ses critères. J'ai appris au fil de mes lectures que 10 points de l'échelle d'évaluation de ce bon Parker étaient attribués au potentiel de garde d'un vin. Un vin sans potentiel d'évolution est ainsi plafonné à 90 points. Donc, pour décréter la perfection il faut pouvoir lire dans l'avenir, et si par malheur vous avez une faible longévité, la sainteté vinique vous sera inaccessible. Une chance que Jeanne D'arc n'était pas une bouteille de vin... Une chose est sûre, ceux qui achètent des vins sur la base des notes de Parker, et ouvrent rapidement leurs bouteilles, devraient savoir que la note du prophète est alors invalide. De plus, pour adhérer au système Parker, il faut obligatoirement avoir une cave et la patience de garder ses vins sur de longues périodes, avec les coûts très élevés que ça implique. Le premier grand cru payé 1000$ en primeur aura triplé de prix 25 ans plus tard, lors de l'ouverture, au moment où la grosse note si séduisante de Parker sera justifiée. Ceux qui se plaignent du prix prohibitif des grands bordeaux devraient se rendre compte que ce prix l'est encore beaucoup plus si on suit les règles de l'art en la matière. C'est beaucoup d'argent à investir pour espérer toucher la perfection, et il faut avoir confiance en sa propre longévité. Ceci dit, je sais que lorsqu'il est question de perfection, il est trivial de parler d'argent... Veuillez m'en excuser.

Comme on peut le voir, tout cela semble bien loin du simple plaisir que le vin peut procurer. Ça semble aussi bien loin de la réalité de la vaste majorité des amateurs. Ce simple constat devrait être suffisant pour entraîner le rejet de ce système de notation insensé, même s'il y a bien d'autres raisons de le rejeter. Ce système est à mon avis la plus grande arnaque existante dans le monde du vin. À côté de cela la biodynamie semble presque rationnelle... Pourtant, le ridicule et l'invalidité de ce système seraient tellement faciles à démontrer par une simple dégustation à l'aveugle. Pour ce faire, Parker devrait prêter sa collaboration, ce qui bien sûr n'arrivera jamais. N'empêche, une simple dégustation, où Parker devrait noter à l'aveugle une série de vins qu'il a déjà notés dans sa revue, suffirait pour détruire la renommée de son système de notation et le mythe de son infaillibilité. Ça ne voudrait toutefois pas dire que Parker n'est pas un excellent dégustateur et qu'il ne maîtrise pas son sujet. Ça voudrait simplement dire qu'il s'agit d'un humain avec les limites que ça implique, et ça démontrerait surtout que la précision chirurgicale de ses sens et de son système de notation sont une véritable farce. Ça mettrait aussi à mal sa prétendue capacité à identifier la perfection. Cependant, si l'ami Bob se contentait de l'échelle simple à cinq niveaux que j'évoquais hier, alors je pense que son taux de réussite dans une telle dégustation serait excellent, et il prouverait ainsi qu'il maîtrise son sujet comme un humain doué et expérimenté peut le maîtriser. Pour moi il serait bien plus crédible dans ces conditions, mais pour la meute de ses fidèles, la désillusion serait grande. Le monde du vin aime les mythes, on y parle souvent de magie, on s'en remet volontiers au pouvoir des astres et aux vertus d'une nature idéalisée comme bienveillante. Mais on est souvent plus réticent a ramener le tout à une échelle humaine. En ce sens, il est facile de comprendre le mythe Parker et la division qu'il provoque. Ses partisans l'ont érigé en prophète, alors que ses détracteurs n'y voient qu'un homme, donc un suspect. Si Parker détruisait son mythe et assumait son humanité, en laissant tomber son système alambiqué de notation pour quelque chose de plus simple et réaliste, il tomberait dans une certaine indifférence. Tel est le monde du vin.

2 commentaires:

  1. Erreur de ma part à propos du limpide système de notation de Bob le prophète. Les 10 points auxquels je réfère dans mon texte comme étant reliés uniquement au potentiel de garde incluent aussi la qualité d'ensemble d'un vin. J'aurais dû mieux lire, mais en même temps ça rajoute au caractère alambiqué de ce système de notation. Sur ces 10 points, combien vont au potentiel de garde? Mystère. De plus, le potentiel de garde, lié à la notion contestable de plateau, ne représente-t-il pas un simple délai dans l'expression de la qualité intrinsèque d'un vin? Avec la précision qu'on lui connaît, ce bon Bob devrait pouvoir donner le jour et l'heure où sa note sera pleinement valide. Ça ne me semblerait pas plus ridicule qu'une note de 99+!!!

    Claude

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  2. Je suis tellement d'accord avec toi Claude!

    http://lesingeasoife.blogspot.ca/2014/02/le-systeme-de-notation-simplifie.html

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