mardi 29 novembre 2011

PINOT NOIR, GRAN CUVÉE, 2010, MUY ALTO MAIPO, VINA WILLIAM FÈVRE




J'ai ouvert ce vin dimanche passé et en le dégustant je suis tombé sur un article où William Fèvre exprime son appui au Front National de Marine LePen, tout en disant du même souffle qu'il est parti faire du vin au Chili de « Monsieur » Pinochet, au début des années 90, à cause de l'arrivée au pouvoir des socialistes en France. Disons que c'est une mauvaise coïncidence pour ouvrir une première bouteille ayant son nom sur l'étiquette, et ça mets dans de mauvaise dispositions pour la suite. Il faut dire qu'au strict plan vinique, je n'étais déjà pas dans les meilleures dispositions. Ce vin est déjà sur les tablettes de la SAQ depuis quelques millésimes et je ne l'avais jamais acheté auparavant car je ne voyais pas l'intérêt de faire du Pinot dans la chaude vallée de Maipo, même dans sa partie moins chaude du Haut-Maipo (Alto Maipo). Toutefois, des lectures récentes ont attisé ma curiosité à propos de ce producteur qui n'a aujourd'hui plus rien à voir avec William Fèvre, sauf son nom qui fut conservé, probablement pour une question de prestige dans un but commercial. Disons qu'avec la récente prise de position du bonhomme, l'image et le prestige viennent d'en prendre un coup. Ça incitera peut-être l'ancien partenaire chilien de M. Fèvre, la famille Pino qui a racheté ses parts dans l'entreprise, à changer de nom. À moins que ceux-ci partagent ses vues politiques et soient des admirateurs de Pinochet. Toujours est-il que pour revenir au vin, c'est lorsque j'ai appris la localisation exacte du vignoble d'où est issu ce vin, et l'implication de Pedro Parra, dans la réévaluation de ce qui avait été fait depuis 20 ans, que j'ai voulu donner une chance à ce vin. Le vignoble en question est situé dans le « Muy Alto Maipo », soit le très haut Maipo, situé 400 m plus haut que l'Alto Maipo et encore plus près des montagnes, sur les pentes d'un canyon enserrant la rivière Maipo. Malgré cela j'avais encore des doutes, car Parra a décidé de greffer du Cabernet Sauvignon sur les racines d'une partie du Chardonnay et du Pinot Noir qui y étaient déjà plantés. Si du Cab peut murir à cet endroit, ce n'est pas bon signe pour le Pinot Noir cultivé pas très loin, même si la nature exacte du sol peut être différente. Il n'y a rien comme goûter pour se faire une idée plus claire. Voici donc mes impressions sur ce vin où je l'avoue j'étais un peu biaisé d'avance.

La robe est de teinte rubis passablement translucide. Le nez présente les caractéristique de base du cépage avec des arômes de fraise et de cerise auxquels s'ajoutent des notes doucement épicées et légèrement torréfiées, ainsi qu'une légère pointe fraîchement végétale. En bouche, l'attaque surprend par sa vivacité et l'intensité de ses saveurs, ainsi que par une présence marquée de l'amertume. Ce surplus amer nuit à l'équilibre général du vin qui n'a pas assez de fruit et de matière pour donner équitablement le change. Ce qui fait qu'on se retrouve avec une vin intense, mais pas vraiment agréable. La finale n'arrange rien à l'affaire, l'amertume y gagnant encore en importance.

Je n'ai pas l'habitude de parler ici des vins que je n'ai pas aimés. Si j'ai décidé de commenter celui-ci, c'est qu'il me semble un exemple intéressant pour illustrer l'évolution du Chili vinicole depuis le début de sa révolution qualitative axée sur le développement de nouveaux terroirs plus frais. Comme je le disais à la fin de mon introduction, j'étais biaisé d'entrée face à ce vin, mais après m'être tapé la bouteille en entier sur trois jours, je pense que mon jugement sur celui-ci est tout de même solide, même s'il confirme mes appréhensions de départ. Je trouve que ce vin est un bel exemple de ce qui n'allait pas dans l'ancien Chili où la facilité et la prise de risque minimale étaient de mise. Même si dans ce cas-ci planter du Pinot dans les hauteur de la vallée de Maipo était déjà mieux que de le faire sur le plancher de celle-ci. Il n'en reste pas moins que ce choix était inadéquat. Cela ne veut cependant pas dire que le terroir choisi était mauvais, ce sont les cépages bourguignons qui y ont été plantés qui n'étaient pas appropriés. En ce sens, j'aimerais bien goûter le Cabernet Sauvignon qui est aujourd'hui produit à cet endroit, mais pour moi il est clair que ce terroir n'est pas compatible avec la production de Pinot Noir de grande qualité. Surtout quand on pense que ces vignes de Pinot ont de l'âge, ce qui est relativement rare au Chili pour ce cépage. On a beau vinifier méticuleusement les fruits avec le souci d'en tirer le meilleur vin possible. Il n'y a pas de substitut à la qualité de la matière première, et cette qualité est indissociable d'un mariage approprié entre le cépage et le terroir. Cette cuvée qui n'a de grand que le nom en est un exemple probant. Le vin n'est pas totalement mauvais, c'est buvable, mais sans plus. Il ne faut surtout pas se baser sur ce vin pour se faire une idée du potentiel du Pinot Noir au Chili. Les bases vinicoles de l'aventure chilienne de William Fèvre étaient aussi boiteuses que sa pensée politique. Que peut-on greffer sur des racines d'extrême droite?

3 commentaires:

  1. J'ai continué mes lectures sur Vina William Fèvre car j'étais intrigué par le fait que quelqu'un de sérieux comme Pedro Parra était impliqué dans ce projet. Je me demandais comment son optique terroir pouvait cadrer avec du Pinot Noir cultivé dans un lieu permettant la maturation du Cabernet Sauvignon. Finalement, en lisant sur le blogue du producteur je viens de voir que Vina William Fèvre a un nouveau vignoble de Pinot Noir dans la très fraîche région de Malleco.La vendange du Pinot à Malleco a lieu 5 semaines après celle du même cépage dans le très haut Maipo et le vin titre à 12.5 % d'alcool avec une très bonne acidité naturelle. En s'installant dans Malleco pour la culture des cépages bourguignons, Vina William Fèvre imite un autre producteur chilien aux accointances françaises, soit Vina Aquitania et ses fameux vins de la gamme Sol de Sol. Je suis pas mal sûr que Pedro Parra est celui qui a suggéré d'aller dans Malleco pour le Pinot car il prône, la fraîcheur et un climat nuageux pour obtenir les meilleurs résultats possibles avec ce cépage, deux choses qu'offre Malleco, sans compter qu'il n'y a pas besoin d'irriguer. Il pleut suffisamment dans cette partie méridionale du Chili. À bien y penser, la SAQ devrait abandonner ces deux vins de Vina William Fèvre (Pinot Noir et Chardonnay) et commander ses vins de cépages bordelais en attendant les vins de Malleco. Tant qu'à faire, notre monopole devrait offrir les vins de la gamme Sol de Sol (Chardonnay et Pinot Noir) de Vina Aquitania. Le Chardonnay y est produit depuis 10 ans et est considéré par plusieurs comme le meilleur vin chilien de ce cépage. En plus, Vina Aquitania est propriété de trois ténors de la viticulture française, Paul Pontallier, Bruno Prats et Ghislain de Montgolfier, sans compter Felipe de Solminihac, un chilien qui est à l'origine du projet dans Malleco. Un projet qui semblait fou il y a 12 ans. Aujourd'hui c'est l'exemple à suivre.


    http://william-fevre-chile.com/pino-family-mountain-vineyards/pinot-from-malleco/

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  2. En plus du Pinot Noir, Vina William Fèvre a aussi planté dans Malleco du Sauvignon Blanc,du Chardonnay, du Riesling, et du Gewurztraminer.

    http://www.facebook.com/note.php?note_id=226181615680

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  3. Pour situer Malleco voir ce lien.

    http://www.winesofchile.org/the-wines/wine-regions/malleco-valley/

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