dimanche 6 novembre 2011

Le vin: produit de civilisation


Le monde du vin est un monde particulier. À cause de l'imprécision des sens olfactif et gustatif on peut dire à peu près n'importe quoi à propos d'un vin sans que ce soit facilement vérifiable pour le consommateur. Le vin devient ainsi une matière opaque à laquelle on peut prêter toutes les vertus ou tous les vices. On peut aussi invoquer de nombreuses raisons, et parfois les plus saugrenues, pour justifier ces qualités et ces défauts allégués. Pour l'amateur il est donc souvent difficile de distinguer le vrai du faux, le farfelu de ce qui est plausible et c'est pourquoi l'étiquette et les scores sont si importants dans ce monde. Cette relative difficulté à voir au travers d'un vin ce qui le constitue vraiment, et ce qui a mené à sa constitution, ouvre la porte à bien des discours justificatifs. L'incapacité de nos sens à lire complètement dans le vin ce qu'il est, et aussi le parcours ayant mener à ce qu'il est, permet d'y projeter des valeurs qui bien souvent sont étrangères au vin lui-même. De cette façon, le vin peut se retrouver relié à des visions philosophiques, voire politiques et idéologiques. Ce liquide peut ainsi être instrumentalisé pour défendre une conception plus large du monde, de la société et de l'être humain. Avec la bonne étiquette et un discours approprié, bien claironné, c'est fou le nombre d'idées qu'on peut mettre dans une bouteille de vin.

Parlant de discours idéologique bien claironné, il ne se passe pas une semaine dernièrement sans que je ne tombe sur un article à propos du vin dit naturel. Chaque fois que j'entends parler de vin "naturel" ça m'irrite, car bien sûr cette expression est un bel exemple des idées qu'on peut artificiellement mettre dans une bouteille. Le vin n'est pas un produit naturel. Le vin naturel n'a jamais existé, même pas sous forme d'intermédiaire instable menant au vinaigre. Un produit naturel est un produit venant directement de la nature. Ce n'est bien sûr pas le cas du vin. Tout le monde sait ça, ou à tout le moins, tout le monde devrait le savoir. Mais on sait aussi qu'à force de répéter un mensonge bien enrobé, on peut parfois arriver à le faire passer pour une vérité, et dans un monde du vin qui préfère souvent le rêve à la réalité, il y a des couleuvres qui sont plus faciles à faire avaler que d'autres. Je dirais même que pour un certain auditoire branché, il y a un fort appétit pour ce genre de couleuvres teintées de romantisme. Toutefois, ce qui m'embête le plus dans ce mouvement idéologique, c'est qu'en qualifiant certains vins de « naturels », on laisse sous-entendre que ceux auxquels on n'appose pas cet adjectif trompeur auraient quelque chose d'artificiel et de forcément moins bon. Il faut bien comprendre que le discours à la base de ce mouvement laisse aussi sous-entendre que ce qui vient de la nature est nécessairement bon, alors que ce qui a été touché par le main de l'homme est de ce fait plus ou moins dégradé. C'est là bien sûr un discours profondément misanthrope et paradoxal, surtout quand on pense que le vin est fait et bu par des hommes.

Ce discours prônant les vertus du naturel en matière de vin m'apparaît étroitement lié à une frange extrémiste du mouvement écologique et environnemental actuel où l'activité humaine est souvent mise en opposition avec l'intégrité de la nature. En écoutant ce discours environnementaliste, on en vient parfois à se dire que la civilisation est une bien mauvaise chose et que le seul homme qui avait vraiment sa place sur cette planète était le chasseur-cueilleur d'avant la révolution néolithique. Dans cette vision des choses, la nature ne peut être que bonne et bienveillante. Il y existe un équilibre que l'action civilisatrice de l'homme vient briser. Pourtant, la nature n'est pas toujours bonne, elle est même souvent dure et cruelle. Cependant, il est vrai qu'il y existait à l'origine un certain équilibre que la quête de l'homme pour s'extirper de sa condition animale a rompu. La civilisation est un mouvement de l'humanité contre sa condition naturelle. C'est un long geste de révolte à l'encontre de l'équilibre naturel primitif, contre une condition qui fut jugée inacceptable. Par la civilisation, l'homme a entrepris de se soustraire, autant qu'il le pouvait, aux contraintes naturelles. Pour ce faire, il a tenté de comprendre la nature pour en arriver à posséder un certain contrôle sur celle-ci. Une des premières manifestations de cette volonté de contrôle sur la nature a été le développement de l'agriculture. L'agriculture est la base de la civilisation et c'est clairement une prise de contrôle par l'homme sur une partie de la nature. Avec l'avènement de l'agriculture, l'équilibre naturel primitif était résolument brisé. Aucun produit agricole ne peut donc être qualifié de naturel car il est le fruit du contrôle de l'homme sur la nature. Le vin quant à lui est plus qu'un simple produit agricole, puisqu'il est issu de la transformation par l'homme d'un produit agricole, le raisin cultivé. L'élaboration du vin représente le premier contact de l'homme avec ce qu'on appelle aujourd'hui la biotechnologie et sans outils techniques il n'y a pas de vins possibles. Le vin est donc une création humaine où l'homme a mis la nature à son service en la contrôlant de diverses façons.

Et oui, n'en déplaise à certains, le vin et la technologie sont intimement liés, même dans ce qu'on appelle le vin naturel. Il est difficile pour moi de comprendre pourquoi le mot nature est plus séduisant pour certains que le mot technologie. La technologie relève de l'intelligence humaine, du savoir et de la science. Le technologie procure à l'homme les outils variés qui sont à la base des métiers et des arts. La technologie est aussi le vecteur de l'acquisition de nouvelles connaissances et du développement. Bien sûr, la technologie c'est aussi une progression des possibilités humaines, bonnes ou mauvaises. La technologie donne du contrôle et aussi de la responsabilité à l'homme. C'est peut-être pourquoi certains préfèrent se laver les mains dans la neutralité naturelle. Comme la nature ne choisit rien, qu'elle se contente d'être et d'évoluer au gré du hasard, elle ne peut se tromper, et surtout, elle ne peut être déclarée coupable. Vous l'aurez compris, je ne suis pas de ceux qui ont une vision idyllique de la nature, et pour rien au monde je ne voudrais me retrouver dans la peau d'un chasseur-cueilleur du paléolithique, balloté et effrayé au gré d'une nature mystérieuse et indifférente. Je ne suis pas du côté de la nature, mais du côté de l'homme, de sa conscience et de son angoisse existentielle. C'est cette conscience de lui-même, et de sa condition, qui l'a poussé à essayer de s'en sortir graduellement, de génération en génération. La civilisation depuis son origine relève de cette impulsion humaine visant à comprendre et à maîtriser la nature, et ce n'est que dans cette perspective plus détachée que pour moi la nature devient intéressante et fascinante. Je sais que le vin est un détail dans cette vaste épopée motivée par des éléments bien plus fondamentaux, mais en même temps, je trouve important comme amateur de vin de bien comprendre qu'il fait partie de ce mouvement de civilisation. C'est d'ailleurs pour moi ce qui le rend si intéressant. C'est justement parce qu'il est issu du génie humain qu'il est le liquide le plus complexe et le plus intéressant au monde. Un liquide tellement plus intéressant que ce que la nature laissée à elle même peut produire. J'ai donc du mal à comprendre le mouvement obscurantiste qui voudrait ramener son élaboration à sa forme la moins maîtrisée. Je ne prêche pas ici pour l'usage maximal et irraisonné de la technologie et pour l'interventionnisme à outrance. Je prêche pour le savoir et son bon usage, et surtout, j'en ai contre l'idée que ce qui est purement naturel est supérieur à ce que le contrôle de la nature par l'homme peut donner.

Pour revenir à un niveau plus terre à terre, tout en poursuivant dans le même sens, je suis toujours étonné de lire des propos à l'encontre des levures sélectionnées. Je me demande toujours pourquoi ceux qui sont contre la sélection du matériel micro-biologique pour la fermentation, ne sont pas aussi contre la sélection du matériel végétal et sa culture ordonnée. Si les levures sauvages laissées à elles-mêmes sont si fondamentales pour l'obtention d'un vin de meilleure qualité, alors pourquoi n'utilisent-on pas des vignes sauvages non sélectionnées, franches de pied, sans porte-greffes hybrides sélectionnés? Ceux qui connaissent vraiment la viticulture le savent. L'identification, la sélection et la bonne connaissance des propriétés du matériel végétal sont des éléments fondamentaux de la viticulture de haute qualité. Alors si la connaissance et la sélection du matériel végétal sont si importantes au vignoble pour pouvoir en mener au mieux la culture, pourquoi la sélection et la connaissance des propriétés du matériel micro-biologique pour le contrôle adéquat des fermentations ne serait pas tout aussi important? Des fermentations bien contrôlées, avec un matériel micro-biologique adéquat, sont le meilleur moyen de révéler le terroir d'où un vin est issu en évitant les déviations et les interférences aromatiques. Pour arriver à ce contrôle nécessaire des processus fermentaires, et pour l'obtention d'un vin micro-biologiquement stable en bouteille et apte à bien vieillir, l'usage des sulfites est aussi nécessaire. L'usage de ce produit est diabolisé par le mouvement du vin "naturel". Pourtant, si le vin naturel n'existe pas, le dioxyde de soufre naturel lui existe. La fermentation du raisin en génère et sous sa forme de sulfite il n'est pas plus dangereux pour la santé que du sel de table. De plus, il disparaît du vin après une garde en bouteille de 5 à 10 ans. Il est donc difficile de comprendre le rejet d'un outil si utile autrement que par l'angle idéologique.

Personnellement, je n'aime pas croire. Je préfère savoir. En ce sens, l'homme, grâce au savoir, a la capacité de juger des choses et de moduler son comportement en conséquence. Le mauvais usage du savoir et de la technologie par certains ne devrait pas discréditer le savoir technique. L'essence même de la vie réside dans l'aspect relatif des choses et dans la possibilité de faire des choix. Pour moi adhérer au dogme séduisant et simpliste du naturel bienveillant est une capitulation, une abdication de la pleine capacité créatrice de l'homme. Ceci dit, même lorsqu'on l'affuble de naturel, le vin demeure une création humaine, et comme l'homme il peut être bon ou mauvais. Mais au-delà de tout, le vin est un produit de civilisation, un symbole de la relation tourmentée de l'homme avec sa condition naturelle.

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8 commentaires:

  1. Coincidence que ce petit texte de Hervé Bizeul qui va dans le sens de ce que j'ai tenté d'exprimer ci-haut. Un bout de phrase se détache pour moi: "Je savoure le luxe d'avoir le choix..."


    http://closdesfees.com/blog-herve-bizeul/index.php/post/2011/10/23/paillasse


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  2. Bonjour Claude,

    Bien que je sois d'accord avec ton point principal voulant que l'obscurantisme ne soit pas une voie intéressante pour le réel amateur de vin, je ne mettrais pas tous les producteurs de vins "nature" ni leurs défenseurs dans le même panier.

    Je pense que l'idée de faire du très bon avec le moins de manipulations possibles est bonne, mais il demeure à voir si ces vins peuvent se garder adéquatement dans le temps, pouvant être intrinsèquement instables.

    L'outil technologique est important, mais tu sembles évacuer le problème suivant : où arrête-ton on? Par exemple, si un vin sent et goûte meilleur parce que l'on ajoute des arômes de cannelle, de cassis, de rose, ... est-ce un usaga adéquat de la technologie? Si l'on prend le point-de-vue strictement utilitaire voulant que si ça goûte meilleur, alors on y va, je crois que l'on évacue quelque chose d'essentiel dans le vin. Qu'en penses-tu? (sur cet exemple, mais surtout sur l'idée que la limite d'utilisation de la technique fait appel à des notions hors de ces considérations techniques elles-même)

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  3. Salut Olivier,

    Les promoteurs du vin dit naturel reviennent souvent avec des exemples extrêmes pour justifier leur adhésion à cette idéologie. On ressort le Mega Purple, les tanins ajoutés et autres exemples similaires. Ce type de pratique existe dans certains vins de mauvaise qualité, mais je serais étonné que des producteurs sérieux et honnêtes aient recours à de telles béquilles. Pour ce qui de ton exemple d'ajout de composés aromatiques exogènes. Je ne sais pas si ça existe, mais je suis convaincu que si ça existe, ça ne produit pas de vrais bons vins.

    Pour ce qui est de l'idée de faire du vin avec le moins de manipulations possible, elle n'est pas bonne, elle peut être bonne. Elle peut être bonne, dans certains cas favorables, pour obtenir un certain style de vin. Je n'ai rien contre un producteur qui dans certains cas en fera le moins possible, s'il n'en fait pas un dogme, et ne prétend pas que son vin est « naturel » et meilleur à cause de cela. Toutefois, en faire le moins possible ne doit pas résulter en une perte de contrôle des fermentations. Ceci dit, pour revenir à l'exemple de mon texte. Pourquoi le travail au chai est-il si suspect, alors qu'au vignoble une conduite minutieuse de la vigne est encouragée. Un bon producteur travaille ses vignes, les cultive avec soin. Pourquoi ne devrait-il pas faire de même au chai? Pourquoi devrait-il tout laisser aller?

    La réalité c'est qu'un vignoble bien tenu, de beaux raisins, ça se voit. C'est concret. Alors que la fermentation, et ce qui s'y rattache, c'est plus difficile à comprendre et c'est difficilement perceptible, que ce soit à l'œil, au nez ou au palais. C'est pour ça que plusieurs sont si suspicieux face à ce qui se passe en vinification et préfère croire en la nature bienveillante. Ils n'en comprennent pas le détail. Il n'y alors qu'un pas à franchir pour que le mot manipulation, dans son sens péjoratif, leur vienne à la bouche. Le côté opaque du vin que j'évoquais dans l'introduction de mon texte il se concrétise là.

    Je pense qu'il y a plein de producteurs qui font bien leur travail en ne s'enserrant pas dans un carcan idéologique. Des producteurs qui comme l'écrivait Bizeul ont le luxe de choisir et ne s'en prive pas. Je préférerai toujours l'artisan au coffre à outil plein, prêt à s'en servir au besoin, que celui qui pense que ça se fera « naturellement ».

    Claude

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  4. Parlant d'avalage de couleuvres. Je viens de lire les articles sur le vin "naturel" et la biodynamie sur Cyberpresse. Aucun sens critique dans ces textes, on gobe l'idéologie sans poser de questions. Surprenant qu'un quotidien à grand tirage comme La Presse publie des textes avec si peu de rigueur. Je suppose que si on veut être tendance, il vaut mieux ne rien remettre en question.

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  5. Salut Claude,

    Merci pour ta réponse. Je ne pense pas, toutefois, que ce qui se passe au chai soit vraiment plus mystérieux pour un vigneron que ce qui se passe dans les vignes. Pour autant qu'il le veuille, le vigneron a en son chai un environnement présentant bien moins de dangers que ce qui se passe dans les vignes : conditions climatiques, maladies de la vigne, animaux indésirables, qualité de la vie biologique du sol, etc.

    Je reviens sur l'exemple que j'ai donné car il me semble que tu n'y a pas vraiment répondu (tu as simplement douté que les gens voulant faire qualitatif recourraient à ces hypothétiques méthodes) : si un outil technologique mais complètement exogène au vin (exemple : ajout d'arômes artificiels mais très agréables à la dégustation) rend l'expérience de dégustation plus agréable, est-ce que le vigneron devrait ou non y recourir?

    Si ta réponse est oui, alors je crois qu'il faut complètement redéfinir ce que veut dire FAIRE du vin. Sinon, s'il y a au moins quelques procédés techniques qui te semblent à priori aller contre l'esthétique de faire du vin, alors faut accepter que certains vignerons pousseront ce questionnement très loin et tenteront de réduire systématiquement les interventions qui leur semblent - au vu de leurs expériences et compétences - pas nécessaires pour l'élaboration d'un bon vin.

    Au fait, il y a un très bon livre qui vient de sortir sur ce genre de questions : Jamie Goode et Sam Harrop ont écrit un livre fort accessible sans être dénué de langage technique, qui donne une argumentation assez serrée en faveur de ce qu'ils définissent comme du "vin authentique"

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  6. Oivier,

    D'abord c'est moi qui te remercie de réagir à ce texte qui est probablement le plus significatif que j'aie écrit sur ce blogue, même si comme d'habitude nous divergeons. Par rapport au trafic habituel, il y a beaucoup de lecteurs sur ce sujet, surtout de Montréal, mais pas de réactions à part la tienne.

    Je persiste à penser que ce qui se passe au chai est plus difficile à percevoir que ce qui se passe au vignoble. Ce n'est donc pas une question de danger, même s'il y a de nombreuses façons de gâcher de bons raisins au chai, par ignorance, par idéologie ou par négligence. J'ai quelque peu éludé ton hypothèse d'arômes artificiels rendant le vin meilleur, c'est vrai. Je l'ai fait parce que je suis convaincu que ce scénario est impossible. Je ne pense pas que l'ajout d'arômes exogènes puisse jamais faire d'un vin ordinaire un vrai bon vin, ou encore rendre meilleur un vin qui était déjà bon. L'autre raison pour laquelle je n'ai pas poussé plus loin ma réflexion sur ton hypothèse, c'est que je considère qu'elle sort du cadre de ce que j'aborde dans mon texte. L'ajout d'arômes exogènes n'est pas nécessairement lié à la technologie et à ses progrès. Il y a longtemps que des épices naturelles auraient pu être ajoutées au vin pour en modifier ou accentuer le profil aromatique, et pourtant cette pratique n'existe pas. Par contre, il existe un ajout exogène d'arômes accepté par la tradition, et c'est celui qui découle de l'usage de la barrique de bois. L'acceptation de ce procédé tient selon moi au fait que le but originel de son utilisation n'était pas d'ajouter des arômes au vin et que la barrique a aussi des effets bénéfiques autres sur certains vins. Je pense qu'il y a un consensus très large sur le fait que mis à part l'usage du bois, la source aromatique du vin doit venir uniquement du raisin.

    Pour ce qui est de tous les autres ajouts possibles de molécules non aromatiques, on pourrait discuter longtemps. Je pense que si on limite le champ aux vins de haute qualité, beaucoup de pratiques discutables sont éliminées d'office car elles ne visent qu'à faire du vin buvable à partir de raisins de faible qualité. Pour ce qui est de la sphère du vin de qualité, je pense que le spectre des possibilités d'ajouts est assez limité, et que c'est d'abord et avant tout une question de jugement de la part du producteur, et ultimement du consommateur. Celui-ci doit se demander s'il est intéressé par la qualité du contenu liquide de la bouteille, ou s'il préfère boire un vin assaisonné d'idées à la lumière de l'étiquette. C'est d'ailleurs pourquoi j'apprécie tellement la dégustation en pure aveugle, elle a cette faculté de vider une bouteille des idées qu'on pourrait autrement y voir.

    Finalement, pour ce qui est du livre de Harrop et Goode. J'étais bien au courant de son existence, mais j'ai de plus en plus de problèmes avec Jaimie Goode. C'est un blogueur que je lis régulièrement depuis de nombreuses années, et de plus en plus il me déçoit. Sa dernière esclandre à propos des dégustations organisées par Eduardo Chadwick me montre qu'il se radicalise. Le gars va maintenant au-delà de ses convictions personnelles et donne souvent l'impression de détenir la vérité absolue. Aussi, avec un titre qui commence par « Vin authentique », c'est assez pour me faire décrocher d'entrée. L'opposition malhonnête naturel-artificiel, est dans ce cas remplacée par l'opposition vrai-faux, ce qui est juste un peu moins démagogique. Je connais aussi très bien la tolérance, voire le goût des deux auteurs pour les arômes de Brettanomyces. Rien donc pour m'inciter à acheter ce livre. Ceci dit, je ne doute pas qu'il puisse contenir des informations intéressantes, mais pour aller dans le sens du titre, je pense que j'aurais parfois de la difficulté à distinguer le vrai de faux, les faits avérés de l'idéologie.

    Claude

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  7. Je viens de lire la préface et l'introduction du livre de Harrop et Goode sur Google books. Ça suinte l'idéologie à chaque phrase. Le texte que j'ai écrit ci-haut est un plaidoyer contre cette vision restrictive, quasi religieuse, du monde du vin. Je n'ai pas fini de lire les passages du livre qui sont accessibles sur Google books, mais j'ai bien aimé le passage où il est question de l'approche de Littorai. Là aussi on tire une ligne arbitraire, mais on ne considère pas que c'est la vérité applicable à tous. C'est un choix respectable à mon avis. D'ailleurs j'espère que tu as apprécié la vision voulant que les bretts soient un masque au terroir. Personnellement, la phrase que j'ai préférée est celle-ci: "The organisms Oenococcus oeni and Saccharomyces cerevisiae are the building blocks of fine wines as humans understand them both historically and in the current cultural paradigm". Selon moi, c'est là la base essentielle. Une base trop souvent négligée. L'élaboration du vin de qualité repose sur la sélection par l'homme d'organismes vivants dont il modulera l'action. Cépages de Vitis vinifera au vignoble, et différentes souches des deux micro-organismes mentionnés ci-haut au chai. Malheureusement, avec le laisser faire et l'idéologie, c'est souvent autre chose.

    Claude

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  8. En réaction à ton avis sur Jamie Goode, je crois qu'il faut séparer son activité de blogger (où il est sonvent le cas qu'il cherche à provoquer) et l'auteur de nombreux articles ainsi qu'un magnifique livre (The Science of wine). Par ailleurs Sam Harrop est un MW sérieux, qui a fait une dissertation de qualité sur le problème des bretts (contairement à toi, je ne le rangerais pas dans la catégorie des gens appréciant les bretts).

    Tel qu'indiqué dans leur préface (je n'ai pas le livre sous la main) ils voient ce livre comme un ouvrage faisant l'analyse et la promotion d'une vision du vin. Le terme "authentique" qu'ils suggèrent n'est pas à prendre dans une vue "vrai/faux" et est très bien illustré en donnant une analogie avec le monde de la bière : d'un côté il y a les Molson Ex, Budweiser, et compagnie qui produisent surtout une marque - avec le gros du budget de compagnie dépensé en placement de produit - et puis il y a de l'autre côté (on peut appeler cela des "bières authentiques") les bières artisanales, faites avec un souci constant envers le produit plutôt que son placement.

    Bien sûr, le spectre est très large entre vins "authentiques" et produits hautement industriels (disons Two Buck Chuck) et je serai curieux dans ma lecture du livre de voir s'ils analysent bien l'étendue de ce spectre.

    Bref, si jamais le livre t'intéresse, je te le passerai après l'avoir lu et on pourra en parler avec un contexte plus solide.

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