mardi 15 mars 2011

LE DIX DE LOS VASCOS, 2008, COLCHAGUA, VINA LOS VASCOS


Le groupe Domaines Barons de Rothschild, propriétaire, entre autre, du Château Lafite-Rothschild, a acheté une participation majoritaire dans Los Vascos en 1988, et depuis 1996, son partenaire chilien est le groupe Claro. Un holding qui est aussi propriétaire de Santa Rita et de Vina Carmen au Chili. Los Vascos, c’est d’abord un très grand vignoble de 540 hectares, situé à l’ouest de la vallée de Colchagua, à 40 km du Pacifique. Il est planté à 95% de Cabernet Sauvignon. Le Dix de Los Vascos fut créé en 1998, à partir des meilleures lots de Cabernet du millésime 1996, pour commémorer les dix ans d’implication de Rothschild dans Los Vascos. Ce vin est élaboré en grande majorité avec du Cabernet Sauvignon provenant d’une parcelle appelée “Los Frailes”, dont les vignes ont 50 ans d’âge. Un peu de Carmenère vient compléter l’assemblage. L’élevage se fait pour environ 18 mois en barriques neuves de chêne français provenant en partie de la tonnellerie de Rothschild à Pauillac. Selon l’auteur britannique Peter Richards, grand connaisseur du Chili et de ses vins, “Le Dix” a pris un tournant qualitatif marqué en 2001 sous l’impulsion du vinificateur chilien Marco Puyo, qui a oeuvré pour le groupe de 2001 à 2006. Selon l’expression de Richards, “Le Dix” est alors passé de “wannabe claret”, à un vin de Cabernet chilien complexe, raffiné et soyeux, dont le but ultime, selon Puyo, est l’élégance. Peter Richards affirme même que Puyo est arrivé à ses fins en défiant l’attitude un peu hautaine de ses patrons français qui croyaient alors que le vin avait plafonné qualitativement à cause des limites du terroir. Le 2004 m’avait déjà montré le caractère franco-chilien de cette cuvée et son très bon niveau qualitatif. Voyons ce qui en est avec ce 2008.

La robe est sombre et opaque. Au nez, le profil confirme d’entrée que l’on est face à un vin très jeune et ambitieux auquel on a appliqué une recette à la bordelaise. On y dénote de riches arômes de fruits noirs amalgamés à de jeunes arômes de barriques de chêne de grande qualité. Seul un très léger aspect mentholé, qui disparaît avec le temps, vient quelque peu trahir l’origine chilienne du vin. La classe et la profondeur sont indéniables, mais le plein potentiel reste à être révélé par du temps en bouteille. En bouche, c’est autre chose, et c’est là que l’on peut saisir pleinement la nature de la bête, si je puis dire. Dès la première gorgée on se rend compte pleinement que l’on a affaire à un vin de garde haut de gamme montrant un fruité éclatant et très concentré, allié à un boisé trop jeune mais de grande qualité. La matière est très dense et la structure compacte, avec une solide base d’amertume. La texture tannique est raffinée, alors que la finale montre une longueur de catégorie nettement supérieure.

Ce vin garde l’influence bordelaise qu’on pouvait noter dans le 2004, mais il est passablement plus puissant et concentré. En fait, le seul véritable reproche que je puisse lui faire c’est d’avoir été mis en marché beaucoup trop tôt. C’est bien dommage, car il est probable qu’une majorité d’acheteurs ne garderont pas ce vin bien longtemps. Ceci dit, je conçois que certains amateurs aiment les sensations fortes, mais ce vin ne me semble clairement pas conçu pour une consommation hâtive. Selon moi il devrait être gardé au moins cinq ans pour être le moindrement approchable, et possède un potentiel indéniable pour la longue garde. À titre de comparaison, j’ai dégusté un Cabernet Sauvignon, Reserva, 1996 de Errazuriz, vendredi soir passé, et celui-ci était encore dans une belle forme, avec un beau fruit et un profil raffiné. Ce n’était qu’une autre de mes heureuses expériences de garde avec des rouges chiliens de type “Reserva”, c’est-à-dire des vins de milieu de gamme, de prix abordables et aux ambitions modérées. Dans ce contexte, je ne doute pas que cette cuvée haut de gamme “Le Dix” puisse évoluer harmonieusement sur une trentaine d’années. C’est vraiment un vin de grande qualité et au fort potentiel, offert à un prix qui me semble très avantageux (39.75$) si on compare avec ce qu’il faudrait débourser pour un vin de qualité similaire venant de Californie ou de Bordeaux. Cette comparaison s’applique aussi au Chili, car selon moi, ce vin n’a rien à envier en terme de qualité et de potentiel à des vins franco-chiliens à grosses notes vendus plus de deux fois plus chers, comme le Almaviva de Mouton Rotschild ou bien le Clos Apalta de Marnier Lapostolle. En plus, ce “Dix” ne laissera pas les amateurs d’étiquettes et de prestige à eux-mêmes. Ceux-ci pourront quand même faire bon effet en disant à leurs convives qu’il s’agit du grand vin chilien des propriétaires du Château Lafite Rothschild! Trêve de plaisanteries, car ce vin est vraiment sérieux, et mérite d’être abordé comme tel. Si vous avez une cave et croyez au potentiel des rouges chiliens en matière de garde, ce vin me semble un achat incontournable. C’est un vin de garde haut de gamme de prix abordable et un digne représentant du style franco-chilien.


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3 commentaires:

  1. Le prix de ce vin vient de grimper spontanément à 54.50$!!!! 40% d'augmentation comme ça du jour au lendemain! Incroyable.

    Claude

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  2. Bien content d'en avoir eu lors d'un solde à partir de l'ancien prix !

    Patrick

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  3. Salut Patrick,

    Je n'avais acheté qu'une bouteille de ce vin, et maintenant il est hors de question que j'en rachète. Pas qu'il ne vaille pas d'autres vins de prix similaire. Mais à 54$ le RQP vient d'en prendre un coup. De toute façon, je n'arrive pas à tout acheter ce qui m'intéresse, alors celui-ci s'est éliminé de lui-même. Une chose est sûre, la logique derrière une telle hausse est difficile à suivre. À croire que tout ce qui a un lien de parenté, même éloigné, avec Bordeaux tombe dans la folie haussière des prix.

    Claude

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