samedi 19 mars 2011

Dégustation et précision

Je faisais aujourd’hui la revue des sites, blogues et forums sur le vin que j’aime bien, et en lisant des notes de dégustation je suis tombé à plusieurs reprises sur des commentaires vantant la précision des vins dégustés. Ce n’était bien sûr pas la première fois que je lisais cela, ce qualificatif est assez commun chez les amateurs de vins qui se veulent pointus dans leurs évaluations. Mais à chaque fois que je lis cela je tique. Je trouve que le concept de précision du vin en matière de dégustation est une notion vide de sens. La précision en matière analytique relève de la capacité d’un instrument de mesure à donner des résultats très similaires d’une fois à l’autre. L’objet à analyser n’est pas en cause. En dégustation, l’instrument de mesure c’est le dégustateur, et donc, la précision, si elle existe, devrait venir de celui-ci et non pas du vin dégusté. Comme on le voit, il n’y a aucun sens à dire qu’un vin est précis. Pour ce qui est du dégustateur, de savoir qu’il est précis est sans intérêt pour le lecteur de la note de dégustation, car précision ne veut pas dire exactitude. Un dégustateur précis est celui qui sentira un arôme particulier de la même manière à chaque fois et lui attribuera le même qualificatif restrictif, que celui-ci soit exact ou non. Voici quelques exemples pour illustrer la chose:

Dégustateur inexact et imprécis: Perçois l’arôme de fraise comme étant du fruit noir.
Dégustateur inexact et précis: Perçois l’arôme de fraise comme étant de la mûre.
Dégustateur exact et imprécis: Perçois l’arôme de fraise comme étant du fruit rouge.
Dégustateur exact et précis: Perçois l’arôme de fraise comme étant de la fraise.

Bien sûr, sans la capacité du dégustateur à reproduire ses résultats, il n’y a ni précision ni exactitude possibles. Au-delà de cela, en connaissant la large variété biologique des dégustateurs en terme de perception des arômes, les notions de précision et d’exactitude sont sans intérêt dans une note de dégustation. C’est d’ailleurs pourquoi je m’en tient la plupart du temps à des description assez imprécises. Bien sûr, quand un arôme semble m’apparaître clairement, je le nomme, mais il ne faudrait en aucun cas prendre ça pour une vérité absolue. Mes notes de dégustation sont des impressions personnelles d’un vin à un moment précis et partagées peu après. Il appartient au lecteur de déterminer si il y a concordance entre ses impression et les miennes, sans oublier que ce qui compte à la fin c’est l’appréciation globale du vin, pas de savoir si on y a perçu les mêmes arômes précis et si ceux-ci sont exacts.

 
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5 commentaires:

  1. Salut Claude,

    Je suis bien d'accord, d'autant plus que les background olfactifs/gustatifs respectifs peuvent très bien différer. Comment pourrais-je identifier une arõme jamais senti avant.
    Si par exemple tu fais référence à de la grosseilles et que je ne sais pas ce que ça sent, on se devra dans ces cas de rester plus high-level.


    Thommy

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  2. Salut Thommy,

    La mise en mots des perceptions est un réel problème. Personnellement, dans presque chaque vin que je déguste il y a des arômes que je ne peux nommer car je n'arrive pas à y associer un mot qui me semble adéquat. Le déficit de précision n'est pas seulement au niveau de la perception, mais aussi au niveau de la traduction de cette perception dans un vocabulaire représentatif. Ça me rappelle "Losing faith in words", une vieille toune de Peter Hammill. C'est encore plus vrai pour la description du vin.

    http://lyricskeeper.fr/fr/hammill-peter/losing-faith-in-words.html


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  3. Bonjour Monsieur Vaillancourt. Oui, il y a souvent abus de précision dans un domaine aussi imprécis que celui de la perception des saveurs.
    Dans son Dictionnaire de la langue du vin, Martine Coutier définit ainsi le mot précis:
    «Précis (nez, bouche)Qualifie un vin équilibré, aux caractères nets, bien perceptibles, sans excès d'intensité. Voir défini.» Puis, elle cite quelques grands auteurs du vin (Dovaz, Turnbull, Le Rouge et le Blanc) qui utilisent ce mot dans ce sens.

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  4. Bonsoir M. Gagnon,

    J'ai rien contre les analogies et les métaphores pour tenter de décrire un vin. Mais quand on a besoin d'un dictionnaire pour possiblement comprendre le sens qu'a voulu y mettre l'auteur, il me semble que l'image n'est pas très bien choisie. De plus, même au sens de votre référence, ça me semble très subjectif et en opposition avec la fameuse complexité tant recherchée par les amateurs. Qui dit complexité dit arômes nombreux qui s'influencent mutuellement. Pour moi ça ne cadre pas avec netteté et définition. Et puis, encore une fois, la capacité à distinguer les arômes les uns des autres relève du dégustateur, pas du vin.

    Claude Vaillancourt


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  5. Olivier Collin26 mars 2011 à 22:39

    Claude Vaillancourt a écrit :

    "Et puis, encore une fois, la capacité à distinguer les arômes les uns des autres relève du dégustateur, pas du vin."

    Je ne suis pas convaincu de la véracité de cette affirmation, comme je ne trouve pas clair que "complexité" soit incompatible avec "définition".

    La question qu'on doit se poser initialement est de savoir si un dégustateur peut percevoir et décrire plusieurs arômes dans un vin. Simultanément, je ne suis pas convaincu, mais par vagues successives, oui. Un grand Pauillac aura certains arômes de fruits bien perceptibles, peut-être quelques traces d'élevage également perceptibles, et souvent on retrouve des notes de type mine de crayon, graphite.

    Certes la perception de ces arômes peut varier, mais outre les cas d'anosmie, tout le monde devrait être capable de détecter ces arômes. De ce point de vue, la dégustation ne dépend pas BEAUCOUP du dégustateur, mais beaucoup du vin dans ce type d'exemple. Le fait que le cassis de l'un soit la framboise de l'autre n'est pas vraiment lié à cette question à mon avis.

    Le terme "précision" dans ce contexte signifie tout simplement un description de la facilité à identifier tel ou tel arôme. Parfois certains vins semblent avoir admirablement étayé leurs arômes, parfois c'est moins net. Est-ce seulement dû à l'intensité plus faible? Ou des arômes se nuisant mutuellement? Je ne sais pas.

    Certes le dégustateur joue un rôle ici, mais quand plusieurs dégustateurs ont la même impression, on commence à tirer certaines conclusions préliminaires.

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