dimanche 8 août 2010

La garde du vin: Entre bonification et possible mythification

Petit retour sur le sujet de la garde du vin. Quand on aborde ce sujet, c’est souvent sous l’angle de la bonification. Pour plusieurs, un vin de garde est un vin qui nécessairement s’améliorera avec le temps. Je trouve ce point de vue restrictif. Pour moi un vin de garde ne se détermine pas du point de vue de l’amélioration, mais du point de vue de l’évolution et de la transformation. Comme je le disais dans mon texte précédant, ce qui est intéressant dans la garde du vin, c’est de suivre une transformation graduelle. C’est de voir un vin changer de profil pour en devenir un autre avec le temps. Bien sûr, dans bien des cas la transformation peut être clairement négative, quand un vin n’est pas apte à la garde. Toutefois, en dehors de ces cas clairs, l’appréciation du résultat sera affaire de goût. On peut aimer les jeunes vins tout autant que les plus vieux, mais pour des raisons différentes. De la même façon qu’on peut aimer à la fois les vins de Bordeaux ou de Bourgogne. Bien sûr, il est rare qu’on aime des choses différentes de manière parfaitement égale. Les préférences sont une chose naturelle dans ce monde de relativité qui est le nôtre. C’est en ce sens que je dis qu’on ne doit pas voir la garde sous l’angle de la bonification, mais sous celui de la transformation. Car au bout du compte les préférences personnelles feront que, d’un dégustateur à l’autre, un vin pourra être aimé tout autant pour ce qu’il était au point de départ, que pour ce qu’il sera devenu à l’arrivée.

Ceci dit, autant j’aime garder du vin et autant j’aime boire des vins à divers stades d’évolution. Et bien, autant je trouve qu’en général l’amateur passionné magnifie trop les vins âgés. Même si cela est bien compréhensible. Une bouteille gardée pendant de longues années suscitera immanquablement des attentes élevées chez celui qui aura eu la patience de le faire. Et puis, même si on a pas gardé soi-même la bouteille, les vieux vins sont rares et la plupart du temps plus chers que les millésimes plus jeunes du même vin. De plus, l’année inscrite sur l’étiquette d’une bouteille peut posséder un pouvoir de fascination semblable à celui des noms de domaines prestigieux. Plus elle date, plus ça impressionne, et si on combine nom prestigieux et année ancienne, l’effet de fascination est augmenté. C’est normal. Une vieille bouteille de vin, pour plusieurs, c’est une façon symbolique de retourner dans le passé. Comme si un moment d’histoire avait pu y être capté pour pouvoir être rendu à l’heureux propriétaire plusieurs années plus tard. Bien sûr, quand un vieux vin a gardé des airs de jeunesse et qu’il est très bon, on aimerait y croire. La réalité toutefois, c’est que le vin a vu le jour en cette année inscrite sur l’étiquette, et que par la suite il a vieilli, évolué, est peut-être même mort caché dans sa bouteille. Comprenez-moi bien. Je ne tente pas de dévaluer les vieux vins. Je ne dis pas non plus qu’il n’y a pas de vieux vins fantastiques. Au contraire. Je souligne seulement qu’on a tendance à ne pas les évaluer avec la même rigueur qu’on applique aux vins plus jeunes. Par une sorte d’effet anthropomorphique, on a tendance à leur montrer plus de respect. Encore une fois, c’est une réaction normale que je ne méprise pas. Ouvrir un vieux vin est un des grands plaisirs associé à cette passion. Je dis seulement qu’on devrait être conscient de la situation dans nos commentaires subséquents. Ce qui n’empêche pas de vivre l’instant pleinement lorsqu’on ouvre une de ces bouteilles.


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4 commentaires:

  1. Bonjour Claude,

    Ce qui est le plus important avec une vieille bouteille est de la voir (la boire) pour ce qu'elle est et surtout, pour ce qu'elle nous procure. Plusieurs amateurs tentent de faire vieillir une cave sans avoir expérimenté cette notion et par conséquent, ils font alors plus confiance au prestige d'ouvrir une telle bouteille plutôt qu'à leur palais.

    Le "triangle des arômes" guette TOUTES es bouteilles et seul l'audace de planter la vrille dans le bouchon donnera les réponses.

    Black

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  2. Salut Black,

    Tu ne seras pas étonné si je te dis que je pense qu'on boit un vin pour ce qu'il est seulement lorsque c'est en pure aveugle, idéalement en le dégustant seul.

    Pour ce qui est de ce que tu appelles le triangle des saveurs, je suis d'accord. C'est pourquoi je suis toujours étonné de voir des amateurs être fortement partisans d'une région en particulier, à cause de la sacro-sainte "typicité du terroir'. Puis constater ensuite que ces mêmes amateurs pensent que le vieux vin est le summum de l'expression. Dans le processus d'évolution, les vins perdent de la typicité. Ils n'en gagnent pas. Avec le temps, le terroir peu à peu s'efface, et le caractère de vin âgé prend graduellement le dessus. C'est pourquoi, par exemple, avec le temps on peut confondre Cab de Napa, de Maipo ou bordeaux. Avec encore plus d'évolution, ce sont des vins de cépages et de régions très différentes qu'on peut confondre.

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  3. C'est fait tellement de sens ce que tu écris dans l'article Claude.
    Pas plus tard que vendredi (le 13!!!) on a prit 2 vieilles bouteilles, une 1966 et une 1970. Tous 2 étaient très tertiaires avec des profils très similaires: peu de fruit et de tannins avec des goûts assez fins et aérien (pour ne pas dire aqueux) et assez court en bouche.

    Ceci étant dit, on a tous adoré ces vieux vins pour ce qu'ils sont, une superbe expérience qui incite au respect et à l'émerveillement! Ces vieux vins, ca se boit facilement et sans accroc...sauf qu'à l'aveugle la conclusion aurait possiblement été "le vin est en fin de parcours ou possiblement mort"!!!

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  4. Salut Norm,

    Quand j'ai lu vos CR sur FDV. Je n'ai justement pu m'empêcher de penser à ce texte que je venais d'écrire.

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