dimanche 7 mars 2010
MERLOT, RESERVA, 2006, LIMARI, VINA TABALI
Le Merlot est un cépage qui a rarement fait bonne figure au Chili. Il y a plusieurs raisons qui expliquent ce phénomène. D’abord, il a longtemps été confondu avec le Carmenère, qu’on appelait alors Merlot Chileno. Certains producteurs faisait la distinction entre les deux, étant donné que le Carmenère est un cépage de maturité beaucoup plus tardive, mais ce n’était pas le cas de tous, surtout que les deux cépages étaient souvent plantés ensemble. Ce qui fait que le Carmenère cueilli trop tôt donnait un aspect vert à l’assemblage involontaire final. Un autre problème du véritable Merlot, c’est qu’il était planté dans la chaude vallée centrale, ce qui entraînait une maturation trop rapide pour ce cépage relativement hâtif qui préfère un peu de fraîcheur. Finalement, le dernier problème du Merlot au Chili est relié à la faiblesse de son système racinaire. Il faut se rappeler qu’au Chili, 95% du vignoble est non greffé. On plante les cépages sur leurs propres racines, et celles du Merlot sont très capricieuses et se développent mal dans certains types de sol. Cela contribue à la tendance qu’a ce cépage, dans des conditions chaudes, à la déshydratation. Pour obtenir de meilleurs résultats avec le Merlot au Chili, des producteurs ont entrepris de planter ce cépage dans des terroirs plus frais, avec de meilleurs clones qu’ils plantent sur des porte-greffes, c’est-à-dire des racines de vignes autres que celle du Merlot, comme c’est la pratique courante en Europe depuis plus d’un siècle, à cause du phylloxera. Le porte-greffe est choisi pour mieux s’adapter au type de sol, ce qui donne un meilleur système racinaire. Lorsque combiné à un climat plus frais, il n’y a plus de problème de déshydratation, et la maturation des fruits est plus lente, ce qui permet de préserver une meilleure qualité d’arômes.
J’ignore si les vignes de Merlot à l’origine de ce vin sont plantées sur porte-greffes, mais le vignoble a été planté au tournant du siècle, après la clarification de l’imbroglio avec le Carmenère. Il s’agit donc assurément d’un pur Merlot. Autre atout qualitatif, il provient de la vallée de Limari, une région relativement fraîche qui permet une lente maturation. À preuve, ce Merlot a été vendangé manuellement à la fin du mois de mai. Ce qui est la limite pour les vendanges au Chili. C’est le climat très sec, sans risques de pluie qui permet de laisser les raisins si longtemps sur les plants de vignes. Le vin a été élevé un an en barriques de chêne, 70% français et 30% américain. Il titre à 14.5% d’alcool pour un pH de 3.50.
La robe est très foncée et opaque. Le nez s’exprime avec modération et dégage de beaux arômes de fruits noirs, auxquels s’ajoutent de fines notes épicées, de l’humus, et un caractère légèrement torréfiées. Beau nez évoquant l’Ancien-Monde, avec déjà une légère touche terreuse qui laisse croire à un début d’évolution, mais avec encore un très beau potentiel, puisque le fruit de jeunesse est encore à l’avant-plan. En bouche, on retrouve un vin d’une élégance surprenante, avec une attaque bien équilibrée. Le vin montre un corps moyen, doublé d’une belle souplesse, sur une structure qui reste somme toute assez compacte. Une impression de sérieux se dégage. On est loin de la bombe fruitée et charnue, mais en même temps, les saveurs sont de très belle qualité, avec ce mélange de fruits noirs, d’épices douces, de notes terreuses et de légère torréfaction. Le milieu de bouche confirme cette impression, avec un bon niveau de matière, sans lourdeur, avec une concentration bien calibrée et un volume restreint. La trame tannique est fine, avec un léger grain qui donne une dimension tactile agréable. La finale conclut en beauté le parcours de ce vin marqué au signe du plaisir contenu, avec un beau fondu de saveurs et une persistance digne d’un très bon vin.
Deuxième bouteille de ce vin pour moi, 10 mois après la première, et le vin me semble encore meilleur. Ce vin offre un profil de vin européen propre et un peu moderne. À l’aveugle, je ne pense pas que je pourrais l’identifier comme chilien. Pour ce qui est de son identité de Merlot. Je dois avoué que je n’ai pas une idée très claire de ce que donne ce cépage. Une chose est sûre toutefois, ça se démarque clairement de la caricature du mauvais Merlot chilien. Ce vin vient de réapparaître sur les tablettes de la LCBO, dans le cadre d’un spécial sur les vins du Chili, et selon mes lectures, il est classé comme le meilleur RQP de l’offre. Pas étonnant quand on pense qu’on en demande seulement 14.95$. Un autre vin qui, s’il était d’une autre origine, plus reconnue et prestigieuse, pourrait se vendre au moins le double sans que personne ne trouve à redire. D’ailleurs, pour moi, Tabali est un des meilleurs producteurs chiliens en terme de RQP. Chez eux, pas de gros vins stéroïdés vendus à fort prix, plutôt des vins aux belles proportions et de qualité exceptionnelle pour les prix demandés. En espérant que la SAQ aille au delà de l’excellente Syrah de ce producteur qu’elle offre déjà, et ajoute au répertoire d’autres vins de Tabali.
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