Plus tôt cet automne j'ai lu un petit texte de Jacques Benoît, sur le site Cyberpresse, à propos de l'augmentation du taux d'alcool dans les vins depuis environ 15 ans. À ce moment je me souviens avoir pensé qu'il était totalement passé à côté en ce qui a trait aux raisons qu'il donnait pour expliquer ce phénomène. Je me demandais comment il était possible d'écrire un texte, même très court, sur ce sujet en passant tellement à côté de la véritable raison expliquant la montée du contenu en alcool des vins. Personnellement, j'avais la conviction que ce phénomène était principalement dû à la montée en popularité du principe de la maturité phénolique. Jusqu'au début des années 90, la pratique courante était de se fier au taux de sucre pour déterminer le temps propice aux vendanges. Toutefois, il arrive souvent que la montée du taux de sucre précède la maturité phénolique des raisins. Donc, dans le but d'obtenir des tanins à maturité optimale, on a commencé à cueillir plus tard, ce qui a eu pour effet de donner des raisins contenant plus de sucres et moins d'acide. La conséquence de ce choix est d'obtenir des vins plus alcooleux pour lesquels il faut souvent corriger l'acidité en ajoutant de l'acide tartrique en cours d'élaboration. Le réchauffement climatique a probablement un léger rôle dans l'histoire, mais il me semble bien moins important que la décision humaine de cueillir les raisins plus tard. En fait, le réchauffement climatique a probablement plus d'effet dans des régions où les raisins avaient traditionnellement de la difficulté à mûrir parfaitement, sauf lors de millésimes exceptionnels. Le réchauffement climatique donne donc la possibilité aux vignerons de ces régions de cueillir plus tard dans le but d'atteindre la fameuse maturité phénolique. Une possibilité qu'ils avaient rarement auparavant. Le réchauffement climatique ouvre donc une possibilité, mais les vignerons pourraient toujours décider de cueillir plus tôt s'ils le désiraient vraiment, mais face à la nouvelle possibilité, ils optent souvent pour des tanins plus mûrs et un taux d'alcool plus élevé. Donc, au-delà du réchauffement du climat, la possibilité de choisir de l'homme derrière le vin demeure.
Un bel exemple de cela est celui donné dans cet article à propos du cheminement du "winemaker" chilien Marcelo Retamal qui œuvre pour Vina De Martino. On y dépeint son parcours des 15 dernières années dans la vallée de Maipo avec le cépage Carmenère. Pour sa première cuvée de Carmenère en 1996, Retamal a choisi de vendanger le 23 mars et il a obtenu un vin qui titrait à 12.3% d'alcool. Un titre alcoolique qui n'existe plus aujourd'hui au Chili pour des vins rouges. Par la suite, Retamal a progressivement repoussé la date des vendanges et le titre alcoolique de ses vins a augmenté en parallèle pour atteindre 14.8% en 2003, avec des vendanges retardées de six semaines et demi et ayant eu lieu aussi tard que le 10 mai. Le fait de repousser autant les vendanges a aussi entraîné le besoin de corriger l'acidité des vins par ajout d'acide tartrique. S'étant rendu à l'extrême, Retamal a ensuite cherché un juste milieu en vendangeant trois semaines plus tôt, soit vers le 20 avril. Cette décision a ramené les taux d'alcool dans la fenêtre des 13-14%, sans besoin de corriger l'acidité. Bien sûr, même dans Maipo il y a des années plus chaudes que d'autres, la date des vendanges peut donc varier d'une année à l'autre pour une maturité similaire du raisin. Mais il est clair que le taux d'alcool est généralement inféodé à la date des vendanges. Si Retamal décidait de nouveau de cueillir ses raisins le 23 mars, le taux d'alcool de son vin retournerait dans les alentours de 12%, comme en 1996.
*
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire