dimanche 9 novembre 2014

ANTIYAL, 2005, MAIPO



Après le Kuyen, 2006, complètement bretté, et le Sena, 1997, légèrement affecté par l'action de cette levure, je me suis dit, quoi de mieux que d'ouvrir un Antiyal, 2005? Un vin haut de gamme, un vin de garage du même producteur que le Kuyen et qui titre à 14.7% d'alcool. Je n'ai pas le pH, mais je me suis dit qu'il valait mieux vérifier où en était ce vin à risque, et que si j'étais chanceux j'en serais quitte pour un vin de qualité ouvert peut-être trop tôt. Quel est le verdict?

La robe est toujours ténébreuse et impénétrable. Le nez ne renie pas son origine chilienne, ni le Carmenère qui compose la moitié de son assemblage. Ça embaume le cassis frais, le poivron rouge, la terre humide, la sauge et l'encens, ainsi que la vanille/bois brûlé. Pas de phénol. Pas de bretts, donc. Alléluia! Simplement un beau nez d'assemblage bordelais version Isla de Maipo, au cœur de la vallée, avec la chaleur nécessaire au mûrissement complet du capricieux Carmenère. La bouche n'est pas en reste, on y retrouve un vin mûr, souple et ample qui tapisse les muqueuses de saveurs intenses amalgamant fruité de grande qualité, amertume justement dosée et légère touche végétale "poivronée". Le milieu de bouche montre un vin à la richesse en équilibre. Je veux dire par là que c'est concentré, assez volumineux, mais de qualité, sans lourdeur ni agressivité. La trame tannique soyeuse du vin contribue à cette impression de douce opulence qui se déploie jusque dans une finale majestueuse qui fait longtemps durer le plaisir.

Si les meilleurs vins sont des vins à risque qui ont bien tourné, alors cet Antiyal est est un superbe exemple. Bien sûr je ne crois pas la prémisse de la phrase précédente, mais la conclusion elle est imparable. Ce vin est simplement un superbe exemple de ce que peut offrir de mieux le cœur de la vallée centrale chilienne. Cette région considérée comme trop chaude est actuellement en défaveur en cette ère où la fraîcheur est le maître-mot. La fraîcheur est une belle qualité dans le vin, j'y adhère, n'empêche que je ne peux renier mon amour pour des vins au style riche et opulent comme celui-ci. Le goût n'est pas quelque chose de monolithique, enfin, ce ne devrait pas l'être. On peut aimer également des choses de styles différents justement parce qu'elles sont différentes. On peut aimer la fine ondulation et la courbe plus généreuse. Au-delà de la notion de RQP favorable, c'est la générosité contenue des vins chiliens issus de cépages bordelais qui m'a attiré au départ vers les vins de ce pays. La diversité stylistique croissante des vins chiliens me ravit, mais quand je goûte un vin comme cet Antiyal, il est clair que je ne peux renier le style de vin qui m'a amené en premier lieu vers ce pays. J'ai toujours eu de la difficulté avec un certain manichéisme qui prévaut dans le petit monde du vin où on idéologise beaucoup de choses. Pourtant, cet Antiyal est un vin de maturité du fruit, un vin que certains qualifieraient de "parkerisé" à cause de cela, mais en même temps c'est un vin biodynamique. Comme quoi dans le monde du vin toutes les combinaisons sont possibles et qu'il est très réducteur de s'en tenir à un type de vin et d'aimer qu'un seul style.

Il y a un mouvement au Chili actuellement pour produire des vins dans la vallée centrale issus de vendanges beaucoup plus hâtives, et sans usage de petites barriques de chêne neuf à la bordelaise. On cueille jusqu'à un mois plus tôt qu'avant, on baisse les taux d'alcool de 1 à 2.5% et on utilise des foudres, des barriques usagées ou des cuves de ciment pour l'élevage. Marcelo Papa de Concha y Toro et Marcelo Retamal de De Martino sont les figures les plus connues de ce mouvement, Santa Carolina et Santa Rita sont d'autres gros joueurs qui reviennent en arrière pour certaines cuvées. C'est très bien. Il y a sûrement eu des excès dans l'autre sens, mais moi c'est la diversité de styles qui m'intéresse et que j'aimerais voir préservée. J'aimerais pouvoir boire des vins à l'ancienne, comme le Cab "Antiguas Reservas" de Cousino Macul des années 90, qui titrait à 13% d'alcool et montrait un usage subtil du bois de chêne, mais en même temps je ne voudrais pas renoncer à des vins plus puissants et opulents comme cet Antiyal. Je pense que l'idéologie est la pire chose qui puisse guider l'élaboration du vin car l'idéologie est forcément réductrice, elle impose des limites et trace une ligne entre ce qui est bon et mauvais. Pour ceux qui pourraient être tenter par un vin du style de l'Antiyal, je recommande la cuvée Coyam de Emiliana. Alvaro Espinoza est derrière ces deux généreux assemblages biodynamiques. Le Coyam montre le même niveau qualitatif, mais à 25$ de moins la bouteille, c'est un RQP bien meilleur.


1 commentaire:

  1. Bonjour Claude,

    Tu me fais penser que je n'ai pas encore touch. mes bouteilles de Coyam.(du 2009). Faudrait bien que j'en ouvre une !

    Patrick

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