dimanche 19 octobre 2014

Le modèle français s'implante au Chili

Je suis tombé récemment, sur le site internet de la revue britannique "Drink Business", sur un Top-20 des winemakers chiliens (20-11) (10-1). Moi qui croyait bien connaître la scène vinicole chilienne, j'y ai découvert des noms qui m'étaient inconnus, mais ce qui m'a le plus frappé dans ce classement c'est la quasi absence de "winemakers" venant de producteurs traditionnels de la vallée centrale qui font surtout des rouges issus de cépages bordelais. Le seul "winemaker" sélectionné venant de ce qu'on pourrait appeler le Chili traditionnel d'héritage bordelais, le "Chili-Cabernet Sauvignon", c'est Enrique Tirado qui est en charge chez Concha y Toro de l'élaboration du grand Cab de la maison, le Don Melchor. À part ça, il n'y a rien de traditionnel et de Cabernet, il n'y en a que pour la nouveauté et l'originalité. En lisant cela, je ne pouvais m'empêcher de faire un parallèle avec le traitement réservé à Bordeaux dans le paysage vinicole français. Bordeaux, pour moi, est la plus grande région vinicole française. Une région qui allie qualité, quantité et diversité. Une région qui a servi de modèle au reste du monde. Une région qui produit des vins de garde extraordinaires, mais une région que plusieurs amateurs aiment rabaisser en décriant son côté supposément trop affairiste. Aux classiques bordelais, de prix toujours abordables, plusieurs vont maintenant préférer les petits producteurs d'autres régions, ceux qui font dans la biodynamie ou le nature, ou bien encore ceux qui produisent des vins de cépages moins reconnus. Comme si la réussite et l'influence mondiale du bordelais était quelque chose de répréhensible. Allez comprendre...

Signe que le Chili progresse, ce phénomène français est en train de s'y implanter. Le "Chili-Cabernet" de la vallée centrale est en train de recevoir la même médecine que la région de Bordeaux en France. Le Cabernet chilien est un trésor sous-estimé, mais il est là depuis longtemps et certains préfèrent le déprécier, ou à tout le moins le négliger, pour rehausser autre chose de plus nouveau. Ceux qui me lisent avec régularité savent que je suis très enthousiaste face à l'émergence de ce que j'appelle le Nouveau-Chili. Toutefois, le Chili traditionnel, le Bordeaux chilien, peut coexister avec les nouvelles régions qui émergent. Aussi, les pratiques œnologiques conventionnelles demeureront la base d'une industrie très axée sur l'exportation, ce qui n'empêche pas l'existence de voies alternatives pour des marchés de niche. Ceci dit, cette situation n'est possible qu'à cause de la diversité croissante qui existe au Chili et des possibilités encore plus diverses toujours inexploitées. Que l'on puisse négliger, et dans certains cas mépriser, ce qui représente le cœur d'un domaine d'activité important du pays montre à mon sens que le Chili est en bonne voie dans son processus de maturation. Le Chili gagne en confiance et s'éloigne de plus en plus du consensus. Il y a des approches discordantes et un éclatement de la carte du vignoble national. Des rivalités entre régions et approches ne pourront qu'éclore. Toutefois, ceux qui connaissent bien les vins de ce pays et n'ont pas une approche dogmatique savent que le "Chili-Cabernet" reste un atout fondamental et essentiel de l'offre de ce pays. Le Chili traditionnel et Bordeaux ont un problème d'image auprès d'une certaine catégorie d'amateurs et de journalistes. On les perçoit comme trop gros, trop axés sur les affaires, et trop œnologiques. La grande différence entre les deux est que le Chili ne peut que rêver des prix auxquels se vendent certains vins de Bordeaux, mais tous les deux produisent de grands vins de Cabernet, de grands vins de garde. Le style de vins qui selon moi devrait être la base pour un amateur sérieux. Difficile donc de comprendre qu'on puisse rejeter cela du revers de la main ou y accoler une étiquette péjorative. On néglige souvent ce qu'on prend pour acquis et on en vient à ne plus pouvoir en reconnaître la réelle valeur.


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