samedi 18 février 2012

CABERNET SAUVIGNON, MAX RESERVA, 2000, ACONCAGUA, VINA ERRAZURIZ


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Pour une première bouteille après une longue période sans vin, j'ai décidé de me faire plaisir et d'ouvrir ce que je considère comme une valeur sûre, le type de vin sur lequel ma cave est constituée. Le genre de vin que je préfère et que je pourrai boire sur une base hebdomadaire d'ici quelques années, tellement j'en ai mis de côté. Dans ces circonstances, à chaque nouvelle bouteille que je décide d'ouvrir j'ai une petite angoisse, tellement j'ai misé sur cette catégorie de vins non réputée pour la garde. S'il fallait que je me sois trompé, je serais bien mal pris avec mon gros lot de bouteilles périmées. Ceci dit, la confiance est plus grande que l'angoisse, sinon je ne me serais jamais lancé dans cette démarche inhabituelle. Dans le cas de ce vin en particulier, j'avais encore moins de doute ayant eu la chance de parler avec son auteur, Ricardo Baettig, lors de la dernière dégustation de Vins du Chili tenue l'automne dernier à Montréal. Il me confirmait alors le potentiel de garde méconnu des rouges chiliens de cette catégorie, et de ceux de Errazuriz en particulier. Ricardo œuvre maintenant chez Vina Morandé, mais en 2000 il était chez Errazuriz, d'ailleurs son frère Francisco est maintenant œnologue en chef pour Errazuriz. Le millésime 2000 marque l'instauration de cette gamme de vins sous la marque « Max Reserva ». Le vin a été élevé pendant 14 mois en barriques de chêne français (59%) et américain (41%), dont 43% étaient neuves. Il titre à 13.8% d'alcool pour un pH de 3.66. Un dépôt appréciable était présent sur le flanc de la bouteille.

La robe est d'une teinte grenat encore assez soutenue, mais montre des signes d'évolution par son aspect translucide et orangé au pourtour du disque. Le nez est simplement superbe, modulant ses arômes avec une juste intensité et montrant ce profil de Cabernet au meilleur de son évolution que j'affectionne tant. On y retrouve entremêlés des effluves de cerise, de cassis, de bois de cèdre, de goudron, de vanille de chocolat noir et d'herbes aromatiques. L'aspect boisé de ce vin qui pour moi évoque la pâtisserie en prime jeunesse, s'est admirablement transformé. Par association on peut le retracer dans ce qui reste de chocolat et de vanille, mais ça se présente aujourd'hui sous une autre forme, et ça s'intègre beaucoup mieux au fruité qui lui aussi montre une patine que seul le temps en bouteille peut donner. En résumé, un nez mi-évolué, complexe, bien dosé et révélateur des meilleures qualités du cépage. Le ravissement se poursuit en bouche, où l'on retrouve un vin modéré et équilibré. Un vin qui évite les excès, avec suffisamment de tout et qui ne manque de rien. Un vin pour amateur de vins faciles à boire, de vins qui appellent la prochaine gorgée. Un vin caressant, dénué de traits agressifs. Un vin où le temps a permis aux éléments de se fondre en transformant du même souffle la palette des saveurs. Celle-ci reflète bien le profil perçu au nez, et peut se déployer sans encombre, grâce à une présence tannique bien résolue. La finale est gracieuse et d'une bonne persistance.

Vous aurez compris qu'un vin comme celui-ci n'est pas destiné aux amateurs qui sont impressionnés par la quantité et l'artifice. Je l'ai dit, il s'agit d'une vin d'équilibre, évolué et modéré. Un vin qui brille par sa finesse, tant au niveau aromatique que tactile. Un vin facile à boire, mais pas un vin de soif. Un vin qui sait séduire autant les sens que l'esprit, en autant que l'esprit y soit disposé. Si j'évoquais mes doutes récurrents, en introduction, face aux nombre de bouteilles de ce type de vins que j'ai en cave. Le moins que je puisse dire, c'est qu'une bouteille comme celle-ci annihile toutes ces craintes. À chaque nouvelle gorgée de ce nectar qui tombe tellement dans mes cordes, j'ai l'impression d'être assis sur un trésor acquis à un prix dérisoire. J'aimerais ne boire que ce type de vin entre deux âges, des vins qui se sont délestés des artifices de la jeunesse et pour lesquels l'essentiel est toujours présent, dans la meilleure des formes. À me lire vous croirai peut-être que je divague, que j'en beurre épais pour justifier une prise de position. Moi je vous répondrai qu'il n'en est rien. Ce vin parle pour lui-même et son discours porte. Il faut y goûter pour s'en convaincre. De plus, sur une note plus philosophique, et ayant éprouvé de légers ennuis de santé dernièrement, une autre qualité de ce type de vin est qu'il n'est pas nécessaire de le mettre en cave 30 ans pour en tirer le meilleur. Plus on avance en âge et plus on se demande si on boira tous ces vins que l'on mets soigneusement à l'ombre pour plus tard. Dans la vie comme dans le vin, rien n'est assuré, sauf qu'un jour ça se terminera. Rien n'empêche d'être optimiste, mais l'âge a cette faculté de nous inculquer malgré nous une bonne dose de réalisme. Si tout est question d'équilibre dans la vie, alors disons qu'un vin comme cet Errazuriz se place très bien sur le plateau réaliste de la balance. Le 2009 est largement disponible et facile à se procurer en promotion, environ 16$ dans une SAQ Dépôt. Le plus difficile n'est pas de l'acheter, c'est de le mettre à l'ombre pour 10 ans... Paradoxalement, les vins les moins chers sont les plus difficiles à garder pour de longues périodes.

5 commentaires:

  1. Heureux de te relire, mon cher Claude, et désolé que certains problèmes de santé t'aient affligé. Je comprends très bien puisque je suis moi-même souvent forcé à jeûner... mais dans mon cas, l'âge y est beaucoup. On trinque à ton rétablissement complet.

    Durant cette pause, on s'est ennuyés de tes écrits et de tes commentaires sur les vins du Chili, région négligée ou même ridiculisée ailleurs.

    Tu as bien raison lorsque tu dis que les vins moins chers sont les plus difficiles à garder. Beaucoup de gens les achètent pour consommation immédiate et ne prendraient jamais le risque de les encaver. Ils se privent ainsi de très beaux moments.

    Tu sais très bien que chez-nous, ces vins sont appréciés et que plusieurs millésimes dorment également dans la cave.

    Pour ce qui est de craindre ne pas pouvoir boire toutes ces bouteilles, je suis plus chanceux que toi puisque fille et petite-fille semblent très volontaires pour se partager ce qui restera, lorsque Pierrette et moi devront faire une croix sur nos dégustations.

    Encore une fois, heureux de ton retour, dans l'espoir que continues à tracer la voie à ceux qui te lisent déjà, ainsi qu'aux nouveaux qui te liront dans le futur et apprendront ainsi à connaître et apprécier les vins du Nouveau-Monde.

    Jules

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  2. Salut Jules,

    Mes salutations aussi à Pierrette. Merci pour les bons souhaits et pour les commentaires positifs. Pour ce qui est de tracer la voie, ce blogue demeure confidentiel, et donc très peu influent. C'est probablement pourquoi je m'emporte parfois quand je lis les médias à plus large diffusion rabâcher les mêmes clichés en matière de vin. Je n'ai rien contre l'approche classique du monde du vin, mais celle-ci est de plus en plus difficile et onéreuse. Toutefois, je demeure convaincu qu'il existe des voies alternatives pour accéder à ce monde qui sont toutes aussi satisfaisantes et éminemment plus abordables. C'est pourquoi j'aimerais voir les voix plus influentes sortir parfois des rengaines consacrées. Dans les milieux anglophones et hispanophones il est possible d'être entendu en tenant un discours alternatif, car des pays vinicoles importants du Nouveau-Monde parlent l'anglais et l'espagnol. Toutefois, dans le monde francophone ça demeure beaucoup plus difficile. La France demeure la référence mondiale en matière de vin et ici au Québec tout est analysé de ce point de vue. C'est compréhensible en un sens, vu l'affinité culturelle, mais c'est aussi lassant dans un autre, car il existe bien autre chose.

    Claude


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  3. Bonjour M. Vaillancourt,
    Tout d'abord, mes félicitations pour votre blog que je consulte avec plaisir et intérêt.
    J'ai goûté pour la première fois ce vin hier, dans le millésime 2009. Je n'ai pas été déçu, mais j'attendais un peu plus. Je sais que pour vous, ce vin mérite un peu de temps en cave, la seconde bouteille attendra donc quelques années. Toutefois, selon votre expérience de ce vin et ma perception d'hier, diriez-vous qu'il passe par des phases de fermetures ? C'est le sentiment que j'ai eu.

    Cordialement.

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  4. Bonjour Anonyme,

    J'ai ouvert une bouteille du 2009 il y a environ un mois et le vin m'est alors apparu très fidèle à l'idée que je me fais de ce vin en jeunesse et je ne l'ai pas perçu comme fermé, mais plutôt bien jeune. Pour ce qui est des phases de fermeture, ou de moindre expressivité, ça existe chez les chiliens, mais généralement sur des vins plus concentrés que ce Max Reserva. Dans la cas de ce vin, mon expérience m'a montré que je les préfère soit en prime jeunesse, comme pour le 2009, ou surtout après 8 à 15 ans de garde. Il s'agit donc de plus que deux trois années de cave. Il faut être patient et avoir confiance malgré le prix du vin qui semble indiquer le contraire. Voilà.

    Claude

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  5. J'ai ouvert une bouteille de 1999 ce midi au resto avec un ami qui commence à s'intéresser plus sérieusement au vin. Je voulais lui montrer de quoi avait l'air un vin avec un peu d'âge tout en démontrant qu'il existe des vins de garde encore offerts à des prix très abordables. Je pense l'avoir convaincu car ce 1999 était à son meilleur et vraiment très bon. Fidèle à l'idée que je me fais de cette cuvée après 10 à 15 ans de garde. La beauté, c'est que le 2010 actuellement offert à la SAQ se vend environ le même prix que j'avais payé il y a 10 ans pour ce 1999. C'est aussi un vin qui est souvent en promo, avec lequel il est possible de jumeler un rabais supplémentaire de 10%. J'en ai acheté lors de la dernière promo en combinant deux rabais. Il m'est ainsi revenu à 15$ la bouteille. Un classique à prix très modique.

    Claude

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